Comme je n’ai pas eu l’occasion de le faire lors de la discussion générale, je souhaite tout d’abord saluer l’esprit qui régit ce texte, même si, à l’instar de nombre de mes collègues, je déplore les conditions pour le moins particulières de ce débat.
Ce projet de loi participe de l’ambition de faire du logement une grande cause nationale. Certes, il est incomplet au regard de l’ampleur des mesures à prendre pour relancer la production de logements sociaux dans notre pays, mais son article 1er constitue une avancée considérable, car l’État s’affirme comme un véritable partenaire des collectivités locales et des opérateurs en matière de construction de logements sociaux.
De très nombreuses communes sont en effet dans l’attente d’un dispositif de soutien à leur effort de construction de logements sociaux, dans un contexte où le prix du foncier en secteur tendu peut représenter une part considérable du coût d’une opération et devenir même prohibitif. À titre d’exemple, rappelons que la construction de 11 000 logements sociaux dans la région d’Île-de-France est suspendue à la conclusion d’une transaction avec l’État pour libérer le foncier nécessaire.
Le coût du foncier peut donc constituer un frein considérable à la production de logements, en particulier lorsque ceux-ci présentent un caractère « social ».
La décote, qui pourrait aller jusqu’à 100 %, appliquée sur le prix des terrains cédés aux collectivités par l’État et ses établissements publics favorisera donc la réalisation de logements sociaux et le déblocage de nombreuses opérations. Nous devons saluer cet effort considérable de l’État et de ses établissements publics, dans la période de tension budgétaire sans précédent que nous connaissons.
Cependant, le dispositif, tel qu’il nous est présenté, comporte, à mon sens, plusieurs imperfections qui me semblent devoir être discutées. Je souhaite évoquer deux points à cet égard : le délai de cinq ans au terme duquel un mécanisme de réversion est prévu en cas de non-réalisation du programme ; le renvoi à des textes réglementaires pour la fixation du montant de la décote et les conditions d’application de l’article.
S’agissant du premier point, pour éviter la spéculation, le projet de loi assortit la cession de terrains avec décote de conditions : en particulier, en cas de non-réalisation du programme de logements dans un délai de cinq ans, l’acquéreur devra rembourser la décote. Or, force est de constater que les opérations de construction sont souvent retardées par des recours contentieux, des fouilles archéologiques ou encore des travaux de dépollution. Ces difficultés peuvent repousser de plusieurs années la réalisation des programmes et, à ce titre, elles devraient être neutralisées au titre des délais impartis. Plusieurs amendements allant en ce sens seront donc présentés.
S’agissant du renvoi à des dispositions réglementaires, vous avez souligné, madame la ministre, que ce texte répond à une urgence en matière de logement. Ce constat est, je le crois, partagé par nombre d’entre nous. Cependant, le renvoi à plusieurs reprises dans cet article à des textes réglementaires n’est-il pas incompatible avec une réponse appropriée à cette urgence ?
En effet, l’article 1er renvoie la fixation du pourcentage de la décote à un texte réglementaire. Il prévoit également que ses conditions d’application seront précisées par décret. Quant à la liste des établissements publics concernés par le dispositif de décote obligatoire, elle sera aussi établie par un décret prévu à l’article 2 !
L’expérience nous a malheureusement enseigné que les textes réglementaires d’application des lois sont publiés assez tardivement, voire jamais ! À défaut d’une modification du texte, des engagements clairs du Gouvernement sur un calendrier de mise en œuvre de la loi seraient bienvenus ; nous aimerions bien qu’il en prenne. C’est l’une des principales garanties que nous attendons en vue de répondre de façon opérationnelle à l’urgence en matière de construction de nouveaux logements sociaux. Dans quel délai cet article entrera-t-il en vigueur ?
Madame la ministre, au-delà du manque de logements, l’évolution des dépenses dans ce domaine, qui excède aujourd’hui les capacités contributives de très nombreuses familles, est très inquiétante. Le prix exorbitant du foncier, l’inflation du coût de la construction et l’augmentation considérable des dépenses liées à la consommation d’énergie sont les principales causes de cette situation.
Cet article a le mérite de s’attaquer à l’une des sources principales de l’inflation des dépenses des ménages en matière de logement, et c’est une bonne nouvelle, même si la réponse apportée reste partielle. Aussi, sous réserve de ces observations, je voterai l’article 1er.