Après ce vote à la quasi-unanimité d’un amendement tendant à préserver les droits des maires, nous parvenons à l’examen des dispositions qui constituent le deuxième volet, essentiel, du projet de loi.
L’article 4 vise à renforcer les obligations de production de logements sociaux issues de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, dont j’avais été, ici même, le rapporteur pour avis au nom de la commission des lois.
Sous réserve de la réintroduction des établissements d’urgence dans le décompte, l’architecture de l’article 55 de la loi SRU est préservée. Je tiens à souligner combien il est important de conserver ce mécanisme. C’est en effet le gage d’un juste équilibre entre plusieurs ordres exigences : de construction de logements, de développement de la mixité sociale, de libre administration de nos collectivités. Il faut bien reconnaître qu’il n’a pas été facile de le maintenir au fil des nombreux textes traitant du logement que nous avons débattus ces dernières années.
Je veux néanmoins souligner que c’est précisément ici, au Sénat, que nous avons obtenu son maintien en l’état. J’avais été l’un de ses ardents défenseurs, à côté de Dominique Braye. Pour autant, le bilan de cette mesure reste mitigé, notamment au regard de la crise du logement et du nombre de personnes en attente d’un logement social, évalué aujourd’hui à 1, 7 million.
Le titre II du projet de loi vise donc à rendre plus efficace le dispositif de la loi SRU en renforçant l’objectif de production de logements sociaux, dont le pourcentage doit passer de 20 % à 25 %, et en incitant plus fermement les communes à contribuer à l’effort de rattrapage. Cette mesure est nécessaire. En effet, moins de 50 % des 927 communes soumises à l’article 55 de la loi SRU ont atteint le seuil de 20 % et, depuis 2002, le taux moyen de logements sociaux dans ces communes n’est passé que de 13 % à 14 %, ce qui représente un déficit de près de 400 000 logements sociaux.
Concrètement, par cet article 4, le taux de logements sociaux que doivent compter les communes situées dans le champ d’application de la loi SRU est fixé à 25 %. Il est toutefois utile de rappeler que, dans les secteurs moins tendus et dans ceux où la demande ne justifie pas un effort de production supplémentaire, le taux est maintenu à 20 %. Ce sera vraisemblablement le cas pour une grande partie du territoire. Ainsi, sur cette base, le projet de loi traduit une volonté d’adaptation aux situations locales, s’appuyant sur des critères relatifs non seulement à la demande, mais aussi à l’effort de rattrapage mené par les communes.
Cela étant, madame la ministre, j’attire votre attention sur les limites d’un tel dispositif, qui, faute des précisions législatives nécessaires, peut susciter des incertitudes au regard de l’analyse particulière des communes, et ce au détriment des communes « vertueuses ». À cet égard, je veux saisir l’occasion qui m’est donnée pour rappeler que de nombreuses communes qui souhaitent s’engager résolument en faveur de la cause du logement ne le peuvent pas, faute de moyens. Aussi est-il impératif que la situation de ces communes vertueuses soit effectivement prise en compte au regard de l’objectif de 25 % : celles qui peinent aujourd’hui à avoir 20 % de logements sociaux ne doivent pas être pénalisées du jour au lendemain par cette hausse de 5 points.
Or, si le projet de loi indique bien que les efforts réalisés seront pris en considération, le dispositif mériterait d’être clarifié et pourvu d’un cadre mieux défini pour tenir compte des difficultés particulières auxquelles ces communes peuvent être confrontées.
Les élus sont sensibles à l’exigence de mixité et de cohésion sociales, et il faut bien reconnaître que la grande majorité d’entre eux font des efforts. Il convient donc que les mesures coercitives ciblent les communes qui campent dans une position de refus des objectifs de la loi.
Nous devons aussi être attentifs aux types de logements considérés pour le calcul du pourcentage de logements sociaux : ne pas tenir compte des centres d’hébergement et de réinsertion sociale pourrait constituer un mauvais signal à l’adresse des maires et, surtout, les dissuader de construire ce type d’habitat, pourtant indispensable dans le cadre de la solidarité envers les personnes les plus démunies. Je sais que vous serez sensible, madame la ministre, à cette remarque.
Je tiens également à évoquer la nécessaire approche intercommunale de la politique du logement. Il y a un paradoxe évident entre le transfert de la compétence logement à l’EPCI et le décompte de logements sociaux au niveau communal. Ne serait-il pas plus adapté de fixer un plancher à 20 % pour chaque commune membre d’un EPCI et un objectif global de 25 % de logements sociaux sur l’ensemble du territoire intercommunal ? Plusieurs amendements vont dans ce sens et nourriront très certainement un débat intéressant. Une telle approche serait d’autant plus pertinente que c’est le PLH intercommunal qui fixe aujourd’hui les objectifs pour ce qui concerne le nombre de logements sociaux et leur répartition sur le territoire.
Enfin, je veux le souligner, si ce texte constitue une avancée, celle-ci n’est que partielle : d’après les derniers chiffres, 750 000 logements sont encore indignes ou dégradés dans le parc privé et 2, 8 millions de logements sont vacants. On parle de densification, de manque de foncier et de revitalisation des centres anciens, mais on pourrait, s’appuyant sur ces chiffres, trouver un bon moyen de favoriser la mixité sociale en utilisant ce parc aujourd'hui extrêmement dégradé.
De manière générale, des mesures incitatives sont également nécessaires pour encourager la construction, la rénovation thermique des bâtiments et la lutte contre la vacance des logements. Des mesures fiscales devront stimuler la contribution du foncier privé.
Par conséquent, madame la ministre, il est urgent qu’un autre texte sur le logement nous soit présenté.