Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à notre collègue René-Paul Savary, membre de la commission des affaires sociales, qui suit de près ces questions et nous livrera son point de vue sur, notamment, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».
Je salue moi aussi la présence de notre collègue René-Paul Savary, avec qui je partage un certain nombre de préoccupations.
Je vous présenterai brièvement - et peut-être pour la dernière fois... - la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».
La mission « Régimes sociaux et de retraite » subventionne les déséquilibres financiers des régimes spéciaux, principalement ceux de la SNCF et de la RATP, qui absorbent les deux tiers des dotations, ainsi que ceux des marins et des mines pour l'autre tiers. Il est toutefois à noter le rattachement du régime complémentaire des exploitants agricoles, avec une dotation budgétaire de 55 millions d'euros, qui devrait être maintenue à ce niveau malgré la disparition de taxes à hauteur de 190 millions d'euros, les taxes sur les huiles et les farines, qui finançaient plus de 20 % des dépenses.
Les crédits de la mission baissent un peu, pour s'établir à 6,2 milliards d'euros, mais les incertitudes sont telles qu'il est inutile de commenter une évolution soumise à d'importants aléas. Ceux-ci sont renforcés par l'incertitude liée à la réforme du système des retraites. Par ailleurs, à la suite d'un contentieux, les conditions dans lesquelles une dette de l'État de l'ordre de 100 millions d'euros envers le régime de la SNCF sera honorée ne sont pas précisées. L'essentiel est que les subventions d'équilibre demeurent à un niveau élevé.
Cette stabilisation est quelque peu décevante au vu des réformes passées des régimes, mais, pour l'essentiel, ces dernières entreront en application dans les années à venir. La politique de revalorisation des pensions adoptée par le Gouvernement est de nature à augmenter les dépenses à hauteur de 27 millions d'euros, mais la sous-revalorisation mise en oeuvre en 2018 et en 2019 dégage des économies de près de 100 millions d'euros.
Les régimes spéciaux connaissent une progression spontanée assez significative de leurs dépenses du fait de la revalorisation des bases liquidatives, à l'inverse de ce qui se produit pour l'État.
Les subventions couvrent principalement les déséquilibres démographiques. Le rapport démographique de 1,3 dans le régime général n'est que de 0,65 à la SNCF et de 0,85 à la RATP. C'est l'origine de la majeure partie de la subvention de 3,3 milliards d'euros versée à la SNCF et de celle de 736 millions versée à la RATP. Il en va de même pour les marins, avec une subvention de 815 millions d'euros, et les mines, avec une subvention de 1,1 milliard d'euros.
Cependant, les déséquilibres démographiques ne sont pas indépendants des règles spéciales s'appliquant à ces régimes. Ces dernières ont été partiellement corrigées par les réformes, mais celles-ci n'exerceront leurs effets que dans le temps. Pour le moment, les âges de départ, qui ont augmenté, restent bas (cinquante-sept ans et cinq mois à la SNCF et cinquante-cinq ans et cinq mois à la RATP). Ils sont plus bas encore pour les agents de conduite (cinquante-deux ans), cette situation pouvant être discutée selon l'opinion que l'on se fait de la pénibilité des métiers. Ainsi, les périodes de retraite sont assez inhabituelles (plus de quarante ans avec les réversions à la RATP) : elles sont supérieures à la durée d'activité. La montée en puissance des réformes concernant les conditions d'âge se traduira par des économies substantielles.
Les régimes spéciaux, du fait de cette perspective, mais aussi de l'extinction de certains régimes, comme le régime minier, devraient parvenir à un meilleur équilibre et, par là même, beaucoup moins solliciter la subvention publique. Les engagements de l'État actualisés se situent en cumulé entre 120 et 160 milliards d'euros pour la période allant de 2017 à 2050. Cela correspond à une réduction des besoins de financement projetés. Dans le compte général de l'État, les soldes financiers des régimes se rétablissent et se stabilisent à terme autour de 1,4 milliard d'euros, contre 6,2 aujourd'hui.
Toutefois, cette perspective, qui est évidemment soumise aux aléas de la vie économique, a été remise en cause par l'adoption du « pacte ferroviaire ». Celui-ci instaure un nouveau régime fermé, les nouveaux salariés de la SNCF étant appelés à être recrutés hors statut. Les pertes de recettes du régime des anciens salariés s'accentueront en cours de période, les baisses de dépenses intervenant plus tardivement. L'opération se solde par un alourdissement des engagements de couverture de l'État de 1,7 milliard d'euros par an à l'horizon de 2050.
Le CAS « Pensions », avec des crédits de paiement à hauteur de 59 milliards d'euros, connaît, de son côté, des évolutions très modérées. Les dépenses progressent de 1 %, soit à peu près au même niveau que les recettes toutefois un peu moins dynamiques. Concernant les dépenses, la sous-revalorisation des pensions permet d'économiser plus de 600 millions d'euros bruts, la revalorisation de 0,3 % au 1er janvier augmentant les dépenses de 147 millions d'euros. Le bilan est positif pour l'État, avec une économie en 2019 de près de 500 millions d'euros. L'écart est sensible pour la pension moyenne avec 250 euros de moins. Les pensions nouvellement liquidées le sont sur une base qui décroche depuis quelques années de l'inflation. C'est l'effet de la faible revalorisation indiciaire. Seuls échappent à celle-ci les personnels bénéficiant du glissement vieillesse-technicité (GVT), ce qui avantage certains hauts fonctionnaires. Les recettes progressent moins que la masse salariale de l'État en raison de la structure de rémunération qui réserve une place importante aux primes généralement non cotisées, mais aussi du fait de la déformation de l'emploi public. Depuis quelques années, la part des contractuels non affiliés a augmenté de plus de quatre points ; elle était supérieure à 16 % en 2016.
Malgré des recettes évoluant très peu, le solde financier devrait demeurer à peu près inchangé, en excédent de 1,6 milliard d'euros. Le solde cumulé atteindrait 8,4 milliards à la fin de l'année 2019. Ces dernières années, la progression des cotisations salariales a permis de couvrir les dépenses supplémentaires, si bien que le supplément de contribution employeur de l'État a contribué à améliorer le solde du CAS.
Les soldes financiers des régimes couverts par le CAS devraient demeurer plus ou moins positifs dans tous les scénarios à l'horizon de 2070, au contraire du solde du régime général qui exigera que la croissance soit supérieure à 1,5 %.
Les perspectives du CAS reposent sur une forte réduction de la valeur relative de la pension servie par rapport au revenu moyen d'activité. La valeur réelle de la pension servie progresserait de 50 % entre 2017 et 2070, même si le niveau de vie des retraités relatif chutait de 25 % par rapport à l'ensemble de la population.
Face à ces perspectives, les conditions de liquidation des pensions dans le régime général et dans la fonction publique sont très différentes. Aujourd'hui, le taux de remplacement est nettement plus élevé dans le régime général en raison de l'exclusion des primes des fonctionnaires de la base de liquidation.
Le pilotage implicite de l'équilibre financier des régimes de retraite passe par une dégradation de l'assiette de liquidation des pensions. Dans le régime général, le calcul sur les vingt-cinq meilleures années de salaires qui ne sont revalorisées que de l'inflation concourt à ce décrochage. Dans la fonction publique, le calcul sur les six derniers mois permet une revalorisation qui tient compte des progressions de carrière. Aussi, le taux de remplacement de la fonction publique ne perdra que de cinq à sept points contre quinze points dans le régime général.
Malgré les différences entre les régimes de liquidation, les avantages relatifs du régime des fonctionnaires ne doivent pas être exagérés. J'observe cependant que plus la rémunération est élevée, moins elle est cotisée. Dans un régime à cotisations définies et à points, comme celui qui est actuellement envisagé, ceci pose question.
Dans le cadre de la réforme, il faut donc évoquer ici le projet d'intégrer les primes des fonctionnaires. Cela impliquera, outre un certain nombre de modifications dans la répartition des droits entre catégories, une réduction du pouvoir d'achat courant, compensée par la constitution de droits nouveaux, mais dont la conversion en revenus sera fortement différée. Combiné avec l'application du prélèvement à la source, l'effet « feuille de paye » s'annonce assez délicat.
Je vous propose d'adopter les crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale.
Je m'exprimerai ici à titre personnel, la commission des affaires sociales n'ayant pas encore examiné cette mission. Nous ferons les mêmes remarques que l'an dernier.
Je note les différentes approches entre le CAS « Pensions » et la mission « Régimes spéciaux et de retraite », avec, d'un côté, des recettes et des dépenses exposées avec une vision réaliste de la situation et, de l'autre, une subvention d'équilibre, à hauteur des deux tiers du financement des pensions des régimes spéciaux, qui ne reflète pas la réalité des problèmes.
Les problèmes sont différents d'un régime à l'autre ; j'ai pu le constater au travers des auditions que j'ai organisées en tant que futur rapporteur du projet de loi sur les retraites. Il faudra pourtant en tenir compte lors de la réforme. Comment ces spécificités seront-elles transcrites ? Comment parvenir à une équité ? Des mesures ont certes déjà été prises concernant l'âge de départ à la retraite : on arrive à une uniformisation.
Aujourd'hui, il y a une part forfaitisée, si je puis dire, au travers d'une subvention d'équilibre, et une cotisation patronale de l'État. À l'avenir, comment clarifiera-t-on la situation d'employeur de l'État pour parvenir à un régime universel ?
Quant aux coûts de gestion des régimes spéciaux, ils sont importants. La réforme concernera 96 % des salariés ; il n'y aura donc plus de place pour les régimes de retraite complémentaires obligatoires. Il conviendra d'améliorer les coûts de gestion (plus de 320 millions d'euros annuellement pour l'ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires).
Je partage les observations formulées par votre rapporteur spécial dans leur intégralité.
Ce rapport nous permet de toucher du doigt la difficulté d'harmoniser les régimes spéciaux, le régime général et les pensions des fonctionnaires. De façon générale, se pose, à nos yeux, le problème de la majoration de 0,3 % des retraites en termes de pouvoir d'achat. Néanmoins, je ne vois pas comment nous pourrions ne pas voter les crédits de cette mission et du CAS « Pensions ».
Concernant les coûts de gestion, j'ai lu que le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » est géré à Périgny en Charente-Maritime. La situation des personnels a-t-elle été évoquée, alors même que l'on nous parle de déconcentration ?
Par ailleurs, on a tendance à nous dire que les pensions des fonctionnaires de l'État sont importantes en raison du calcul sur les six derniers mois. Mais se pose la problématique des primes. De nombreux départs à la retraite de personnels de catégorie C sont prévus, alors que les personnels de catégorie A et A+ partent généralement après l'âge légal et bénéficient de la surcote. Que sait-on sur ce sujet ? La suppression des 50 000 fonctionnaires au cours de la législature a-t-elle été prise en compte dans l'équilibre global des pensions ? Vous l'avez noté, l'État envisage de recourir plus encore aux contractuels.
Un grand chambardement va se produire à la suite du rapport de M. Delevoye, ancien sénateur : on peut être sénateur et réformer !
Je relève le poids des régimes spéciaux, avec une contribution de plus de 6 milliards d'euros, ce qui est considérable. Si l'on peut comprendre cette forme d'héritage culturel, les divers régimes vont devoir s'uniformiser pour ce qui concerne tant l'âge du départ à la retraite que le calcul des retraites. Nous abordons ici ce sujet difficile de manière sereine. L'ensemble des membres du groupe du RDSE sans doute votera ces crédits.
Je profite de la présence du rapporteur du futur projet de loi sur les retraites pour poser une question relative aux petites retraites de 600 ou 700 euros. Des personnes licenciées à quelques mois ou trimestres de leur départ à la retraite souhaitent bénéficier du dispositif du cumul emploi retraite. Or elles cotisent pour la retraite, sans voir la leur abonder pour autant. Ces personnes se démènent pour vivre des revenus de leur travail et non pas des minima sociaux ou de différentes aides. Ne conviendrait-il pas de faire évoluer cette situation ?
Je tiens à souligner que la future réforme est très anxiogène pour les militaires. Il est aujourd'hui difficile de dire aux futurs recrutés ce qu'il adviendra de leur retraite. Or c'est un élément très important dans une carrière militaire.
Thierry Carcenac, la revalorisation de 0,3 % des retraites seulement entraîne un boni de 500 millions d'euros pour l'État. On ne sait pas ce que deviendront les personnels des sites qui gèrent toutes les caisses de retraite, ainsi que les bâtiments. À l'heure actuelle, on est encore bien loin de tout cela. A priori, une seule structure pourrait assurer le pilotage.
On observe effectivement des surcotes dans les personnels de catégorie A, ce qui participe à une certaine iniquité mais résulte aussi de la faiblesse des taux de remplacement. Cette question fait partie des aléas comportementaux dans l'évolution du CAS dont j'ai parlé.
Le départ prévu de 50 000 fonctionnaires induit 50 000 cotisants en moins. Cela correspond toutefois à moins de 2,5 % de la masse salariale publique. Je l'ai dit, on a de plus en plus recours aux contractuels.
Jean-Claude Requier, les régimes spéciaux sont là pour compenser un déséquilibre démographique. Comme l'a souligné René-Paul Savary, dans le cadre de la réforme des retraites, nous ne savons pas comment seront traduits certains avantages réels, comme l'âge de départ à la retraite à la SNCF ou à la RATP. La contribution de 6,2 milliards d'euros n'est pas uniquement due au déséquilibre démographique. Revoir le départ à la retraite à cinquante-deux ans du personnel roulant de la SNCF risque de faire quelques vagues.
Christine Lavarde, le régime à points réglerait le problème du cumul que vous avez évoqué : dès lors que l'on travaille, on cotise et on acquiert donc des points.
Aujourd'hui, ces personnes sont obligées de cotiser et ne perçoivent rien de plus.
La situation n'est pas satisfaisante aujourd'hui, mais la réforme devra résoudre ce problème.
Même si une simplification est opérée au travers des points - chaque rémunération donnera des points -, il faudra voir comment s'exercera la solidarité. Se pose notamment le problème des petites retraites, qui sont aujourd'hui compensées par le biais du minimum contributif (MICO), une prestation complémentaire permettant d'avoir une retraite minimale. Demain, la part de solidarité doit rester identique sur le plan macroéconomique (20 % de l'ensemble des prestations), mais on ne sait pas comment elle se déclinera.
J'ajoute que la commission des affaires sociales proposera de décaler de six mois, dès 2020, l'âge du départ à la retraite pour arriver à soixante-trois ans, levier incontournable pour équilibrer le régime des retraites en assurant des pensions décentes. Concernant le pouvoir d'achat des retraités - nous n'avons pas été insensibles à cette préoccupation -, nous proposerons un amendement visant à indexer, dès 2019, les pensions sur l'inflation selon un mécanisme identique à celui qui était en vigueur avant 2015, de façon à limiter la diminution du pouvoir d'achat.
L'âge du départ à la retraite nettement plus précoce des cheminots tient à des raisons historiques. À l'époque, beaucoup mouraient malheureusement de maladies professionnelles et ne bénéficiaient pas de leur retraite. Au regard des évolutions techniques, ces avantages sont aujourd'hui beaucoup moins justifiés. Un conducteur de bus a même une plus grande responsabilité individuelle qu'un conducteur de train automatisé. Ces avantages sont encore moins justifiés pour les personnels administratifs : du fait de la bonification pour enfants, certaines employées de cinquante-trois ou cinquante-quatre ans partent à la retraite. Même si l'âge a été relevé, on sait que l'âge effectif ne correspond pas à l'âge légal. Il s'agit d'arriver progressivement à faire converger l'âge du départ à la retraite avec la réalité actuelle. D'ailleurs, connaissez-vous l'âge effectif de départ à la retraite des non-roulants à la RATP ?
L'âge moyen est de cinquante-sept ans et cinq mois. À la page 48 du rapport, vous trouverez un tableau établissant la répartition des retraités selon leur âge.
Je note que 53 % des personnels de la RATP de moins de cinquante-six ans partent à la retraite !
J'ajoute que les réformes successives ayant fait passer l'âge de départ à la retraite pour les roulants de cinquante à cinquante-deux ans et cinquante-cinq à cinquante-sept ans pour les non-roulants se sont chaque fois accompagnées d'avantages salariaux relativement coûteux.
Par ailleurs, avec les mécanismes de décote et de surcote, mécaniquement, l'âge légal de départ à la retraite est plutôt de soixante-quatre ans pour avoir une retraite décente ; les projections à long terme intègrent d'ailleurs la perspective d'un report de l'âge effectif de départ à la retraite bien au-delà de 62 ans.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
Au Sénat, nous sommes particulièrement familiers du phénomène de dévitalisation progressive de nos territoires. Qu'ils soient ruraux ou urbains, nous sommes tous confrontés à des difficultés similaires tenant à la disparition de commerces de proximité au profit des centres périphériques de consommation et au commerce en ligne. Pour autant, nous sommes convaincus qu'il n'y a pas de fatalité et qu'une action résolue et conjointe permettra d'enrayer les problèmes.
Tel était d'ailleurs l'objet de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs adoptée par le Sénat en juin dernier, sur l'initiative de nos collègues Martial Bourquin et Rémy Pointereau. Notre commission s'était alors prononcée sur le rapport pour avis de notre collègue Arnaud Bazin. Nos travaux de commission relatifs à l'essor du commerce en ligne ainsi qu'aux nouveaux moyens de paiement concernent aussi directement ces thématiques.
C'est d'ailleurs sous l'angle de l'accès aux espèces que la proposition de loi visant à lutter contre la désertification bancaire dans les territoires ruraux de notre collègue Éric Gold aborde la question.
Faisant le constat d'un accès parfois difficile aux espèces dans les territoires ruraux, ce texte souligne les conséquences en chaîne qui pourraient en résulter pour l'activité commerciale locale. En réponse, deux solutions complémentaires sont proposées dans chacun des deux articles qui la composent, le troisième étant classiquement dévolu au gage relatif au tabac. L'article 1er prévoit la création d'un fonds dédié au maintien et à la création de distributeurs automatiques de billets dans les communes rurales. L'article 2 étend la mission d'aménagement du territoire confiée à La Poste, en prévoyant que chacun des 17 000 points de contact sur le territoire doit comprendre un distributeur automatique de billets.
Cette proposition de loi se distingue donc par une double singularité : géographique, d'une part, puisque seuls les territoires ruraux sont visés ; thématique, d'autre part, puisque l'accès aux espèces est envisagé par le seul recours aux distributeurs automatiques de billets. J'y vois à la fois un atout et une limite.
Un atout, car la proposition de loi se concentre sur des cas précis confrontés à un cumul de difficultés : des territoires mal couverts par les réseaux de télécommunication, dans l'incapacité de faire fonctionner des terminaux de paiement par cartes bancaires, souvent géographiquement enclavés et délaissés par les établissements bancaires.
Un inconvénient, car, pour des situations précises, est envisagée une réponse globale, qui me paraît peu adaptée à deux égards.
D'abord, le fonds dont il est proposé la création prévoit d'apporter une réponse nationale, qui s'accompagnera nécessairement d'une rigidité. Or c'est une réponse immédiate, souple et laissant la mainmise à l'initiative locale qui est nécessaire. Je relève que l'essentiel des modalités du fonds est renvoyé à un décret en Conseil d'État, ce qui n'est pas la meilleure méthode.
Ensuite, le fonds comme la présence obligatoire d'un distributeur automatique de billets dans un point de contact sous-tendent une même évolution, à savoir la mise en oeuvre d'un filet de sécurité public pour l'accès aux espèces. À l'heure où les établissements bancaires s'interrogent sur le redimensionnement de leur réseau - l'investissement est de 90 000 euros et les frais liés au fonctionnement et à l'entretien d'un distributeur automatique de billets s'élèvent à 14 000 euros par an, je crains un effet d'engrenage. En voulant traiter des défaillances ponctuelles, nous pourrions déplacer la charge sur les établissements bancaires. Or je ne pense pas que telle soit notre volonté. C'est pourquoi il ne m'a pas paru opportun de préciser le champ du fonds.
Concernant les ressources prévues pour alimenter le fonds, l'affectation d'une fraction du produit de la taxe pour le financement du Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts à risque n'est pas possible, car il s'agirait d'un changement d'affectation : en vertu de l'article 36 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), seule une loi de finances peut y procéder. D'ailleurs, je rappelle que ce fonds a été créé pour résorber les emprunts toxiques.
Je rejoins toutefois l'auteur de cette proposition de loi, les défaillances ne sont pas acceptables et un égal accès aux espèces doit être assuré pour tous. Pour ce faire, il me semble préférable de recourir au Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), qui doit jouer un rôle dans l'accompagnement des commerçants volontaires pour accueillir en leur sein un distributeur automatique de billets. Pour certains territoires non couverts par les réseaux de communication, c'est l'unique recours envisageable. Un tel soutien du Fisac est possible aux termes des missions que lui confère le code de commerce ; je vous proposerai un amendement pour le préciser expressément. La semaine dernière, notre commission a adopté un amendement visant à conforter l'existence de ce fonds, menacé par le projet de loi de finances pour 2019 ; cet amendement me paraît plus que jamais indispensable.
Concernant l'extension de la mission d'aménagement du territoire de La Poste, cette évolution ne me paraît pas souhaitable. Je ne suis pas certaine que tous les maires se réjouissent à l'idée d'installer un distributeur automatique de billets dans leur agence postale communale. De surcroît, le jeu de la libre concurrence pourrait paradoxalement conduire La Poste à héberger des distributeurs automatiques de billets d'un établissement bancaire concurrent de La Banque postale ! Je vous proposerai donc de supprimer l'article 2.
Lors des auditions que j'ai conduites, il m'a été indiqué qu'un groupe de travail sur l'accessibilité aux espèces avait récemment été mandaté par la Banque de France : celui-ci doit recenser l'offre d'accès aux espèces, tous canaux confondus, et définir les scénarios d'organisation de la distribution permettant de garantir l'accessibilité des espèces. Ce travail est complexe, compte tenu de la multiplicité des modes d'accès aux espèces. Aux côtés des distributeurs automatiques de billets des établissements bancaires il y a également des distributeurs dans des commerces (les 4 000 points relais), les services postaux ainsi que, dès la fin d'année sans doute, le « cashback ».
C'est à partir de ces différents outils que le groupe de travail doit remettre une cartographie en janvier prochain, qui mettra en évidence les situations de défaillance. Il sera alors indispensable de définir, entre acteurs publics et privés locaux, une solution à partir de la palette d'outils que j'ai mentionnée. J'ai rencontré Philippe Wahl et Rémy Weber, présidents de La Poste et de La Banque postale, qui m'ont assuré de leur entière coopération en la matière. Je vous mets en garde sur l'effet pervers à constituer un fonds pour maintenir les distributeurs automatiques de billets. Il ne faudrait pas que les banques se mettent à exiger le recours à ce fonds pour rester sur le territoire.
Enfin, je voudrais mentionner quelques éléments chiffrés. En France, il existe 56 000 distributeurs automatiques de billets dans 14 400 communes. Depuis 2011, la baisse du nombre de retraits en espèces, de 6 %, est supérieure à la baisse du nombre de distributeurs automatiques de billets, de 4,1 %, tandis que les paiements par carte bancaire ont augmenté de 43 %, s'élevant à 10,5 milliards d'euros en 2017. Le plafond de paiements en espèces est passé de 3 000 euros à 1 000 euros. Dans 17 000 points de contact, 6 305 agences postales communales peuvent délivrer jusqu'à 350 euros en espèces par semaine et 2 746 relais postes peuvent délivrer jusqu'à 150 euros. Le paiement par carte bancaire est aujourd'hui possible à partir d'un euro. Le paiement sans contact a été multiplié par cinq entre 2015 et 2017 et atteint 1,2 milliard d'euros. L'installation d'un distributeur automatique de billets n'est pas seulement liée à son coût ; les questions de lutte contre la fraude et le blanchiment, la sécurité des agents et du transport de fonds ainsi que le contrôle des billets sont soumis à des règles exigeantes.
Dans ces conditions, je vous propose d'adopter les amendements que je vous présenterai et d'adopter la proposition de loi ainsi réécrite.
De nombreuses agences bancaires ferment dans des territoires déjà désertés par nombre de services publics, de services au public. Différents groupes bancaires prévoient la fermeture de plus de 400 agences en deux ans ; d'autres 450 établissements d'ici à 2020 ; 236 guichets ont été fermés au cours de ces dernières années. Si de nombreuses opérations bancaires et de paiement sont désormais dématérialisées, il n'en demeure pas moins que tous les territoires ne peuvent pas bénéficier de la même couverture numérique.
Deux logiques m'ont animé, qui peuvent s'entendre individuellement. Je propose que des communes menacées, voire victimes de désertification bancaire, puissent subventionner des banques conventionnées grâce à la création d'un fonds alimenté par des banques. Je propose également de renforcer le maillage territorial via l'introduction d'un critère de distance minimale entre les bureaux postaux.
Le Sénat, dans sa mission de représentation des territoires, se doit de lutter contre la désertification bancaire. La réécriture totale de la proposition de loi par un amendement tendant à réduire cette lutte à une extension des missions du Fisac, appelé à disparaître, enverrait, à mon sens, un signal négatif à destination des élus locaux. Rien ne dit que l'amendement de la commission des finances visant à pérenniser l'existence de ce fonds dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 sera adopté. Le « cashback » ne constitue pas un palliatif, compte tenu notamment du montant maximum pouvant être décaissé et des horaires d'ouverture des commerçants.
Cet amendement très limitatif ne permet pas à mon sens de lutter efficacement contre la désertification bancaire et n'envoie pas un bon signal aux territoires. Je l'accueillerais plus favorablement s'il pouvait se conjuguer avec le dispositif prévu pour la création d'un fonds et le maintien des distributeurs automatiques de billets dans les territoires ruraux, financé par les banques. Je ne renonce pas à l'idée de proposer d'ici à la séance publique un amendement prévoyant un mode de financement plus approprié. Peut-être pourrions-nous profiter de l'examen ce texte pour montrer la capacité du Sénat à accompagner les territoires les plus en difficulté. Nous ne pouvons guère proposer uniquement une extension des missions du Fisac, qui est voué à disparaître, je le répète.
Cette proposition de loi est intéressante, même si elle n'est peut-être pas parfaite. Pour répondre à la rapporteure, la commune signerait une convention. Les groupes de travail, c'est comme les commissions : plus on en crée, plus on enterre des dossiers. En outre, on le sait très bien, le Fisac est mort-né, et notre amendement ne sera sûrement pas accepté par le Gouvernement.
Vous avez beaucoup parlé de La Poste, mais on ne peut pas tout miser sur cette entité. Pour le moment, elle doit respecter les missions de service public, mais peut-on être sûr que les petits villages ne seront pas un jour abandonnés ? Dans ma petite commune, le distributeur automatique de billets attire du monde, ce qui est positif pour les petits commerces. Je suis donc favorable à ce texte et je le soutiendrai.
Cette proposition de loi illustre l'inégalité à laquelle sont confrontés nos concitoyens face aux services publics. Au travers des distributeurs automatiques de billets, les zones blanches sont ici visées. La Poste répond assez bien aux missions de service public qui lui sont confiées, contrairement à l'opérateur Orange. Depuis un an, certains territoires sont privés du réseau cuivre. Cette situation est insoutenable. Je vous invite, mes chers collègues, à soutenir ce texte pour montrer les inégalités insupportables qui existent sur notre territoire.
On comprend bien l'idée que sous-tend cette proposition de loi. Sur le fond, on ne peut qu'être d'accord : il nous semble normal que tous les citoyens puissent accéder aux espèces sur tout le territoire. Mais que paie-t-on en liquide ? On retire des espèces pour consommer sur place. Encore faut-il qu'il y ait des commerces !
Qui plus est, c'est un texte de transition. Orange est certes sous le coup d'une amende très importante, mais la fibre optique est le projet de demain. Il serait bizarre d'adopter une loi dont la mise en oeuvre serait problématique. Le Fisac risque de mourir, faute d'ailleurs d'avoir été souvent mal utilisé, il faut le dire. J'aurais tendance à prôner d'autres solutions et, donc, je soutiens les propositions de Sylvie Vermeillet.
Cette proposition de loi pose une vraie question. Des zones entières, y compris des villes d'une certaine importance, se retrouvent aujourd'hui sans aucun distributeur automatique de billets. Or la réalité, c'est que l'on ne peut pas utiliser la carte bancaire partout.
Ce problème étant posé, les réponses sont multiples. Historiquement, la France a un niveau de bancarisation très élevé, alors que de nombreux pays offrent la possibilité de retrait chez les commerçants. Introduit dans la loi ratifiant l'ordonnance de transposition de la seconde directive concernant les services de paiement dans le marché intérieur (dite « DSP 2 »), le « cashback » permet le retrait d'espèces chez un commerçant, lequel est rémunéré à cet effet. Par ailleurs, dans de nombreux pays, comme les États-Unis, on trouve des distributeurs automatiques de billets dans les commerces, ce qui coûte beaucoup moins cher en termes de maintenance. C'est aussi le coût de recharge du distributeur, avec le transport de fonds, qui est onéreux. C'est donc une piste à creuser, surtout pour les commerces dont l'équilibre est fragile.
Vous le savez, l'administration fiscale cherche à ne plus avoir un centime dans les trésoreries. La Poste répondra sans doute à cette mission, mais le ministre parle aussi des buralistes.
Dans ces conditions, je ne suis pas certain que cette proposition de loi réponde à tous les problèmes. D'ailleurs, comment le fonds prévu sera-t-il alimenté ? Je crains que les dons prévus à l'article 1er ne soient pas nombreux...
Je salue la proposition de loi de notre collègue Éric Gold et je remercie l'analyse de notre rapporteure et les propositions qu'elle a émises. Ce texte évoque une problématique réelle sur nos territoires. L'idée de maintenir, voire de développer, un maillage sur nos territoires pour permettre à nos concitoyens d'accéder aux espèces me semble indispensable. J'ajouterai deux remarques.
Les populations dans nos territoires sont vieillissantes. Même si elles ne sont pas nécessairement réticentes à l'évolution des modalités de paiement, des habitudes se sont créées, et une part importante de la population a besoin d'espèces. De plus, les commerces dans nos territoires développent une activité relativement réduite et sont réservés sur l'utilisation de la carte bancaire au regard du coût que cela représente.
Il s'agit là d'un enjeu lié à l'aménagement du territoire, comme on l'évoque assez régulièrement dans cette institution. Récemment encore, nous avons adopté à l'unanimité la proposition de loi Bourquin-Pointereau. Ce texte s'inscrit aussi parfaitement dans le programme « Action coeur de ville » porté par le Gouvernement.
Certes, la question des ressources reste à affiner ; je ne suis pas sûr que la solution du Fisac soit la plus pertinente puisque la suppression de ce fonds est envisagée. En revanche le financement par les banques me semble justifié, car elles exercent une responsabilité sociale et territoriale, contrepartie de l'accès à une épargne abondante : le rapport entre l'encours de dette et l'épargne est particulièrement faible dans ces territoires. L'obligation de leur demander de mettre la main à la poche est intéressante.
Je terminerai par deux propositions : si un distributeur automatique de billets doit être fermé, il faut envisager un redéploiement dans le même périmètre et éviter la concurrence inutile dans les petites collectivités territoriales. Dans ma commune, j'ai obtenu, après dix ans de négociations, l'implantation d'un distributeur automatique de billets par La Banque postale ; trois mois plus tard, un autre distributeur était installé par le Crédit agricole à quelques dizaines de mètres, le tout dans une zone de chalandise de 2 500 habitants ! C'est inacceptable. Ce texte traite donc d'un sujet bien réel, même s'il n'aura vocation à s'appliquer que dans une période de transition d'une dizaine d'années.
Je souhaite rappeler Jérôme Bascher à la réalité des territoires ruraux : les distributeurs automatiques de billets dans les communes où il n'y a pas de commerces sont moins à craindre que l'absence de distributeurs automatiques de billets dans les communes où il y a des commerces ! Aucun risque de ce côté-là.
L'enjeu de ce texte est la présence de services dans les territoires à faible densité de population. Nous savons qu'un jour les espèces ne seront plus utilisées, mais, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres de la révolution numérique, il faut réussir la gestion humaine et sociale des périodes transitoires. Les générations les plus anciennes ont du mal à passer au « tout numérique ».
Si le « cashback » se développe, par qui sera rémunéré le commerçant pour cette prestation ? Par la banque ou le client ?
Cette proposition de loi a tout son sens, même si, comme la rapporteure l'a souligné, il faut la faire évoluer jusqu'à un équilibre satisfaisant. Elle marque le besoin de conforter les services en milieu rural.
Ce texte répond à un besoin exprimé par ceux qui n'ont pas encore vécu la révolution monétique. J'ai été membre d'une commission départementale de présence postale territoriale. Les activités postales de La Poste relèvent d'une mission de service universel, mais pas ses activités bancaires. La rémunération et le financement du dispositif sont assurés, au départ, par La Poste, mais font ensuite l'objet d'une compensation, par le biais d'un prélèvement sur le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), jusqu'à ce qu'une convention soit signée entre l'Association des maires de France (AMF) et La Poste. Implanter de nouveaux distributeurs automatiques de billets est problématique eu égard à cette enveloppe, votée par le Parlement, dont le montant résulte d'une évaluation menée par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). De plus, ces dispositifs sont examinés par la Commission européenne au regard des règles relatives aux aides d'État applicables aux services d'intérêt économique général. Pour les collectivités territoriales, le financement proposé est un manque à gagner puisqu'il est alimenté par un prélèvement sur les impôts locaux non compensé par l'État.
De plus, il existe une solution moins coûteuse que les distributeurs automatiques de billets : les points de retrait, qui sont plus faciles à gérer parce que moins sécurisés et moins approvisionnés. Le besoin, cependant, est incontestable.
Les mesures proposées dans ce texte revêtent sans doute un caractère provisoire, avec la dématérialisation - quoiqu'il puisse se produire des retours en arrière : on assiste ainsi, dans un autre domaine, à un retour au vrac, dont on redécouvre les vertus face à l'emballage systématique.
Je suis favorable à l'esprit de cette proposition de loi : il faut restaurer de la proximité dans les territoires ruraux où le handicap du déplacement est prégnant, qu'il soit lié à la vitesse de circulation ou au prix du carburant...
Il faut également tenir compte, en plus des activités commerciales, de celles des particuliers dans leurs activités de loisir, associatives ou touristiques. La clientèle étrangère privilégie parfois le liquide ; le chèque n'offre pas toutes les garanties de solvabilité et la carte bancaire ne peut pas toujours être utilisée. Il faut aussi se poser la question du coût de traitement des transactions par carte à un euro... Le chèque a lui aussi un coût de traitement, et certaines banques refusent d'en émettre en dessous d'un certain montant. Les territoires ruraux ont besoin de solutions à court terme, et pas seulement de perspectives à dix ans.
Le financement de ces mesures doit, à mon avis, être assuré par le secteur bancaire et non par des fonds publics. Le système doit financer un service qui lui est bénéfique.
Il est de tradition, confirmée par une Conférence des présidents de 2016, qu'une proposition de loi examinée dans le cadre de l'espace réservé d'un groupe ne soit pas modifiée en commission sans l'accord de celui-ci. En l'absence de cet accord, des amendements de commission peuvent être examinés sous la forme d'amendements de séance.
À mon tour de vous rassurer, Jérôme Bascher : il n'y a pas de risque qu'une commune signe une convention avec un établissement bancaire sans avoir de commerce sur son territoire. Le bon sens paysan est demeuré dans les communes rurales !
Il convient de prévoir, dans ces conventions, un financement par le système bancaire et par la commune si elle le souhaite. Mais si le financement repose entièrement sur les banques, ce texte n'est pas nécessaire puisqu'elles implanteront les distributeurs là où elles le souhaiteront. Il est déjà possible de retirer de l'argent dans les commerces grâce aux points relais de certains établissements bancaires, avec deux limites : les horaires d'ouverture des commerces et l'importance du dépôt d'argent liquide nécessaire.
C'est un texte d'appel, qui attire l'attention sur le manque de distributeurs dans certains territoires. Une commune rurale a besoin de commerces ; ceux-ci ont besoin d'un distributeur automatique de billets ; et, enfin, le distributeur automatique de billets nécessite un espace pour se garer devant. De plus, dans le cadre des festivités, les jeunes retirent beaucoup d'argent liquide, puisque c'est le mode de paiement privilégié. Ce texte rend compte des difficultés du monde rural ; le groupe du RDSE souhaiterait qu'il soit présenté en séance en l'état.
Dernière remarque : en Occitanie, on appelle le distributeur de billets un « tiradou » ! C'est un signe que les populations se sont approprié le service et souhaitent le conserver, au bénéfice de l'économie locale.
Éric Gold, votre texte prévoit que le fonds dédié au maintien et à la création de distributeurs automatiques de billets sera financé par un fonds alimenté par les banques ainsi que par une contribution de la Caisse des dépôts et consignations. Il y a donc bien un recours à des ressources publiques.
Je partage les observations de plusieurs d'entre vous sur les nécessités liées à l'aménagement du territoire, d'autant que je suis du Jura, un département très rural. Mais il faut que votre dispositif puisse être mis en oeuvre ! Le texte mobilise une fraction de la taxe qui alimente le Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts à risque, financé par les établissements bancaires, mais qui est prévu uniquement pour la résorption des emprunts toxiques. Or le détournement de l'objet d'une taxe ne peut résulter, je le répète, que d'une disposition de loi de finances, aux termes l'article 36 de la LOLF. Je suis tout à fait favorable à un financement par les banques, mais c'est techniquement impossible dans la rédaction retenue.
Un décret fixera, avant la fin de l'année, le montant maximal autorisé du « cashback », qui n'est pas encore connu. Dans ce cadre, une commission serait prélevée par le commerçant.
J'ai pris note de vos doutes à l'égard du Fisac. J'ai proposé cette solution dans l'esprit de l'abondement de ce fonds, voté par notre commission la semaine dernière notamment pour financer l'entretien des 2 000 stations-service de proximité. Je conviens cependant que l'on ne peut pas trop demander à La Poste. Comme Thierry Carcenac. je siège dans une commission départementale de présence postale territoriale... J'y entends les représentants de l'entreprise nous répéter combien le maintien d'une présence postale est difficile et coûteux. L'obligation d'implantation des distributeurs automatiques de billets ajoutera à ces difficultés, et nous n'avons pas intérêt à porter atteinte à la compétitivité de La Poste. Les efforts demandés doivent être soutenables.
Yvon Collin, je suis tout à fait d'accord avec vous : les zones blanches sont inacceptables, et c'est précisément l'objet de mon premier amendement que de permettre la mobilisation du Fisac pour les commerces situés dans ces zones. Ceux-ci subissent une double peine : l'absence d'accès au numérique est aggravée par l'impossibilité d'installer des terminaux numériques pour cartes bleues.
Je rappelle qu'il existe 4 000 points relais chez des commerçants, sur la base de conventions entre ceux-ci et les organismes bancaires. Les points retraits, sur le même principe, seraient en effet une solution économique, comme l'a souligné Thierry Carcenac.
Pour répondre à Patrice Joly, le financement par les banques peut se défendre, mais il n'est techniquement pas possible. En revanche, je partage l'avis selon lequel il faut éviter la concurrence inutile.
La transition que vous avez évoquée sera courte. Les paiements par carte bancaire ont augmenté de 43 % et les paiements sans contact ont été multipliés par cinq entre 2015 et 2017. Ce ne sont pas les campagnes, mais les villes qui ont réduit l'accès aux espèces. Les 17 000 points postaux desservent une population âgée, utilisatrice du livret postal.
Je répète que l'obligation d'implanter un distributeur automatique de billets dans un point de présence postale n'implique pas que ce distributeur automatique de billets appartienne à La Banque postale.
J'en conviens, Jean-Marc Gabouty, les espèces peuvent être nécessaires au tourisme, mais, surtout, il n'est pas acceptable que des commerçants, dans les territoires non couverts numériquement, ne puissent pas installer des terminaux de carte bancaire.
Enfin, je comprends et respecte la position exprimée par Jean-Claude Requier, même si je pensais être parvenue à un accord avec Éric Gold. En l'état je proposerai un rejet du texte, qui pose un problème de forme : je vous renvoie à l'article 36 de la LOLF.
Le groupe du RDSE se ralliera à l'avis de l'auteur de la proposition de loi.
Je souhaite que ce texte d'appel puisse être discuté tel quel en séance publique, pour que soient évoquées les problématiques du clivage entre l'urbain et le rural, les zones couvertes et les zones non couvertes, celles qui sont abandonnées par les services et celles où ils s'y maintiennent. Le groupe du RDSE pourra lui aussi y apporter des amendements.
Laissons la proposition de loi être discutée en séance publique dans sa formulation initiale, ne nous y opposons pas, nous aurons le débat dans l'hémicycle et la rapporteure aura l'occasion d'exprimer à nouveau sa position.
Les propositions formulées par notre rapporteure Sylvie Vermeillet pourront être reprises sous forme d'amendements de séance.
L'amendement COM-1 rectifié est retiré, ainsi que les amendements COM-2 et COM-3.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
La réunion est close à 16 heures 05.