Mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement

Réunion du 1er juillet 2021 à 10h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Photo de Sabine Van Heghe

Madame la Défenseure des droits, Monsieur le Défenseur des enfants, comme vous le savez, les auditions de la mission d'information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, créée au titre du droit de tirage du groupe Les Indépendants-République et Territoires, sont consacrées au harcèlement en milieu scolaire, et notamment à sa dimension « cyber ».

Vous êtes tous deux, au titre de vos prérogatives, des acteurs importants de la lutte contre ce phénomène. Permettez-moi, à titre liminaire, de vous remercier très vivement pour votre présence. Madame Hédon, voici un an que vous êtes Défenseure des droits et que vous avez notamment la responsabilité, comme autorité constitutionnelle indépendante, de la défense et de la promotion des droits de l'enfant. À cette fin, vous êtes accompagnée par votre adjoint M. Éric Delemar, Défenseur des enfants. Votre expertise conjointe nous est indispensable pour préciser les contours, y compris juridiques, du harcèlement scolaire, compléter notre panorama des acteurs de la lutte contre ce phénomène, mais aussi bénéficier de votre recul afin de confirmer, infirmer ou nuancer notre approche. À ce titre, il m'a paru indispensable que nos travaux soient captés et diffusés le plus largement possible.

Tous nos travaux et les deux déplacements que nous avons effectués sur le terrain l'ont bien démontré : si ce phénomène est depuis une dizaine d'années reconnu et pour partie traité tant au sein de l'établissement scolaire qu'avec les autres acteurs de la politique publique, sa dimension « cyber » en a radicalement changé la nature, la portée et donc les conséquences dramatiques sur les élèves. Le harcèlement tend à se disséminer, à se réfugier derrière un anonymat qui en démultiplie les conséquences dévastatrices. Il ne s'arrête plus aux portes de l'école, du collège ou du lycée, mais crée un continuum qui ignore les lieux, les horaires et l'intime de la vie familiale. Dans ces conditions, il est indispensable d'agir immédiatement pour endiguer ces tsunamis de haine et de violence. Ainsi, de façon positive, nous pourrons valoriser notre vouloir vivre ensemble et préserver les lieux de vie scolaire.

Mais si le harcèlement débute toujours dans un établissement scolaire - on parle plus précisément de harcèlement en milieu scolaire -, sa prise en compte et sa résolution ne peuvent se faire dans le seul cadre de l'établissement d'enseignement. Ce harcèlement en milieu scolaire, qui nie le droit à la singularité et stigmatise la différence de façon inadmissible et surtout illégale, relève doublement, comme atteinte aux droits de l'enfant et comme discrimination, de votre compétence. La réussite de la lutte contre ce fléau passe par la mobilisation d'un réseau efficace, dont vous faites partie, qui vient épauler, soutenir les victimes et leurs parents.

Face à cette « violence en meute », des initiatives ont été prises pour favoriser l'empathie, construire une relation durable de confiance avec les adultes, et pour libérer la parole des enfants. Vous avez publié en novembre dernier un rapport sur le sujet : pourriez-vous nous dire quels sont les obstacles à cette prise de parole ? À un niveau plus général, quel est votre rôle dans le traitement du harcèlement en milieu scolaire en France ? Entretenez-vous des discussions avec vos homologues européens sur cette thématique et en particulier sur celle du cyberharcèlement ? Vos réponses et vos contributions seront précieuses pour enrichir nos travaux dont l'objectif est d'aboutir, à la mi-septembre, à des conclusions opérationnelles en s'appuyant sur l'ensemble des parties concernées.

Claire Hédon, défenseure des droits

Madame la présidente, je vous remercie de nous avoir invités pour parler d'un sujet qui nous tient à coeur. Je suis accompagnée d'Éric Delemar, Défenseur des enfants, et de Marguerite Aurenche, directrice du pôle Défense des droits de l'enfant, qui est assistée de Maïwenn Yzabel, juriste au sein de ce pôle, ainsi que de France de Saint-Martin qui assure le lien avec les parlementaires.

Le thème de votre mission d'information me tient particulièrement à coeur. La question de l'accès des jeunes et des enfants à leurs droits et en particulier au droit à l'éducation, fait partie des priorités de mon mandat. Or, les conséquences du harcèlement sur ce droit sont lourdes, comme elles le sont sur la santé mentale des jeunes : l'actualité nous le rappelle régulièrement, le harcèlement peut pousser des victimes au suicide. Il peut aussi porter atteinte au droit à l'éducation en aboutissant à des difficultés scolaires, à de l'absentéisme, voire à de la déscolarisation. À cet égard, notre prochain rapport sur les droits des enfants sera consacré à la santé psychologique des enfants, angle sous lequel sera abordé le harcèlement scolaire. Je vous remercie, Madame la présidente, d'avoir fait référence au précédent rapport, car la parole des enfants est au centre de cette problématique.

Le droit à une scolarité sans harcèlement est consacré en droit français depuis la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance. Et il faut le reconnaître, les pouvoirs publics se sont emparés du sujet depuis plusieurs années. Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a mis en oeuvre de nombreux dispositifs afin de favoriser la prévention et la prise en charge des situations de harcèlement au sein des établissements scolaires. Les derniers chiffres du ministère laissent entrevoir une légère baisse de ces situations entre 2011 et aujourd'hui, même si leur nombre et les conséquences qu'elles entraînent demeurent très préoccupants. Lors de ma prise de fonctions en tant que Défenseure des droits, j'ai été frappée de constater que nous continuons à être souvent saisis de situations d'enfants victimes de harcèlement scolaire.

À travers les saisines que nous instruisons, je soulignerai d'abord les difficultés rencontrées sur le terrain pour décliner les instructions et les outils ministériels. Ensuite, je vous ferai part de nos recommandations. Enfin, je vous alerterai sur quelques points d'attention.

Les saisines relatives au harcèlement scolaire se sont stabilisées depuis quelques années. Sur les 3 000 saisines annuelles, le siège en instruit une cinquantaine. Pour 2021, 37 saisines ont à ce jour été enregistrées. Ces saisines permettent de dresser cinq constats.

En premier lieu, certains établissements et autorités de tutelle ne se saisissent pas encore suffisamment des outils existants pour prévenir et lutter contre le harcèlement en milieu scolaire. L'élaboration de tous ces outils à l'échelle nationale est indéniablement une bonne chose, qui a même été saluée par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU en 2016. Ce dernier a néanmoins recommandé à l'État français de redoubler d'efforts en insistant sur l'importance des outils de prévention et de traitement, mais aussi sur la formation des personnels. Je ne peux que me rallier à ces recommandations qui sont toujours d'actualité.

Pour être efficaces, ces outils doivent être accompagnés de mesures de sensibilisation des enfants à leurs droits à l'école, notamment le droit d'être protégés contre la violence, qui inclut le harcèlement et les brimades.

En deuxième lieu, certaines équipes peinent à identifier l'ampleur des faits de harcèlement. Ces violences sont encore trop souvent banalisées, minimisées et considérées comme des chamailleries entre enfants ou adolescents. Les chefs d'établissement et les équipes pédagogiques restent souvent démunis face à ces situations, alors qu'il existe un réseau de référents et de protocoles académiques. En conséquence, la réaction de l'institution est souvent absente, tardive, voire inexistante, celle-ci se bornant à rechercher la responsabilité de l'enfant victime, qui embêterait ses camarades ou aurait un comportement difficile.

En troisième lieu, certaines équipes pédagogiques ont du mal à prendre en compte des situations de harcèlement et de cyberharcèlement qui se poursuivent en dehors du cadre scolaire. Vous l'avez fort bien dit, Madame la présidente, le harcèlement crée un continuum, comme c'est le cas lorsque des faits commis sur un élève dans l'enceinte de l'établissement s'inscrivent dans le prolongement d'un harcèlement dit « de quartier ». Les protocoles anti-harcèlement sont alors peu appliqués, les faits étant considérés comme des faits de violence qui ne trouvent pas leur origine au sein de l'établissement. Et la solution envisagée par les chefs d'établissement et les services académiques consiste parfois à déplacer l'enfant victime dans un autre établissement, créant une rupture dans sa scolarité qui peut être très grave et suppose parfois le déménagement de la famille. Cette réalité prend effectivement de l'ampleur avec le développement des réseaux sociaux, mais nous sommes encore très peu saisis des situations de cyberviolence et particulièrement de cyberharcèlement. Toutefois, nos échanges avec les représentants de la société civile et les travaux auxquels nous participons sur ces questions confirment la nécessité de faire de la lutte contre les cyberviolences une priorité.

Les conséquences du cyberharcèlement seraient d'ailleurs encore plus graves que celles du harcèlement « traditionnel », du fait de l'anonymat, du pouvoir de dissémination et de l'élargissement du public concerné. Face à l'écran, les victimes sont souvent très seules. Par ailleurs, le cyberharcèlement est souvent le prolongement, à la maison, du harcèlement subi à l'école, ce qui ne laisse aucun répit à l'enfant victime. J'y insiste, le démarrage des violences survient très souvent en milieu scolaire, comme en attestent les réclamations. Alors qu'il est mentionné dans tous les protocoles anti-harcèlement à disposition des personnels de l'éducation nationale, le cyberharcèlement reste difficilement pris en compte par les chefs d'établissement, en raison de l'anonymat des publications sur les réseaux sociaux ou de l'implication de personnes extérieures à l'établissement.

En quatrième lieu, les chefs d'établissement sont souvent réticents à prendre en charge le harcèlement lorsque des plaintes sont en cours d'enquête ou ont été classées sans suite. Pourtant, les deux procédures sont parfaitement indépendantes et compatibles, puisqu'elles peuvent être menées en parallèle. Ce n'est pas parce que des faits ne sont pas constitutifs d'un délit pénal que le harcèlement ne pourra pas être caractérisé en vertu des outils élaborés par l'éducation nationale.

En cinquième et dernier lieu, les établissements catholiques privés sous contrat sont également touchés par le harcèlement, mais ils font rarement appel aux dispositifs mis en place par les services de l'éducation nationale, notamment aux référents harcèlement désignés au sein des services départementaux. Pourtant, une étroite collaboration entre l'enseignement privé et les services de l'éducation nationale semble essentielle.

J'en viens à nos recommandations pour une meilleure utilisation des outils de lutte contre le harcèlement scolaire.

Nous avons présenté ces recommandations l'an dernier au député Erwan Balanant dans le cadre de sa mission sur le harcèlement scolaire, mais nous les avions déjà portées depuis plusieurs années via différentes décisions, avis au Parlement, rapport annuel et dans le dernier rapport du Défenseur des droits au Comité des droits de l'enfant de l'ONU le 10 juillet 2020.

Ces recommandations visent en particulier à améliorer le repérage des situations de harcèlement scolaire et les réponses qui leur sont apportées. Nombreuses et variées, elles proposent, entre autres, la rediffusion des protocoles et des outils de lutte contre le harcèlement auprès de tous les chefs d'établissement scolaire et leur mise en oeuvre effective par ces derniers. Elles prévoient également la promotion, au sein de chaque établissement scolaire, des droits de l'enfant, notamment le droit d'être protégé contre toute forme de violence. Je citerai à cet égard notre programme Les jeunes ambassadeurs des droits de l'enfant (JADE) et des luttes contre la discrimination : une centaine de jeunes de 17 à 25 ans interviennent chaque année au sein des établissements scolaires dans le cadre de leur Service civique. Très souvent, c'est à la suite de leur intervention sur la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) que des jeunes, ayant compris qu'ils étaient victimes, viennent les voir et évoquent leur histoire. Nous avons mis en place une procédure à double titre, non seulement pour le recueil de ces paroles inquiétantes, préalable à toute prise charge ultérieure, mais aussi parce que nos jeunes sont parfois ébranlés de ce qu'ils peuvent entendre. Cette formation aux droits devrait être systématique dans les établissements scolaires, car c'est en parlant du harcèlement que les victimes peuvent se reconnaître comme telles et les auteurs prendre conscience de leurs faits.

Nous recommandons la prise de mesures adaptées dès qu'un élève - ou ses parents - allègue d'une situation de harcèlement, et ce même si plainte a été classée sans suite ou est en cours de traitement. Les moqueries doivent être prises en compte, bien qu'elles soient fréquentes dans certains établissements ou filières. La formation au repérage du harcèlement scolaire et à l'utilisation des dispositifs existants doit être largement dispensée aux responsables d'établissements scolaires, aux médiateurs académiques, aux inspecteurs de circonscriptions, aux médecins et infirmiers scolaires. Nous préconisons également la réalisation, dans chaque établissement scolaire d'un bilan régulier des situations de harcèlement survenues et des mesures qui ont été prises à cette occasion, pour les prévenir, les traiter et améliorer les pratiques. Enfin, nous appelons de voeux l'organisation régulière, dans chaque établissement public ou privé sous contrat, d'actions de sensibilisation aux conséquences du harcèlement.

Je souhaite attirer votre attention sur trois points fondamentaux pour lutter efficacement contre le harcèlement scolaire à l'avenir : la pluralité des acteurs impliqués et la formation des professionnels, la nécessité de favoriser l'accueil et la prise en compte de la parole des enfants, notamment les plus vulnérables ; enfin, l'impact du climat scolaire en général sur ces questions de harcèlement.

S'agissant de la pluralité des acteurs impliqués, en novembre 2020, à l'occasion de la Conférence internationale sur la lutte contre le harcèlement entre élèves, le comité scientifique sur la lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement a affirmé clairement que le harcèlement entre élèves se produit dans un système de relations et de structures qui existent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'école, et qu'il relève à ce titre d'une approche éducative globale. Dès lors, il paraît indispensable que les protocoles de lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement reposent sur un partenariat entre les différents acteurs concernés, non seulement les personnes de l'équipe pédagogique, mais aussi les personnels médicaux, les travailleurs sociaux, les services de police et de justice, les élèves et les familles. Il faut absolument accentuer la formation commune des différents professionnels, cadres et non-cadres, afin de garantir la mise en oeuvre de mesures concrètes adaptées à chaque situation.

Il est aussi fondamental de tout faire pour mieux accueillir et prendre en compte la parole des enfants, en particulier des plus vulnérables. C'est un fait, les situations de harcèlement et de cyberharcèlement sont plus nombreuses dans les établissements défavorisés. En outre, les enfants vulnérables en sont à l'évidence plus souvent victimes. Tel est le cas des élèves porteurs de handicaps, dont la situation de harcèlement peut être mal identifiée par les enseignants. Ils sont résignés à ce que ces enfants fassent l'objet de moqueries de la part de leurs pairs, se retrouvent dans des situations conflictuelles et rencontrent plus de difficultés d'intégration. C'est aussi le cas des enfants issus de l'immigration, notamment lorsqu'ils sont arrivés plus tardivement sur le territoire et des enfants en situation de précarité. Il est primordial que l'enfant puisse formuler lui-même les mesures qu'il estimerait nécessaire de prendre au regard des faits qu'il subit. J'insiste sur cette question de la parole : si l'enfant n'a pas été habitué à s'exprimer en classe et être écouté, comment pourrait-il le faire quand il se retrouvera dans des situations difficiles ?

Les formes de harcèlement varient aussi selon les élèves qui en sont victimes. Une enquête de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de 2018 a mis en lumière que, si les garçons sont plus susceptibles que les filles d'être frappés ou bousculés, ces dernières sont plus souvent exposées aux mauvaises rumeurs. Il est donc très important de prendre en compte tous les facteurs afin d'adopter une approche adéquate de chaque situation.

Je conclurai sur l'importance du climat scolaire. L'atmosphère générale qui règne au sein d'une classe ou d'un établissement influence la qualité de la relation entre les élèves. La porosité entre ce qui se passe à l'extérieur de l'école et la vie dans l'établissement a également été prouvée. Le fait d'être victime dans le cyberespace affecte de manière négative la perception globale de l'établissement scolaire, et inversement, le fait d'être victime de cyberviolences est lié au sentiment de bien-être ou de mal-être au collège. L'amélioration du climat scolaire doit donc être considérée comme un levier d'action pour réduire ces formes de violence. Il convient par exemple de mettre en place des actions portant sur la qualité des relations interpersonnelles au sein de l'école entre élèves, entre élèves et adultes, et entre adultes, et d'ouvrir des espaces de paroles, spécifiques ou communs pour les élèves, les parents et le personnel. Enfin, le protocole de traitement des situations de harcèlement doit être mis en place dès que des violences en ligne ont un impact sur le climat scolaire.

Photo de Colette Mélot

Madame la Défenseure des droits, je vous remercie pour ce premier tour d'horizon qui constitue une utile contribution à notre réflexion. Permettez-moi donc de prolonger ce premier échange en vous faisant part de plusieurs de mes interrogations.

Nous avons, la semaine dernière, auditionné les représentants des réseaux sociaux et de nombreuses contradictions sont apparues entre plusieurs principes : protection des personnes versus secret des correspondances, liberté individuelle versus communication de données personnelles aux réseaux sociaux pour faciliter la reconnaissance d'éventuels harceleurs anonymes, etc. Comment dès lors opérer une conciliation entre objectifs variés ? Existe-t-il une différence juridique d'approche entre pays européens ?

Nous avons aussi auditionné M. Jean-Pierre Bellon, qui a attiré notre attention sur le développement dramatique du sexting et du revenge porn. Encore lundi dernier, lors de notre visite dans un collège du Pas-de-Calais, l'ensemble de la communauté éducative et des partenaires de l'éducation nationale soulignait les dangers du cyberharcèlement, et la difficulté de lutter contre ce phénomène. Quel est votre regard en la matière ? Comment agir pour supprimer d'internet des photos qui n'ont pas à y être ? De façon générale, entretenez-vous, au titre de vos missions, des relations avec les réseaux sociaux ?

Nous avons constaté une déficience en matière d'éducation au droit, tant des enfants que des parents. Vos préconisations sont très opportunes à cet égard. Les programmes que vous menez en la matière comprennent-ils une composante relative aux délits sous-jacents à des faits de harcèlement et de cyberharcèlement ?

Enfin, que pensez-vous de la proposition consistant à fusionner les numéros 30 18 et 30 20 et à vous en transférer la responsabilité ? Avez-vous actuellement des contacts avec les structures qui reçoivent ces appels ?

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

S'agissant des numéros 30 18 et 30 20, d'après les remontées qui me sont parvenues, ce n'est pas tant le fonctionnement actuel du 30 20 qui constitue un blocage que sa mise en oeuvre effective sur le terrain. En tout état de cause, notre intervention ne peut se substituer à l'action des acteurs sur le terrain. Il revient d'abord à l'éducation nationale d'agir de son côté. C'est seulement en cas d'insatisfaction des parents et de l'enfant - et en deuxième ressort - que nous devons agir à notre tour de façon indépendante. Sinon, notre action n'aurait pas de sens, d'autant que l'éducation nationale met souvent en place des actions positives. Les remontées ont évidemment lieu lorsque les choses tournent mal - nous sommes un observatoire de ce qui est déficient.

Debut de section - Permalien
Éric Delemar, défenseur des enfants

Le Défenseur des droits et le Défenseur des enfants font partie du réseau européen des Défenseurs des enfants. Je peux vous faire part des déclarations et des remontées très concrètes de la Commission européenne et du Conseil de l'Europe : il s'agit de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les enfants contre le harcèlement, la violence, l'exploitation et la maltraitance sous toutes leurs formes dans le monde numérique.

Les deux axes fondamentaux sont la prévention et protection. Il s'agit de réaliser les droits de l'enfant à l'ère du numérique. En matière de prévention, cela signifie qu'il faut lutter contre les ruptures numériques, éduquer au numérique, car, lorsque les enfants sont sensibilisés à leurs droits, ils sont plus en mesure de se défendre. Face aux lacunes de notre enseignement, il faudrait prévoir une éducation à l'informatique et sur la façon de se servir des écrans et d'éviter les dangers des réseaux sociaux.

Dans la droite ligne des actions du réseau européen des Défenseurs des enfants, il faut renforcer les dispositifs de protection via des mesures législatives et technologiques. Les plateformes numériques doivent être soumises à réglementation et supervision afin de protéger les droits de l'enfant. Il faut exiger qu'elles remontent les informations concernant les violences faites en ligne et qu'elles en suppriment immédiatement les contenus. Il s'agit également de lutter contre la propagation en ligne des discours de haine raciste ou du proxénétisme. Nous appelons à la mise en place de mesures très concrètes.

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Des cours d'éducation sexuelle sont prévus par l'éducation nationale, mais ils sont trop rares. L'une de nos préconisations porte d'ailleurs sur l'effectivité de ces cours. S'agissant du lien entre le harcèlement et les réseaux sociaux, les saisines concernent toujours du harcèlement scolaire, qui essaime après sur les réseaux sociaux. Je suis curieuse de savoir s'il existe des situations de cyberharcèlement qui n'ont pas démarré à l'école. Les chefs d'établissement estiment qu'ils ne sont pas concernés dans le cas de harcèlement en ligne, alors que leur intervention est importante à tous les stades. À ce sujet, l'association e-Enfance prodigue ses conseils aux jeunes, notamment sur le 30 18, et les réoriente éventuellement vers les services compétents.

Debut de section - Permalien
Marguerite Aurenche, directrice du pôle Défense des droits de l'enfant

Il faut effectivement trouver un équilibre pour concilier le droit au respect de la vie privée des élèves, parfois accusés de harcèlement, et le droit de l'élève victime à être protégé contre toute forme de violence. Les premiers professionnels concernés, face à une dénonciation de harcèlement, veulent avoir la preuve du harcèlement. Ils sont souvent réticents à agir, car ils estiment qu'ils n'ont pas assez de matière pour établir le harcèlement. On ne peut donner aux professeurs et autres acteurs de l'éducation nationale les mêmes pouvoirs qu'un enquêteur ou un magistrat dans le cadre d'une affaire pénale. Nous leur rappelons leur devoir de signalement au procureur lorsqu'ils ont connaissance d'une infraction, car celui-ci pourra ensuite diligenter des enquêtes et des perquisitions, pour connaître par exemple le contenu d'un téléphone portable. C'est pourquoi nous insistons sur la parole de l'enfant et sur la valeur qu'on lui donne. La problématique est identique à celle d'une agression sexuelle de la part d'un autre élève ou d'un professeur. La preuve, et donc la vérité, ne peut sortir que si l'enquête est rigoureuse. Il nous semble donc indispensable que les professionnels soient bien conscients qu'ils doivent apporter à cette parole toute la considération nécessaire, qu'il s'agisse d'accompagner un enfant victime ou un enfant perturbateur, qui a aussi besoin d'aide. Il faut en tout cas déclencher au plus vite tous les outils mis à disposition par le ministère de l'éducation nationale comme le référent anti-harcèlement.

Debut de section - Permalien
Éric Delemar, défenseur des enfants

La convention du Conseil de l'Europe pour la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels du 25 octobre 2007, dite « convention de Lanzarote », vise à protéger les enfants de toutes les formes d'abus et d'exploitation sexuelle. En la ratifiant, la France s'est engagée à criminaliser les gestes sexuels sur les enfants. En outre, la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste comprend également une dimension relative aux droits des enfants par rapport au corps et à la sexualité. L'enjeu est notamment de doter les enfants de moyens pour se protéger et pour prévenir les abus. Cette loi a justement été permise par l'expression d'anciens enfants victimes. Mais comment faire en sorte qu'aujourd'hui, ce soient les enfants qui s'expriment directement ? Je fais également le lien avec les annonces de l'Éducation nationale, mais aussi avec le dispositif pHARe (Programme de lutte contre le harcèlement à l'école), testé dans six académies en 2019 et élargi en 2021, relatif à la formation des professionnels des établissements et des élèves ambassadeurs, et à la mise en place d'un prix national de sensibilisation. La dimension du « groupe classe » est aussi très importante, car elle renvoie au vivre-ensemble. Il y a une disproportion entre l'enfant victime, qui est complètement isolé, et le groupe harceleur, qui peut être une classe ou un groupe transversal dans l'établissement. Il faut tuer le harcèlement dans l'oeuf, et faire en sorte que le « groupe classe » puisse d'emblée se solidariser avec le camarade victime. Ce processus requiert un équilibre entre une approche par la discipline, transmise au travers des cours, et une approche par l'éducation au sens large. Les enfants le disent très bien : dès lors qu'on quitte la classe, on est dans un endroit moins strict, une forme de no man's land qui peut s'apparenter à une zone de non-droit pour les harceleurs. La solidarisation du « groupe classe » peut aussi passer par des temps prévus, au même titre que n'importe quelle matière, de manière à ce que les enfants puissent s'exprimer dès le matin sur leurs soucis.

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Les textes contiennent de nombreux éléments nous permettant de lutter contre le harcèlement. La question est maintenant celle de leur application, et des moyens que l'on se donne pour y parvenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

C'est le constat qui ressort aussi de toutes nos auditions. Je vais donner la parole à mes collègues qui se sont inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

J'aurais de nombreuses questions. Tout d'abord, a-t-on à disposition des études sur l'efficacité de la lutte contre le harcèlement dans les écoles privées sous contrat, et notamment les écoles catholiques, qui travaillent selon leurs propres protocoles sur cette question ?

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Non, nous n'avons pas ces informations à disposition. Il faut juste qu'ils s'emparent de ces outils.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Faut-il déplorer le manque d'intervention des chefs d'établissements en cas de faits caractérisés ?

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Ce qui frappe est surtout le retard pris et l'inaction au sein de ces établissements. La question du recueil de la parole de l'enfant est également capitale. Il est frappant de voir à quel point cette parole se libère lorsqu'on met en place des formations sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Les mécanismes à l'oeuvre en milieu scolaire semblent similaires à ceux que l'on retrouve dans le cadre des violences faites aux femmes dans le milieu intrafamilial. Une importance toute particulière doit être portée à la manière de nommer les choses. Par exemple, je ne suis pas favorable à l'idée de systématiser le terme de féminicide : il s'agit de crimes sur des femmes. De la même manière, parler de harcèlement et de cyberharcèlement, n'est-ce pas banaliser ces phénomènes ? Ne devrions-nous pas plutôt utiliser les termes de violence ou de délinquance ?

Avez-vous des évaluations précises sur les dégâts psychologiques causés par le harcèlement, aussi bien chez les enfants harcelés que chez les harceleurs, mais aussi au sein des familles ? Sans aller jusqu'au suicide, le harcèlement peut pousser à déplacer l'enfant victime, ce qui peut le mener à une situation d'échec scolaire.

Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par l'éducation au numérique ? S'il s'agit d'éduquer les enfants à l'utilisation du numérique, il me semble que ces derniers en savent plus que nous. Ces jeunes sont quasiment nés avec un ordinateur et un portable à la main. Ainsi, dans les phénomènes de cyberharcèlement, l'éducation au sens classique se retrouve totalement inversée. En outre, les conditions générales d'utilisation et le règlement général sur la protection des données (RGPD) semblent incompréhensibles pour des enfants, si bien que lorsqu'ils créent une page Facebook, par exemple, ils ne sont pas en mesure de les comprendre.

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Lorsqu'on parle de harcèlement, on évoque bien une violence faite aux enfants, et c'est ce que nous attelons à diffuser.

Nous n'avons pas d'études d'ampleur sur les dégâts psychologiques, mais nous les constatons concrètement dans les situations qui nous sont soumises. À chaque fois, l'effet délétère sur la santé mentale, sur la famille, ou encore sur la scolarisation est extrêmement frappant.

Certes, les enfants sont plus habiles que nous sur les réseaux sociaux, mais le problème renvoie surtout au bon usage de ces derniers. Nous en savons plus qu'eux sur les risques, et nous nous devons de les sensibiliser.

Debut de section - Permalien
Éric Delemar, défenseur des enfants

Le défenseur des droits a mis en place depuis quelques années un programme « Educadroit », qui s'adresse à tous les pédagogues. Un chapitre sur l'enfant à l'ère du numérique a été ajouté, dans lequel est expliquée, par exemple, la notion de droit à l'oubli, ou encore la manière de faire retirer un contenu. Mais tout cela relève également d'une réflexion plus globale, qui consiste à se demander s'il faut laisser la question de l'apprentissage aux écrans à la cellule familiale. Même si les enfants sont plus habiles dans ce domaine, il n'y a aucune raison de ne pas en faire une discipline à part entière. En tout état de cause, l'outil informatique remplace de plus en plus les outils classiques, et il est donc incontournable d'y être formé. Il faut déterminer à quel âge, et sous quelle forme les enfants se confrontent à l'outil informatique, et cela ne peut pas être laissé à la seule expérience des parents.

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

J'ajoute que la formation par les pairs est un des aspects les plus intéressants de cet apprentissage. L'action de nos JADE est beaucoup mieux perçue que celle des adultes, qui peut apparaître comme déconnectée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Je suis surpris d'entendre qu'il y aurait beaucoup moins de cas de harcèlement depuis 2011. J'ai plutôt le sentiment inverse.

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Il s'agit des chiffres de l'Éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

L'Éducation nationale ne semble pas donner les bons chiffres, ou peut-être que les informations ne remontent pas. Les chefs d'établissements peuvent avoir tendance à minimiser les situations. S'il existe un véritable problème au niveau de la parole de ces enfants, l'existence du défenseur des droits n'est-elle pas justement une piste pour la libérer davantage ? Les délégués départementaux ne pourraient-ils pas travailler encore plus au niveau de l'école, en partenariat avec l'Éducation nationale ? Ne pourriez-vous pas être plus incisifs ?

Les enfants harceleurs sont rarement déplacés, sauf éventuellement en fin d'année. Avez-vous des pistes de solutions face à ce problème ? Votre regard extérieur à l'Éducation nationale pourrait être très intéressant.

À partir de quel âge peut-on parler de harcèlement ? Il est légitime de se poser la question, surtout lorsqu'on sait qu'un enfant harcelé peut à son tour devenir harceleur. Je pense qu'il faut agir dès le plus jeune âge. Que pourrait-on mettre en place pour repérer et mieux gérer ces situations ? Vous avez parlé de l'instauration de moments forts, qui permettent aux enfants de se retrouver. Les méthodes Freinet et Montessori instituaient « le quoi de neuf ? ». Ne pourrait-on pas prévoir des moments solennels sur le même modèle ?

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Il existe un certain nombre de situations dont nous ne sommes pas saisis, et pour lesquelles l'information ne remonte pas au niveau de l'Éducation nationale. L'une de mes préoccupations est d'ailleurs d'agir pour que les personnes éloignées du droit, dont font partie les jeunes et les enfants, puissent nous saisir le plus rapidement possible. Les chiffres de l'Éducation nationale ne reflètent pas forcément l'ampleur du problème. En effet, tandis qu'ils affirment une faible baisse, nous constatons une certaine stabilité dans les réclamations qui nous sont transmises.

Nous avons à notre disposition 550 délégués territoriaux, formés aux questions des droits des enfants, qui nous transmettent au jour le jour les difficultés rencontrées. Je crois également beaucoup à nos cent JADE, qui ont réussi sur l'année scolaire 2020-2021 à former 55 000 enfants et jeunes sur leurs droits, malgré le contexte actuel. Nous n'avons pas les moyens d'intervenir dans l'ensemble des établissements scolaires, mais une des pistes essentielles se trouve dans cette formation au droit. Un autre point important réside dans l'effectivité des cours d'éducation sexuelle.

Il est vrai que c'est souvent l'enfant victime qui est déplacé. Ceci étant dit, il faut aussi se préoccuper de l'éducation de l'enfant harceleur, qui a souvent subi du harcèlement lui-même. C'est bien pour cela qu'il faut entendre le plus tôt possible les enfants, avant que les situations ne dégénèrent. Les situations qui nous sont remontées sont celles qui ont dégénéré pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.

Je ne suis pas capable de vous répondre concernant l'âge auquel le harcèlement est susceptible de commencer, mais je pense effectivement que cela peut être très tôt.

Je suis convaincue de l'importance des moments d'échange, où l'on se demande « comment ça va », et je suis favorable à leur systématisation, à un rythme hebdomadaire, voir quotidien. Si l'enfant est habitué à recevoir des questions sur son bien-être, il sera plus apte à oser s'exprimer, et cela permettra de libérer la parole.

Debut de section - Permalien
Éric Delemar, défenseur des enfants

La convention des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 apporte de nouveaux droits, au travers du droit à la participation et à l'expression, l'expression étant le contenu et la participation le contenant. Dans les écoles maternelles, les enfants sont installés en « U ». Dans ce cadre, ils prennent la parole devant tout le monde, sans que l'on constate beaucoup de phénomènes de honte ou de gêne. Mais, dès la primaire, ils se retrouvent installés les uns derrière les autres pour les prises de paroles, où ils s'adressent plutôt à l'enseignant. C'est alors que des tics comme la culpabilité et la honte apparaissent. C'est d'autant plus frappant si le contexte familial ne contribue pas à la prise de parole. Des formes de prises de parole plus libres permettraient aussi de faire s'exprimer les potentiels agresseurs, notamment chez les plus petits. Il s'agit de retrouver cette temporalité que nous, adultes, n'arrivons plus à prendre en compte dans une société qui va très vite, et où les enfants ne sont pas écoutés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

J'ajouterais à vos propos sur le climat scolaire le terme de « bienveillance », qui est parfois absent de notre institution scolaire. Dans les pays scandinaves, les enfants suivent des sessions où ils apprennent à être bienveillants les uns envers les autres. Bien entendu, il faut des enseignants formés à cela. Au Danemark, ces cours ont lieu sur le long terme, de six à seize ans. Il faut également que les enfants apprennent à s'exprimer devant les autres, sans honte. L'introduction du grand oral au baccalauréat serait peut-être l'aboutissement de cette pratique de l'oral. Par exemple, dans le modèle anglo-saxon, les enfants apprennent à s'exprimer devant leurs pairs dès le plus jeune âge. Dans ce cadre, les sessions de discussions dont vous parliez me paraissent être une étape importante à franchir. Comment faire pour introduire cette notion de bienveillance dans la pratique des personnels de l'Éducation nationale ?

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Je partage complètement votre point de vue. On constate dans les pays anglo-saxons à quel point cette habitude de l'oral se ressent dans les débuts de la vie professionnelle. Cela m'interroge également sur la violence des adultes entre eux, puisque le harcèlement et le cyberharcèlement ne sont que la reproduction de ce qu'il se passe entre adultes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

Lors de notre déplacement dans un collège à Melun, nous avions suggéré à l'inspectrice d'académie de dédier un temps à toutes ces questions en début de semestre. Il nous a été répondu que le temps manquait réellement dans les établissements pour de telles initiatives. Il en est de même pour les cours d'éducation sexuelle.

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Je partage votre analyse. J'en ai parlé au ministre de l'Éducation, qui m'a répondu qu'on n'arrive pas à tout faire : je connais cette problématique, mais je pense que ce temps est absolument primordial, voire plus que certains cours. Cette situation est révélatrice des moyens que l'on se donne. Si votre mission montre que cela est primordial et doit être fait systématiquement, on aura avancé.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Je pense qu'il faut systématiser ce temps de réflexion en début d'année. La problématique de la lutte contre le harcèlement va plus loin que la seule question du harcèlement, en ce qu'elle permet de préparer les citoyens de demain. Il faut aussi évoquer la question de la sensibilisation des parents, qui doivent absolument travailler main dans la main avec les enseignants. C'est cette approche de la citoyenneté, le vivre ensemble dont vous parliez, Monsieur, qui permet de tout globaliser. On ne peut éduquer sur les réseaux sans éduquer de manière générale.

Vous parliez d'apprendre aux enfants comment retirer un contenu, mais justement, c'est impossible. Et ça, il faut le rappeler et l'apprendre aux enfants. Une fois que les photos sont effacées, elles sont envoyées sur des serveurs à l'étranger et peuvent réapparaître. Je suis totalement d'accord sur le fait que les enfants calquent leur comportement sur les adultes. On a érigé l'insulte en liberté d'expression : les enfants apprennent maintenant que ce n'est pas une insulte, mais un « point de vue ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Comment pourrions-nous faire pour responsabiliser les parents ?

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

La journée nationale du harcèlement, qui a lieu en novembre chaque année, pourrait être l'occasion d'évoquer systématiquement ces questions.

Au contraire, je ne pense pas qu'il faille rejeter la responsabilité sur les parents, qui ont du mal à trouver leur place au sein des établissements, et qui ne sont pas forcément écoutés ni associés. Dans de nombreuses saisines qui nous parviennent, nous constatons que ce sont les parents qui nous alertent. Je suis convaincue que pour la réussite des enfants, les parents doivent être associés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

Ne serait-il pas plus simple de faire distribuer un document en début d'année avec les définitions du harcèlement, les numéros à contacter et les risques encourus ?

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Mais nous constatons plutôt que les parents sont les premiers à alerter sur les difficultés de l'enfant, et qu'ils ne sont pas entendus par l'établissement. Ne renversons pas la responsabilité sur les parents : en cas de harcèlement scolaire, celle-ci se trouve dans l'école. Il faut aussi voir comment ces parents sont accueillis dans l'école, alors qu'eux-mêmes ont pu être en échec scolaire toute leur vie, et peuvent être tétanisés à l'idée d'entrer dans un établissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

Il n'est évidemment pas question de renverser cette responsabilité, mais de la partager.

Debut de section - Permalien
Éric Delemar, défenseur des enfants

Dans le cadre de notre rapport annuel 2021 sur la santé psychologique des enfants, nous avons procédé à une quarantaine d'auditions en trois mois, avec des infirmières scolaires, des psychologues scolaires, des inspecteurs d'académie, ou encore des enseignants. La situation de la crise sanitaire a été évoquée, et notamment la fermeture d'écoles maternelles aux parents. Certains professionnels de l'Éducation nationale se sont interrogés sur la création d'espaces parents, comme des foyers. Il s'agit ici de vrais choix de société. Il ne s'agit pas de demander au personnel de l'éducation d'être à la fois instituteurs, juristes et infirmiers, mais plutôt de se demander comment faire entrer des professionnels compétents, comment faire entrer la société dans l'école. Avec 700 000 élèves sur 12 millions se disant victimes de harcèlement, il faut véritablement réfléchir à l'organisation de l'école sur ces problématiques. Il convient de trouver un équilibre entre une approche par discipline et l'école comme espace de vie. Il y aurait à aller chercher d'autres formes d'organisation de l'éducation : je pense notamment à l'exemple de l'éducation spécialisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Beaucoup de choses importantes ont été dites ce matin. Nous devons parvenir à faire travailler ensemble tous les adultes qui évoluent autour des enfants, et, vous venez de le dire, à faire entrer les parents à l'école. Dès le début de l'année, il faudrait instaurer une réunion pour, petit à petit, rendre les parents plus concernés. Cela peut aussi se faire par le biais du carnet de correspondance ou du règlement intérieur, de manière à informer des règles du jeu en milieu scolaire. Petit à petit, nous arriverons peut-être à ce que tout le monde s'implique. Il y a encore beaucoup à faire. Nous entendons d'ailleurs la semaine prochaine le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Sait-on pourquoi il y a plus de jeunes filles harcelées que de garçons ?

Debut de section - Permalien
Claire Hédon, défenseure des droits

Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

Je vous remercie. Nos débats ont été passionnants.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 40.