a indiqué qu'à la suite des annonces faites par le Président de la République lors de ses voeux aux Français, et un peu plus de six mois après la promulgation de la loi portant engagement national pour le logement (ENL), un texte tendant à reconnaître l'opposabilité du droit au logement était présenté au Parlement.
Soulignant que cette initiative faisait suite à la mobilisation du monde associatif à la fin de l'année dernière pour apporter une solution au problème des sans abris, il a regretté que le Parlement soit contraint de légiférer sous la pression d'un mouvement d'opinion, tout légitime qu'il soit, et dans des conditions d'urgence peu satisfaisantes compte tenu de l'importance et de la complexité des problèmes soulevés par cette question.
Après avoir relevé que l'objectif de reconnaître l'opposabilité du droit au logement avait fait l'objet de nombreux travaux et de discussions approfondies, notamment à l'occasion de la discussion du projet de loi ENL, il s'est déclaré favorable à l'inscription dans la loi d'un tel principe, mais plus réservé sur sa mise en oeuvre précipitée, qui pourrait laisser croire que cet outil serait de nature à apporter une solution immédiate aux problèmes de logement des Français.
Le rapporteur pour avis a souligné que la France était confrontée à une très grave crise du logement, se caractérisant par l'existence de 3 millions de personnes mal-logées et plus de 80.000 sans abris. L'offre de logements, en particulier de logements à loyers accessibles à tous, fait défaut et la progression des prix de l'immobilier rend beaucoup plus délicate l'accession à la propriété. En conséquence, il a jugé nécessaire de faire du logement une grande cause nationale et de poursuivre les efforts en faveur du développement de l'offre de logements.
Relevant que le Gouvernement avait pleinement pris la mesure de ces enjeux en mettant en oeuvre le programme national de rénovation urbaine et le plan de cohésion sociale, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a rappelé que le Parlement avait fait preuve d'imagination pour développer des outils innovants à la disposition des autorités responsables de la conduite des politiques de l'habitat, notamment avec la loi sur les responsabilités locales et la loi ENL. Il a estimé que cette politique s'était traduite par des résultats spectaculaires, dans la mesure où la France avait renoué avec des niveaux historiques de construction de logements, les mises en chantiers s'étant élevées à 430.000 en 2006 et le nombre de logements sociaux financés cette même année ayant dépassé la barre des 100.000.
Il a néanmoins considéré que ces bons résultats ne devaient pas masquer l'ampleur des besoins restant à satisfaire, rappelant que plus de 1.300.000 ménages étaient en attente d'un logement social et que la pénurie de l'offre était estimée à plus de 800.000 logements. Au total, il a jugé que la reconnaissance du droit au logement opposable ne pouvait résulter que d'une construction progressive et graduelle. Soulignant que l'ouverture aux mal-logés de voies de recours amiable et contentieux ne constituait qu'un outil parmi tant d'autres pour rendre le droit au logement effectif, le rapporteur pour avis a insisté sur la nécessité de poursuivre et d'amplifier cette dynamique en faveur de la construction.
a précisé que, dans un contexte de pénurie, la reconnaissance du droit au logement opposable ne pourrait que contribuer à faire condamner l'Etat et les collectivités territoriales, sans pour autant répondre au problème de fond, qui reste celui d'une offre de logements adaptés aux besoins des demandeurs, qui continue à faire défaut. Il a également observé que ce dispositif conduirait à reconnaître une priorité d'accès au logement au bénéfice des ménages les plus défavorisés, au détriment de la frange la plus modeste des classes moyennes qui éprouve, elle aussi, des difficultés aiguës de logement.
Il a conclu son propos liminaire en indiquant que l'examen de cette question aurait mérité des investigations complémentaires qu'il n'avait pu conduire par manque de temps.
Abordant ensuite la présentation des dispositions du projet de loi, le rapporteur pour avis a tout d'abord observé que son article 1er inscrivait dans la loi la reconnaissance du droit au logement, en rendant l'Etat responsable de sa mise en oeuvre et en le garantissant par l'ouverture de voies de recours pour les personnes sans logement ou mal-logées.
Il a indiqué que les recours amiables pourraient être exercés auprès des commissions de médiation départementales, placées auprès des préfet et composées de représentants des élus locaux, des bailleurs et des associations. Dès la promulgation du projet de loi, certaines personnes rencontrant des difficultés à se loger se verront reconnaître la possibilité de saisir ces commissions.
Aux termes du projet de loi, ces commissions auraient pour mission d'identifier les demandeurs de logement social prioritaires :
- soit parmi les demandes formulées par des personnes qui sont toujours en attente d'un logement au-delà d'un délai anormalement long ;
- soit parmi les demandeurs appartenant à l'une des cinq catégories de personnes connaissant des difficultés particulières de logement et pouvant saisir ces commissions sans délai, c'est-à-dire les personnes sans logis, menacées d'expulsion, hébergées temporairement, logées dans des locaux insalubres ou avec des enfants mineurs et logés dans des locaux non décents ou en situation de sur-occupation.
Après avoir ajouté que les commissions de médiation verraient leurs missions élargies à la question de l'accueil dans des structures d'hébergement ou de logement temporaire, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a précisé qu'elles auraient pour tâche d'identifier les demandes auxquelles la puissance publique doit apporter d'urgence une solution de logement adaptée aux besoins des demandeurs. Soulignant que l'attribution du logement s'imputerait sur les droits à réservation du préfet ou du délégataire de ce contingent, il a fait remarquer qu'un accueil dans une structure adaptée pourrait aussi être proposé pour les personnes en très grande difficulté.
Présentant ensuite la seconde phase de ce droit au logement opposable avec l'ouverture d'une voie de recours devant la juridiction administrative, le rapporteur pour avis a relevé qu'à compter du 1er décembre 2008, les cinq catégories de demandeurs prioritaires n'ayant pas reçu de proposition adaptée à leurs besoins et à leurs capacités pourraient former un recours devant le tribunal administratif. Les demandeurs en attente d'un logement social au-delà du délai anormalement long auront la même faculté à compter du 1er janvier 2012.
Toutefois, dès la promulgation de la loi, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale auront la possibilité d'anticiper sur ces échéances et d'organiser leur mise en responsabilité devant la juridiction administrative en demandant la délégation du contingent préfectoral. Dans ces collectivités, le recours sera possible pour les cinq catégories de demandeurs prioritaires dès la signature de la convention de délégation et à condition que ces personnes vivent depuis plus d'un an dans la commune ou l'établissement public concerné.
Puis M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a expliqué que le juge administratif aura la possibilité, s'il constate que le demandeur a été jugé prioritaire par la commission de médiation, d'ordonner à l'Etat ou au délégataire du contingent préfectoral le logement ou l'accueil dans une structure adaptée. Il pourra également annuler la proposition de logement si elle ne correspond pas aux besoins du demandeur et assortir sa décision d'une astreinte journalière, dont le produit sera versé aux fonds d'aménagements urbains régionaux institués par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).
Au total, il a fait valoir que le droit au logement opposable constituait une véritable innovation juridique dans le droit français, qui se traduirait vraisemblablement par une certaine judiciarisation des rapports sociaux.
Présentant enfin l'économie générale des amendements qu'il serait amené à proposer à la commission sur le volet logement du projet de loi, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a souligné que la responsabilité de la mise en oeuvre du droit au logement opposable lui semblait devoir incomber uniquement à l'Etat. Dans un paysage institutionnel qui se caractérise par un éclatement des responsabilités entre les différents acteurs chargés de conduire la politique du logement, seul, l'Etat est capable d'assumer cette nouvelle charge. Il a indiqué, en conséquence, que plusieurs de ses amendements avaient pour but de réaffirmer la responsabilité de l'Etat, y compris dans les cas où le contingent préfectoral de logements sociaux a été délégué. Il a en effet jugé que cet outil était insuffisant pour permettre aux collectivités délégataires d'assumer pleinement cette responsabilité, qui supposerait de disposer de tous les outils de la politique du logement. Il a fait valoir que des raisons identiques le conduiraient à proposer la suppression des dispositions permettant aux nouveaux délégataires du contingent préfectoral d'anticiper sur la date du 1er décembre 2008, jugeant que ce dispositif ne serait pas utilisé et qu'il risquerait de décourager les collectivités à prendre des responsabilités dans le domaine de la politique du logement.
Surtout, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a attiré l'attention des commissaires sur le fait qu'il leur proposerait un autre calendrier de mise en oeuvre du droit au logement opposable. Après avoir souligné que les échéances proposées par le projet de loi étaient certainement précipitées et devançaient les attentes du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, il a relevé que l'Ecosse, qui a décidé en 1999 de rendre opposable le droit au logement en 2012, avait élaboré au cours de deux années de réflexions et de concertations une stratégie beaucoup plus progressive. Compte tenu de la situation actuelle du logement en France, il a fait part de ses doutes quant à la capacité de la puissance publique à garantir le droit au logement en moins de cinq ans.
Le rapporteur pour avis a enfin indiqué qu'il avait également examiné l'article 6 du projet de loi, qui propose d'instituer un « bouclier social » au bénéfice des travailleurs individuels relevant du régime de la microentreprise. Observant que, pour ces activités qui dégagent un très faible revenu en phase de démarrage, l'acquittement des cotisations sociales pouvait constituer une charge très lourde, il a précisé que l'article 6 prévoyait, pour aider ces entrepreneurs sans pour autant les priver de leurs droits minima à la protection sociale, un mécanisme d'exonération visant à leur garantir des prélèvements sociaux strictement proportionnels à leurs réels revenus d'activité. Il a également observé que ces entrepreneurs pourraient acquitter leurs cotisations tous les trois mois pendant leurs trois premières années d'activité et que leurs obligations déclaratives auprès du régime social des indépendants seraient allégées. Il a indiqué qu'il soumettrait à la commission l'adoption de trois amendements techniques sur cet article.