Mission d'information organisation, place et financement de l'Islam en France

Réunion du 31 mars 2016 à 13h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Nous entendons deux universitaires et chercheurs spécialisés sur l'Islam et le monde musulman, dont l'audition nous a été suggérée par M. Reichardt : Mme Marie-Thérèse Urvoy, professeur d'islamologie, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse et M. Dominique Urvoy, professeur de pensée et civilisation arabes à l'université de Toulouse-Jean Jaurès. Vous avez l'un comme l'autre beaucoup travaillé et écrit sur la pensée arabe et la philosophie islamique. Nous souhaiterions recueillir vos réflexions sur les lignes de force qui structurent la pensée islamique contemporaine et, surtout, sur la manière dont celles-ci influent sur la pratique de l'Islam en France et y induisent des évolutions ou, le cas échéant, des reculs ou des difficultés pour la communauté musulmane.

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

professeur d'islamologie, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse. - Au préalable, il convient de rectifier l'expression : on parlera non d'intégration de l'Islam mais d'intégration de musulmans - ceux qui le veulent, du moins -, car l'Islam se caractérise par une polysémie, entretenue et exploitée par les musulmans. L'Islam se veut et se réalise en tant qu'Islam-religion, Islam-civilisation, Islam-communauté et Islam-culture, tous étant utilisés à décharge du premier. Cet amalgame typiquement islamique s'avère d'une efficacité redoutable, au point que « pas-d'amalgame » et « c'est-pas-ça-l'Islam » sont devenus de quasi-néologismes. Ainsi, Feiza Ben Mohamed, représentante de la Fédération des musulmans du Sud, trouve la preuve que le terrorisme est sans relation avec l'Islam dans le fait que les terroristes sont issus du grand banditisme et de la délinquance ordinaire ! Autre exemple, plus subtil : l'émission religieuse du dimanche sur l'Islam, où se mêlent une apologie valorisante de sujets profanes et des leçons exégétiques des piliers de la foi. En face, un contrepoids très minoritaire élève la voix, tels Boualem Sansal et Kamel Daoud en Algérie, Mohamed Sifaoui ou Zineb El Rhazoui en France.

Que sont les musulmans ? L'histoire de l'Islam nous enseigne que le groupe appelé umma dans le Coran est une communauté qui prend son origine dans une attitude de lutte défensive : après avoir été persécutée dans la Mecque païenne, elle se constitue en un groupe agressif, victorieux de ses ennemis que sont infidèles, associateurs, chrétiens et juifs. Cette communauté combative est animée d'un puissant sentiment de fraternité dans une même foi, seul authentique lien intra-communautaire. Dès le Coran, Allah accorde aux musulmans, les seuls « croyants », dignité, privilèges et droits propres. Cette umma est missionnée par Allah pour promouvoir et défendre les droits de Dieu et de Ses serviteurs que sont les musulmans. Jalouse de ses droits, se croyant toujours menacée, elle s'abrite dans la lutte par la polémique ou par les armes. Cet état d'esprit collectif explique l'assurance déconcertante du musulman, défenseur des droits d'Allah, et son complexe de supériorité vis-à-vis des non-croyants. C'est même un dogme essentiel : la charia interdit aux musulmans d'être sous l'autorité d'un pouvoir non islamique, de subir un État de droit de non croyants. C'est une humiliation, une tyrannie (baghî) intolérable pour le croyant qu'Allah a pourtant déclaré comme étant « le dernier détenteur de la terre » (X, 14 et XXXV, 39). Pour le plus illettré comme pour le plus instruit, faire régner l'Islam sur le monde ne sera que l'exécution de l'ordre divin et l'objectif de tout musulman, du plus modéré au plus violent ; seuls varieront les moyens pour l'atteindre.

Face à cette indéfectible structure mentale d'une communauté farouchement solidaire, l'univers mental des chrétiens est diamétralement opposé, nourri de valeurs judéo-chrétiennes forgées sur fond de crises historiques (protestantisme, Révolution, laïcisme, etc.) -que l'Islam n'a pas connu au cours de son histoire. Le grand schisme qu'est le chiisme avait une origine politique : la lutte pour le pouvoir. La théorisation doctrinale s'est faite au fil de l'histoire.

Dès ses origines, l'Islam a réparti le monde en « territoire de l'Islam », une théocratie avec un chef, où les lois sont dictées par Allah et où il incombe aux musulmans de les porter et les faire respecter dans le territoire des non-croyants, dit « territoire de la guerre » (dâr al-harb). À l'époque moderne, les modérés ont ajouté une troisième notion, celle de « territoire de la trêve » (dâr al-muwada?a) - sachant qu'une trêve, si longue soit-elle, est temporaire et que ce territoire doit tôt ou tard revenir au domaine de l'Islam.

Musulman accepté par l'Occident laïc et chrétien, Recep Tayyip Erdogan déclare, agacé : « il n'y a pas un Islam modéré et un Islam violent. L'Islam c'est l'Islam ». En effet, un Islam modéré est concevable, mais il sera toujours le fait de l'individu, non du groupe. Seul, sans la pression de sa communauté, le musulman peut vivre sa religion en la ramenant à la sphère privée et à la pratique intérieure, sans revendication communautariste ni marqueurs sociétaux. L'Islam étant la religion de la masse, c'est en groupe que les musulmans revendiqueront d'exercer leurs droits et leurs obligations cultuelles. L'importance de ces dernières sera proportionnelle à l'importance du groupe. L'Islam religion de la foule plutôt que de l'individu fait que, comme le dit Yadh Ben Achour, « derrière chaque musulman il y a un autre musulman, plus musulman encore ».

Dans le dialogue islamo-chrétien officiel, les parts sont nettes : aux chrétiens l'affectif ou l'idéologique, aux musulmans le Coran et ses contraintes. Pour les premiers, toutes les concessions sont bonnes, jusqu'au déni de soi ; pour les musulmans, il s'agit d'avancer en félicitant les chrétiens pour leur démarche, sans céder un iota. Un marché de dupes a submergé un espace dialogique de type sectaire nommé « l'islamo-chrétien » - je vous renvoie à notre ouvrage, La Mésentente. Des valeurs fondamentales de l'Islam-religion sont inconciliables avec le christianisme, telles la conception de Dieu et Son unicité, la relation entre Dieu et l'homme. Des valeurs fondamentales de l'Islam-civilisation sont inconciliables avec l'Occident laïc, telles le but ultime de faire triompher la Loi islamique, le statut inégalitaire entre croyant et non-croyant, entre homme et femme.

On ne saurait envisager de dialogue qu'avec des musulmans qui auront renoncé à leur statut sociopolitique islamique. Ils existent mais n'ont pas voix au chapitre, lorsqu'ils ne sont pas exécutés en terre d'Islam. Quant au soufisme, c'est un cheval de Troie de l'islamisme qui donne à voir un Islam spirituel et tolérant, présentable, mais seulement sous forme de moratoire. Beaucoup de soufis, dans l'histoire, ont été des djihadistes efficaces.

Debut de section - Permalien
Dominique Urvoy, professeur de pensée et civilisation arabes à l'université de Toulouse-Jean Jaurès

Il y a d'abord un problème de présentation de l'Islam, qui recouvre un vaste ensemble de domaines : religieux, historique, civilisationnel, historique, intellectuel, artistique... Cela laisse une certaine latitude à la manipulation idéologique : on met ainsi au crédit de l'Islam religion ce qui relève de l'Islam civilisation. Pourtant, pour citer Renan, l'Islam religion n'a pas plus de titre à revendiquer Averroès que le catholicisme à revendiquer Galilée.

Toutes les manifestations pour faire connaître la civilisation islamique sont à encourager : ses apports artistiques, culturels, philosophiques ont été remarquables. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, et les musulmans se font du mal en ressassant leur gloire passée sans se donner la peine de retrouver ce niveau.

Je vous ferai part de trois expériences. La première concerne une visite à l'« Institut européen pour les sciences humaine » de Saint-Léger-de-Fougeret qui forme des imams appelés à exercer en Europe et en Amérique du Nord. J'ai eu la surprise de voir que la bibliothèque de cet Institut, officiellement indépendant, était wahabite, la documentation étant fournie par l'Arabie saoudite. La question cruciale, pour l'équipe dirigeante, était de réussir à intégrer l'enseignement des sciences islamiques à l'université publique. En répondant que j'y enseignais l'islamologie, j'étais en porte-à-faux : mes interlocuteurs souhaitaient en réalité transposer dans l'université d'État française tout un cursus, avec des diplômes, des certificats « étude du Coran »... « Les sciences islamiques sont une science humaine comme les autres », m'ont-ils affirmé !

À Strasbourg, l'idée est née chez certains membres de la faculté de théologie protestante de créer une faculté de théologie islamique. Pourquoi pas, puisque le système du concordat le permettait ? J'ai été consulté, avec un confrère, sur la maquette et le programme proposés. Nous avons été effarés : ce cursus avait été imaginé par des gens qui voyaient l'Islam de loin, sans se poser la moindre question sur la façon d'aborder les disciplines, de les intégrer à l'esprit de l'enseignement de l'université française, pas plus que sur le recrutement des enseignants... Ce fut un échec, mais révélateur d'une certaine naïveté.

À l'université de Toulouse, où j'enseignais, la direction du département d'arabe avait été confiée à un collègue marocain qui souhaitait encourager la présentation de l'Islam par des musulmans eux-mêmes, et y consacrer pas moins de 450 heures d'enseignement. Il fit venir trois enseignants pour l'accompagner dans cette démarche, qui constituèrent une association culturelle. Jusque-là, rien à redire. Cette association avait pour nom Sabil - le chemin - qui évoque irrésistiblement la formule « al-jihad fi sabil Allah ». Elle s'est révélée être une association de propagande islamiste ; il a fallu que les renseignements généraux s'en mêlent pour mettre fin à ses activités. Preuve que l'espoir de faire parler les acteurs eux-mêmes peut entraîner des déviations caractérisées...

L'État veut encourager la connaissance de l'Islam et a décidé d'ouvrir dix postes en islamologie à l'université. Je m'en félicite, car il y a des personnes compétentes pour les occuper. Mais comment ces postes seront-ils pourvus, selon quels critères ? J'observe des tendances lourdes, des universités où les sections d'arabe sont accaparées par les Marocains. Est-ce admissible ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je comprends que vous ayez séduit M. Reichardt ! L'objectif de notre mission est de mieux connaitre l'Islam, son fonctionnement, son financement, son organisation. L'État doit-il intervenir ou non ? On est parfois au bord de la schizophrénie. Si je comprends bien, pour vous, l'Islam n'est pas du tout compatible avec la République ?

Debut de section - Permalien
Dominique Urvoy, professeur de pensée et civilisation arabes à l'université de Toulouse-Jean Jaurès

Tel quel, non.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Faut-il une organisation du culte musulman, de la communauté musulmane ? Quel est votre avis sur le CFCM ? Les personnes que nous entendons - je ne parle pas de gens comme Hassen Chalghoumi, que je ne porte pas en haute estime - jouent donc un rôle, avec un but final inavoué ? Il n'y a pas d'Islam modéré, dites-vous. C'est une vision très pessimiste, alors que 10 % de la population française serait de confession musulmane. Serions-nous tous victimes d'une illusion d'optique devant ces gens qui nous semblent intégrés dans la société ? Vos propos globaux sont inquiétants...

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

Je récuse le terme de « globaux ». J'ai précisé qu'un musulman pris à part, individuellement, n'est pas le même que quand il est membre de l'umma. Je sors le particulier du général.

Debut de section - Permalien
Dominique Urvoy, professeur de pensée et civilisation arabes à l'université de Toulouse-Jean Jaurès

Il est sans doute fort utile pour l'État d'avoir un interlocuteur unique : c'est tout l'intérêt du Conseil français du culte musulman. Mais je vois mal l'intérêt pour les musulmans eux-mêmes - il suffit de voir les polémiques entre les représentants des différentes nationalités ! Il est très difficile d'intervenir dans l'organisation du culte. Reste l'aspect civilisationnel : on emmène les enfants visiter les mosquées, mimer les gestes de la prière... Cela n'a pas grande signification, au-delà de l'aspect folklorique.

Dès lors qu'on ne considère pas que la foi se résume à la façon de vivre sa relation personnelle à Dieu et à la morale, il y a incompatibilité. Fazlur Rahman, grand nom du réformisme moderne, menacé pour cela au Pakistan, estimait pourtant qu'il ne fallait pas renoncer à la législation islamique si l'on voulait éviter que l'Islam ne se dilue dans le moralisme universel. Nous, nous ne verrions peut-être que des avantages à une telle dilution ! Mais de fait, la grande majorité des musulmans s'y refusent, car ils sont attachés à cette étiquette. Au point que certains musulmans donnent l'impression d'adorer l'Islam plutôt que Dieu, dit Francis Robinson.

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

C'est bien de savoir ce que veut l'État, la République, mais qui posera la question de savoir ce que veulent les musulmans ? Du plus modéré au plus violent, tous disent vouloir la même chose : vivre leur Islam, c'est-à-dire imposer les droits de Dieu, qu'il défend en personne - comme Allah l'a dit dans le Coran, et faire respecter sa vie religieuse en tant que telle.

Le CFCM, c'est avant tout une erreur de casting. Bien sûr, il faut des représentants de la communauté musulmane, mais la composition retenue par les pouvoirs publics s'est traduite par des tensions, des guerres intestines entre les différents courants. Mes étudiants qui ne sont « que » musulmans ne se reconnaissent pas en Tariq Ramadan, qui représente l'UOIF, en Tareq Oubrou, qui représente les Marocains, en Dalil Boubakeur, qui représente l'Algérie...

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Merci. Comme Mme Goulet, je trouve votre attitude très prudentielle, voire fermée. L'Islam est une grande civilisation, dites-vous. Ne mérite-t-elle pas d'être enseignée, au titre des sciences humaines, y compris à l'université publique ?

Une question, enfin : le Coran prône-t-il la guerre sainte ? Si oui, où ? Le risque est-il celui d'un expansionnisme déterminé et violent ?

Debut de section - Permalien
Dominique Urvoy, professeur de pensée et civilisation arabes à l'université de Toulouse-Jean Jaurès

Que l'Islam soit une grande civilisation qu'il faille enseigner à l'université publique, c'est ce que j'ai fait pendant un quart de siècle ! Mais les grandeurs passées de cette civilisation - qui méritent bien sûr d'être connues, au même titre que la littérature classique latine ou grecque - ne doivent pas servir d'alibi : ce ne sont plus Averroès ou des Ibn Khaldoun que nous avons en face de nous.

Le Coran prône-t-il le djihad ? Bien sûr : je vous renvoie à la sourate 9, qui passe pour la dernière révélée : lisez-la, c'est clairement une sourate de combat.

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

Abdelali Mamoun, imam itinérant très présent à la télévision, a affirmé sur le plateau de C'est dans l'air que la sourate 9 était descendue - car la révélation coranique est une descente matérielle - pour prescrire aux musulmans croyants de se battre contre leurs ennemis.

Debut de section - Permalien
Dominique Urvoy, professeur de pensée et civilisation arabes à l'université de Toulouse-Jean Jaurès

En l'occurrence, contre l'oppression byzantine - ce qui est historiquement faux.

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

Il n'y a pas un attentat, pas une action de Daesh qui ne soit revendiquée en citant des versets entiers du Coran. Le nier, c'est mentir : c'est la taqîya ordinaire, la dissimulation légale autorisée à tout musulman en terre non islamique pour protéger sa foi et sa personne.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

J'ai entendu M. et Mme Urvoy lors d'une présentation devant M. Rouquet, président de la délégation française au Conseil de l'Europe, qui m'a ébranlé : je n'avais jamais entendu ce type de discours auparavant.

L'Islam de France est fait de communautés qui, jusqu'ici, sont bien intégrées. Est-il compatible avec les valeurs de la République ? Peut-être faudrait-il, pour cela, insister sur la séparation entre l'individu et l'umma ? Ces communautés sont très hétérogènes, puisqu'elles sont issues de pays différents. Malgré le pessimisme de votre exposé, je connais dans ces communautés bien des personnes de bonne composition qui sont autant de signes d'espoir.

Comment sortir, dans la formation des jeunes par les imams et les aumôniers, de la prééminence accordée à la sourate 9 ? Nous avons besoin d'imams formés chez nous et dont l'enseignement soit compatible avec les lois de la République, pour un Islam respectueux des non-croyants. Il faudra du temps, car la situation actuelle résulte de décennies de dégénérescence...

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

La majorité des personnes auditionnées par notre mission d'information souhaitent un Islam de France, respectueux de la laïcité, qui lise le texte dans son contexte. Ils appellent à sortir du lien avec les pays d'origine et assurent que les capacités de financement nationales suffisent. Est-ce vrai ?

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

Oui, il y a des musulmans modérés : ce sont ceux qui renoncent à l'esprit communautaire, qui est pourtant inhérent à l'Islam.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Les étudiants qui ne se reconnaissent pas dans le CFCM sont-ils du nombre ?

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

Pas vraiment. Quand je les ai formés, je fais en sorte qu'ils rentrent chez eux.

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

Oui. D'autres professeurs ne le font pas, surtout s'il s'agit d'Arabes ou de Maghrébins.

Tant qu'il s'agissait d'immigration économique, il n'y avait aucun problème d'intégration.

Dans un colloque universitaire où il s'est installé avec des jeunes filles voilées et de jeunes barbus, M. Tareq Oubrou a dit qu'en cas d'incompatibilité entre les lois de la République et la loi chariatique, il prononcerait une fatwa qui équivaudrait à un moratoire. C'est ce qu'a voulu dire aussi M. Tariq Ramadan lorsqu'il a répondu à Nicolas Sarkozy sur la lapidation d'une femme adultère. C'est le point de vue musulman. Nous cherchons une compatibilité, mais les musulmans y sont-ils prêts ?

Sur la diversité d'origine des musulmans, nous avons fait trop longtemps des erreurs, et il est sans doute trop tard. Mais c'est aux musulmans de trouver une solution aux guerres intestines pour le pouvoir au CFCM. Sinon, elles n'auront pas de fin. D'ailleurs, il faut changer le groupe qui dirige le CFCM pour donner la parole à d'autres communautés.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Croyez-vous qu'il soit possible d'organiser des élections directes, et non mosquée par mosquée ?

Debut de section - Permalien
Dominique Urvoy, professeur de pensée et civilisation arabes à l'université de Toulouse-Jean Jaurès

La religion ne peut pas figurer sur la carte d'identité.

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

Je suis entièrement favorable à l'amélioration de la formation des imams. C'est-à-dire qu'il faut leur inculquer les règles universitaires de la connaissance et de l'apprentissage. Toutes les universités ont refusé de s'en charger, sauf l'Institut catholique de Paris, celui de Toulouse et celui de Lyon. Mais qui va y dispenser cet enseignement ? À Toulouse, c'est le CFCM qui a choisi les enseignants. Ces formations doivent être mieux contrôlées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Nous avons auditionné le directeur de l'Institut catholique de Paris : le programme en question est surtout une formation à nos institutions, et son titre est trompeur.

L'idée de constituer des listes électorales au CFCM, comme pour le Consistoire ou comme des pays où nous avons créé de toutes pièces un système démocratique, afin qu'il représente davantage des individus que des groupes, vous paraît-elle fantaisiste ? Le mode de scrutin actuel n'est pas représentatif : à quoi riment des élections par mètre carré ?

Au point où nous en sommes, il faut prendre les choses comme elles sont. La laïcité nous interdit de formuler des préconisations, mais nous aimerions bien protéger les 99,99 % de musulmans qui n'ont jamais traversé en dehors des clous...

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

Les programmes dont nous parlons n'ont jamais prétendu former à l'Islam mais à la laïcité. Ils sont destinés aux travailleurs sociaux. En pratique, les trente inscrits à Toulouse sont trente imams... Qui y enseigne ? C'est la question.

Debut de section - Permalien
Dominique Urvoy, professeur de pensée et civilisation arabes à l'université de Toulouse-Jean Jaurès

Quelle autorité auraient les élections que vous évoquez ? Elles ne changeraient rien pour les croyants. Le judaïsme a développé, avant même l'action de Napoléon, une branche libérale, et compte des synagogues orthodoxes et des synagogues libérales. Il n'en va pas de même de l'Islam, sauf peut-être en Amérique, où un Islam libéral se développe, sans toutefois déboucher sur de nouvelles institutions. Quoi qu'il en soit, chaque individu est libre d'en revenir à une forme plus radicale de sa religion. Mais ceux qui sont prêts à prendre leurs distances avec le fondamentalisme doivent se faire entendre. Cela dit, si de nombreux juifs sont prêts à ne pas considérer la Torah comme le livre de Moïse, vous ne trouverez aucun musulman qui considère le Coran autrement que comme le recueil des paroles mêmes d'Allah.

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

C'est incompressible. M. Ghaleb Bencheikh, qui passe pour très modéré, a publié après les attentats de janvier un article dans lequel il appelle à refonder les préceptes de la théologie islamique. En cinq pages, écrites en un français impeccable, il ne cite pas une seule fois le Coran, ni la sourate 9.

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

Des traditions, de la biographie du prophète, qu'il appelle à contextualiser, de sémiotique, de sémantique... Pour être efficace, il faut connaître son sujet.

Debut de section - Permalien
Marie-Thérèse Urvoy, d'histoire médiévale de l'Islam, d'arabe classique et de philosophie arabe à l'Institut catholique de Toulouse

Ne vous laissez pas tromper par ces princes de l'Église comme M. Tareq Oubrou.

La réunion est levée à 14 h 40