Nous abordons aujourd'hui l'examen des amendements de séance déposés sur la proposition de loi modifiant la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises (Egalim) : un seul amendement est à examiner.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 3
Je remercie Jean-Claude Tissot d'avoir déposé l'amendement n° 1, car il est très important de débattre dans l'hémicycle de la question des coopératives agricoles. J'en ai discuté avec l'auteur de la proposition de loi, l'article relatif aux coopératives a deux fondements. Tout d'abord, le Gouvernement n'a pas respecté le champ de l'habilitation de l'ordonnance défini par le Parlement. Par principe, nous devons supprimer cet article de l'ordonnance avant de la ratifier. Ensuite, sur le fond, une coopérative n'est pas une entreprise privée ; elle est le prolongement des exploitations agricoles. Bien sûr, certaines coopératives ne jouent pas le jeu, mais elles sont minoritaires. Si l'on avait par hasard un mauvais gouvernement, on ne modifierait pas pour autant la Constitution. Dès lors, pourquoi modifier le statut des coopératives si certaines d'entre elles sont moins bien gérées ?
Dans ces conditions, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je vous propose d'émettre un avis défavorable.
Je rejoins les propos du rapporteur. Il importe de rester sur cette posture institutionnelle avant tout, d'autant qu'il s'agit du seul point ayant fait l'objet d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat en commission mixte paritaire.
Le Gouvernement est sorti du champ de l'habilitation fixé par le législateur. Notre commission n'est pas fermée à toute discussion sur la coopération. Il faut débattre du rôle et des enjeux des coopératives en vue de leur permettre d'évoluer et de s'adapter au contexte économique actuel. Mais légiférer par ordonnance, c'est priver le Parlement de tout débat. Or, s'il faut modifier des choses, il faut que le Parlement débatte et légifère sur ce point important en matière d'aménagement du territoire.
Si j'ai bien compris, cet amendement uniformiserait notre position quant au rôle des coopératives.
En pratique, l'amendement maintient le mécanisme permettant d'engager la responsabilité d'une coopérative qui fixerait des prix abusivement bas pour rémunérer les apports à ses coopérateurs. Au regard de son statut, la coopérative, qui est l'entreprise de l'exploitant, redonne tout à ce dernier. Si, une année, elle a des soucis de trésorerie, de gestion, il peut arriver qu'elle paie moins. C'est pourquoi il est difficile de déterminer des prix abusivement bas dans ce contexte sans remettre en cause le statut même de la coopérative.
Le rapporteur défend surtout une position de principe : le Gouvernement est sorti du cadre de l'habilitation fixé par le Parlement à l'occasion de la loi Égalim. On ne peut priver le Parlement d'un débat sur la question du prix abusivement bas ni sur celle du statut des coopératives par cette mécanique.
Je partage vos propos, madame la présidente, ainsi que ceux du rapporteur. Les problèmes avérés au sein de grands groupes coopératifs ne doivent pas nous conduire à déconstruire la coopération agricole. Les coopérateurs ont un contrat plus que moral avec leur coopérative. Évitons l'immixtion d'un tiers, même si la loi prévoit des procédures de conciliation lorsque cela est nécessaire.
Cela dit, nous nous en sommes entretenus avec le président de Coop de France, la coopération doit évoluer pour coller le plus possible au monde d'aujourd'hui, qui n'est pas celui d'hier.
Les coopératives ne sont pas fermées à la discussion. Comme l'a relevé Daniel Gremillet, si modifications il doit y avoir, elles doivent intervenir par voie parlementaire et non par ordonnance : le Parlement doit en débattre.
Dans le cadre du groupe de suivi, je vous propose que, en 2020, nous accordions une attention particulière à la coopération, en liaison avec Coop de France. Nous sommes très ouverts au débat sur la coopération. Ce que nous ne souhaitons pas, c'est que nous en soyons privés.
En Franche-Comté, pays du comté, avec les coopératives, les producteurs laitiers ne sont pas privés de la transformation. Mieux, ils la maîtrisent. Il ne faut surtout pas remettre en cause les coopératives. Même si des problèmes peuvent se poser ici ou là, une coopérative n'a rien à voir avec une entreprise classique. Le Gouvernement ne peut traiter cette question par ordonnance sans l'accord du Parlement. Il s'agit là d'acquis historiques, qu'il faut absolument garder.
Si l'on remet en cause ces coopératives, demain, tout sera permis. Or, l'exemple du comté montre combien la transformation profite au producteur.
Les caves coopératives de l'Aveyron sont justement en train de revoir leurs statuts, car elles sont bien conscientes de la nécessaire évolution. Il faut absolument préserver cet outil, qui est un trésor.
En tant que rapporteur de la loi Économie sociale et solidaire, j'avais été confronté à cette question. À l'époque, nous avions pris la décision, avec le Gouvernement, de ne pas y toucher : nous avions alors estimé que nous serions passés à côté du problème si nous avions acté une nécessaire évolution a priori, et non a posteriori. C'est pourquoi la position retenue dans la proposition de loi de Daniel Gremillet m'apparaît pertinente. Toutefois, nous devrons revenir sur cette question et nous devons nous y préparer dès maintenant, car nous allons être confrontés à une multitude de formes d'organisation. Évitons de nous retrouver avec quelque chose de hâtif, brutal ou, en tout cas, décalé.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 1 et, à défaut, y sera défavorable.
La réunion est close à 14 h 25.