Mission d'information inventaire et devenir des téléphones mobiles

Réunion du 21 juillet 2016 à 11h03

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 11 h 03.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Mes chers collègues, nous entendons à présent M. Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR).

Bienvenue à vous, Monsieur le délégué général, et merci d'avoir répondu si rapidement à notre demande d'audition.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le Centre national du recyclage (CNR) est une association composée de collectivités territoriales, d'organisations professionnelles représentant les sociétés oeuvrant dans le domaine de la gestion des déchets ou encore d'associations environnementales et de consommateurs.

Monsieur le délégué général, notre mission d'information, créée à la demande du groupe écologiste, porte sur l'inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles. Nous avons commencé nos travaux au tout début du mois de juillet et nous les achèverons à la fin du mois de septembre.

Nous avons jugé indispensable de rencontrer, dans le cadre de nos travaux, des représentants des acteurs de la gestion des déchets. Nous sommes certains que vous pourrez nous fournir des éléments utiles en réponse à nos nombreuses interrogations.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

Notre association est composée de collectivités locales qui oeuvrent dans la gestion des déchets. Je suis ravi d'évoquer avec vous la question des téléphones mobiles.

Nous représentons les collectivités locales, et nous collectons les appareils répartis en quatre flux, à savoir : les petits appareils en mélange (PAM), le gros électroménager hors froid, le froid et les écrans de télévision. Nous disposons des quantités collectées pour le PAM mais nous ne séparons pas les téléphones mobiles du reste. Les collectivités collectent le plus de D3E, soit 370 000 tonnes sur les 500 000 tonnes collectées essentiellement via des déchetteries : ces déchets sont confiés par les collectivités à des éco-organismes conventionnés pour les traiter et les enlever.

Malheureusement, l'usager n'utilise pas tout le temps les moyens de collecte sélective qui existent. La poubelle des ordures ménagères est bien souvent utilisée pour y placer les vieux appareils électriques. Sensibiliser l'usager sur les solutions de collecte sélective est aujourd'hui l'un des enjeux pour cette filière. Depuis les nouveaux agréments, les nouveaux distributeurs doivent se conformer à une logique du « un pour zéro ». Tous les distributeurs peuvent ainsi récupérer le PAM. Il faut que nous communiquions plus sur l'existence de ces filières. On ne va pas en déchetterie pour ramener un seul portable ! Soit on le stocke, soit on s'en débarrasse rapidement.

Il est difficile encore de mesurer le gisement de déchets pris au sens strict. En effet, tous les téléphones ont une valeur qui varie selon leur âge. De nombreux sites internet et magasins rachètent les mobiles. Ces téléphones ne sont pas jetés ; ils n'entrent pas dans la filière du recyclage puisqu'ils ne sont pas considérés officiellement comme des déchets et sont revendus.

Quel est le gisement des téléphones pour les usagers ? Les très vieux portables avec leur batterie restent dans les tiroirs. L'étude gisement conduite par la filière D3E n'a pas spécifié ces déchets en tant que tels. Il serait intéressant de mesurer la quantité de téléphone comme déchets. Tant que les téléphones auront de la valeur, ils passeront à côté de la filière officielle de recyclage, c'est-à-dire par le passage à la déchetterie avant d'arriver vers des distributeurs. Il faut améliorer la communication pour que ces déchets restent dans la filière classique. C'est là une priorité car le dispositif de collecte existe : le maillage des points de collecte est suffisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Qui doit améliorer la méthode de communication pour le recyclage ? Les pouvoirs publics, les opérateurs, les fabricants ?

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

Je pense que tout le monde doit s'y mettre. Une campagne ponctuelle ne fonctionne pas. Puisque le sujet est fort, il importe que tous les acteurs communiquent tous ensemble : les éco-organismes en termes de geste de tri, les pouvoirs publics, notamment sur l'utilisation des 0,3 % des budgets des éco-organismes qui ne sont pas utilisés depuis 2013 pour une grande campagne d'information et de mobilisation sur les déchets.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

J'ouvrirai une parenthèse sur ce sujet important. Le conflit a été plus important avec Eco-emballages. En effet, le ministère a cherché à récupérer ces 0,3 % pour conduire une communication d'ordre national. Eco-emballages souhaitait maîtriser sa communication. Je ne sais pas si un tel conflit s'est avéré récurrent avec les autres éco-organismes.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

La question est : qui décide des messages et de la quote-part de chacun pour l'ensemble des messages ? Le chiffre de 0,3 % du budget renvoie à des montants totalement différents en fonction de la taille des éco-organismes concernés. Malheureusement, on perd du temps, alors qu'on devrait communiquer davantage avec des clefs d'entrée différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Sur l'incitation à rendre son téléphone, quelle place doit prendre l'opérateur ou le fabricant ?

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

Les téléphones ont plusieurs vies. Certains peuvent être revendus en France, d'autres sont mal gérés et inclus dans un ensemble envoyé vers l'Afrique. Il faut être vigilant sur l'export du matériel, qu'il s'agisse de téléphones mobiles ou de tout autre type d'appareils, censés fonctionner et qui ne fonctionnent pas.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

La distinction entre déchets professionnels et ménagers est à prendre en compte. Pour les opérateurs, il est certain que la frontière entre ce qui vient des ménages et des entreprises est censée être bien définie, mais demeure, dans la pratique, brouillée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Vous parliez d'une source ménagère de revente qui alimente des containers qui partent vers l'Afrique avec du matériel fonctionnel ou non fonctionnel. Mais les opérateurs eux-mêmes peuvent s'avérer à la source de tels containers, dans leur reprise de téléphones mobiles.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

Tout à fait. Ils le font en direct avec les professionnels. Puisque les opérateurs traitent les déchets des ménages financés par les éco-organismes, les professionnels font appels directement à ces mêmes organismes en tant que détenteurs de déchets.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je vous parlais quant à moi des opérateurs de téléphonie mobile.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

C'est possible. La problématique est toujours celle du financement. Si on traite des déchets en France, le coût est certain, du fait du respect des contraintes réglementaires et environnementales. Si on les envoie ailleurs, en tant qu'objets, on n'est pas soumis à la réglementation déchet et on peut les exporter.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

La frontière entre ce qui est un déchet et ce qui ne l'est pas est floue. Il est très compliqué d'identifier un matériel qui fonctionne et peut être utilisé dans un ensemble d'appareils éteints. L'identification d'un flux de matériel d'occasion par rapport à un flux de déchets triés reste difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

C'est le point le plus important. Tout est fait pour échapper à la filière des déchets, du fait de la réglementation en matière de traitement et de transfert. De nombreuses confusions demeurent et jouer sur ce point permet d'échapper à la réglementation européenne ou française. C'est l'un des points les plus importants qu'il nous faudra explorer.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

Il faudrait que les entreprises qui font de la récupération et qui ont un volant de téléphones assez important conventionnent avec les éco-organismes, comme le cas s'est déjà produit avec la Fédération des entreprises du recyclage (FEDEREC) qui a dû conventionner avec les organismes afin d'arrêter de broyer sans discernement les métaux et de leur remettre les déchets destinés à la filière du recyclage. Ces opérateurs sont détenteurs de déchets ménagers. Cela permettrait de gagner en tonnage et en sécurité pour la filière.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Quel est l'avantage de cette restitution ? Est-ce d'éviter des gisements de pollution ou encore une forme d'exportation de déchets sauvages ?

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

La récupération de la matière est un enjeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Même si plus rien de fonctionne, la valorisation représente encore un gain ?

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

Tout à fait. Les téléphones portables contiennent énormément de métaux rares. Il y a certes du plastique, que l'on parvient également à récupérer, même s'il s'agit de formes complexes. Par la massification, on arrive à extraire de la valeur par rapport à la nature des composants plutôt que de l'extraire directement de la planète.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Avez-vous connaissance de certaines collectivités qui auraient conduit des initiatives innovantes sur la valorisation ?

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

Je n'ai pas connaissance de telles démarches concernant les produits électriques, comme les téléphones portables ou les réfrigérateurs et les télévisions. La recherche de l'innovation dans les mobiles est telle qu'à de rares exceptions, personne ne souhaite acquérir un téléphone d'ancienne génération.

Pour les éléments relatifs au barème en vigueur pour les collectivités locales sur les financements en euros par trimestre par point de collecte ainsi qu'à la tonne, je dispose d'un tableau à votre intention conformément à l'arrêté qui fixe le cahier des charges. Je vous l'adresserai ainsi que le tableau de bord de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) qui a été présenté à la commission consultative D3E qui dresse un bilan sur l'année 2015 de tous les tonnages collectés, flux par flux et mois par mois ; les mobiles n'y apparaissant pas en tant que tels.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

C'est un domaine extrêmement complexe avec de nombreuses incertitudes. Par exemple, une cuisine de restaurant est d'ordre professionnel mais si l'on change le réfrigérateur, celui-ci se retrouve dans les ordures ménagères. Les collectivités se retrouvent à devoir gérer indûment ces déchets, sans aucun retour financier. C'est là toute la difficulté ! Je me demande d'ailleurs si ce flou qu'on a introduit entre déchets ménagers et professionnels ne vise pas, à mesure que les déchets apparaissent comme des ressources, à éviter leur gestion par les collectivités et à faciliter leur prise en charge par les professionnels.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

Dès que les déchets ont de la valeur, l'objectif est bel et bien celui-là. On laisse les déchets aux collectivités locales, lorsqu'ils n'ont aucune valeur et qu'il n'y a rien à en tirer. On a vu poindre des collecteurs de bouteilles plastiques moyennant l'acquisition d'un badge. De telles pratiques ne sont plus guère usitées ces derniers temps, en raison du très faible cours des plastiques qui ne rend économiquement plus rentable leur récupération.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je me permets de vous contredire car des collecteurs de ce type ont été installés dans les hypermarchés en Nord-Pas-de-Calais, il y a un mois précisément. Ils fonctionnent avec des bons d'achat.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

Nous nous battons précisément contre cette démarche qui ramène très peu de tonnage et qui soustrait la matière qui rapportait un peu aux collectivités locales qui compense une partie des coûts. En outre, les usagers se trouvent piégés par les bons d'achat qui les conduisent à consommer. Le coût du service public au global va augmenter, pour rentabiliser quelqu'un qui va récupérer de la matière pour pouvoir potentiellement la réutiliser, en fonction du cours des matières premières. Récupérer des emballages hors foyer alors que des dispositifs existent déjà revient à drainer des matériaux destinés au service public au profit de l'intérêt particulier, plutôt que de massifier pour l'intérêt général.

Pour plus récupérer et atteindre un taux de collecte avoisinant les 98 %, il vaut mieux mettre en place des consignes. Lorsqu'on achète quelque chose et qu'on laisse une valeur intrinsèque, cet objet revient. Les bouteilles de verre qui étaient auparavant consignées connaissaient auparavant un taux de retour énorme.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

On nous a dit qu'une consigne de cinquante euros serait un minimum pour le téléphone. Des sommes pareilles devraient cependant générer un « carrousel financier » à risques majeurs.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

Les détracteurs de la consigne sont toujours très nombreux. Pour qu'une consigne fonctionne, il faut un équivalent monétaire. Il est clair qu'avec une consigne de dix centimes d'euros par téléphone, aucun retour n'est envisageable ! Mais très honnêtement, une consigne de cinq à dix euros induirait de réels effets. La consigne des bouteilles de gaz a fonctionné jusqu'au jour où son abaissement à un euro, pour des raisons de dumping destinés à vendre, a dissuadé les consommateurs de les ramener. Ce sont alors les collectivités qui ont dû gérer les bouteilles de gaz dans leurs déchetteries ! La valeur de la consigne joue tout son rôle ! Dans les plans de prévention, le Conseil national de prévention des déchets conduit des tests sur certains types de déchets par rapport à la consigne. Les associations de protection de l'environnement soutiennent d'ailleurs une telle démarche, qui me paraît idoine pour assurer la captation d'énormément de gisement. Il faut faire des tests et surtout organiser une consigne en répondant notamment à ces questions : quelle société va récupérer les fonds et que faire de ceux-ci une fois collectés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

L'orateur précédent nous a démontré comment les opérateurs téléphoniques sont les principaux fournisseurs des grands containers mixtes qui partent pour des destinations spéculatives et incertaines.

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

C'est une question de financement, c'est toujours pareil ! Le pendant au traitement des déchets est de payer. Il faudrait menacer ces opérateurs d'une opération de communication sur leurs pratiques et les obliger à signer avec les éco-organismes pour les produits qui ne fonctionnent pas. Le financement existe déjà puisque les éco-organismes disposent déjà de provisions à hauteur de deux cent millions d'euros.

Dernier point, l'éco-conception et l'éco-modulation se trouvent dans une situation dramatique. Les éco-modulations présentent un réel intérêt mais pas à un niveau aussi faible ! L'éco-contribution est déjà faible, mais elle peut s'expliquer par le nombre de téléphones qu'il faut rassembler pour en traiter une tonne, pour un coût allant de trois à quatre cent euros. Si l'on divise ce montant par le nombre de téléphones, le coût représente une misère par rapport au prix d'un téléphone neuf ! Moduler quelque chose de faible ne mène à rien. La difficulté réside en ce que l'éco-modulation figure dans le dispositif de REP pour financer la gestion des déchets. Sauf que la REP, dans son principe, sert à financer le coût environnemental du produit et cela va largement au-delà de la simple gestion des déchets. On pourrait intégrer dans ce coût environnemental l'ensemble des externalités et ainsi, augmenter cette éco-modulation afin qu'elle ait plus de poids. On pourrait alors inciter à mieux concevoir les produits afin qu'ils soient démontables, réutilisables et recyclables. En effet, plus on avance dans les technologies, plus les téléphones sont rendus inviolables. Il est en effet quasiment impossible d'ouvrir un téléphone portable à moins de disposer d'un équipement d'une grande sophistication ! La pédagogie de la responsabilité élargie des producteurs doit être, à cet égard, mise en avant. Dans le cahier des charges, nous avions proposé jusqu'au quintuplement des éco-modulations. Idem pour la réutilisation : si l'on arrive à ce qu'un téléphone réutilisé échappe à une éco-contribution plus élevée, les téléphones réparables auront une vraie valeur ajoutée. Mais on en est aujourd'hui encore trop loin !

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Apple nous a déclaré que leur première priorité était le design. Ce mot ne désigne pas que l'aspect de l'objet mais sa conception même ! Je suis persuadée que toute la conception de l'objet est faite pour ne plus pouvoir démonter l'appareil, à l'instar de ce qui se passe dans le secteur automobile. Désormais, le moindre changement de pièces est impossible, de même que la détection de la moindre panne sans ordinateur. Nous souhaiterions de l'éco-conception pour faciliter la réparation et le démontage tandis que les constructeurs recherchent exactement l'inverse ! Demander à ces constructeurs 'assurer une telle éco-conception ne revient-il pas, en définitive, à leur demander de se trahir eux-mêmes ?

Debut de section - Permalien
Bertrand Bohain, délégué général du Centre national du recyclage (CNR)

L'objectif des constructeurs est de vendre et reste ainsi financier. Il vaut mieux pour eux vendre tous les deux ans plutôt que tous les cinq ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Merci de votre participation.

La réunion est levée à 11 h 42.