Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 5 mars 2019 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Nous sommes très heureux d'accueillir M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, afin qu'il nous présente le projet gouvernemental de service national universel (SNU). Le 5 décembre dernier, nous avons déjà entendu, dans cette même configuration d'audition conjointe avec la commission des affaires étrangères, le général de corps d'armée Daniel Menaouine, rapporteur du groupe de travail chargé de réfléchir à la mise en oeuvre du SNU. Après un premier rapport rendu en avril 2018, ce groupe de travail a de nouveau été mandaté par le Président de la République pour mener une consultation auprès des associations et des jeunes ; il a remis un second rapport en novembre 2018, avant d'être dissous.

Désormais, la balle est dans le camp du Gouvernement. Alors que les premières expérimentations seront lancées en juin, que le recrutement des volontaires a démarré hier sur une plateforme d'inscription en ligne, nos commissions ont à suivre attentivement la mise en oeuvre de cet engagement fort du Président de la République ; nous nous interrogeons cependant sur l'organisation matérielle, le coût et la multiplicité des objectifs poursuivis.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Je me fais l'écho de nombre de nos collègues : le SNU est un véritable projet de société, pour lequel nous partageons - sans doute - des intérêts convergents, mais pour lequel la méthode nous est apparue choquante - méthode certes initiée alors que vous n'étiez pas encore membre du Gouvernement. Le Parlement n'a pas été consulté, alors que ce projet touchera chaque famille !

Une « task force » a été mise en place à l'Assemblée nationale, mais de manière confidentielle, constituée de députés d'un seul groupe politique ; elle ne tient pas lieu de consultation. La consultation en ligne des jeunes a été assez réduite, et leurs associations représentatives n'ont pas montré un enthousiasme débordant. Le SNU n'est pas non plus un sujet du grand débat national, alors qu'il l'aurait sincèrement mérité.

Jusqu'à présent, tout s'est réglé dans l'entre-soi des cabinets et des commissions d'experts, ou sur les plateaux de télévision. Vous avez réservé à BFM et au Point la primeur des contours du projet et annoncé le lancement en juin d'une première expérimentation dans treize départements. Nous attendons vos clarifications sur de multiples interrogations.

La loi de programmation militaire sera-t-elle bien respectée ? Elle dispose expressément que le SNU ne sera financé ni en budget, ni en personnel, ni en infrastructures par les crédits des armées. D'après les estimations du Sénat, son coût, que le Gouvernement n'a toujours pas chiffré, sera compris entre 1,5 et 3 milliards d'euros par an. Or ce projet n'est pour l'instant pas financé... Comment le gouvernement entend-il financer le SNU ?

Cette question se pose dès 2019 : la phase de préfiguration démarrera en juin prochain et concernera 3 000 jeunes dans treize départements, soit un coût estimé à 6 millions d'euros. Vous avez déjà lancé des concours pour définir l'uniforme, mais comment ferez-vous sans un sou, puisqu'aucune ligne budgétaire n'est prévue à cet effet dans la loi de finances pour 2019, ni au budget des armées, ni sur d'autres budgets ?

Mon autre inquiétude concerne l'encadrement, point très important qui conditionne la sécurité du dispositif, s'agissant de jeunes de seize ans. Vous avez laissé entendre dans les médias que les armées pourraient y participer directement. Or c'est contraire à la loi de programmation : seul le recours à des volontaires ayant une expérience militaire - réservistes ou retraités - est possible.

Enfin, je m'interroge sur le rythme de mise en place du SNU. La mise en place des différents modules est peu avancée, or vous visez un démarrage en juin ; quelle sera, dans ces conditions, la qualité de la formation dispensée ? Vous allez commencer sans base légale, ni constitutionnelle, le Conseil d'État ayant indiqué qu'une révision de la Constitution était nécessaire pour rendre le SNU obligatoire : avez-vous bien mesuré tous les impacts juridiques ? Vous envisagez une généralisation aux 800 000 jeunes de la classe d'âge en 2022 plutôt qu'en 2026 : franchement, est-ce réaliste, et avec quels moyens ?

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Je vous remercie pour cette invitation autour d'un sujet qui me tient à coeur tout comme il tient à celui de nombreux Français : l'intégration républicaine, le lien entre armée et Nation, l'engagement. J'ai la chance et l'honneur de mettre en oeuvre ce projet depuis ma nomination le 16 octobre dernier aux côtés de Jean-Michel Blanquer. Vous avez déjà abordé de nombreux points avec le général Menaouine. Vos travaux ont été une source d'inspiration du groupe de travail et des réflexions que j'ai menées avec le ministre de l'éducation nationale. La construction de ce dispositif se poursuit ; le Parlement sera associé lors de la présentation du projet de loi sur le SNU - un texte législatif n'est pas nécessaire pour réaliser une expérimentation, il ne le sera que lorsque nous rendrons le dispositif obligatoire pour tous les jeunes.

Nous avons fait tout sauf de l'entre-soi ; nous avons largement consulté, notamment 75 000 jeunes, dont un échantillon représentatif de 50 000 d'entre eux, puisque cette consultation s'est déroulée durant les journées de défense et de citoyenneté, qui rassemblent chaque année tous les jeunes, par-delà leurs origines sociales et géographiques. Ces réponses nous ont permis de construire le dispositif en tenant compte de leurs attentes.

Nombre d'entre vous s'intéressent à ce sujet et ont même été sources de propositions et d'évaluation sur ces questions ; je tiens à saluer votre travail.

Le SNU est une promesse de campagne du Président de la République, et revêt trois grands objectifs : d'abord, créer ou recréer un moment de mixité sociale, de cohésion territoriale, de creuset républicain pour la jeunesse autour des valeurs de la République ; ensuite, apporter aux jeunes des formations dans un contexte où les risques ont évolué - formation aux premiers secours et à la gestion d'événements graves comme des catastrophes naturelles et des attentats terroristes ; enfin, lever les freins à l'engagement. S'engager, c'est donner ce qu'on a de plus précieux, son temps, au service de l'intérêt général. S'engager, c'est bon pour l'intérêt général mais aussi pour celui ou celle qui s'engage. Les jeunes qui sont engagés, par exemple auprès d'associations ou des pompiers volontaires, partent avec plus de chances dans la vie que d'autres. Ils ont davantage confiance en eux, s'interrogent sur leur orientation, développent des compétences - notamment de savoir-être - pour s'insérer ensuite plus facilement dans le milieu professionnel. Tous les jeunes ne s'engagent pas, non pas que certains soient plus altruistes ou plus tournés vers l'intérêt général que les autres, mais parce qu'il y a des freins socio-culturels, géographiques et souvent psychologiques qui persuadent certains jeunes qu'ils n'auraient rien à apporter à la société. Notre pays a encore du mal à montrer à ces jeunes leur utilité sociale. Voilà l'un des objectifs du SNU. Il y a plus de vingt ans, le président Jacques Chirac a pris une bonne décision en suspendant le service militaire, puisque la professionnalisation de notre armée s'est déroulée dans de bonnes conditions ; en revanche, il aurait fallu le remplacer par un autre dispositif pour poursuivre cette ambition de cohésion sociale, de mixité territoriale et de creuset républicain.

À terme, grâce au SNU, l'ensemble d'une classe d'âge pourra partager un moment autour des valeurs de la République. C'est dans cet esprit que ce dispositif avait été proposé dans le programme du Président de la République : à la différence notable du service militaire, il concernera à la fois les garçons et les jeunes filles, et personne ne sera réformé. Les personnes en situation de handicap participeront à ce moment de cohésion - a minima à partir du moment où elles sont scolarisées. Le SNU sera l'un des outils de cette société inclusive qui nous tient à coeur. Toute une classe d'âge se retrouvera, l'année suivant l'année de troisième, vers 15-16 ans. Pendant quinze jours, en hébergement collectif, ils vivront en maisonnée, en compagnie, en brigade, afin de renforcer cet esprit français républicain, loin de leur quotidien et de leurs foyers. Beaucoup découvriront pour la première fois un monde différent, au-delà de leur environnement immédiat ; ce monde leur tend les bras. Ils verront que des initiatives, des atouts, des perspectives existent dans des territoires souvent éloignés du leur, initiatives dont ils n'ont pas forcément connaissance parce qu'il y a encore une « assignation à résidence » dans notre pays : de nombreux jeunes ignorent les opportunités qui existent un peu partout en France. Cette phase de cohésion et ce creuset républicain doivent ouvrir les jeunes les uns aux autres et transmettre un socle de valeurs communes afin de forger une société de la résilience, qui efface les fractures présentes, au sein d'une jeunesse marquée par les attentats de 2015 et qui ne demande qu'à s'engager, qui veut aider son prochain - dès lors qu'elle sait comment le faire, et qu'elle a été formée pour le faire. Nous voyons cette soif d'engagement, notamment à travers des mobilisations pour le climat, mais la jeunesse peine à trouver les voies de l'engagement. Tel est l'objectif du SNU.

Cette jeunesse est marquée encore par un très fort taux de décrochage scolaire. Même si nous travaillons à chaque étape de la scolarisation pour réduire ce décrochage - dédoublement des classes en éducation prioritaire (REP et REP+), dispositif « devoirs faits » avec l'aide aux devoirs pour tous les collégiens, extension de l'obligation de formation de 16 à 18 ans, plan d'investissement dans les compétences pour apporter les moyens nécessaires à la formation de tous les jeunes. Le SNU sera une brique supplémentaire dans cette politique, afin qu'aucun jeune ne sorte de la phase obligatoire du SNU sans avoir non pas une perspective d'insertion toute tracée - ce serait un peu ambitieux - mais un interlocuteur et une voie qui commence à se dessiner. Les NEET (Not in Education, Employment or Training), ces jeunes sans formation, sans emploi ni diplôme sont près de trois millions en France, et 100 000 jeunes chaque année alourdissent ce contingent. Après la phase de cohésion, ils seront appelés à effectuer une mission d'intérêt général de deux semaines, soit 84 heures, perlées sur une année scolaire, auprès d'une association, une collectivité, d'une structure publique ou d'un corps en uniforme comme les sapeurs-pompiers. L'engagement est toujours volontaire, mais encore faut-il qu'il soit éclairé. Chaque jeune doit savoir qu'il a quelque chose à apporter, chacun dans son domaine et à son niveau. À l'issue de ce bloc commun obligatoire de deux fois quinze jours, une phase volontaire autour d'un engagement de trois à douze mois sera proposée aux jeunes qui le souhaitent.

J'ai annoncé à la mi-janvier une expérimentation dans treize départements, dont un ultramarin, qui seront préfigurateurs en juin prochain : les Ardennes, le Cher, la Creuse, l'Eure, la Guyane, les Hautes-Pyrénées, la Haute-Saône, la Loire-Atlantique, le Morbihan, le Nord, le Puy-de-Dôme, le Val-d Oise et le Vaucluse. M'étant rendu dans chacun d'eux, j'ai une visibilité d'ensemble sur la déclinaison territoriale du SNU. Malgré les délais restreints, chaque département a trouvé un lieu d'hébergement disponible entre le 16 et le 30 juin 2019 pour accueillir entre 150 et 200 jeunes. Le personnel encadrant est en cours de recrutement. Les chefs de centre et leurs adjoints, identifiés, seront formés à partir de fin mars.

Mi-février, j'ai lancé un concours dans treize lycées professionnels pour trouver l'uniforme, ou plutôt la tenue commune des jeunes. Il m'a semblé important de m'appuyer sur le savoir-faire de nos jeunes en lycée professionnel, notamment dans les filières mode et design, pour imaginer cette tenue commune, avec un cahier des charges précis : les couleurs tricolores, les symboles de la République, la devise républicaine... Fin mars, un jury de quatre personnes sélectionnera la tenue commune : le général Benoît Puga, ancien chef d'État-major particulier des présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande, actuellement grand chancelier de la Légion d'honneur ; Marie Trellu-Kane, fondatrice d'Unis-Cité, précurseur du service civique ; Simon Porte Jacquemus, jeune créateur français qui s'impose sur la scène internationale comme la relève des créateurs de mode ; et une jeune élue du Conseil national de la vie lycéenne scolarisée à Angers.

J'ai lancé hier, en compagnie de Sébastien Lecornu et de Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État aux armées, la plateforme de recrutement qui centralisera le recrutement pour l'ensemble des départements choisis. Au vu de mes déplacements, j'ai pu mesurer l'attente, même s'il est trop tôt pour disposer de chiffres. La plateforme numérique reçoit énormément de connexions depuis hier. Les préfets et les recteurs m'ont informé de nombreuses candidatures spontanées avant même le lancement de la phase de recrutement. Nous aurons probablement beaucoup plus de mal à gérer les frustrations de ceux qui n'auront pu être retenus qu'à recruter des volontaires pour cette expérimentation.

Les cohortes de volontaires appelés en juin devront être représentatifs de la diversité de la jeunesse française, afin d'éviter tout biais social, culturel ou géographique - certains jeunes ayant davantage accès à l'information. Si besoin, nous irons chercher des volontaires dans chaque catégorie. Chaque département a cartographié sa jeunesse - nombre d'apprentis, de décrocheurs, de jeunes en situation de handicap, de jeunes scolarisés... Nous travaillons avec les missions locales et le réseau information jeunesse.

Cette phase pilote testera notre organisation et nos objectifs en étant pragmatique et économe en moyens. À terme, 800 000 jeunes seront concernés. La phase pilote, qui concernera 2 000 à 3 000 jeunes, coûtera environ quatre millions d'euros. Il n'était pas utile de créer une ligne budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2019. À partir de 2020, un programme budgétaire spécifique sera prévu pour sa montée en puissance.

En 2019, ces quatre millions d'euros seront des crédits compensés en fin de gestion sur le programme 124 pour la masse salariale et sur le programme 163 pour les autres crédits - hébergement, activités, transport... Ces programmes sont gérés par le ministère de la jeunesse.

Une phase pilote suppose aussi une évaluation. Au terme de cette phase de cohésion, un premier bilan sera effectué. Le taux d'encadrement de l'expérimentation est très élevé - un encadrant pour cinq jeunes, contre un pour douze voire quatorze mineurs dans les accueils collectifs de mineurs classiques. Nous évaluerons l'utilité de maintenir ou d'adapter ce ratio. Nous établirons un bilan sur l'organisation pratique. À ce stade, il est assez compliqué d'établir une évaluation budgétaire du dispositif en rythme de croisière, dès lors qu'un certain nombre de décisions importantes seront prises à l'issue de la phase pilote, et qu'elles conditionneront cette évaluation. Au vu des projections, nous serons bien en-deçà de 1,5 milliard d'euros. Les évaluations jusqu'à 7 voire 10 milliards d'euros se fondaient sur la construction de centres dédiés pour accueillir des jeunes en hébergement collectif - cela ne sera pas nécessaire.

Les arbitrages pour le calendrier de montée en puissance seront effectués à l'issue de cette phase pilote. Le rapport du général Menaouine préconise une mise en place jusqu'en 2026. Lors de ma nomination, j'ai souhaité qu'on puisse, si possible, aller plus rapidement. Nous sommes en train d'évaluer cette possibilité.

Je suis à la disposition du Parlement pour répondre à vos questions. De nombreux élus et sénateurs sont membres des comités de pilotage départementaux dans les treize départements pilotes, pilotés par le préfet, le recteur et le délégué militaire départemental.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je vous remercie de tous ces éléments de contexte. Je cède la parole aux différents rapporteurs budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Les objectifs d'intégration républicaine et d'engagement son légitimes. Mais que disent les jeunes dans la consultation ? Vous prétendez continuer ainsi le « creuset républicain » du service militaire, après quelques années de rupture, mais le service militaire jouait-il un tel rôle ? Il ne concernait que les garçons, et 30 % en étaient exemptés...

Vous avez évoqué l'importance de la vie collective et de la découverte, mais je suis inquiet de la disparition des colonies de vacances et autres centres aérés, faute de moyens, et notamment de personnel. Nous avions laissé cette tâche au bénévolat de grands acteurs de la vie associative que nous n'avons pas assez soutenus, et qui ont été obligés de supprimer, petit à petit, ces centres qui étaient le vrai lieu de socialisation, d'intégration et de découverte de l'autre, sans uniforme.

Oui, nous avons besoin de revenir à la citoyenneté, qui était plus développée auparavant, élément fondamental du vivre ensemble.

J'ai dit au général Menaouine mon inquiétude que ce dispositif interfère avec le service civique - qui sera partie intégrante du SNU - alors que celui-ci commence juste à atteindre son rythme de croisière. Il compte 150 000 jeunes - pour un objectif de 300 000 - et devait bénéficier de moyens supplémentaires. Le SNU ne sera-t-il pas l'aspirateur ponctionnant tous les moyens actuels du service civique ? Avez-vous bien associé les grandes têtes de réseau du monde associatif à vos réflexions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement. J'ai travaillé sur ce sujet pour la commission des affaires étrangères et de la défense, avec mon collègue Jean-Marie Bockel, en 2018. Et je n'ai rien appris de plus aujourd'hui ! J'étais convaincu de l'utilité du service militaire volontaire installé par le président Hollande pour tenter de récupérer des décrocheurs. J'avais vécu cela dans une autre vie avec le service militaire adapté.

Nous sommes devant un engagement de campagne du Président de la République. Attention à ce que les volontaires d'aujourd'hui ne soient pas que des cobayes de cet engagement de campagne. Le président de notre commission a déjà tout dit. Vous avancez le financement pour 2023, c'est-à-dire demain ! Il faut encadrer, héberger, cela a un coût. Le général Menaouine estimait les besoins à 1,7 milliard d'euros en investissement et 1,6 milliard d'euros en fonctionnement. Nous sommes toujours dans le vague, alors que le SNU engagera nos jeunes pour des décennies...

Je partage la nécessité de ramener les jeunes dans le système républicain. J'ai eu à gérer, dans un cabinet ministériel, la suppression du service militaire. Mais il était devenu totalement inégalitaire puisque seuls 50 % des garçons le faisaient, ceux qui en avaient les moyens s'en faisant dispenser. Et mettre en place cette armée de métier était utile.

Comment hébergerez-vous ces jeunes, qui seront toujours sous la responsabilité de leurs parents, et avec quel encadrement ? La Défense n'a plus de casernes libres, et la loi de programmation militaire interdit tout financement du SNU dans le cadre du budget de la Défense. Ce seront donc les crédits du ministère de la jeunesse ?

Selon de nombreux chercheurs et responsables associatifs, quinze jours sont largement insuffisants pour un véritable brassage social. Vous allez essayer cette durée, mais la promesse risque de tourner au fiasco.

De nombreuses organisations de jeunesse sont inquiètes et n'adhèrent pas au volet obligatoire du dispositif. Et la phase ultérieure, optionnelle, correspond au service civique, dont vous devriez plutôt renforcer les moyens.

Je suis surpris que vous lanciez pour demain une opération pour toute une classe d'âge de 800 000 jeunes, dans un tel flou, et que le Parlement en soit tenu à l'écart. Le Gouvernement avait même refusé de nous donner le rapport du général Menaouine. Nous sommes dans un grand flou. Comment inciterez-vous les jeunes qui seront réfractaires ? La ministre des armées déclarait que le SNU ne serait pas obligatoire, elle a été contredite... Vous allez dépenser un « pognon de dingue » pour peu de chose alors que le service civique peut monter en puissance.

Vous envisagez, pour la deuxième phase volontaire, un accueil potentiel chez les pompiers, mais il faudra encadrer 800 000 jeunes, et non 2 000 ! Ce sera très compliqué. Quel sera le statut de ces jeunes ? Seront-ils indemnisés, en plus d'être habillés ?

Nous aurions aimé le dépôt d'un projet de loi sur les bureaux du Parlement afin de mieux connaître ce projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Jeansannetas

La Creuse fait partie des départements testant le SNU. L'ensemble du personnel de l'Éducation nationale est mobilisé pour réussir cette opération test, car nous avons une obligation de réussite. Ces quinze jours doivent avoir un contenu, sinon il nous sera difficile de convaincre une classe d'âge.

Nous débattrons lors du projet de loi de finances de la montée en puissance du SNU, mais les quatre millions d'euros envisagés pour la phase test seront-ils pris au détriment d'autres programmes de la mission « Jeunesse » ?

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État

Je n'oppose pas le SNU aux colonies de vacances ni au service civique, qui sont aussi des outils de brassage social et de cohésion territoriale. Le SNU n'a pas vocation à être l'alpha et l'oméga de notre investissement, mais c'est une pierre supplémentaire, d'ampleur. Il y a un continuum entre l'école - et je pense notamment à l'enseignement moral et civique, à la sensibilisation à l'engagement - et les colonies de vacances. J'ai échangé avec de nombreux acteurs sur leur déclin, dû à différents facteurs : un soutien financier réservé aux catégories populaires au travers des aides de la caisse d'allocations familiales, au détriment des classes moyennes, ce dont se sont plaints de nombreux gilets jaunes et d'autres citoyens durant le grand débat national ; certaines collectivités ont concentré leurs financements sur l'accueil de jour et les centres aérés ; et une raison sociologique, avec la multiplication des familles recomposées - les vacances sont partagées entre les deux parents. Ce déclin des colonies de vacances est préjudiciable à la cohésion, et je travaille avec Jean-Michel Blanquer qu'elles puissent rebondir.

Le budget du service civique a augmenté de 50 millions d'euros en 2019, ce qui montre notre engagement et notre volonté de poursuivre son évolution. Le SNU lève les freins à l'engagement, et il faudra augmenter les moyens du service civique.

La phase volontaire d'engagement du service national universel s'appuie sur des dispositifs existants, tels que le service civique, les pompiers volontaires, le bénévolat dans une association, etc. Le service civique est un formidable outil d'insertion pour les jeunes. Toutefois, la montée en puissance ne dépend pas uniquement de critères budgétaires ou quantitatifs, mais également de critères qualitatifs concernant les missions, afin que l'expérience soit réussie et que les jeunes aient le sentiment d'avoir été utiles. La non-substitution au travail est un autre critère important, qui a déjà donné lieu à des retraits d'agréments. Nous devons continuer à agir en ce sens.

Monsieur Todeschini, je vous remercie d'avoir évoqué le service militaire volontaire (SMV) et le service militaire adapté (SMA). J'ai pu constater moi-même la grande utilité de cet outil pour l'avenir professionnel de jeunes volontaires, lors de mes déplacements en Guyane - pour le SMA - et à Brétigny-sur-Orge pour le SMV.

Cela étant, si j'arrivais aujourd'hui avec un projet de loi sur le service national universel et sur sa montée en puissance, je pourrais entendre vos critiques s'agissant de la difficulté à se lancer de but en blanc dans un projet d'une telle ampleur. Or la phase pilote, dite de préfiguration, nous permet justement d'être pragmatiques, économes dans nos moyens, et d'évaluer les besoins avant d'engager ces 800 000 jeunes. Cette phase conditionnera beaucoup de choses, car à l'issue de celle-ci, nous prendrons un certain nombre de décisions.

Il est vrai aussi que l'« on avance en marchant », et que des travaux sont en cours, notamment pour définir les modules d'intervention qui auront lieu durant la phase de cohésion. Pour l'heure, nous avons communiqué aux comités de pilotage des treize départements pilotes les grandes thématiques des modules qui, selon nos voeux, figureront dans le SNU, à charge pour les comités de faire remonter des propositions très concrètes s'appuyant sur les atouts présents sur le terrain, qu'il s'agisse des associations, des forces de sécurité, des pompiers, etc., et ce en vue d'une éventuelle généralisation de ces propositions. Dans les prochaines semaines, nous ferons « redescendre » aux acteurs concernés un arbitrage comprenant de grands modules nationaux qui devront être les mêmes partout en France, avec une marge de manoeuvre pour une déclinaison locale de ces modules, notamment par le biais d'exercices en extérieur - cet aspect est important. Il s'agit d'une opportunité, pour les différents territoires, de mettre en valeur leurs atouts et de les montrer à des jeunes qui ne les auraient pas connus sans cette expérience.

Si vous m'auditionnez de nouveau dans quelques semaines ou quelques mois, nous pourrons réexaminer la question des modules, sur laquelle on y verra plus clair. Je suis ouvert à tous ceux qui voudront travailler sur ce sujet. Quant au rapport du général Menaouine, j'ai souhaité qu'il soit public - il est en ligne sur internet - et qu'il soit envoyé à chacun d'entre vous, en votre qualité de parlementaire, afin que vous soyez associés très étroitement à ce processus.

Nous avons demandé aux préfets et aux recteurs d'identifier l'ensemble des possibilités d'hébergement qui existent pour les jeunes dans chacun de leurs territoires : leurs réponses font fait état de nombreuses possibilités, à savoir des internats de collèges ou de lycées, des centres de formation, des structures de tourisme social. Dans certains cas, des bâtiments militaires, délaissés depuis la fin du service militaire, tels ceux de l'Institution de gestion sociale des armées (IGESA), pourraient être utilisés.

Lorsque nous aurons atteint notre rythme de croisière, les 800 000 jeunes n'effectueront pas leur SNU en même temps, ce qui créerait des problèmes d'hébergement importants, mais durant l'une des huit à dix périodes de l'année prévues à cette fin - je vous l'annonce aujourd'hui -, soit 80 000 à 100 000 jeunes par période, et entre 800 à 1 000 jeunes par département. Compte tenu des possibilités d'hébergement, les objectifs sont tout à fait atteignables.

J'en viens à la responsabilité parentale. Pour la phase pilote, dès lors que l'engagement aura lieu sur la base du volontariat, un accord parental des jeunes participants sera exigé. Ensuite, les responsabilités ne devraient soulever aucune inquiétude particulière, car elles seront fondées sur les règles classiques en vigueur dans le cadre d'un accueil collectif de mineurs.

Monsieur Jeansannetas, vous avez, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, posé la question du budget. J'y insiste, pour la phase pilote - contrairement à ce qui se passera par la suite -, il n'est pas nécessaire de prévoir une ligne budgétaire dédiée. En effet, dès lors que des décisions importantes devront être prises à l'issue de cette période, il serait délicat d'avancer un coût avant son terme. Et je ne voudrais pas que, cet été, vous me reprochiez d'avoir menti ou de m'être trompé dans mon estimation... Ces crédits seront néanmoins régularisés, c'est-à-dire compensés, en PLFR.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Vous n'avez pas répondu à la question portant sur l'obligation du service national universel. Que se passera-t-il si le jeune ne se présente pas ? Et qu'en sera-t-il si les parents ne donnent pas leur accord ? En outre, comment sera prise en compte la laïcité dans le cadre de ce service ? La liberté de culte sera-t-elle garantie aux jeunes effectuant le SNU ? Par ailleurs, lors de la phase facultative, les diverses associations conventionnelles pourront-elles proposer des places aux jeunes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État, il est très facile de se procurer sur internet le rapport relatif à la création d'un service national universel, établi par le général Menaouine le 26 avril 2018. À la page 11 de ce rapport, on trouve une vision prophétique du général : La première partie de cette phase de cohésion « devrait se traduire par une cérémonie symbolique : elle pourrait consister très simplement en la remise collective, au dernier soir de l'hébergement, d'un gilet jaune ». Cela ne ferait que 800 000 gilets jaunes supplémentaires ! Cette question est-elle toujours d'actualité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

J'ai été agréablement surpris, lors de mon déplacement à Vesoul, de voir l'intérêt que les jeunes portaient à ce SNU, au-delà de l'avantage du code gratuit. Si j'ai bien compris, le dispositif reposera au départ sur treize départements, puis s'étendra pour s'appliquer aux 700 000 à 800 000 jeunes - c'est beaucoup ! Il faudrait connaître le coût réel du SNU. De plus, pourquoi n'avez-vous pas associé plus étroitement les parlementaires, dans la mesure où la validation et la mise en oeuvre du dispositif relèvent du Sénat et de l'Assemblée nationale ? On a le sentiment que seule l'administration a beaucoup travaillé sur le dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Le Nay

J'ai été surpris, pendant mes participations aux réunions du grand débat national, de la méconnaissance du fonctionnement de nos institutions. Peut-on espérer que soit dispensée une instruction civique dans le cadre du SNU ? Ou bien faut-il rendre plus opérationnelle cette formation au cours du cursus scolaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

L'un des objectifs est donc de promouvoir la notion d'engagement au sein de la jeunesse française. Vous proposez que la première des deux phases soit obligatoire : comment allez-vous procéder ? Est-il prévu des sanctions, et si oui, lesquelles ?

Quelle articulation envisagez-vous entre le SNU et les cours d'instruction civique et morale dispensés en milieu scolaire, la journée défense et citoyenneté (JDC), le service civique ou le service volontaire européen ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Prunaud

J'ai bien compris qu'il n'était pas question de toucher au budget des armées.

L'objectif de ce SNU est notamment de défendre les valeurs de la République. Pour moi, les levers de drapeau où les drapeaux dans les classes ne suffisent pas à développer la citoyenneté des jeunes. J'aurais préféré que le budget qui sera consacré au SNU le soit à l'éducation nationale, pour éviter les fermetures de classes, les suppressions de postes, pour la formation des maîtres, et à ce qui marche bien, à savoir le service civique, le SMA ou le service volontaire européen, destiné aux jeunes, pas forcément en échec scolaire, qui veulent tenter des expériences à l'étranger. Personnellement, je ne vois pas l'utilité de ce SNU.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Vous avez demandé à l'Observatoire de la laïcité une étude sur l'application du principe de laïcité et sa promotion dans le cadre du futur service national universel. Celui-ci a publié ses recommandations le 18 décembre, en particulier que le port de symboles religieux ne soit pas interdit dans le cadre du futur SNU, alors qu'il l'est lors de la JDC. Devant la polémique, le Gouvernement a affirmé, me semble-t-il, qu'il ne suivrait pas cette recommandation. Le confirmez-vous ?

A-t-on une idée plus précise de la jeunesse concernée par le SNU ? Y a-t-il une ligne de conduite bien définie au sujet des Français qui résident à l'étranger ou qui ont une double nationalité ? Est-il envisagé d'accueillir, comme dans le cadre du service civique, des volontaires étrangers ?

Enfin, où exactement le mineur fera-t-il son SNU ? Pour favoriser le brassage social, les jeunes seraient affectés dans un département autre que celui dont ils sont originaires. Un département limitrophe, ou plus loin, au sein de leur région ? Qui paiera le déplacement ? Pour les jeunes Guyanais, vous imaginez le coût !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

Un sondage riche d'enseignements a été fait auprès de 400 jeunes de Villeurbanne, commune où la diversité sociale est totale. Des étudiants du campus sur Villeurbanne m'ont même parlé d'un service national environnemental, qui pourrait être très intéressant dans le cadre du service national universel.

L'an dernier, auditionné par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le général Bosser, chef d'état-major de l'armée de terre, s'était inquiété du financement du SNU. De fait, rien n'est prévu dans la loi de programmation militaire ni dans le budget 2019. Certes, nous n'en sommes qu'au stade expérimental, mais il devrait quand même pouvoir être possible de resserrer la fourchette actuelle, à savoir entre 1,7 et 10 milliards d'euros. Sinon, ce n'est pas la peine d'en passer par cette phase expérimentale. De même, sur quelle ligne budgétaire ce projet sera-t-il financé ? Le budget des armées sera-t-il mis à contribution ?

Quelles seront les formations et qualifications de ceux qui encadreront ces mineurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

On peut subodorer que le résultat de cette phase expérimentale sera excellent et que nous serons invités à généraliser le SNU à l'ensemble du territoire.

Selon vous, les internats des collèges et des lycées pourraient être utilisés comme lieux d'hébergement pendant les quinze jours initiaux. Où iront pendant ce temps les résidents de ces internats ?

Vous avez fait un parallèle avec le service national. Sera-t-il possible d'être objecteur de conscience et de se soustraire à la partie obligatoire du SNU ?

S'agissant du code de la route, vous avez évoqué, me semble-t-il, l'utilisation de plateformes. Faites-vous référence à celles contre lesquelles les auto-écoles descendent dans la rue, qui sont un vrai scandale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Raimond-Pavero

Le Président de la République s'est récemment rendu à Gargilesse-Dampierre, où il a rencontré le maire et le président du Conseil régional. Il a indiqué, à l'occasion de ce déplacement, que les sites de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), voués à la fermeture, pourraient être en priorité consacrés à des actions de formation dans le cadre du SNU. La reconversion envisagée sera-t-elle systématique ? De quels financements le dispositif bénéficiera-t-il ? La nomination d'un coordinateur national du SNU a également été annoncée, bien qu'un tel poste n'ait pas été prévu par la feuille de route initiale. Quel sera son rôle ? Ses missions pourraient-elles se voir limitées faute de moyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Vous semblez soucieux de la représentativité des différents groupes de la société au sein du SNU. Or, il apparaît dans divers articles de presse que les jeunes filles sont particulièrement intéressées par le dispositif. Devons-nous en conclure qu'elles le sont davantage que leurs homologues masculins ? Le cas échéant, envisageriez-vous de fixer un seuil maximum de participation des filles afin d'assurer une parité inversée ? En matière de gestion de la mixité, alors que le Président de la République a, en 2017, érigé l'égalité entre les femmes et les hommes au rang de grande cause du quinquennat, quelle en sera la traduction s'agissant du SNU ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

Notre collègue M. Gilbert-Luc Devinaz a évoqué la question de l'encadrement qui m'interpelle également. De quelle formation bénéficieront les encadrants ? Le SNU concerne-t-il les jeunes à l'issue de la classe de troisième - il rassemblerait alors des participants d'âge et d'aspect physique fort différents - ou ceux d'une classe d'âge ? Quoi qu'il en soit, la formation des encadrants sera essentielle, dans un contexte où l'éducation nationale rencontre déjà des difficultés de recrutement. Je m'interroge également sur les locaux mis à la disposition des jeunes du SNU : si des solutions provisoires sont envisageables pour une période de quinze jours, des hébergements plus durables devront être adaptés d'ici 2022. Les bâtiments de colonies de vacances, fréquemment propriétés de communes, devront ainsi être mis aux normes. Les collectivités territoriales seront-elles à ce titre mises à contribution ? Enfin, alors qu'environ 30 % d'une classe d'âge était autrefois exemptée de service militaire, comment imaginer que le SNU ne souffrira d'aucune exception ? L'objectif me semble difficile à atteindre dans certains quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je rebondirai pour ma part sur les propos malicieux de Ladislas Poniatowski : quels critères ont présidé au choix des départements sélectionnés pour l'expérimentation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Le service militaire a connu, à l'époque, des adaptations. Je crois utile de les envisager, notamment au profit de l'Outre-mer, dès le temps de l'expérimentation.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, ministre

Mme Mélot, ainsi que MM. Lafon et Mazuir, m'ont interrogé sur le principe de l'obligation. Il est prévu d'organiser le dispositif du SNU sur le modèle de la JDC, dont le non-respect est sanctionné par divers verrous. Elle représente ainsi un préalable à l'obtention du baccalauréat, du permis de conduire et de plusieurs diplômes d'études supérieures. Les verrous applicables au SNU feront l'objet d'un débat dans le cadre du projet de loi à venir. À mon sens, la validation de tout diplôme comme la présentation à un concours administratif devraient être conditionnées à la participation au SNU. Nous aurons également un débat sur le lien entre le SNU et l'exercice des droits civiques. Je crois en tout état de cause utile de s'inspirer de la JDC, à laquelle se plient 98 % des jeunes.

En réponse à M. Laurent Lafon et à Mme Vivette Lopez s'agissant de la laïcité, je vous indique que, comme le service militaire en son temps, le SNU s'organisera dans le strict respect du principe de neutralité religieuse. Chacun toutefois pourra pratiquer individuellement son culte dans une salle dédiée, comme il en existe dans les internats, les hôpitaux ou les prisons. Seules les associations sous le régime de la loi de 1901 seront autorisées à accueillir des missions d'intérêt général, critère excluant du dispositif les associations confessionnelles.

Monsieur Guerriau, la proposition du rapport du général Menaouine que vous évoquée n'a pas été retenue. En revanche, le préfet présidera une cérémonie durant laquelle, à l'issue de la phase de cohésion, la tenue commune sera remise aux jeunes.

MM. Jacques Grosperrin et Gilbert-Luc Devinaz m'ont interrogé sur le coût du dispositif, lequel ne sera connu avec précision qu'à la fin de la phase pilote. Nous l'estimons à 1,4 milliard d'euros, pour un coût de 4 millions d'euros s'agissant de l'expérimentation correspondant à 2 000 euros par jeune pour quinze jours. Des économies d'échelle doivent être envisagées lorsque le SNU sera généralisé. Je demeure à la disposition des parlementaires qui souhaitent travailler à mes côtés sur le SNU, sur le modèle de la task force créée à l'Assemblée nationale. Un projet de loi interviendra ultérieurement ; nous collaborerons à cette occasion.

Madame Mélot et monsieur Le Nay, le SNU fait écho à l'actualité, laquelle nous rappelle avec force la méconnaissance de certains de nos concitoyens quant au rôle des institutions et des élus. Le SNU représente à cet égard une réponse, certes partielle. Plus modestement que le travail approfondi devant être réalisé par l'éducation nationale en matière d'éducation morale et civique, le SNU proposera un module relatif aux institutions initié par des associations d'éducation populaire selon des méthodes relevant de la pédagogie active. En outre, les missions d'intérêt général constitueront autant d'occasions de rapprochement entre les jeunes et les élus locaux. Déjà, des projets sont envisagés dans des centres communaux d'action sociale (CCAS) ou des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). J'indique également à Mme Colette Mélot que la JDC disparaîtra lorsque le SNU sera généralisé. D'ailleurs, les jeunes qui participeront à la phase pilote seront exemptés de JDC. Les organisateurs de la JDC apporteront pour leur part des compétences fort utiles au nouveau dispositif. En outre, le service civique et le corps européen de solidarité ont vocation à se trouver renforcés grâce au SNU.

Je suis navrée, madame Prunaud, que vous doutiez de l'efficacité du dispositif. La phase pilote, peut-être, vous fera changer de regard... Je partage toutefois votre analyse : pour transmettre aux jeunes les valeurs de la République, le drapeau français, bien qu'utile, ne suffira pas. Nous proposerons donc également des actions d'éducation morale et civique.

Madame Lopez, les jeunes français résidant à l'étranger ne sont pas appelés à participer à la JDC, pas plus qu'ils ne l'étaient autrefois au service militaire sauf à s'établir sur le territoire national avant l'âge de vingt-cinq ans. Ils ne sont, dès lors, par prévus dans les effectifs du SNU, sauf à s'y porter volontaires. Les participants à la phase pilote effectueront leur SNU dans une autre région et dans un autre département que les leurs et la mixité géographique et sociale des affectations en maisonnée sera assurée pour chaque groupe de jeunes issus d'un même département. L'Outre-mer obéira aux mêmes règles. Du reste, grâce à un préfet particulièrement mobilisé, des échanges de jeunes s'organisent entre la Guyane et des départements métropolitains participant à l'expérimentation.

Je suis convaincu, comme M. Devinaz, de l'intérêt d'un SNU environnemental. La consultation nationale a d'ailleurs montré qu'outre les questions de défense et de sécurité, les jeunes s'intéressaient tout particulièrement à cette problématique. Le SNU comprendra, en conséquence, un module de sensibilisation à la protection de l'environnement durant la phase de cohésion. Nous y travaillons avec France Nature Environnement et des associations de terrain. Monsieur Devinaz, vous m'avez également, avec M. Rachel Mazuir, interrogé sur l'encadrement des jeunes, sujet qui préoccupe évidemment les parents. Sachez que de nombreux professionnels possèdent les compétences nécessaires : les titulaires d'un brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA) pouvant faire état d'une expérience auprès d'adolescents, les éducateurs spécialisés, les membres de l'éducation nationale, les anciens militaires et les réservistes notamment. Nous nous appuierons sur eux et complèterons leur expérience par une formation spécifique au SNU dispensée en mars ou en avril préalablement au lancement de la phase pilote. Dans ce schéma, l'implication de l'armée sera particulièrement importante. Quant aux normes d'encadrement, avec un adulte pour cinq jeunes, nous nous trouverons au-delà de la réglementation.

N'ayez pas d'inquiétude, monsieur Piednoir : la phase de cohésion se tiendra pendant les vacances scolaires, ce qui évitera tout chevauchement en matière d'occupation des internats. À mon sens, dans le cadre du service militaire, l'objection de conscience s'expliquait par un refus de manier les armes. Or, le maniement des armes - d'aucuns le regrettent - n'est pas prévu lors du SNU. S'agissant du permis de conduire, un module de présentation du code de la route sera dispensé lors de la phase de cohésion, puis un accès à une plateforme d'apprentissage offert - un appel à projet à destination des professionnels est lancé à cet effet dans chaque département. Un premier passage du code de la route sera pris en charge par le SNU à hauteur de 30 euros par jeune.

Mme Raimond-Pavero m'a interrogé sur l'avenir des centres AFPA. Aucune décision n'a encore été prise au niveau national, mais nous soutenons les projets de reconversion en sites de formation pour le SNU proposés par les élus locaux, à l'instar récemment du maire de Châteauroux. M. Laurent Petrynka a effectivement été nommé coordinateur interministériel du SNU. Il fut auparavant directeur de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS), expérience fort utile au regard de l'importance du sport lors de la phase de cohésion. Son rôle consiste à coordonner l'action des différentes administrations concernées par le dispositif et à organiser la collaboration avec les associations et les collectivités territoriales. Il dispose, pour sa mission de préfiguration du SNU, de douze emplois équivalents temps plein.

Nous avons effectivement constaté, madame Billon, la mobilisation forte des jeunes filles pour participer au SNU. Je me suis récemment rendu dans un département qui comptait vingt-huit filles parmi les trente volontaires ! Elles font preuve d'une volonté de découvrir d'autres horizons, d'apprendre à se défendre et de participer à un dispositif dont la version précédente, le service militaire, leur était fermée. Pour autant, nous assurerons la parité des cohortes ; préfets et recteurs sont mobilisés à cet effet.

Monsieur Antiste, les départements d'outre-mer, où les attentes à l'égard du dispositif paraissent particulièrement élevées, participeront au SNU dans les mêmes conditions que les territoires métropolitains. La Guyane a été sélectionnée pour la phase pilote. Sur ce point, madame Morin-Desailly, le choix s'est porté sur un département pour chaque région, en fonction de critères de diversité géographique et sociale, en prenant également en considération la présence d'une implantation militaire importante, comme dans l'Eure, le Morbihan, les Ardennes ou la Guyane.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous vous remercions, monsieur le Ministre, pour vos réponses empreintes d'une grande passion. Vous aurez compris que le Parlement souhaite ne pas être mis à l'écart de l'élaboration de cette réforme capitale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Absolument ! Nous poursuivons nos travaux sur le SNU, y compris sur le terrain. Nos inquiétudes portent principalement sur le coût du dispositif, dans un contexte budgétaire et fiscal tendu.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 5.