La réunion d'aujourd'hui a été convoquée afin que l'Office puisse réagir rapidement aux tout derniers développements relatifs à la mise en oeuvre de la stratégie vaccinale. L'Office doit démêler le vrai du faux dans la polémique actuelle qui entoure cette stratégie, distinguer les critiques fondées des reproches injustifiés, et faire part de sa position dans ce contexte.
Deux auditions de ministres pourraient avoir lieu la semaine prochaine : celle d'Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances, et celle d'Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé. Les dates ne sont pas encore définies. Olivier Véran sera auditionné par la commission des Affaires sociales du Sénat mardi prochain, ainsi que par celle de l'Assemblée, ce qui n'enlève rien au fait qu'il devra aussi être entendu par l'Office, pour une audition plus technique.
Les rapporteurs Gérard Leseul, Sonia de La Provôté, Jean-François Eliaou et Florence Lassarade ont entendu cette semaine Alain Fischer, président du conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, et Clément Lacoin, directeur adjoint du cabinet d'Olivier Véran, sur les aspects scientifiques et logistiques. Cela leur permet d'avoir une vision plus claire que celle qu'en donnent les médias. Globalement, le rapport adopté par l'Office en décembre est toujours pertinent. Certaines données ont changé, notamment les prix des vaccins, rendus publics par inadvertance, ou encore le calendrier de la campagne. Pour autant, l'essentiel des conclusions reste valable et le rapport n'a pas pris une ride.
D'autres questions sur la Covid-19 sont préoccupantes et sensibles, a confirmé Alain Fischer. Il s'agit notamment du variant britannique. Je propose aux rapporteurs de faire le point, puis j'ouvrirai le débat pour confronter notre ressenti de parlementaire sur la situation qui prévaut dans nos circonscriptions et à l'échelon national.
Cette semaine nous avons auditionné le professeur Alain Fischer et Clément Lacoin, qui, au cabinet du ministre, supervise la task force. Dans les conclusions du rapport du 15 décembre, nous avions souhaité que les soignants de plus de 50 ans soient vaccinés, et le Gouvernement est allé dans le sens de cette recommandation.
Nous avions aussi souligné que le Royaume-Uni avait probablement payé plus cher les vaccins. Effectivement, il les a payés trois fois plus cher que l'Union européenne, afin de les obtenir rapidement.
En France, la crainte porte sur le variant britannique. Une course de vitesse s'engage, et l'on espère que les vaccins actuels sont efficaces sur le variant, ce qui semble vrai à ce stade. Une double question de stratégie et de vitesse se pose. Le professeur Fischer a souligné que le vaccin Moderna semble être efficace pour prévenir la transmission du virus, ce qui est une bonne nouvelle. 97 centres hospitaliers ont reçu des doses de vaccins et elles seront distribuées dans 600 centres de vaccination, sachant qu'il y a 14 000 établissements à livrer. Cela pose donc un problème considérable de logistique. Les médias amplifient la question de la lenteur, mais il y a un réel sujet de logistique.
La deuxième dose de vaccin suscite aussi des questions. La Haute Autorité de santé (HAS) voulait sécuriser la deuxième dose au moment de la première injection ; cependant, la seconde injection peut intervenir entre 3 et 6 semaines après la première, semble-t-il, sans que cela ne nuise trop à l'efficacité de la vaccination.
Les livraisons de Pfizer arriveront à raison de 500 000 doses par semaine en janvier.
Le protocole produit pour les directeurs de maisons de retraite repose surtout sur 4 questions très simples que devra poser le médecin-vaccinateur : « Avez-vous eu la Covid-19 dans les trois mois précédents ? » ; « Avez-vous reçu le vaccin anti-grippe dans les trois semaines précédentes ? » ; « Avez-vous de la fièvre ? » ; « Faites-vous des allergies graves ? » Des réponses négatives permettront de vacciner. Voilà pour le volet médical.
En matière de logistique, on espère que le dispositif national se décline de manière adéquate sur le terrain. À titre personnel, le défaut de coordination entre les agences régionales de santé (ARS) et les préfectures m'étonne, mais c'est un problème plus politique que logistique. Il faut garder la tête froide, les choses sont lancées ; il y a une forte dimension logistique pour le vaccin de Pfizer, car 16 millions de doses vont être livrées. Le vaccin de Moderna suivra avec 7 millions de doses et les autres vaccins arriveront ensuite. À l'échelon du bloc communal, va-t-on laisser les élus mettre en place des vaccinodromes ? Cela me paraît primordial. Le directeur général de l'ARS m'a indiqué que cela serait possible dans la phase 2.
Nous devons mesurer l'écart entre nos conclusions du 15 décembre sur la stratégie vaccinale et la situation observée aujourd'hui.
Voici mon sentiment : il n'y a pas grand-chose à ajouter à nos conclusions pour ce qui concerne l'organisation de la vaccination à Paris, au niveau central, y compris pour les mesures relatives à l'outremer ; il n'en va pas de même en périphérie et dans les territoires. Dans le département où je suis élu, l'Hérault, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne doivent informer les autorités du nombre de doses dont ils ont besoin que le 19 janvier, tandis que les doses n'arriveront que le 1er février. Ce n'est pas ce que le ministre de la santé avait annoncé.
J'observe une autre différence avec la mi-décembre. Depuis cette date, le variant anglais s'est répandu, provoquant une déferlante de contaminations en Grande-Bretagne. Sa prévalence ne fera qu'augmenter. Je suis donc résolument... pessimiste. Le ministre de l'éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a du reste déjà annoncé que les vacances scolaires d'hiver pourraient être prolongées. J'y vois le signe d'un possible retour au confinement. Par ailleurs, la protection contre le virus n'est optimale que 15 jours après la deuxième injection du vaccin. Une course-poursuite s'est ainsi engagée entre la protection vaccinale et le variant britannique, qui, par le jeu de la sélection naturelle, va devenir la forme prédominante du virus.
Notre stratégie vaccinale actuelle est-elle adaptée à ces risques ? Comme vous le savez, elle repose sur une distribution du vaccin par deux flux et deux réseaux. Le flux A est conçu pour atteindre directement les individus ; le flux B s'appuie sur le réseau des centres hospitaliers universitaires (CHU). Or le flux A fonctionne beaucoup moins bien que le flux B. J'en veux pour preuve le fait que, dans les EHPAD de ma circonscription, les doses n'arriveront que fin janvier, alors que je me fais vacciner cet après-midi au CHU...
La France a dû se caler sur les dates européennes pour commencer la distribution du vaccin. Le décalage avec le début effectif de la vaccination a fait naître un mécontentement, et parfois un affolement, qui ont été relayés par les médias. Malgré cela, nous continuons de suivre la stratégie arrêtée en décembre. Les problèmes se posent plutôt au niveau logistique. C'est surtout pour le flux A que le bât blesse.
Malgré l'emballement médiatique, nous devons rester sereins. Un certain enthousiasme a accompagné l'annonce des vaccinations à partir du 27 décembre, alors qu'elles ne seront vraiment possibles qu'à partir de cette semaine.
La concertation locale a par ailleurs pris du retard. Les grandes associations de gestion des tutelles et curatelles n'ont pas encore été invitées par les ARS et par les préfets à échanger sur les lignes directrices qui pourraient être données à leurs adhérents devant prendre une décision quant à la vaccination de leurs proches.
Des retards s'observent également au niveau local et départemental. Des échanges avec le préfet de ma région, il ressort que les directives ministérielles n'arrivent pas toujours à temps, de sorte que chacun attend le feu vert de l'échelon supérieur.
Le point important est en effet la course contre la montre engagée entre le déploiement de la stratégie vaccinale et la propagation des nouveaux variants du virus, britannique et bientôt sud-africain.
Combien de personnes pourront-elles être vaccinées d'ici fin janvier ? En additionnant les 16 millions de doses de vaccin Pfizer et les 7 millions de doses de vaccin Moderna, cela fait 11,5 millions de personnes seulement, puisque chaque personne vaccinée doit recevoir deux injections.
Je me suis toujours interrogée sur la priorité donnée aux EHPAD, qui prennent en charge des pensionnaires qui n'ont plus toujours toute leur tête, et dont les familles elles-mêmes marquent parfois des hésitations à les faire vacciner... Heureusement, les soignants de plus de 50 ans sont désormais prioritaires eux aussi. J'aimerais cependant qu'on réfléchisse à élargir le cercle à des professions indispensables, telles que les éboueurs, les pompiers, etc. Si seulement 45 % de Français, soit environ 30 millions de personnes, veulent être vaccinés, quand pourront-ils l'être ?
Je regrette le manque de consignes claires, voire les mauvais conseils donnés par la Haute Autorité de santé quant à l'administration du vaccin. Comme l'a montré un récent reportage télévisé, une polémique s'est fait jour sur les seringues employées, qui ne seraient pas toujours les bonnes, puisque l'injection doit avoir lieu par voie intramusculaire.
Nous devrions enfin nous interroger sur la démarche du président de la région Normandie, Hervé Morin, qui veut que sa collectivité puisse s'approvisionner directement en vaccins.
Je remercie les rapporteurs pour leur travail de suivi d'une stratégie de vaccination qui nous laisse quand même assez perplexes. Je fais régulièrement le point, comme vous tous, avec les autorités de santé, la préfecture et les élus locaux. Je suis élue dans un département très peu dense, qui subit aujourd'hui un couvre-feu à 18 heures, alors que la densité de certains territoires n'est parfois que de 4 habitants au kilomètre carré. Il n'y a aucun transport en commun, et la population subit ce qui est quand même un enfermement, y compris dans des zones extrêmement rurales, et ce n'est pas du tout compris.
Je me demande comment le virus circule dans des zones aussi peu denses, aussi je pose la question de la vaccination dans les établissements scolaires. Au-delà de la vaccination initiale dans les EHPAD et pour les personnels de santé, auxquels s'ajoutent d'ailleurs dans mon département les pompiers et les auxiliaires de vie de plus de 50 ans, il a été décidé de déployer aussi des vaccins pour les enseignants. On me dit qu'il y a très peu d'enseignants malades aujourd'hui. Je me demande s'il est envisagé de vacciner aussi les lycéens et les collégiens. Le virus peut-il passer par eux de manière active ? Si c'est le cas, pourquoi ne les vaccine-t-on pas ? Il y a eu plusieurs clusters dans des lycées et des collèges, avec des stratégies très hétérogènes d'isolement - ou pas - des cas contact. Chaque établissement fait comme il veut. Je pose cette question parce que dans des départements où la densité de population est très faible et où il n'y a pas de transports en commun, on ne voit pas comment ce virus circule autrement que par les jeunes, notamment ceux qui sont scolarisés.
S'agissant des personnels de santé, les services de réanimation sont aujourd'hui saturés dans ma circonscription, notamment parce qu'on ne peut pas ouvrir assez de lits, des médecins et des infirmières de réanimation étant malades. Est-il bien raisonnable de ne pas vacciner les soignants de moins de 50 ans, notamment ceux qui travaillent dans les établissements hospitaliers ?
Je remercie les rapporteurs, dont les propos sont toujours passionnants. Quitte à répéter ce qui a été dit, je peux témoigner qu'en s'éloignant à peine de Paris pour aller dans l'Essonne, on est déjà dans l'impréparation totale. Il y a un décalage complet entre la stratégie gouvernementale au niveau national, élaborée de toute bonne foi, et ce qui est ensuite décliné dans les départements.
Les élus ont eu, mardi matin à l'aube, un entretien surréaliste avec le préfet et le directeur de la délégation départementale de l'ARS. Plusieurs maires se sont à juste titre emportés, en disant que nous disposions du vaccin depuis plus d'une semaine en Essonne, mais que la vaccination ne commencerait que le mardi 12 janvier, au motif que n'avaient pas encore été recensées, dans les EHPAD et les hôpitaux, toutes les personnes ciblées pour être vaccinées en premier. À juste titre, un maire a dit que c'était « hallucinant », un tableau Excel devant suffire à donner ces informations.
Cela aurait dû être fait depuis bien longtemps, en fin d'année dernière, pendant que les chercheurs étaient en train de mettre au point les vaccins. Il y a donc un retard incroyable. Le soir même, nous avons entendu Aurélien Rousseau, directeur général de l'ARS Île-de-France, beaucoup plus structuré et rassurant.
Le nombre de vaccins est-il bien proportionnel au nombre d'habitants ? L'Essonne compte 1,2 million d'habitants, et 20 000 vaccins sont prévus pour l'instant. La proportion me semble surprenante. Est-ce la même chose dans les autres pays européens ? J'ai entendu dire il y a deux jours sur une radio qu'il ne revenait ni aux présidents de régions, ni aux pays, de commander les vaccins, et que c'est le niveau européen qui attribuait un nombre de doses à chaque pays. J'ai l'impression - mais peut-être est-ce une erreur - que certains pays européens semblent avoir accès à plus de vaccins que nous proportionnellement au nombre d'habitants.
Par ailleurs, le vaccin actuel pose de sérieuses difficultés, puisqu'il nécessite deux injections à trois semaines d'intervalle. Certains pensent que cela conduit à diviser par deux le nombre de personnes susceptibles d'être vaccinées. Surtout, les gens s'inquiètent à l'idée de ne pas pouvoir partir en vacances, en février, dans des pays qui demanderaient un certificat de vaccination, si la première injection ne se fait pas avant deux à trois semaines.
Autre sujet d'étonnement : Florence Lassarade a évoqué l'importance des questions posées avant la vaccination, notamment aux personnes âgées. Mais cet entretien préalable coûte le prix d'une consultation médicale. On m'a dit de ne pas m'inquiéter, le patient n'ayant aucune démarche à faire. Toutefois, je me préoccupe du coût de ces entretiens pour la sécurité sociale.
Enfin, je constate comme vous le décalage complet entre la programmation parisienne et ce qui se passe sur le terrain.
Avant de donner la parole à Angèle Préville, je vais vous relayer une question d'Anne Genetet, qui a une trop mauvaise connexion pour la poser directement : « L'OPECST va-t-il se saisir du sujet de la réduction du nombre de doses du vaccin Comirnaty - c'est le nom du vaccin Pfizer-BioNTech - ou de l'espacement des commandes ? Le politique aura besoin d'éclairage sur ce point. » Notre collègue est inquiète d'entendre qu'on y réfléchit déjà, et se demande sur quels fondements.
Je souhaiterais connaître le nombre de doses réellement reçues. Je n'en ai pas eu connaissance pour mon département, le Lot. Par contre, nous avons été avisés par la préfecture et l'ARS que les vaccinations devaient commencer lundi dans quatre EHPAD. Renseignements pris, ce ne sera le cas qu'en fin de semaine.
J'ai de fortes inquiétudes sur la conservation du vaccin, en raison des exigences très particulières en matière de chaîne du froid. Il a été indiqué que nous recevions 500 000 doses par semaine. Est-ce que le stockage a bien été prévu pour ces quantités et dans quelles conditions ? A-t-on globalement connaissance du nombre de personnes vaccinées chaque jour en France ? Je n'ai pas l'impression qu'on dispose de ces informations.
Enfin, je regarde de temps en temps la chaîne de télévision Arte, et j'ai vu en décembre l'organisation mise en place en Allemagne, avec ces fameux vaccinodromes qui étaient prêts dès avant la réception des vaccins. Je me suis demandée si nous avions prévu ce genre d'installations en France. La réponse est évidemment négative. Cela met bien en exergue notre impréparation, puisque les vaccins sont arrivés.
Anne Genetet a anticipé la réponse à l'avant-dernière question, en indiquant sur la boucle que le nombre de personnes vaccinées au jour le jour sera communiqué par le système d'information « Vaccin Covid » à partir de la semaine prochaine.
Nous avons un peu cédé à l'autosatisfaction au début de la réunion, en disant que le Gouvernement avait suivi l'avis de l'Office sur la vaccination. Tant mieux, mais il faut quand même constater que la France est dans les derniers pays à vacciner, bien après de petits pays. Il faut lutter intelligemment contre ce qu'on a appelé l'hésitation vaccinale, qui est un problème fondamental. On sait très bien que si la proportion de personnes vaccinées ne dépasse pas 60 à 70 %, on n'arrivera pas à un bon résultat. Il faut aussi accélérer la vaccination, parce que le démarrage est catastrophique. Je l'ai déjà dit : le coût pour la France d'une semaine de retard de vaccination est de deux milliards d'euros.
Étant plutôt libéral et favorable à l'efficacité, je pense qu'il faut mettre dans le circuit le secteur privé, parce que de grandes entreprises savent très bien faire de la logistique. Il faut aussi libérer les initiatives locales, autour de ce qu'on a appelé les vaccinodromes, et se rappeler que le diable se cache dans les détails : Catherine Procaccia a évoqué le sujet des seringues. Il paraît qu'on en manquerait. Imaginez le scandale si l'on a tous les vaccins nécessaires mais pas de quoi les administrer à nos concitoyens ! Il faut régler ce problème et accélérer, c'est une évidence.
Je redonne la parole aux rapporteurs pour qu'ils puissent répondre à toutes ces questions ou observations.
L'idée des « vaccinodromes » n'a effectivement pas été retenue, du moins pour la première phase de vaccination. Les associations de médecins, locales, régionales et nationales, que nous avons interrogées - sauf une, me semble-t-il - ne se sont pas montrées favorables à ce dispositif. Il y avait alors beaucoup d'inquiétudes sur la défiance vaccinale de la population.
Les auditions nous ont confirmé qu'il convenait de vacciner les personnes les plus fragiles. Nous nous sommes interrogés sur la vaccination des collégiens et des lycéens, mais ils ne peuvent être considérés comme prioritaires, du fait de la très faible létalité de la Covid-19 pour cette catégorie de population. Cette appréciation pourrait changer si des variants plus dangereux pour les jeunes apparaissaient. La HAS a établi sa stratégie progressive, priorisant des classes d'âge par rapport à d'autres, en fonction du volume de vaccins disponibles.
Il manque des informations sur la disponibilité des vaccins à l'échelon local, j'espère que nous les aurons rapidement.
Je vais d'abord répondre aux questions de Catherine Procaccia. Les autorités politiques de la région dont ma circonscription dépend semblent vouloir commander des doses elles-mêmes pour pallier le manque. Néanmoins, tout achat par une région est juridiquement impossible, car seul le canal national, via l'Union européenne, est possible.
S'agissant de la vaccination des personnes de moins de 50 ans essentielles au fonctionnement de la nation, telles que les pompiers, il est important de rappeler que la quantité de doses disponibles reste faible et que se pose donc un problème de pénurie. Cela vient des capacités industrielles de production de Pfizer-BioNTech et de Moderna, de leurs problèmes éventuels d'approvisionnement, du retard dans la mise au point d'un vaccin Sanofi, etc. Si toutes les personnes éligibles aux premières phases se font effectivement vacciner, il y aura une pénurie. Cependant, celle-ci est peu probable dans la mesure où tout le monde ne voudra pas se faire vacciner. Il faut bien mesurer l'ampleur de ces contraintes avant d'élargir le périmètre de la vaccination.
Sauf pour le vaccin produit par Moderna - ce qui reste à confirmer - la vaccination n'est pas stérilisante et ne prévient pas la dissémination du virus. Il est donc inutile de vacciner les enfants, qui ne sont pas à risque de forme grave - avec la souche dominant actuellement comme avec le variant britannique - car la balance bénéfice-risque n'est pas suffisamment favorable.
J'ai l'impression que la vaccination progresse très - trop - lentement dans les EHPAD, ce qui est regrettable. Tous les acteurs de la vaccination n'ont pas pris la mesure de l'urgence, alors que le risque d'une troisième vague est bien réel.
Les auditions que nous avons réalisées nous font nous interroger sur la pertinence de l'entretien pré-vaccinal avec le médecin, qui repose surtout sur quatre questions, sachant qu'il est tarifé à 40 euros puisqu'il s'agit d'une consultation spéciale. Il est important qu'un médecin supervise la vaccination, dans la mesure où des accidents allergiques graves peuvent survenir, mais une organisation différente permettrait à d'autres personnels de santé de la réaliser, notamment dans les EHPAD.
En France, les autorités n'envisagent pas de réduire le nombre de doses ou d'allonger le délai entre les deux injections. Les délais prévus doivent être maintenus, avec une souplesse raisonnable de quelques jours, car il n'y a pas d'argument scientifique pour garantir l'efficacité du vaccin en cas de changement de protocole. Alain Fischer nous l'a confirmé.
La stratégie des « vaccinodromes » n'a pas été choisie et cela implique des lourdeurs logistiques. Les préfets connaissent la disponibilité des doses
Concernant l'hésitation vaccinale, j'observe qu'une fois que le vaccin est devenu disponible, mais rare, avec des menaces de pénurie, les gens ont tout à coup voulu se faire vacciner. On voit bien là le biais cognitif qu'entraîne la rareté. Lorsque les vaccins seront en quantité suffisante, peut-être que les personnes seront moins pressées de se faire vacciner.
La logistique derrière la vaccination est déjà assurée par le secteur privé, notamment Géodis et d'autres grands logisticiens. Le gouvernement s'est aussi adjoint l'aide d'un bureau d'études américain, et il a d'ailleurs été critiqué pour cela. J'estime que le gouvernement met tout en oeuvre pour que tout soit le plus efficace possible.
Les erreurs d'injection semblent venir de ce que la direction générale de la Santé (DGS) aurait transmis une information erronée sur la technique d'administration du vaccin : l'injection doit bien être intramusculaire et non sous-cutanée.
Le vaccin n'a pas été testé sur les moins de 18 ans, ce qui pose problème si l'on décidait de vacciner les enfants. Par ailleurs, les vaccins à ARN peuvent entraîner des réactions allergiques plus fréquentes, de l'ordre de 1 sur 150 000 contre 1 pour plusieurs millions pour les vaccins classiques. Or, les enfants ne sont pas à risque de forme grave et plus on est jeune, plus on est sujet à allergie. La balance bénéfice-risque n'est donc pas favorable. Les parents pourraient être réticents. Il faudra probablement revoir le sujet si des variants plus dangereux pour les enfants apparaissent.
S'agissant des seringues, il faut effectivement être prudent sur la reconstitution des vaccins - nécessaire pour celui de Pfizer -, mais aussi sur la voie d'injection. Il est difficilement imaginable qu'en France, on ne puisse pas disposer des seringues adaptées. Il faut disposer de seringues de petite capacité, mais une infirmière expérimentée doit pouvoir faire la manipulation nécessaire pour le vaccin Pfizer. Par ailleurs, on a encore le temps de se procurer les bonnes seringues et les bonnes aiguilles, pour une vaccination simple, qui se fait comme pour tous les autres vaccins, mis à part le BCG, par voie intramusculaire.
Les régions ne peuvent pas commander de doses, la commande relevant de l'Union européenne, mais la répartition régionale se fait en fonction du nombre d'établissements à livrer. 97 centres hospitaliers ont reçu des doses à répartir entre 600 centres de vaccination. On a identifié 14 000 établissements à livrer sur le territoire. Une question toutefois se pose : les directeurs d'établissement sont-ils bien au courant du moment où les doses arriveront ? Il faut éviter la complexité : on ne devrait pas demander aux médecins de faire des consultations préalables impérativement 5 jours avant l'injection programmée dans les établissements. De toute manière, on ne disposera pas de professionnels en nombre suffisant. On devrait pouvoir faire la consultation préalable et l'injection dans la foulée.
Le couvre-feu peut paraître curieux en zone rurale. Mais il touche principalement les jeunes, qui sont les principaux vecteurs de diffusion du virus.
La vaccination prioritaire de l'ensemble du personnel de santé, en commençant par ceux de plus de 50 ans, faisait partie des préconisations de notre rapport de décembre.
La durée de la protection offerte par le vaccin est une inconnue majeure dans la stratégie vaccinale. Pour la grippe, cette durée est d'un an au maximum. Cependant, ce n'est pas le seul paramètre : la question qui se pose est plutôt celle du rythme de vaccination qui permettra de protéger rapidement le maximum de monde. L'avantage des vaccins à ARN est qu'ils peuvent être rapidement produits, donc adaptés aux variants.
Enfin, je trouve très rigide l'exigence du rappel à 3 semaines. En cabinet médical, on ne se pose pas la question du rappel vaccinal au moment de la première vaccination. On prescrit la vaccination sans poser comme condition la disponibilité du rappel. Il y a par ailleurs suffisamment de refus de vaccination en EHPAD pour que nous ne soyons pas en rupture de deuxième dose.
Il faut garder certains éléments en tête : le différentiel de létalité pour les malades de la Covid-19 entre les jeunes et les personnes âgées est considérable, c'est un facteur 1 000. C'est parce que ce différentiel est si important que l'on priorise dans la vaccination les personnes à risque. Par ailleurs, si le vaccin Pfizer protège les personnes vaccinées, il n'empêche pas forcément la transmission du virus. Je note aussi que la stratégie du Gouvernement est d'amener le vaccin aux personnes et pas les personnes au vaccin, et de répartir les doses en fonction des différentes catégories.
Les vaccins sont livrés par « paquets » de 5 000 doses. Il n'est pas possible de livrer de plus petites quantités. Lors de la première livraison, chaque département a reçu la même dotation. Les différences se feront lors des réapprovisionnements.
Enfin, l'Allemagne a démarré la vaccination plus rapidement, avec une organisation consistant à amener les patients au vaccin, mais le pays est déjà en situation de pénurie. D'autres pays, comme les Pays-Bas, attendent d'être totalement prêts pour commencer à vacciner. Chaque pays a sa propre stratégie. Les choix faits en France amenaient nécessairement à un démarrage lent. On n'est pas à un jour près.
Je trouve que certains propos sont durs sur la prétendue impréparation devant la vaccination. On oublie que l'on est dans une situation complexe. Les vaccins doivent être produits, ce qui prend du temps, et la logistique est délicate.
Je partage les réserves sur l'efficacité du couvre-feu à 18 heures dans les territoires ruraux.
Attention aux effets de communication : un maire qui avait mis en place un centre s'est vu reprocher d'aller trop lentement, car la région avait « sur-communiqué » sur la possibilité de se faire vacciner.
Les vaccins protègent des formes graves de la maladie mais pas de la transmission. C'est ce qui explique pourquoi il faut vacciner d'abord les plus âgés. Mais beaucoup d'actifs souhaitent être vaccinés le plus tôt possible. Serait-ce envisageable, en plus des personnes à risque ? Et les entreprises peuvent-elles jouer un rôle dans la vaccination ?
La durée de protection conférée par les vaccins est mal connue : le vaccin Moderna a-t-il des effets similaires à celui de Pfizer ? Le vaccin sera-t-il efficace face aux variants qui apparaissent ? Enfin, ne faudrait-il pas faire appel à l'armée pour la logistique ?
Je pense également qu'il est facile de critiquer ceux qui agissent. Toutefois, le rôle de l'OPECST est aussi de conseiller le Gouvernement sur la meilleure façon d'agir. À cet égard, je souhaite insister sur trois points, avec un regard de non-spécialiste qui peut aussi permettre de faire émerger des idées neuves.
Tout d'abord, pourquoi ne partons-nous pas tout simplement d'une liste des personnes souhaitant être vaccinées, à l'instar de ce qui existe en matière de greffes d'organes ? Aujourd'hui, on met en place une logistique sans disposer d'autres informations qu'un sondage très général. Nous risquons de retomber dans les travers de la gestion de la crise du H1N1, avec trop de doses commandées par rapport aux vaccinations effectives.
Ensuite, je ne suis pas opposé à l'idée de faire intervenir le secteur privé ou l'armée, mais à condition de ne pas oublier deux points fondamentaux de la logistique. Le premier est qu'il faut rapprocher le stockage du consommateur. Or, les cabinets médicaux ne peuvent pas stocker à -70 °C. Cependant, avec les prochains vaccins, il devrait être possible d'envoyer les doses chez les médecins généralistes. Le second point est la simplicité : j'avais sondé le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, sur l'idée de permettre aux médecins du travail d'administrer les vaccins ; peut-être d'autres professionnels pourraient-ils également le faire ? En tout cas, la contrainte de trois rendez-vous successifs chez le médecin généraliste risque de dissuader nombre de volontaires.
Enfin, les comparaisons avec les autres pays me font sortir de mes gonds : on ne peut pas comparer le rythme de vaccination sans prendre en compte le fait que leurs structures démographiques sont différentes.
L'Office serait tout à fait dans son rôle s'il entrait dans le détail des contraintes techniques qu'impose ce premier vaccin développé par Pfizer-BioNTech. Il faut bien expliquer que le choix d'amener le vaccin à la population plutôt que d'amener la population au vaccin découle quasi nécessairement de l'exigence de conservation à -70 °C. Les « vaccinodromes » pourraient en revanche être pertinents pour administrer les vaccins que l'on peut stocker dans des réfrigérateurs traditionnels.
L'OPECST devrait rappeler que distribuer un vaccin n'a rien à voir avec distribuer de l'aspirine ou du chocolat. Que se passerait-il en cas de pertes manifestes et massives de doses, comme cela a été le cas pour le vaccin H1N1 ?
L'Office doit aussi rappeler que le vaccin permet d'éviter les formes graves de la maladie, mais qu'il n'empêche pas la contamination. D'où la priorité accordée à ceux qui présentent un facteur de risque élevé - les personnes âges notamment.
Je partage l'avis d'Émilie Cariou, élue comme moi de la Meuse, sur le couvre-feu à 18 heures : cela apparaît comme une forme de gesticulation. À cette heure-là dans les rues de Bar-le-Duc, il n'y a déjà plus grand monde, et les seules personnes affectées sont celles qui travaillent. Ce sont des mesures générales comme celle-ci qui pénalisent l'action du Gouvernement. Or, même si nous manquons de statistiques sur les lieux de contamination, il est probable que le virus se transmette bien davantage en famille que dans la rue.
On a pu s'étonner que tous les départements reçoivent le même nombre de doses, soit 4 875 doses, pour la première livraison. Là encore, cela s'explique par des contraintes techniques qu'il faut faire connaître. Le Gouvernement n'est pas au-dessus de toute critique, mais il ne faut pas se perdre en critiques infondées.
Il est d'autant plus important d'insister sur ces contraintes techniques qu'elles sont assez spécifiques au premier vaccin, celui de Pfizer-BioNTech.
Je suis d'accord avec Gérard Longuet : il ne faudrait pas que le recours aux « vaccinodromes » conduise à des pertes massives de doses. Cette réserve faite, je suis favorable à ce dispositif, dont j'avais constaté l'efficacité lors de l'épidémie de H1N1. Il ne faut pas oublier les personnes de plus de 65 ans qui ne sont pas en EHPAD. Bien entendu, cela suppose de disposer des congélateurs adéquats.
Nous souffrons de la comparaison avec l'Allemagne et sa « machine » logistique, où sont engagés les moyens nécessaires. Les circonstances demandent des choix politiques forts : oui, la logistique et la santé coûtent cher, et nous devons l'assumer.
Pour la phase 2 de la vaccination, toute la population sera concernée : les « vaccinodromes » sont une piste intéressante, de même que la mobilisation des personnels de santé autres que les médecins. La situation est plus grave que lors de la crise du H1N1, car le pays tout entier n'avait pas été confiné, l'économie n'avait pas été mise à l'arrêt, et chacun de nous n'avait pas parmi ses connaissances une personne décédée de la maladie.
La question est donc la suivante : l'Office remet-il en cause le choix d'apporter les vaccins aux personnes plutôt que les personnes aux vaccins ?
De fait, nous nous orientons vers une solution mixte...
Le juge de paix est finalement le nombre de doses disponibles, qui est pour l'instant insuffisant. Si l'on avait suffisamment de doses pour couvrir 100 % de la population, nous n'aurions pas à établir des priorités. Il est légitime de donner la priorité aux personnes à risques pour éviter une saturation des services de réanimation. Pour le reste - les lieux de vaccination, la formation des professionnels etc. -, nous pouvons y arriver.
Cette priorité est d'autant plus légitime que la perspective d'une troisième vague, avec un variant beaucoup plus contagieux, ne peut plus être exclue. Il convient donc de s'assurer qu'il reste des lits, du personnel et du matériel dans les services de réanimation.
Amener le vaccin aux personnes plutôt que l'inverse a beaucoup de sens pour les personnes en EHPAD ou en unité de soin de longue durée (USLD) : on connaît le lieu et le nombre de personnes, et on peut estimer le taux de refus. Il ne faut pas surestimer la difficulté logistique : le nombre total d'établissements n'est pas si grand.
Ce ne sont pas les personnes âgées qui diffusent le plus le virus, car elles n'ont pas la vie sociale la plus extensive. Ce sont les jeunes, comme le montre la deuxième vague, marquée par la reprise universitaire, les bars, les fêtes étudiantes, etc. Les personnes âgées ont un besoin vital d'interaction avec leurs amis et leur famille. Il faut que le minimum affectif dont on les prive actuellement soit pris en compte. On ne peut pas se contenter de l'isolement, générateur de détresse et de carence affective.
S'agissant des régions, les Länder allemands semblent s'être mis sur les rangs pour commander des doses supplémentaires. Si tel est le cas, les régions françaises devraient pouvoir le faire aussi, sauf si la répartition des compétences et l'organisation nationale ne sont pas les mêmes.
Quant à la durée de protection et à l'immunité collective, peut-être aura-t-on de bonnes nouvelles avec le vaccin Moderna, qui est peut-être stérilisant, mais on manque encore de doses. Il faut voir ce que permet chacun des vaccins, entre protection individuelle et protection collective. Avec les doses commandées, nous ne sommes pas en mesure de vacciner plus de 60 % de la population, taux au-delà duquel on considère que l'on maîtrise la propagation du virus.
Il faut se poser la question de la contribution de la médecine du travail en entreprise. Des journées complètes sont consacrées à la vaccination contre la grippe et l'on vaccine beaucoup de monde. Le réseau des médecins du travail est un bon outil pour vacciner la population générale : il sait faire, il intervient dans des lieux identifiés, en nombre limité, et en termes de logistique on a là un bon moyen de rationaliser la vaccination.
Enfin, il faut dire les choses clairement : nous n'étions pas prêts à commencer la vaccination le 28 décembre. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de travail fait. Mais ce n'était pas fluide - c'est un euphémisme. Il y avait déjà des doutes sur la capacité à assurer un déroulement fluide et linéaire à la date du 4 janvier. Les problèmes peuvent être réglés pendant la semaine qui vient ou vers le milieu de la semaine prochaine, et l'on pourra alors « dérouler », avec notamment un rattrapage massif dans les EHPAD. Je m'inquiète cependant que certains EHPAD ne soient livrés que dans 15 jours, pour des raisons logistiques dont la justification paraît fragile.
Il est démontré désormais que le cluster principal est la famille. Dès lors, un couvre-feu à 18 heures, dans le Grand-Est, ne règle rien. Au contraire, il aggrave certainement la situation. Le journal départemental donne les chiffres quotidiens de l'épidémie. Ils sont catastrophiques : la troisième vague de contamination arrive en Haute-Marne. La vaccination doit donc accélérer. Les excellents rapporteurs de l'Office se sont penchés sur des questions essentielles comme la détresse des personnes en EHPAD, mais l'Office doit penser également aux questions économiques. Une semaine de retard pour la France, c'est 2 milliards d'euros perdus. On pense à la détresse des personnes âgées, mais il faut également penser à la détresse, ou future détresse des futurs chômeurs et de leurs familles. On peut discuter éternellement de la destination des vaccins, mais il faut avant tout pousser à plus d'efficacité. Comment l'Office pourrait-il influer sur le Gouvernement pour qu'il soit plus actif et pour qu'on passe vraiment à une vaccination massive ? Il faut trouver des solutions. Il faut des gens opérationnels à la tête des organisations, et non des gens qui écrivent bien et qui font des rapports excellents mais qui ne sont pas opérationnels. Quand on est en guerre, il faut être opérationnel. Les mauvais généraux, on les limoge, voilà tout ! L'Office doit permettre au Gouvernement de trouver les bonnes solutions pour avancer.
Anne Genetet corrobore par message l'information de Sonia de La Provôté : si un Land allemand commande des doses en plus, libre à lui, mais l'Union européenne réduira d'autant le contingent de doses alloué à l'Allemagne. Il peut donc y avoir des conflits entre les échelles nationale et régionale. En revanche, cela ne s'applique pas, je pense, à des vaccins non concernés par les contrats européens : si une région, en France ou en Allemagne, veut commander des vaccins chinois, russes ou autres, personne n'aura à y redire - dès lors que ces vaccins sont autorisés -, mais ce ne seront pas les mêmes circuits d'approvisionnement.
Je reviens sur le choix de faire venir le vaccin à la personne ou inversement. Je ne suis pas persuadée que ce soient les résidents des EHPAD qui embolisent la réanimation, vu le nombre de résidents que les services d'urgences refusent de prendre en charge. Il faudrait objectiver ce nombre de refus, pour connaître le nombre de personnes qu'on a laissées mourir en EHPAD. Je suis désolée d'être aussi directe, mais c'est ce qui s'est passé dans le Grand Est et c'est ce qui se reproduit, puisque nous n'avons pas assez de lits de réanimation. La question de la vaccination des personnes de plus de 65 ans et présentant des comorbidités se pose urgemment. Il faut anticiper la deuxième vague de vaccination, quand d'autres vaccins seront disponibles et que les laboratoires pourront livrer plus de doses. Est-ce que l'OPECST peut proposer ces deux voies d'acheminement du vaccin, y compris une vaccination de masse dans des vaccinodromes, quand on aura les doses ? On ne peut pas raisonner avec les contraintes actuelles sur le nombre de doses. Il faut se projeter sur la deuxième vague.
Il était difficile de rendre la vaccination opérationnelle pendant une période de vacances, notamment dans les EHPAD. Du reste, tous nos concitoyens n'ont pas envie de se faire vacciner. Qui plus est, un tuteur qui ne veut pas se faire vacciner sera enclin à refuser la vaccination pour les personnes placées sous sa garde, comme il y en a dans les EHPAD.
Nous devons donc prendre en compte non seulement l'aspect scientifique, mais aussi l'aspect humain de la question. Le syndrome des vaccinodromes, héritage de la grippe H1N1 évoqué par notre collègue Émilie Cariou, a marqué les esprits. Dans le Lot, tout le monde travaille néanmoins d'arrache-pied à préparer la bonne diffusion du vaccin dès que les doses arriveront.
Quant à l'Office, il doit rester attentif à fournir une information propre à répondre aux angoisses de la population, en s'appuyant sur les enseignements des sciences dures comme sur ceux des sciences humaines.
Notre collègue Bruno Sido a bien mis en lumière la détresse psychologique où se trouvent bon nombre de nos concitoyens. Un nouveau rapport intermédiaire sur la stratégie vaccinale devrait prendre en compte cette dimension. Quant à l'« opérationnalité » de la stratégie vaccinale, c'est une question qui relève des professionnels. Il me semble que les consignes données au niveau d'état-major sont les bonnes, mais elles peinent parfois à être bien transmises aux échelons d'exécution.
À la différence de notre collègue Émilie Cariou, je préfère ne pas employer le mot « vaccinodrome », qui me semble connoté. Il faut y prendre garde à l'heure où de nombreux centres de vaccination sont déployés dans les territoires, les hôpitaux installant souvent leurs propres barnums.
Je ne vois aucun inconvénient à ce que les pharmaciens puissent administrer le vaccin. Ils sont tout à fait à même de poser les quatre questions préalables à la vaccination. Le seul problème que je vois est celui de la survenance d'accidents allergiques graves, car une prise en charge immédiate est alors indispensable.
Quant à la différence entre les vaccins, les premières observations suggèrent en effet que le vaccin Moderna aurait, outre son pouvoir protecteur, un pouvoir stérilisant supérieur à celui du vaccin Pfizer, c'est-à-dire qu'il inhiberait davantage la propagation du virus. Nous n'avons malheureusement pas commandé beaucoup de doses de ce vaccin.
Comme l'a relevé notre collègue Jean-Luc Fugit, les pouvoirs publics doivent assurer une communication officielle fondée sur la transparence. Or, cette transparence me semble devoir aller de pair avec une certaine fluidité. Les soubresauts évoqués au gré des diverses interventions ne favorisent pas cette dernière. Les membres de l'Office doivent s'engager en faveur d'une fluidité accrue de l'information, car nos concitoyens ont soif de connaissances. Ils ont des droits sur nous à cet égard.
Sur le fond, il semble que les vaccins soient toujours aussi efficaces contre le variant britannique. Mais il faut vacciner plus vite pour enrayer la propagation rapide du virus. Les entreprises peuvent servir de lieu de vaccination et de conseil. En Occitanie, les chambres de commerce et d'industrie sont très actives en ce sens.
En réponse à Émilie Cariou et à Ludovic Haye, je pense qu'il serait opportun de dresser une liste des personnes désireuses d'être vaccinées. Peut-être pourraient-elles s'inscrire sur un site Internet prévu à cet effet ? Cela permettrait de connaître de manière plus précise le nombre de doses à fournir.
Je précise également que la consultation vaccinale et la première injection ont lieu le même jour. Par ailleurs, la stratégie vaccinale est en partie commandée par la fragilité des personnes vulnérables, qui rend dangereux leur déplacement. Au cours de la phase 1, elles seront donc vaccinées au sein des établissements. Au cours de la phase 2, en revanche, les personnes âgées devront se déplacer. Ces nuances de mise en oeuvre dans le temps ne valent d'ailleurs que pour les vaccins distribués au titre du flux A. Pour le flux B, il faut d'emblée se déplacer vers les CHU, comme je vais le faire cet après-midi.
Vous avez certainement lu, comme moi, l'entretien donné à la presse par le président de Moderna, qui se montre très critique vis-à-vis de l'Union européenne et regrette sa pusillanimité.
Reconnaissons cependant que les incertitudes étaient très nombreuses lorsqu'il a fallu commander les vaccins. Ceux-ci ont été mis au point plus vite que l'on ne s'y attendait. Mais il n'était pas possible de prévoir qu'Astra Zeneca accuserait de ce fait un certain retard au regard du calendrier de mise sur le marché des vaccins Pfizer ou Moderna.
Je note ce qu'a dit Bruno Sido sur la dimension économique de la crise sanitaire : même si ce n'est pas une question de logistique vaccinale, les conséquences sont importantes. Il faut consentir un effort significatif sur la vaccination : il se justifie aussi par l'aspect économique, dont on ne voulait pas parler il y a quelque temps alors que c'est un enjeu majeur des prochains mois et des prochaines années.
Jean-François Eliaou a dit que le vaccin Moderna a un meilleur pouvoir de stérilisation. Malheureusement, on n'a pas suffisamment parié dessus. Je reviens sur l'interview très dure du patron de Moderna, qui dénonçait la frilosité de l'Union européenne et le fait que les commandes soient arrivées tardivement et en petit nombre. Personne ne prévoyait que les vaccins viendraient aussi vite. Le vaccin d'AstraZeneca était donné comme le premier à être mis au point. Finalement, il aura beaucoup de retard par rapport aux produits de Pfizer et Moderna. Les décideurs et les planificateurs, au plus haut niveau, étaient confrontés à de multiples incertitudes : que faire si l'un des vaccins du mix n'est pas autorisé ? Que faire s'il faut réviser le calendrier ? etc.
Anne Genetet dit qu'on ne communique pas le calendrier parce qu'on ne le maîtrise pas. Il y a quand même une revendication que j'entends monter du terrain et que j'ai moi-même formulée auprès du préfet : peut-on avoir des estimations sur les flux d'entrée et de sortie des vaccins, un cahier de bord partagé ? L'enjeu n'est pas tellement de commencer tel ou tel jour, mais de faire en sorte qu'en vitesse de croisière, quand 500 000 doses arrivent chaque semaine, 500 000 vaccinations soient réalisées chaque semaine. Un calendrier prévisionnel est donc indispensable. C'est une revendication légitime des élus locaux, et la satisfaire conforterait la confiance.
Alain Fischer a indiqué que nous avons à présent plus de recul sur les risques allergiques qu'en décembre. On peut dire désormais qu'il n'y a aucune raison scientifique de temporiser pour l'administration du vaccin Pfizer. À une nuance près : il y a effectivement des chocs allergiques environ 10 fois plus nombreux que d'ordinaire avec la vaccination. Cela veut dire qu'au lieu d'un cas sur un million, on observe un cas sur 100 000. On ne peut donc pas se passer de la présence d'un médecin pour réagir en cas de problème.
Un point n'a pas été abordé jusqu'ici : le pilotage démocratique, avec la mise en place annoncée d'un comité de 35 citoyens tirés au sort. On a entendu des commentaires publics assez durs. Certains d'entre vous m'ont fait part de leur sentiment. Comment voyez-vous cet élément du débat ?
Je n'ai qu'une chose à dire : je trouve que c'est ridiculement dérisoire.
Les mots « ridiculement dérisoire » suggèrent qu'il ne faudrait pas s'attarder sur le sujet. Pourtant, il est bien d'avoir des citoyens qui participent, à condition que cela ne dessaisisse pas les institutions de leurs prérogatives. Le Parlement dispose du pouvoir d'interpellation du Gouvernement et fait le lien entre le Gouvernement et les citoyens. Il faut le réaffirmer. Par ailleurs, l'OPECST est le bras armé du Parlement pour instruire les dossiers scientifiques, aussi bien en aval qu'en amont de la décision. Il doit réaffirmer son rôle, qu'il ne faut pas déléguer à une assemblée de citoyens d'effectif réduit, dont on ne comprend pas encore très bien le fonctionnement, et dont la communication n'a pas été très heureuse.
L'Office ne peut pas laisser passer les polémiques sur la stratégie vaccinale sans prendre position. Il doit prendre de la hauteur, pour ne garder de ces polémiques que ce qui est constructif. Cela pourrait se faire par voie de communiqué de presse, assez vite s'il le faut. Chacun d'entre nous peut aussi communiquer au nom de l'Office, dans la presse nationale et régionale, sur nos recommandations, en distinguant bien les enjeux scientifiques et techniques des choix politiques, même s'ils ne sont pas disjoints : on voit bien comment les uns influent sur les autres. Il faut également s'attacher à informer aussi complètement que possible nos collègues parlementaires.
Chers amis, chers collègues, la réunion de ce matin a été très dense. Je vous remercie toutes et tous pour votre mobilisation et votre disponibilité. L'Office commence avec beaucoup d'énergie cette nouvelle année, qui s'annonce compliquée et qui démarre de façon laborieuse, mais dont on espère qu'elle va amener vers la lumière au bout du tunnel.
La réunion est close à 11 h 10.