Mission d'information Fonds marins

Réunion du 3 mai 2022 à 8h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je vous remercie d'avoir accepté de participer à cette réunion par visioconférence. Notre mission d'information travaille sur la stratégie nationale pour les grands fonds marins initiée par le Gouvernement depuis quelques années. Des ambitions fortes ont été affichées lors des sommets internationaux. On estime que l'on connaît aujourd'hui à peine 20 % des grands fonds : il est important d'accentuer cette connaissance d'autant que certains pays affichent des ambitions en termes de transition énergétique, notamment pour récupérer un certain nombre de ressources du sous-sol, qu'il s'agisse du pétrole, des ressources minérales ou autres.

Mieux connaître la biodiversité des grands fonds implique de mener un certain nombre de missions d'exploration. Pour ce faire, l'approbation des populations et des élus est nécessaire. C'est pourquoi il nous a paru important aujourd'hui d'organiser cette table ronde entre les collectivités du bassin de l'océan Pacifique.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Je salue à mon tour tous les participants. Le Sénat a créé cette mission d'information à la suite d'une médiatisation et d'une mobilisation forte, en particulier sur le plan international. Nous souhaitons faire le point sur les stratégies développées par l'État. Nous avons eu l'occasion d'entendre de nombreux interlocuteurs de l'administration centrale : le secrétariat général à la mer, la ministre de la mer et l'auteur du rapport sur la stratégie nationale en matière d'exploration et d'exploitation minière. Nous avons également fait le point avec le ministère des armées et ses différentes composantes sur la stratégie en matière militaire. La question des grands fonds marins, au-delà des minerais ou de la colonne d'eau, concerne aussi, bien entendu, des intérêts stratégiques, qu'il s'agisse de la défense des territoires de la République ou de la protection des infrastructures stratégiques que constituent les câbles sous-marins. Ce sont des sujets ô combien d'actualité aujourd'hui avec la guerre en Ukraine.

Comme l'a rappelé Michel Canévet, nous avons rencontré un certain nombre de scientifiques, notamment de l'Ifremer, mais aussi de l'école des Mines. Nous avons également rencontré des industriels français et étrangers. Nous envisageons de nous rendre en Norvège, pays européen particulièrement avancé sur ce sujet.

Il n'était pas question pour le Sénat de réaliser un rapport sur ces questions qui intéressent en particulier les outre-mer sans organiser cette consultation avec vous tous. Nous souhaitons pouvoir bénéficier de vos avis et connaître vos inquiétudes sur ces sujets qui sont aussi internationaux. On parle aujourd'hui de course aux fonds marins comme on parlait de la course aux étoiles il y a quelques décennies. Il existe donc une compétition internationale et de grandes puissances comme la Chine, les États-Unis ou d'autres se sont positionnées, mais la France également, notamment sur la zone de fracture Clarion-Clipperton.

La question ancienne des grands fonds marins est aujourd'hui revenue sous le feu de l'actualité. Se pose également la question de nos zones économiques exclusives (ZEE). C'est pourquoi il est impératif que vous puissiez vous exprimer pour partager avec nous votre connaissance de la stratégie nationale, qu'il s'agisse des explorations en vue de l'acquisition de connaissances ou en vue d'une exploitation à terme. Que pensez-vous des stratégies militaires qui sont déployées ? Quel est votre regard sur les différentes stratégies ? Comment percevez-vous l'élaboration de la stratégie nationale ? Quelles sont vos suggestions pour associer davantage vos collectivités ?

Quelle est votre vision sur les questions d'exploration pour la connaissance de nos fonds marins ? Estimez-vous suffisantes la cartographie bathymétrique et la connaissance des ressources minérales et vivantes des fonds marins composant la ZEE de vos collectivités ? Vos collectivités ont-elles déjà réfléchi à ces questions d'exploitation ? Avez-vous aujourd'hui des souhaits ou des impératifs à exprimer ? Il importe que notre rapport soit aussi complet que possible et porte la voix de nos outre-mer. Le Sénat n'a aucun a priori sur ce sujet stratégique et sensible pour les populations du Pacifique et d'outre-mer. Nous ne souhaitons pas renouveler la mauvaise expérience que nous avons eue à Wallis-et-Futuna, liée à un manque de communication avec les populations concernées.

Debut de section - Permalien
Heremoana Maamaatuaiahutapu, ministre de la culture et de l'environnement de la Polynésie française

Je salue tous les sénateurs présents, ainsi que nos amis de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna. La question de l'exploration et de l'exploitation a déjà été abordée. L'expérience du congrès de Marseille organisé par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) nous conduit à être prudents. C'est la raison pour laquelle, à Brest, M. Édouard Fritch, président du Gouvernement de la Polynésie française, n'a pas parlé d'exploration, mais de recherches et d'amélioration des connaissances sur les fonds marins. Lorsque nous avons utilisé le terme d'exploration à Marseille, plusieurs représentants de l'UICN nous sont un peu tombés dessus en nous disant : si vous parlez d'exploration, c'est forcément à des fins d'exploitation.

Or notre seul objectif - notre président l'a rappelé il y a quelques heures - est réellement d'acquérir une meilleure connaissance de nos fonds marins, aussi bien sur le plan minéral qu'écologique et biologique. Nous avons d'ailleurs travaillé avec l'Office français de la biodiversité pour lancer un programme de recherche sur la littérature scientifique existante relative aux 502 monts sous-marins de notre ZEE.

Bien entendu, le président de notre Gouvernement s'intéresse à tout ce qui peut contribuer à la connaissance des fonds marins. M. Tearii Alpha, qui gère la partie minière, aura certainement l'occasion de vous le dire : nous ne savons pour l'instant pas grand-chose des minerais présents dans les grands fonds de notre ZEE, comme l'a souligné à juste titre l'Ifremer.

Debut de section - PermalienPhoto de Mikaele Kulimoetoke

Wallis-et-Futuna est un territoire assez particulier, tout d'abord dans le sens statutaire. Par ailleurs, notre structure locale a besoin de prendre connaissance véritablement des fonds marins à la suite de la mission de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) organisée en 2018. L'Assemblée territoriale a demandé en 2016 la mise en place d'une mission scientifique susceptible de nous apporter les connaissances et la maîtrise des fonds marins de Wallis et de Futuna. C'est un domaine où tout restait à faire sur le plan purement scientifique.

Après la mission de l'IRD, nous n'avons pas véritablement mis en place de politique relative à nos fonds marins. Il reste néanmoins nécessaire de convaincre les autorités locales, car la mentalité locale est restée très méfiante. Nous avons eu des retours assez défavorables par rapport à l'exploration, mais pire encore par rapport à l'éventuelle exploitation de nos fonds marins.

Il reste, bien sûr, à rassurer la population. À cette fin, cette dernière doit prendre connaissance de la nature et du contenu de nos fonds marins. Au vu de la méfiance locale, l'État devrait réfléchir à donner une suite à l'exploration avant de parler d'exploitation.

En tout état de cause, il semble nécessaire que les élus, le préfet et nos chefferies coutumières se mobilisent autour de cette problématique s'il l'on veut parvenir à un consensus local susceptible de faciliter une éventuelle exploration. Il importe avant tout que la population soit rassurée, car elle demeure localement un peu méfiante.

J'ai écouté mes collègues polynésiens. Il ressort de nos discussions que la problématique en ce qui concerne l'exploration et l'exploitation est un peu partout la même, y compris en Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - Permalien
Joseph Manaute, de l'environnement et de la transition écologique, chargé de la gestion et de la valorisation du Parc naturel de la mer de Corail

membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, chargé d'animer et de contrôler le secteur du développement durable, de l'environnement et de la transition écologique, chargé de la gestion et de la valorisation du Parc naturel de la mer de Corail. - Merci de nous donner l'occasion de nous exprimer sur la stratégie nationale en matière d'exploration et d'exploitation des fonds marins. Comme vous le savez, les fonds marins nationaux sont représentés à 97 % par les fonds marins des territoires ultramarins. Il est donc essentiel que ces derniers soient intimement associés le plus en amont possible à l'ensemble des discussions, qu'il s'agisse de l'exploration, de l'exploitation ou de l'accès aux ressources naturelles.

Première remarque, la stratégie nationale n'a pas fait l'objet d'une consultation au niveau du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Nous l'avons découverte lorsqu'elle a été publiée, ce qui est regrettable. Cette mission d'information est donc pour nous l'occasion de pouvoir nous exprimer sur un certain nombre de sujets.

Deuxième remarque, le cadre thématique que vous avez proposé, avec trois volets et un certain nombre de questions, est extrêmement intéressant : il nous permet d'aborder les différents sujets point par point, de manière méthodique. S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, plusieurs aspects méritent d'être soulignés.

Premièrement, l'ensemble de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie est classé en aire protégée, soit 1,3 million de kilomètres carrés. À ce titre, la Nouvelle-Calédonie étant souveraine en matière d'accès et de prélèvements des ressources naturelles, il est essentiel que nous puissions être associés aux discussions et à toute élaboration de stratégies sur le sujet des ressources naturelles, notamment marines.

Deuxièmement, lorsqu'on parle d'exploration et d'exploitation, s'agit des fonds marins ou aussi de la colonne d'eau ? Tout cela n'est pas très clair.

S'agissant de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie, la connaissance du domaine du vivant commence à être plutôt bonne, avec un fort investissement de la recherche scientifique en la matière. La Nouvelle-Calédonie aujourd'hui est plutôt décrite en termes superlatifs et se rapproche des Philippines, situées dans le triangle du corail du Pacifique. En revanche, la connaissance du fond marin est extrêmement parcellaire en Nouvelle-Calédonie, voire insuffisante. Par ailleurs, un volet est malheureusement totalement absent de la stratégie nationale, je veux parler de la valeur culturelle du patrimoine de la ZEE. Or c'est une dimension essentielle pour les populations, mes amis de la Polynésie et de Wallis-et-Futuna vous le diront également, car nous avons tous un même lien extrêmement particulier à la terre et à la mer, peut-être parce que nous sommes de petits archipels au milieu d'un immense océan.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Comme nous avons la chance d'accueillir les représentants des provinces de la Nouvelle-Calédonie, j'aimerais pouvoir les entendre. Pourraient-ils nous dire un mot sur tous ces sujets ?

Debut de section - Permalien
Chérifa Linossier, chargée de mission développement économique et relations extérieures au secrétariat général de la province des Îles Loyauté

Bonjour, je représente le président Jacques Lalié pour la province des Îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie, qui est très attentif à ce dossier. Je salue la belle initiative du Sénat de procéder par bassin. J'insisterai également sur la partie coutumière, surtout dans la province des Îles où rien ne peut se faire sans la validation de nos coutumiers. Dans notre stratégie, ou en tout cas dans le discours de politique générale, il n'existe pas un dossier qui ne soit pas partagé, collaboratif et participatif. C'est un des points majeurs. Comme vous le savez, nous comptons sur notre territoire de nombreux clans et tribus de la mer. Historiquement et naturellement, ils ont toujours préservé l'environnement. Nous serons donc très attentifs. L'emploi des mots, qu'il s'agisse de l'exploration ou de l'exploitation, sera important. Il s'agira de poser ensemble les bons mots. Nous n'avons pas non plus eu connaissance de cette stratégie nationale avant son lancement. En revanche, nous travaillons en très étroite collaboration avec le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur différents sujets. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit par M. Manauté, mais nous affichons aujourd'hui la volonté d'avoir un peu plus de transversalité, en particulier dans nos politiques publiques et en matière d'orientation.

Le lien à la mer et à la terre est fondamental. Effectivement, la partie culturelle est un préalable essentiel : le monde économique présente malheureusement une connotation négative. Il importe de trouver des points d'équilibre entre l'économie et la préservation des milieux. C'est un enjeu essentiel pour lequel nous devons travailler en étroite collaboration.

Debut de section - Permalien
Nathaniel Cornuet, directeur du développement économique et de l'environnement à la province Nord

Je vous remercie également de la démarche que vous avez initiée. La province Nord de la Nouvelle-Calédonie a pris connaissance de la démarche et de la stratégie proposée concernant les exploitations, notamment des ressources minérales des fonds marins. Nous disposons actuellement d'assez peu de recul. Deux points me semblent néanmoins importants. Premièrement, la place que l'on souhaite laisser aux populations locales dans des consultations. Deuxièmement, l'expérience de notre province dans le secteur minier à terre, avec tout l'historique qui en découle en matière d'interaction entre le secteur minier et l'environnement, mais également entre le secteur minier et la société. À ce stade, nous n'avons pas de position définitive sur les différentes questions que soulève votre stratégie. Nous manquons de recul, mais nous allons nous attacher à prendre connaissance des dossiers en cours. Quoi qu'il en soit, notre analyse s'inscrira très clairement dans l'historique et dans le passif existant avec le secteur minier terrestre.

Debut de section - Permalien
Françoise Suve, rapporteur de la commission de l'environnement à la province Sud

Je vous remercie également de cette invitation. Nous avons été un peu étonnés, car la province Sud de la Nouvelle-Calédonie n'a pas compétence sur le sujet qui vous occupe aujourd'hui. Pour autant, toutes les provinces de notre territoire s'intéressent à ces questions, qui sont importantes pour la Nouvelle-Calédonie. Je m'exprimerai donc à la fois en tant qu'élue de la province et en tant que Calédonienne. Il s'agit pour nous d'un sujet avant-gardiste, d'un nouveau modèle de développement sur de nouveaux espaces. Parler de code minier et de grands fonds marins, c'est quand même une révolution puisque, jusqu'à présent, le secteur minier a toujours été associé au milieu terrestre. Oui, la connaissance des grands fonds est forcément primordiale. Il est important de mener des recherches pour mieux comprendre cette richesse, mais également pour mieux ensuite les gérer et les exploiter.

Comme l'a souligné Joseph Manauté, la prise en compte des spécificités et des valeurs culturelles et patrimoniales est fondamentale. On est sur quelque chose de nouveau. Cela entraînera nécessairement un bouleversement au sein même des populations. Il y va de la confiance que ces populations mettent en nous. Il s'agit de nouvelles richesses, il importe de les sécuriser. Il y a un travail énorme à faire pour préparer les élus et ensuite les populations. Ces sujets d'avenir doivent presque être traités dans les programmes pédagogiques si l'on veut qu'ils soient vécus et appréhendés comme quelque chose de positif et de constructif pour la Nouvelle-Calédonie. Selon moi, toutes ces connaissances doivent être partagées. Il importe de faire participer la société civile pour que le développement de ces nouveaux espaces soit mieux compris. C'est une évidence, mais il faut préparer les mentalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Effectivement, il importe de mettre l'accent sur la vulgarisation.

Debut de section - Permalien
Munipoese Muliakaaka, président de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna

M. le sénateur des îles Wallis et Futuna vous a présenté un premier aperçu de la situation. Les campagnes d'exploration, dans l'optique d'une exploitation future de nos fonds marins, suscitent des avis très réservés dans nos territoires, notamment de la part de nos chefferies. Nous souhaitons établir un moratoire de cinquante ans sur l'exploitation de nos fonds marins. Notre population demande à être associée à toutes les démarches et à devenir partie prenante des débats. Il s'agit de trouver des compromis avant toute décision.

Debut de section - Permalien
Sandrine Ugatai, conseillère de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna

En tant que présidente de la commission de l'intégration régionale, je tiens à dire que la difficulté pour notre territoire tient avant tout à son statut, qui maintient à l'État la compétence sur les fonds marins. De fait, nous n'avons hélas jamais eu connaissance des résultats des campagnes d'exploration menées jusqu'ici par l'Ifremer et l'IRD. Cette absence de transparence dans la communication des informations est regrettable.

Aujourd'hui, la population et les élus demandent ni plus ni moins une communication transparente de ces données, qui permettrait de lever tous les malentendus sur ce sujet si important pour notre territoire.

Il faut également noter que, dans le cadre de la stratégie nationale, l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna n'a pas été consultée ; notre île est pourtant elle aussi un territoire où la spécialité législative est applicable. Nous n'avons manifestement pas été considérés comme étant à la hauteur de ces enjeux industriels.

Pour illustrer les difficultés auxquelles nous sommes confrontés, nous tentons depuis l'année dernière, sans y parvenir, de faire signer à nos chefferies une déclaration sur les océans qui permettrait à notre territoire de s'inscrire dans les stratégies qui ont déjà été mises en place au niveau régional. Sont en cause le manque de communication et la méfiance des populations.

En tant qu'élus, notre souci est de trouver le meilleur moyen pour vulgariser les enjeux autour de cette thématique des fonds marins. Nous aimerions aussi pouvoir participer et être consultés en amont sur ces questions. Les préoccupations de notre population doivent être prises en compte.

Il faudrait certainement aussi que nous, les élus, soyons un peu plus dynamiques et travaillions avec nos homologues de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, ainsi qu'avec vous, à Paris, pour échanger nos expériences et nos connaissances respectives. Prenons exemple sur le Groenland qui a été capable d'engager une expérimentation sur la recherche et l'exploration des métaux rares.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

L'assemblée territoriale et les instances dirigeantes de Wallis-et-Futuna connaissent-elles bien la nature des fonds marins qui entourent l'île ?

Debut de section - Permalien
Sandrine Ugatai, conseillère de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna

Comme je viens de l'indiquer, c'est l'État qui dispose de l'ensemble de l'information et qui la monopolise, même si l'on peut espérer que les choses s'amélioreront avec le temps et les travaux que nous allons engager au niveau régional et au niveau national. Il reste que l'information est tellement technique qu'elle nécessite d'être interprétée si l'on veut que les populations la comprennent vraiment. Nos sociétés sont restées très traditionnelles. Elles sont organisées autour de chefferies, qui ont besoin d'avoir un accès le plus simple possible à ces informations.

Aujourd'hui, hélas, nous avons le sentiment de ne pas être suffisamment pris en considération.

Debut de section - Permalien
Gaston Tong Sang, président de l'Assemblée de la Polynésie française

Il est vrai que l'on connaît très peu de choses sur les fonds marins, à l'exception de ce que révèlent certaines publications scientifiques qui sont quasiment impossibles à comprendre tellement elles sont techniques.

Comme l'a indiqué notre ministre de l'environnement et de l'économie bleue, il faut poursuivre les recherches et les travaux d'exploration de ces fonds, d'autant que nous n'en sommes pas encore au stade de l'exploitation.

Je me souviens qu'à l'origine il était question de nodules polymétalliques ; ensuite, on a parlé des terres rares : ces questions ont d'emblée fait l'objet de débats assez vifs entre les partis indépendantistes et la majorité au sein de l'assemblée de la Polynésie française sur le point de savoir si l'exploitation de ces minéraux relevait de la compétence de l'État ou de celle de la Polynésie française. En réalité, il s'agit d'un problème d'ordre juridique, l'enjeu étant de savoir si ces minéraux figurent parmi les matières stratégiques ou pas.

La Polynésie française, comme les autres territoires français du Pacifique, demande à ce que les études puissent suivre leur cours. Nous souhaitons qu'un rapport synthétique sur l'intérêt qu'il y aurait à explorer et à exploiter ces minéraux - quantités, durée d'exploitation, bilan coûts-avantages pour l'environnement et la culture - soit présenté à nos institutions respectives.

Les Polynésiens sont avant tout un peuple de l'océan. L'enjeu pour nous est de parvenir à concilier le besoin d'exploiter les fonds marins, afin de continuer à développer notre économie, et le respect de l'environnement et de nos ressources halieutiques. Je rappelle que la Polynésie française est l'un des rares territoires du Pacifique à avoir mis en place avec succès une politique sectorielle de la pêche hauturière.

Bien avant nous, la Chine s'est beaucoup intéressée aux réserves de minéraux et aux terres rares. C'est ainsi le premier pays à avoir installé son consul général en Polynésie française. Je rappelle que l'un des anciens présidents du Gouvernement de la Polynésie française avait signé un mémorandum d'entente avec une société chinoise pour l'exploitation des ressources marines, que ce soit en pêcherie ou en élevage de poissons. Or ce document a été enregistré presque au même moment où certains pays indépendants du Pacifique ont déposé une demande de réinscription de la Polynésie française sur la liste de l'ONU des pays à décoloniser : est-ce vraiment un hasard ou faut-il voir la Chine derrière cette stratégie d'occupation de l'espace Pacifique, là justement où se situent des réserves importantes de minerais ?

Je suis totalement en phase avec la stratégie de notre Président de la République, Emmanuel Macron, qui fait de la stratégie indopacifique de la France une priorité. En revanche, il ne faut pas la concevoir comme une stratégie strictement militaire : il faut une approche davantage économique qui démontre l'excellence de la France dans tous les domaines.

Pour finir, je souhaiterais évoquer une ressource importante des océans que l'on a trop tendance à oublier, en l'occurrence l'énergie thermique des mers (ETM). Au moment où les énergies fossiles se font de plus en plus rares et sont de plus en plus chères, n'est-il pas temps d'exploiter cette ressource énergétique dans nos îles du Pacifique, qui représentent un atout majeur dans ce domaine ? La Polynésie française a déjà accumulé de l'expérience en la matière : à titre d'exemple, grâce à cette énergie thermique des mers, nous achèverons prochainement la climatisation de l'hôpital de Pirae.

L'énergie créée à partir de ce procédé est inépuisable et quasiment invariable compte tenu des conditions météorologiques extérieures en Polynésie française. Ce serait une très bonne chose d'aider les îles du Pacifique à acquérir leur autonomie énergétique grâce au développement de l'ETM.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Merci, monsieur le président. Votre dernière observation est tout à fait pertinente : il importe effectivement de réfléchir aux ressources durables et naturelles dans le cadre de la transition énergétique que notre pays et l'Europe ont engagée.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Merci à toutes et tous pour vos interventions.

Permettez-moi de poser quelques questions aux représentants de la Polynésie française : quelle est votre ambition en matière de connaissance des grands fonds marins - puisque le statut d'autonomie a confié cette responsabilité à la Polynésie ? Quels sont vos impératifs en matière de protection de l'environnement dans le cadre de cette économie de la connaissance ? Pensez-vous éditer une norme polynésienne en la matière ?

La question des normes revient de manière récurrente au cours de nos échanges avec nos interlocuteurs, et plus particulièrement ceux de l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Une norme commune est d'autant plus difficile à élaborer que nous évoquons des technologies et des techniques qui ne sont pas totalement au point aujourd'hui et qui concernent des environnements encore très peu connus. Nos collectivités du Pacifique pourraient peut-être tirer leur épingle du jeu et contribuer à écrire cette norme, d'abord pour elles-mêmes, ensuite pour la France, et enfin au niveau international. Il serait intéressant, me semble-t-il, d'avoir le sentiment de chacun sur l'opportunité d'une approche régionale de cet enjeu.

Ma dernière question porte sur l'Ifremer : les moyens de cet institut sont-ils suffisants ou souhaiteriez-vous un renforcement et/ou une spécialisation de celui-ci ?

Debut de section - Permalien
Tearii Alpha, ministre de l'agriculture et du foncier du gouvernement de la Polynésie française, chargé du Domaine et de la recherche

J'interviens sur la question des fonds marins en tant que ministre de la recherche et du domaine foncier, et donc des mines.

Le mois prochain, nous présenterons en conseil des ministres la stratégie de l'innovation de la Polynésie française, laquelle s'organisera autour de six thématiques principales, dont évidemment celle de l'océan. Pour résumer notre approche, qui a fait l'objet d'une vaste concertation avec la société civile, le monde de la recherche et les partenaires polynésiens, nous ne souhaitons pas réduire l'exploration, ou en tout cas l'étude et la connaissance des fonds sous-marins, à la question minière.

On parle évidemment beaucoup du potentiel des minerais, des nodules polymétalliques, des terres rares ou des encroûtements cobaltifères et des amas hydrosulfurés, mais avant d'examiner toute la matière inerte, nous souhaitons développer et valoriser la connaissance du vivant. De ce vivant sous-marin, de l'endémisme qui existe en Polynésie française, comme en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, découleront certainement des innovations pharmacologiques, des solutions pour préserver notre sécurité alimentaire. Nous vivons actuellement un début de crise alimentaire qui va certainement s'accélérer à cause du changement climatique : il faudra utiliser l'océan comme une source de protéines et de matières alimentaires.

Pour convaincre la population, car il ne faut pas oublier qu'il est indispensable que celle-ci soutienne notre ambition d'étudier les océans, il faut commencer par satisfaire ses besoins primaires, à commencer par l'assiette, donc, la santé, le mieux-vivre et le bien-être. À travers cette exploration du monde sous-marin, il est nécessaire et parfaitement envisageable de tenir compte de ces besoins vitaux. Je n'oublie pas les besoins en matière d'énergie, mais je pense qu'il faut d'abord s'attaquer aux besoins premiers des populations, ce que vise d'ailleurs notre projet de stratégie en matière d'innovation en Polynésie française.

Deuxième remarque, nous voulons devenir un véritable partenaire de l'État, afin de renforcer les synergies et de développer une approche gagnant-gagnant. Notre statut est peut-être plus favorable que celui de Wallis-et-Futuna, puisque nous avons la pleine compétence en matière d'innovation et de recherche dans la ZEE polynésienne, mais nous avons évidemment besoin de l'expertise nationale, européenne, voire internationale.

Je répondrai à M. le rapporteur qu'il faut évidemment que nous nous organisions autour d'une norme Pacifique. Le Pacifique francophone peut et doit inventer une norme pour l'accès et le partage des avantages tirés de la valorisation de cette spécificité endémique. Nous devons nous protéger collectivement face à la mondialisation.

Enfin, il me semble que les territoires français du Pacifique se doivent d'être beaucoup plus ambitieux pour attirer l'expertise et les grandes universités dans leurs eaux. Nous devons créer des chaires internationales dans les universités et demander à ce que nos bassins deviennent des bassins d'application et de référence de l'innovation pour le compte de la France et de l'Union européenne. À l'heure où les équilibres mondiaux sont en pleine mutation, nous devons rester dans le camp de la France et dans celui de l'Occident si l'on ne veut pas être engloutis sous les ambitions impérialistes.

Debut de section - Permalien
Heremoana Maamaatuaiahutapu, ministre de la culture et de l'environnement de la Polynésie française

L'ambition du président du Gouvernement, Édouard Fritch, de lancer une stratégie commune aux territoires français du Pacifique et au-delà, notamment sur la gestion de nos ZEE, revient à vouloir créer un grand « mur bleu » dans le Pacifique. Il ne s'agit pas seulement de gérer nos aires marines, mais aussi d'aller dans les profondeurs des ZEE.

Comme l'ont dit mes prédécesseurs, j'estime que nos territoires doivent être associés à cette stratégie. Il est anormal que nous ayons découvert la stratégie de protection des récifs coralliens de l'État au moment même où le Président de la République l'a dévoilée à Marseille, et ce alors même que 98 % des récifs coralliens se trouvent en outre-mer. Sur ces sujets, nos territoires disposent de compétences qu'il convient de ne pas ignorer.

Il importe aujourd'hui que des stratégies communes soient mises en place, entre les territoires et l'État notamment, afin d'éviter un certain nombre de complications politiques sur le terrain. Il ne faut pas laisser penser que tout se décide à Paris...

Il convient aussi de développer- on l'a dit - une approche régionale de notre vision de l'exploration puis de l'exploitation des fonds marins. Sur l'exemple des îles Cook, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie ne pourraient-ils pas être les porte-parole d'une politique française commune avec nos voisins du Pacifique ? À défaut, c'est la Chine, l'Inde ou l'Australie qui prendra les devants.

Pour nous, la réponse consiste en l'édification d'un grand mur bleu dans le Pacifique avec nos amis de Wallis-et-Futuna et de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi les îles Cook, Samoa, Tonga et tous les autres pays représentés au Forum des îles du Pacifique.

Pour terminer, je répondrai sur l'Ifremer : l'institut a déjà du mal à soutenir les politiques publiques de la Polynésie française en matière d'aquaculture. Par conséquent, je considère que ses moyens seront insuffisants pour faire face aux défis qui s'annoncent en ce qui concerne l'exploration des fonds marins. D'autres partenariats seront indispensables, notamment avec les universités.

Debut de section - Permalien
Joseph Manaute

Le sujet que nous évoquons est effectivement sensible. Je suis pleinement d'accord avec les représentants de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna : il faut absolument que l'on soit associé aux stratégies mises en oeuvre.

Vous nous interrogez sur notre connaissance actuelle des fonds marins et nous demandez si nous estimons suffisamment bien connaître la bathymétrie, la nature des ressources minérales et vivantes de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie. Je vous répondrai que cette connaissance est bien entendu insuffisante, et ce tout d'abord parce que cette ZEE représente une immense surface de près de 1,3 million de kilomètres carrés. Toutefois, des études ont été lancées sous l'égide de l'Office de la recherche scientifique et technique outre-mer (Orstom), devenu l'IRD, dès les années 1960. Nous avons donc des archives et des données à notre disposition depuis cette époque.

J'ajoute que la Nouvelle-Calédonie a été associée à un inventaire des ressources marines des grands fonds entre 1991 et 2014, appelé ZoNéCo et financé via des contrats de développement pour un montant total qui s'élève tout de même à près de 15 millions d'euros. Cette somme d'informations a été synthétisée à l'issue du programme : elle est par conséquent disponible et archivée.

Ces études ont montré que la Nouvelle-Calédonie et sa ZEE représentaient un fort potentiel en ressources minérales.

S'agissant des connaissances à proprement parler, il faut distinguer les ressources biologiques et les ressources minérales des fonds, ainsi que la problématique culturelle.

En ce qui concerne la dimension minérale des fonds sous-marins, sachez que seule 30 % de la bathymétrie de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie est connue. Pour ne prendre que cet exemple, seuls deux nodules polymétalliques y ont été analysés à ce jour.

S'agissant des ressources biologiques, la ZEE bénéficie en raison de son emplacement d'un environnement très particulier, proche de ce que l'on peut trouver aux Philippines en termes de biodiversité biologique et surtout d'endémisme. Dans ce domaine, les connaissances sont plutôt satisfaisantes, même si elles restent lacunaires.

Enfin, les valeurs culturelles et archéologiques sont essentielles pour la Nouvelle-Calédonie. L'acquisition de cette connaissance n'a débuté que très récemment, sur l'initiative du Gouvernement et du Sénat coutumier. Un inventaire de la toponymie de l'ensemble de la ZEE est engagé. Par ailleurs, un inventaire de l'ensemble des espèces emblématiques à valeur culturelle a été amorcé ici. Enfin, nous allons lancer l'inventaire du patrimoine culturel et archéologique de la ZEE, chantier énorme qui devrait mobiliser trois ans de travail.

Si l'on parle beaucoup des ressources minérales, toute la dimension culturelle des fonds marins et des océans - en Nouvelle-Calédonie, il est souvent question de spiritualité quand on aborde ces sujets - n'est pas à négliger. En l'état actuel des connaissances et compte tenu des concertations qui ont pu être menées, il est par conséquent hors de question d'envisager le recours à des méthodes destructrices, à des prélèvements et à des analyses qui affecteraient les fonds marins.

Debut de section - Permalien
Paino Vanai, conseiller de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna

Je m'exprime en tant que président de la commission des affaires économiques et du développement de l'assemblée de Wallis-et-Futuna.

La connaissance des fonds marins est très lacunaire sur notre île. Aujourd'hui, avec l'aide de l'Office français de la biodiversité, nous avons demandé à élaborer une synthèse des connaissances de ces fonds. Ce travail, qui est en cours, me paraît indispensable tant l'absence de partage des connaissances nuit à l'adhésion de la population vis-à-vis des projets que nous pourrions conduire. Nous espérons pouvoir diffuser ce bilan auprès des autorités coutumières d'ici à la fin de l'année.

Pour l'avenir, notre ambition est de nous inspirer de l'expérience de la Nouvelle-Calédonie et de sa stratégie en matière de gestion de l'espace maritime. Un tel document nous permettrait d'avoir une vision globale de l'ensemble des sujets que nous évoquons, que ce soit au niveau des ressources minérales ou biologiques.

Nous sommes, vous l'aurez compris, favorables à des moyens supplémentaires pour compléter les connaissances sur notre espace maritime, et je suis évidemment très favorable à un projet régional s'appuyant sur les territoires français, mais aussi sur nos voisins du Pacifique comme les îles Samoa, Tonga, Fidji, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

Je souhaiterais aborder le sujet proprement dit de l'exploitation éventuelle des fonds marins.

Nous avons récemment rencontré l'ancien Premier ministre des îles Cook, qui nous a fait part de l'existence de deux approches concurrentes au sein des pays du Forum des îles du Pacifique : l'une consiste à privilégier la protection, la préservation et, éventuellement, la connaissance des grands fonds marins au sens minier de la colonne d'eau ; l'autre met davantage l'accent sur la diversification économique et la nécessité de trouver de nouvelles ressources.

Il est difficile de se faire une idée précise sur cette question. Néanmoins, il serait utile que vous nous disiez si vos collectivités privilégient la poursuite de l'exploration des fonds marins dans l'unique but d'acquérir des connaissances - le président de l'assemblée de Wallis-et-Futuna parlait tout à l'heure d'un moratoire sur le volet « exploitation » - ou la prospection des fonds marins et la découverte de gisements miniers en vue d'une exploitation éventuelle.

Vos réponses à cette question fondamentale, sur laquelle nous n'avons, au Sénat, aucun a priori, permettront de nourrir notre rapport. J'ai d'ores et déjà noté la volonté partagée par les uns et les autres d'une restitution formelle des études, la volonté d'un partenariat entre territoires, mais aussi le souci d'une ouverture plus large à des organismes nationaux, voire internationaux.

Debut de section - Permalien
Heremoana Maamaatuaiahutapu, ministre de la culture et de l'environnement de la Polynésie française

En Polynésie française, nous n'envisageons l'exploitation des fonds marins que dans un second temps. Notre démarche actuelle consiste davantage à acquérir des connaissances, pas forcément avec pour objectif de prospecter, mais plutôt pour mieux connaître les richesses minérales existantes.

Comme chez nos amis wallisiens - c'est une position courageuse -, la Polynésie française a un temps envisagé de demander un moratoire. Simplement, nous avons abandonné cette idée, car les discussions que nous avons avec nos cousins du Pacifique montrent que tout le monde n'est pas d'accord à ce sujet et que certains s'intéressent d'abord au développement de leur économie.

Bien entendu, ce que l'on craint, c'est que certains territoires se voient obligés demain de vendre des licences d'exploitation de leurs richesses minières à des puissances étrangères. Pour empêcher cela, la France a, à mon sens, un vrai rôle à jouer.

Parce qu'il s'agit d'un sujet éminemment sensible politiquement, il convient en tout état de cause d'avancer très prudemment sur la voie de l'exploitation des fonds marins.

Debut de section - Permalien
Munipoese Muli'aka'aka

À Wallis-et-Futuna, les élus, les autorités locales, les chefferies coutumières veulent avant tout être associés aux résultats des recherches ou de l'exploration des fonds marins, en particulier à ceux de la campagne de l'IRD qui a été réalisée près de notre île. C'est ce dont Wallis-et-Futuna a besoin au premier chef.

Pour le reste, je rejoins nos homologues de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française sur les enjeux culturels liés aux fonds marins. Nos océans sont notre mère nourricière : le fait de vouloir concilier l'exploration et l'exploitation des fonds marins, tout en respectant l'océan comme source de vie pour nos populations nous paraît quelque peu contradictoire sur un plan culturel.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

À votre avis, faut-il renforcer la présence et les moyens des organismes de recherche nationaux comme l'Ifremer et l'IRD ? Y êtes-vous favorables ?

Debut de section - Permalien
Munipoese Muli'aka'aka

La présence effective des instituts de recherche, comme l'Ifremer, sur le territoire de Wallis-et-Futuna me semble être la solution la plus plausible. Nous avons besoin d'être conseillés localement et voulons profiter de cette expertise pour former les jeunes wallisiens intéressés par ces questions.

Debut de section - Permalien
Joseph Manaute, de l'environnement et de la transition écologique, chargé de la gestion et de la valorisation du Parc naturel de la mer de Corail

Lors de son intervention au cours du dernier sommet France-Océanie en juillet 2021, le président Louis Mapou a clairement exposé la position de la Nouvelle-Calédonie en faveur d'un moratoire sur l'exploration et l'exploitation des ressources minérales des fonds marins de notre ZEE.

En d'autres termes, nous ne sommes pas opposés à des projets contribuant à une amélioration de nos connaissances ; en revanche, il nous semble prématuré d'envisager l'exploration à des fins d'exploitation minière ou gazière de nos fonds marins.

Le comité consultatif de l'environnement du Congrès de la Nouvelle-Calédonie s'est autosaisi du sujet du code minier, mais aussi du schéma de mise en valeur des richesses minérales. Son rapport, remis en février 2022, comporte 64 préconisations, dont une recommandation essentielle et majeure visant à mettre en place un moratoire sur l'exploration et l'exploitation des ressources minérales marines.

En Nouvelle-Calédonie, le travail de réflexion et de concertation a été conduit avec l'ensemble des parties prenantes. C'est donc très naturellement qu'un avant-projet de loi de pays a été rédigé, qui prévoit de limiter ce moratoire dans le temps et d'autoriser la poursuite de l'activité de recherche et d'amélioration de la connaissance selon des méthodes qui ne sont pas des destructrices et qui ne perturbent pas les écosystèmes.

Comme l'ont rappelé mes homologues de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, de nombreux travaux de recherche sur les ressources minérales et organiques ont déjà été effectués. Le moratoire nous laissera le temps d'élaborer un bilan, une synthèse de ces travaux, d'en vulgariser les résultats auprès des populations. Il conviendra ensuite d'identifier les connaissances complémentaires dont nous avons encore besoin.

Enfin, le moratoire permettra de reprendre les discussions sur le fondement d'une méthode de travail reposant sur une concertation dès l'amont : nos trois territoires, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna doivent être associés à la stratégie nationale pour des raisons à la fois politiques, sociales, culturelles et juridiques - n'oublions pas que la Nouvelle-Calédonie, pour ce qui la concerne, est totalement souveraine en matière de gestion de ses ressources naturelles.

Nous sommes évidemment favorables à ce que l'État nous aide à acquérir de la connaissance, notamment en matière de recherche scientifique. Il est essentiel de mieux connaître pour mieux préserver, mais aussi pour envisager une valorisation des ressources sur le temps long.

Aussi, la loi de pays que nous sommes en train d'élaborer vise à permettre aux générations futures de faire librement leurs choix, de prendre des décisions éclairées concernant l'exploitation ou la non-exploitation des ressources et des fonds marins.

L'enjeu est majeur, d'autant que la Nouvelle-Calédonie a déjà une longue expérience de ce en quoi consiste l'exploitation minière terrestre et de ses conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Poadja

Je veux simplement dire que le sujet des fonds marins concerne très directement mon territoire de la Nouvelle-Calédonie. L'océan est au coeur de notre géographie, de notre culture, de nos économies. Notre espace maritime abrite en effet 20 % de la biodiversité mondiale.

La Nouvelle-Calédonie est résolument engagée dans la préservation de cette biodiversité exceptionnelle. Comme vous le savez, elle a la particularité d'être compétente pour ce qui concerne les ressources naturelles de la zone économique exclusive. Cette compétence a conduit à la création, en 2014, du parc naturel de la mer de Corail, l'une des plus grandes aires marines protégées du monde où 95 monts sous-marins ont été identifiés.

Les ressources minérales de la ZEE de la Nouvelle-Calédonie suscitent beaucoup d'intérêt, notamment dans le cadre du programme d'investissements d'avenir nommé « France 2030 », qui a été lancé par le Président de la République.

Il me semble que nous devons avant tout continuer à acquérir des connaissances sur les écosystèmes des grands fonds et sur les ressources minérales marines. Depuis les années soixante-dix, de nombreux travaux de recherche scientifique ont été réalisés sur les écosystèmes profonds de la Nouvelle-Calédonie, mais ces derniers sont encore assez méconnus. De grandes zones restent inexplorées : il faut poursuivre ce travail et amplifier les efforts en matière de protection des fonds marins dans l'intérêt des générations futures.

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Je remercie mon collègue Teva Rohfritsch pour son effort de sensibilisation sur le sujet très important de la connaissance des grands fonds marins. Je suis honorée de participer à ces discussions. Je salue la qualité de vos interventions qui ont été très éclairantes, ainsi que votre attachement à vos valeurs, à votre culture et à cette harmonie avec votre environnement que vous avez su préserver malgré le monde hyperindustrialisé dans lequel nous vivons. Tout cela force le respect. Il est tout à fait légitime que vous soyez associés, comme vous le revendiquez, à l'amélioration de la connaissance de vos fonds marins. Soyez assurés de mon soutien plein et entier au niveau du Sénat pour vous accompagner dans cette démarche. La France peut être fière de ses territoires ultramarins, lesquels doivent être mis en avant.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

Je confirme ce qui vient d'être dit. Nous allons cheminer de façon assez unanime au Sénat vers cet objectif pour les territoires ultramarins. Je remercie M. le rapporteur de l'immensité du travail accompli. Force est de reconnaître qu'il est le bon porte-parole de bien des choses qui ont pu se dire ici. Je retiendrai, à l'issue de nos échanges, que nous avons encore à beaucoup travailler sur la question de la connaissance - je dis bien de la connaissance, car j'ai bien pris la mesure des nuances qui existent. Ce sera une des portes d'entrée auxquelles je veillerai, le moment venu, quand toutes ces questions viendront en débat de façon plus formelle au Sénat.

Debut de section - Permalien
Tearii Alpha, ministre de l'agriculture et du foncier du gouvernement de la Polynésie française, chargé du Domaine et de la recherche

Je vous remercie de cette belle table ronde. Nous sommes tous d'accord : il faut faire avancer l'acquisition de la connaissance ainsi que la cartographie bathymétrique pour le contexte géologique et biologique. Les différents Comités interministériels de la mer (Cimer) ont validé cette grande ambition nationale, avec des fonds dédiés et une stratégie France 2030. Nous attendons de ce rapport qu'il consacre la spécificité de l'axe indopacifique dans la stratégie nationale. Cette matérialisation passe par les territoires français du Pacifique, cette Océanie française. Soyons ambitieux et proposons à la Nation que nos bassins océaniques respectifs - wallisiens, futuniens, calédoniens et polynésiens - deviennent les premiers bassins de recherche pour la maîtrise de la connaissance océanique, tant au niveau national qu'au niveau européen. Il faut aussi attirer le privé dans notre stratégie. Ce sont autant d'idées dont nous débattons entre nous en Polynésie, à la veille du grand sommet de l'océan qui sera organisé chez nous. Peut-être faudra-t-il passer par une fondation d'intérêts du Pacifique afin de capter les moyens des grandes entreprises mondiales qui s'intéressent à l'innovation maritime.

Debut de section - Permalien
Heremoana Maamaatuaiahutapu, ministre de la culture et de l'environnement de la Polynésie française

Je m'associe à ces remerciements. Nous avons bien avancé sur la question de la prise en compte des spécificités dans le Pacifique, notamment en ce qui concerne l'approche culturelle. Notre collègue de la Nouvelle-Calédonie a résumé la situation : il faut connaître pour mieux préserver et envisager l'exploitation sur le temps long. Wallis-et-Futuna a fixé ce temps long à cinquante ans. C'est une échéance comme une autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Teva Rohfritsch

À mon tour de vous remercier. Il importe que notre territoire du Pacifique soit mieux entendu. Je suis particulièrement heureux de pouvoir faire avancer notre cause au Sénat. Nous n'avons certes pas épuisé le débat aujourd'hui, mais nous avons pu entendre un certain nombre de préconisations. Des craintes et des attentes ont également été exprimées, notamment en termes de restitution sur les études, de mobilisation de l'État, de démarches régionales ou de gestion du temps long. Les précisions apportées sur le champ lexical me semblent particulièrement importantes. Il est effectivement nécessaire de distinguer l'exploration, au sens de l'acquisition des connaissances, du volet plus prospectif, en vue d'une éventuelle exploitation. Nous avons tous parfaitement cerné la nuance. Tout cela figurera dans notre apport. J'espère que cette table ronde sur le bassin de l'océan Pacifique fera école et en appellera beaucoup d'autres. Avant de nous quitter, je vous informe que les contributions écrites resteront encore possibles durant quinze jours. Nous veillerons bien évidemment à ce que toutes les sensibilités soient bien représentées dans ce rapport information, que nous espérons utile pour nos outre-mer.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 10 h 00.