Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 11 septembre 2012 à 21h30
Logement — Article 1er

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Cet article vise à permettre à l’État et à ses établissements publics de céder aux collectivités, à une valeur décotée pouvant aller jusqu’à la gratuité, des terrains leur appartenant, en vue de la réalisation de projets de construction de logements sociaux.

A priori, puisqu’il faut libérer du foncier, l’idée peut paraître séduisante. Malheureusement, la pratique en la matière est bien éloignée de la théorie.

En effet, à qui profitera le dispositif de cet article 1er ? La question reste entière, puisque votre ambition initiale, madame la ministre, était de libérer une capacité foncière susceptible d’accueillir 110 000 logements d’ici à 2016, soit un sixième de l’objectif que vous vous êtes fixé sur l’ensemble de la législature. Pour une ambition maximale, c’est peu, d’autant que cette ambition est aujourd’hui totalement discréditée, puisque la liste des sites potentiellement concernés que vous avez publiée est périmée…

Bien sûr, je ne parle même pas de la qualité desdits terrains, que Bercy, RFF ou Voies navigables de France, VNF, auront bien du mal à lâcher, et des délais qui seront donc nécessaires pour les libérer : des années, sans aucun doute, durant lesquelles les sanctions aggravées de la loi SRU, elles, ne seront pas suspendues.

Mais je veux entrer dans votre logique, madame la ministre. Si tout se passe bien et si des terrains sont donnés aux collectivités, les bénéficiaires seront surtout de grandes villes, dont certaines ne présentent pas de déficit en matière de logements sociaux. A contrario, les villes périphériques fortement urbanisées n’en bénéficieront pas.

Les grandes propriétés dont l’État pourrait se séparer sont, pour partie, des sites autrefois à usage militaire : on les trouve donc généralement au cœur des grandes agglomérations. Tant mieux pour les villes-centres, mais qu’en est-il des autres villes, qui constituent la trame de notre maillage territorial ? Qu’en est-il du domaine littoral ou insulaire ? Or c’est souvent dans ces communes que le problème du foncier est à la fois le plus grave et le plus inextricable.

Le texte que vous voulez nous imposer est inadapté pour les communes ayant un petit territoire déjà fortement urbanisé. La pénurie de terrains libres engendre des coûts du foncier très élevés, une flambée des prix de l’immobilier et une frilosité des promoteurs et des bailleurs sociaux. Quand le foncier est rare, réaliser l’opération devient la quadrature du cercle, tous les maires le savent ! La rareté du foncier est un frein considérable à toute politique volontariste en matière de logement. Chaque nouveau projet implique d’acheter du terrain en zone bâtie, ce qui nous fait passer sous les fourches caudines d’un marché qui s’est emballé. S’ajoutent les frais de démolition du bâti existant, donc un surcoût pour une ville qui doit se reconstruire sur elle-même.

Pour les bailleurs sociaux, l’équilibre financier du projet est quasiment impossible à atteindre. Les préemptions sont difficiles, voire impossibles, à mettre en œuvre. Je rappelle que, dans les agglomérations, le titulaire du droit de préemption est l’EPCI, qui n’a pas toujours les moyens de l’exercer. En outre, le fait que les EPCI créent des agences foncières montre bien que les moyens d’intervention se situent à l’échelon intercommunal.

À toutes ces difficultés s’ajoutent les délais de recours et les inquiétudes des riverains. Sur ce point particulier, qui freine parfois lourdement nos projets, je suggère la création d’outils juridiques ou – pourquoi pas ? – la mise en place d’une cour spécifique, pour raccourcir ces délais et sanctionner les recours abusifs.

De plus, il faut toujours financer les équipements publics qui vont avec la réalisation de nouveaux logements, à commencer par les crèches, les écoles, les équipements sportifs et sociaux.

Madame la ministre, les terrains que vous allez céder ne profiteront pas, en l’état actuel du texte, à ceux qui en ont le plus besoin. Ne pas permettre que les petites et moyennes communes très urbanisées bénéficient aussi des terrains cédés par l’État compromet fortement l’efficacité du dispositif.

Je propose donc que l’État cède ces propriétés aux intercommunalités, et non pas aux seules communes sur le territoire desquelles elles se trouvent. Ce serait plus juste, plus équitable, plus en accord avec le renforcement des politiques communautaires des grandes agglomérations.

Autrement dit, la mise en œuvre du dispositif de l’article 1er devrait s’accompagner d’une prise en compte des objectifs de la loi SRU à l’échelle de l’agglomération ; nous présenterons un amendement en ce sens. Sans cela, les objectifs fixés par le présent texte seront totalement irréalistes.

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