- Présidence de M. Éric Jeansannetas, président -
Nous entamons aujourd'hui nos travaux sur les concessions autoroutières. Vous avez été destinataires d'un rappel chronologique sommaire et d'un premier programme d'auditions. Comme vous avez pu le constater, il comporte des auditions plénières et des auditions rapporteur, auxquelles vous avez bien entendu toute liberté d'assister. Avant d'entamer notre première audition, je vous consulte, à la demande du rapporteur, sur l'opportunité de procéder à des auditions plénières pendant les deux semaines de suspension des travaux parlementaires en mars, en raison de la campagne des élections municipales. Ces auditions ne peuvent être utiles que si vous êtes nombreux à y assister. Pour ma part, dès lors que ces auditions auraient lieu le mardi après-midi 10 ou le mercredi 11, je m'engage à me rendre disponible. Qu'en pensez-vous ? Je constate qu'il n'y a pas d'opposition de principe. La décision est prise.
Je suis ouvert à vos propositions concernant les auditions. Je vous propose de commencer par des auditions techniques et de finir par des auditions politiques.
Conformément à ce que nous avions décidé lors de la réunion constitutive, nous commençons nos travaux par l'audition de M. Fabien Balderelli, sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé depuis mai 2019. Cette sous-direction relève de la direction des infrastructures de transport qui fait elle-même partie de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer du ministère de la Transition écologique et solidaire.
Monsieur le sous-directeur, je vous remercie de vous être rendu à notre convocation. Après vous avoir rappelé qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, levez la main droite et dites : « je le jure ». Je note la présence de votre adjoint qui ne pourra pas prendre la parole.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M.°Balderelli prête serment.
Pour commencer, pouvez-vous présenter votre sous-direction : combien de personnes y travaillent ? Quelles sont leurs compétences ? Quelle est votre organisation administrative et géographique ?
Quelles sont vos principales missions ? Êtes-vous, sur le plan ministériel, le seul interlocuteur des SCA en matière de contrôle des concessions ?
Avec quels autres ministères et institutions travaillez-vous pour assurer la gestion et le contrôle des concessions ? Quelles sont en particulier vos relations avec le ministère de l'économie et des finances et avec l'Autorité de régulation des transports (ART) et comment vos missions respectives s'articulent-elles ?
De quelle manière assurez-vous le contrôle des concessions et de quelles prérogatives disposez-vous dans l'exercice de ce contrôle, notamment pour bénéficier d'une remontée d'informations suffisante de la part des SCA ?
Comment contrôlez-vous la mise en oeuvre des tarifs prévus par les contrats de plan ? Confirmez-vous que la pratique du foisonnement tarifaire a été abandonnée ? L'État a-t-il récupéré le produit du foisonnement pratiqué avant son abandon ?
Quel est le montant des taxes et impositions versées annuellement par les SCA ? Certaines de ces taxes ou impositions ont-elles fait l'objet d'une compensation ? Si oui de quel montant ? La baisse de l'IS est-elle prise en compte ?
Comment sont élaborés et négociés les contrats de plan ? Qui propose le champ des investissements supplémentaires à financer ? Comment le périmètre des investissements compensables est-il défini ? Quelles sont les méthodes utilisées pour calculer les compensations par des hausses tarifaires et/ou par l'allongement de la durée de concession ?
Je m'arrête là dans un premier temps pour vous laisser répondre.
Je me présente : je suis ingénieur en chef des ponts, des eaux et des forêts, en poste depuis mai 2019. J'étais auparavant chargé de l'attribution des nouvelles concessions à la DGITM entre 2005 et 2011, puis sous-directeur du développement et de la gestion du réseau ferroviaire et des voies navigables. La sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé compte 35 collaborateurs, dont une dizaine à Paris, qui veillent à la gestion des contrats et des enjeux financiers, et une vingtaine à Bron, près de Lyon, chargés du contrôle technique des autoroutes. Les deux sont intrinsèquement liés. Je suis en outre commissaire du gouvernement adjoint dans les deux sociétés à capitaux publics, Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc (ATMB) et la Société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF), ainsi que vice-président des commissions intergouvernementales des deux tunnels autoroutiers franco-italiens.
L'activité du concédant qu'est l'État représente :
· Environ une quarantaine de décisions ministérielles sur des projets par an, pour arrêter les caractéristiques techniques et le coût des opérations menées par les concessionnaires.
· 150 contrôles par an sur des ouvrages d'art et des infrastructures.
· Entre 10 et 20 inspections par an, liées à la mise en service d'équipements ou pour attester la conformité des travaux menés par les sociétés.
· Un millier de contrôles de dossiers d'exploitations sous chantier par an pour veiller à la sécurité des usagers.
· 40 000 hausses de tarifs par an.
· Une cinquantaine d'agréments de sous-concessionnaires (concernant les aires annexes).
· Cinq à dix audits par an.
· En termes d'enjeux : 100 milliards de véhicules au kilomètre par an.
La question de l'opportunité d'un nouveau projet est socio-économique et politique : l'administration doit avant tout produire les éléments d'aide à la décision. Le projet est construit à partir de fonctionnalités (instructions sur les conditions techniques d'aménagement des autoroutes de liaison). Une fois celui-ci arrêté, il faut appliquer l'ensemble des normes et instructions qui régissent ce qu'est une autoroute, en particulier l'instruction ICTAAL. Nous construisons un dialogue avec ce que peuvent apporter les concessionnaires et les collectivités territoriales afin de vérifier la conformité des dispositions techniques. Les décisions ministérielles sont de plus en plus précises en la matière.
Votre travail me paraît très technique. Est-ce que les aspects juridiques et financiers du contrôle des contrats représentent une part importante de votre travail ?
L'essentiel de notre travail vise à assurer la commodité et la sécurité des usagers. Ce sont des enjeux au coeur de notre métier. Les enjeux juridico-financiers, qui sont examinés avec le ministre de l'économie et des finances, sont importants, mais le coeur de notre travail vise à garantir à l'usager un haut niveau de service. Nous nous mettons ensuite d'accord sur le coût de la mise en concession et sur les conditions économiques et financières du contrat. Dans la phase de réalisation d'infrastructures, notre travail implique un dialogue intense et exigeant avec le concessionnaire, qui est le maître d'ouvrage. Le concédant n'exerce pas la maîtrise d'ouvrage lui-même. Lors de la réalisation des infrastructures et des contrôles d'audit, nous sommes dans une logique partenariale et de confiance.
La société SFTRF s'occupe par exemple actuellement de la réalisation du viaduc du Charmaix entre la France et l'Italie : nous nous sommes aperçus qu'il y avait des fissures. Nous avons donc demandé une expertise pour nous assurer de la conformité de l'installation à notre vision patrimoniale et à la sécurité. Nous effectuons ensuite le contrôle préalable à la mise en service de l'infrastructure. Nous contrôlons l'ensemble des indicateurs introduits dans les contrats depuis les années 2000 et qui sont de plus en plus nombreux au fur et à mesure de la conclusion de contrats de plan. C'est par exemple le cas dans les derniers contrats où a été créé un indicateur portant sur la structure des chaussées. Ces indicateurs sont la ligne directrice de suivi de la performance pour l'usager : il en existe sur le temps d'attente au péage, sur les ouvrages d'art, etc... Le suivi de l'exécution du contrat passe par un rapprochement tous les cinq ans lors de la négociation des contrats de plans. Concernant la fin des concessions, elle interviendra entre 2031 et 2036 pour les concessionnaires historiques. À l'exception toutefois des concessions de la CCI Seine Estuaire sur les ponts de Normandie et Tancarville qui s'achèveront en 2027, et pour lesquelles nous commençons le processus d'audit préalable à la fin du contrat afin de vérifier le bon état des équipements.
Je mentionne également parmi nos tâches la production règlementaire, ainsi que le comité des usagers, qui est une enceinte de concertation permettant de rapprocher le point de vue des usagers et celui du concédant.
Vous avez évoqué les audits techniques. Pouvez-vous nous donner deux ou trois exemples concrets de thématiques d'audit ? Vous saisissez-vous vous-même des thèmes ? Les sociétés concessionnaires d'autoroute (SCA) coopèrent-elles facilement ?
J'ai coprésidé un groupe de travail mis en place en 2015 par la commission du développement durable, lors du gel des péages, sur la réforme des marchés de travaux. Lors de la réforme des règles de mise en concurrence des appels d'offres, le seuil a été abaissé de 2 millions à 500 000 euros. Le contrôle des marchés publics passés par les SCA relève-t-il de votre sous-direction ?
Comment sont traités les contentieux avec les SCA ? Combien sont en cours ? Quel volume cela représente-t-il ? Êtes-vous en lien avec les directions régionales de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL) et les directions interdépartementales des routes (DIR) ? Entre l'attribution des concessions et la signature du contrat, il y a-t-il un temps pour rediscuter les termes et le montant du contrat. Le pétitionnaire peut-il rediscuter ? Sur l'A30 en Alsace, il y a par exemple une différence entre ce qui était prévu et ce qu'implique la découverte du terrain.
Les concessions sont longues, et les dispositions initiales ne sont plus adaptées. Quelle est votre marge pour renégocier ? Concernant les aires de services, quel est le lien entre le concessionnaire principal et le sous-traitant ?
Sur les investissements à vocation environnementale, nous avons procédé à un audit des équipements d'entretien et de maintenance, notamment les bassins en bord d'autoroute ou les dispositifs d'assainissement. Nous avons réalisé un audit sur le réseau Cofiroute, auquel le concessionnaire a participé et qui a montré qu'il y avait des marges de progression en la matière. Un accord a ensuite été passé pour redresser la situation sur l'entretien, la maintenance et la fonctionnalité des équipements. Les concessionnaires n'ont jamais été en situation d'obstruction par rapport à ces audits. Après avoir objectivé la situation au maximum, nous partageons le diagnostic et nous en tirons les conclusions.
Sur les appels d'offre passés par les sociétés historiques (les anciennes SEMCA), le cadre est à la fois contractuel et règlementaire. Il existait autrefois une commission consultative des marchés. Depuis l'extension du périmètre de l'ARAFER, le contrôle de ces marchés relève de la compétence de celle-ci. Nous sommes dans une logique de risques et périls du concessionnaire : c'est lui qui assume le risque de la bonne ou de la mauvaise performance des marchés de travaux. L'Autorité de régulation des transports (ART) veille à la transparence et la concurrence des contrats et construit une base de référence de coûts. Notre relation avec l'ART est la plus partenariale possible.
Concernant les contentieux, il y a eu en 2013 un début de contentieux sur la mise en oeuvre de l'augmentation de la redevance domaniale, qui a été soldé par le protocole de 2015. À ma connaissance, il n'y a pas d'autre contentieux sur des autoroutes concédées.
Sur la modification des contrats, nous sommes dans un régime de libre négociation : nous négocions entre l'attribution et la signature, jusqu'à trouver un accord. Ultérieurement, les modifications se font par voie d'avenants, qui sont par hypothèse équilibrés, sous le contrôle de l'ART et du Conseil d'État, et qui sont approuvés par décret. Une fois le contrat signé, la négociation est close. Concernant l'autoroute A355 (contournement de Strasbourg), c'est maintenant aux risques et périls du concessionnaire, car le contrat est signé.
Le service des partenariats publics-privés, un autre service de la DGITM, gère l'attribution des contrats de concession.
Dans le cadre de nos audits, nous nous appuyons sur le réseau des agents du ministère, et également celui des DREAL et des DIR, sous le contrôle de notre sous-direction. Les obligations découlant des aires annexes incombent au concessionnaire, qui sous-concède à des tiers (par exemple pour l'installation d'une station-service), mais qui reste responsable d'un éventuel manquement vis-à-vis du concédant. La durée de ces contrats est généralement plus courte que celle de la concession (la durée d'amortissement est de 10 à 15 ans en général). Une difficulté survient lorsque la durée résiduelle des contrats commence à excéder la durée d'amortissement des sous-concessions, ce qui va bientôt être le cas. Nous sommes en train d'analyser cette situation pour que l'État prenne le relais une fois la concession terminée, en reprenant à notre compte la sous-concession.
Les contrats de plan sont des revoyures quinquennales auxquelles les concessionnaires et le concédant s'astreignent. Nous nous mettons d'accord sur un coût, sur une capacité d'amortissement puis nous signons un avenant, sous le contrôle systématique du Conseil d'État et de l'ART. Actuellement, un contrat de plan portant sur 30 millions d'euros d'investissement est en discussion avec ATMB. Le taux d'actualisation doit être entre 5 et 5,5 %. C'est le même processus qui est à l'oeuvre que pour le plan d'investissement autoroutier de 2018.
Quand et où est prise la décision de construire l'autoroute et de la mettre en concession ? Les différents services travaillent en silo, ce qui rend complexe le processus décisionnel. Sur le Bordeaux-Genève, c'est-à-dire l'A89, il y a eu un grand nombre de tronçons différents. Elle passe par le coeur de Lyon. Pourquoi ? Qui décide du trajet ? Où est vraiment prise cette décision ?
Vous avez tous pouvoirs sur les contrôles techniques grâce à vos ingénieurs. Votre responsabilité peut-elle être mise en cause en cas d'erreur de conception ?
Sur le rôle des DREAL, maintenant que notre conception environnementale est beaucoup plus exigeante, travaillez-vous avec elles ? Sur les tarifs autoroutiers, pouvez-vous nous expliquer leur fonctionnement et leur conception ?
Mettre un péage ou non à une infrastructure est une question centrale. Le péage peut avoir un effet accélérateur : grâce aux retombées économiques du péage et de la construction, nous avons réalisé entre 150 à 250 km d'autoroutes par an depuis les années 1960 grâce au dispositif de la concession. Mais l'inconvénient de ce dispositif est qu'il fait payer l'usager. Sur la route Centre Europe Atlantique, les élus du département de l'Allier ont adopté le principe du péage sur une partie de l'A71, alors sur d'autres portions la réalisation se fera au rythme des contrats de plan État-région.
La décision de mettre ou non un péage est donc une question d'opportunité politique, ministérielle mais partagée par l'ensemble des décideurs. Les techniciens que nous sommes peuvent éclairer ces décisions sur l'intérêt socio-économique du péage ou sur la possibilité de faire passer un itinéraire alternatif gratuit. Pour l'autoroute A63 dans les Landes, le principe de la mise à péage a permis d'accélérer la construction de la 2x3 voies, là où cela aurait été très long et coûteux (à peu près 400 à 500 millions d'euros de travaux) pour l'État.
La mise à péage permet d'accélérer la construction des infrastructures en augmentant la capacité de financement. La décision publique n'est pas une science exacte ni linéaire.
Concernant notre responsabilité, nous évaluons les éléments de conception par rapport à des référentiels normatifs. Je ne suis pas le mieux placé pour vous décrire ce système normatif. Il s'agit plutôt de définir comment faire que quoi faire. Nous envisageons actuellement des voies réservées aux transports en commun, ou au covoiturage. Sur l'A10, il existe désormais un dispositif expérimental d'arrêt sur l'autoroute pour des transports en commun.
Concernant le rôle des DREAL dans la conception des projets, les enjeux environnementaux sont de plus en plus pris en compte, y compris bien en amont par mes collègues de l'administration centrale. On ne conçoit aujourd'hui plus les autoroutes de la même façon qu'il y a trente ans. C'est tout l'enjeu de la synthèse des contraintes de protection des espèces protégées.
Concernant la construction des tarifs, il y a deux cas. Dans le cadre d'une concession autonome, les tarifs ont vocation à amortir la concession sur la durée. C'est un optimum tarifaire entre ce que l'usager est prêt à payer et le coût de l'autoroute. Il peut y avoir un complément d'équilibre si la valeur actualisée des recettes de péage est inférieure à la rémunération de la concession. Cette équation financière est la conséquence de l'appel d'offre, à partir des tarifs proposés par les concessionnaires.
Sur les infrastructures adossées, le corpus juridique, légal, règlementaire et jurisprudentiel, est très contraignant pour définir les conditions tarifaires selon le coût et la capacité d'amortissement de l'ensemble de la concession. L'équilibre économique est marginalement modifié pour pouvoir absorber le coût de la construction de l'infrastructure. La loi d'orientation des mobilités (LOM) a récemment modifié l'article L. 122-4 du code de la voirie routière quant à la capacité d'amortissement sur la durée de la concession.
Je reviens sur la négociation entre l'offre et la conclusion du contrat. La variable est donc la tarification ou la durée. Quels sont les écarts entre les propositions initiales et le contrat définitif ?
Quelle est l'évolution des effectifs de votre sous-direction, en volume et qualitativement ? Avec qui négociez-vous ? Quels sont les profils des personnes négociant pour les sociétés concessionnaires d'autoroute (SCA) ? Vous sentez-vous assez dotés en moyens et en expertise face aux SCA qui ont des équipes plus importantes ? Le dialogue se tient-il au bon niveau ?
Avez-vous encore les moyens en effectifs au regard de l'ingénierie des sociétés d'autoroute qui attirent certains haut-fonctionnaires ? Il a été mis fin aux adossements en conformité avec le droit européen, mais quels sont les dossiers en stock qui pourraient faire l'objet d'une demande d'adossement, notamment de la part des collectivités gestionnaires ?
Vous nous avez indiqué qu'il y avait peu de contentieux. Y a-t-il des litiges ? Est-ce le service des partenariats public-privé qui effectue le contrôle juridique et financier ? Quelles améliorations pourraient être apportées à votre fonctionnement ainsi qu'à vos relations avec les concessionnaires ? Êtes-vous, vous ou vos services, sollicités par ces sociétés pour les rejoindre ?
Les effectifs sont stables dans le temps, malgré quelques changements dans l'organigramme. Aujourd'hui les enjeux techniques et financiers sont complètements liés, et c'est mon rôle de veiller à l'articulation entre les deux. Nos 35 fonctionnaires ne sont pas seuls pour contrôler. Ils s'appuient sur le réseau scientifique et technique du ministère - notamment le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) - et des DREAL, qui bénéficient de compétences extrêmement pointues. C'est un écosystème qui peut être mobilisé de manière satisfaisante.
Concernant les enjeux financiers, c'est ensuite l'ART qui contrôle le coût des infrastructures. Dans le cadre du plan d'investissement autoroutier, le concédant avait considéré être arrivé à un accord satisfaisant sur un coût des infrastructures, alors que l'ART avait estimé ce coût exagéré sur certains investissements. Une expertise tierce a donc été commanditée. Le cabinet d'expertise a donné raison à l'administration et le Conseil d'État a validé les éléments de l'équilibre économico-financier. Ce coût prend en compte le risque porté par les SCA. Je ne ressens pas de difficulté ou de manque de moyens dans notre discussion avec les SCA.
Notre dialogue avec les SCA est intense et exigeant, avec souvent des désaccords parfois importants mais que nous avons réussi à surmonter. Nous tentons de les résoudre en rapprochant nos points de vue, pour faire émerger des solutions plus intelligentes. Le système de la concession permet de bénéficier de la capacité d'expertise du concessionnaire. C'est un système intrinsèquement vertueux car il produit de la capacité d'investissement et de l'intelligence collective.
Je ne me désintéresse pas de l'équilibre économique des concessions. L'équilibre des contrats de concession des sociétés historiques privatisées porte sur des concessions mises en place dans les années 1970-1980, ce qui dans l'évolution du cycle des concessions conduit aujourd'hui à une rentabilité élevée, parce que les investissements consentis par le passé ont été très importants. Pour les concessions nouvelles, comme celle du contournement de Strasbourg, on voit que la rentabilité n'est que la photographie à un instant T d'une concession qui s'apprécie dans la durée. La négociation des avenants doit permettre à l'avenant d'avoir son propre équilibre sur la durée résiduelle du contrat. Les allongements de la durée des concessions ont été calibrés pour s'équilibrer, sous le contrôle de l'ART, de la Commission européenne au titre des aides d'État dans le cadre du plan de relance autoroutier, du Conseil d'État et, dorénavant, des assemblées parlementaires.
Sur le contournement ouest de Strasbourg, dont la mise en service interviendra en 2021, il est préférable que le service compétent vous réponde.
Il faudra nous envoyer le détail de l'organisation de votre sous-direction et des profils de vos collaborateurs, ainsi que les conclusions des audits des trois dernières années. Concernant les concessions historiques, les commissaires du gouvernement participent-ils aux conseils d'administration des sociétés ?
Je reformule ma question : infligez-vous parfois des pénalités aux concessionnaires ? Qu'en est-il des passages du public au privé ?
Dans le périmètre de la DGITM, le directeur-général de la société ATMB et celui de SFTRF sont d'anciens fonctionnaires, mais ce sont des sociétés à capitaux publics. Le directeur-général de la société Atlandes est un ancien fonctionnaire mais il n'a jamais travaillé sur les autoroutes concédées. Les profils de nos interlocuteurs ne sont pas liés à l'administration. L'État-major des sociétés concessionnaires ne vient pas de ma sous-direction.
Nous appliquons des pénalités, mais sans avoir de litige sur les pénalités. Un litige est une situation de blocage, ce que nous voulons éviter. La semaine dernière, nous avons infligé une pénalité de 30 000 euros à la société Albea pour l'autoroute entre Rouen et Le Havre. En 2016, cela doit représenter un million d'euros de pénalités prévues dans les contrats pour l'ensemble du réseau concédé. Nous vous transmettrons la liste.
L'article 35.6 des contrats de concession prévoit la présence de commissaires du gouvernement au conseil d'administration des sociétés, mais cette possibilité n'est pas utilisée à ce jour. Nous recevons cependant tous les dossiers présentés au conseil d'administration.
Quel est votre correspondant à Bercy ? Qui contrôle les 40 000 tarifs ?
L'agence des participations de l'État (APE) est notre correspondante pour les sociétés à capitaux publics. Sinon, c'est la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui exerce le contrôle des tarifs autoroutiers conjointement avec nous. Nous discutons en outre avec la direction générale du Trésor de l'équilibre économique des concessions.
Une seule personne est chargée du contrôle des tarifs chez nous. Ils sont proposés par les SCA. Le concédant s'assure qu'il n'y ait plus de foisonnement et que la hausse proposée soit cohérente avec les dispositions contractuelles. Ce n'est pas l'État qui produit une grille annuellement. Ces tarifs rentrent ensuite en vigueur par arrêté en l'absence de contrats de plan.
Vous étiez dans la sous-direction en 2005. Pouvez-vous nous expliquer comment la décision de privatisation a été prise à l'époque ? Quelle est l'administration qui a été à la manoeuvre ? Pouvez-vous nous donner des noms ?
C'est essentiellement une compétence de l'agence des participations de l'État. Quant à notre rôle, il est le même, que la société soit une société d'économie mixte ou une société privée.
Concernant les dossiers portant sur les avenants, y a-t-il un dossier par avenant qui récapitule le calcul de l'équilibre ? Y a-t-il eu des décalages entre le début des travaux et la hausse correspondante des tarifs ?
Oui, nous avons des clauses introduites dans les contrats de plan 2002-2006 (articles 7.5, 7.6 et 7.7 repris dans les avenants) qui établissent le calcul des investissements sur la durée. S'il y a un décalage dans le temps de la courbe des dépenses, cela ouvre lieu à des reliquats. S'il y a eu une surcompensation à l'instant T, cela donne lieu par préférence à des travaux supplémentaires qui ne sont pas compensés pour la quote-part qui correspond à cet avantage indu. Le concessionnaire ne décide pas des travaux. Il n'y a pas de régularisation par les tarifs, car les contrats prévoient que la compensation se fait par préférence par le biais de travaux supplémentaires. Nous faisons ensuite un bilan à l'échéance des contrats de plan, sur la base des échéanciers de décaissement de l'ensemble des opérations, bilan corrigé du coût des risques du concessionnaire et avec le taux d'actualisation qui a été décidé lors de la signature du contrat. On reconstitue ce décalage de manière à en assurer la neutralité.
Nous vous avons également envoyé des demandes de transmission de documents. Je vous remercie.
La réunion est close à 18 h 20.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.