Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 12 septembre 2012 à 14h30
Logement — Article 4

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Je tiens à le souligner d’emblée, l’article 4, tel qu’il est rédigé, est inapplicable pour certaines communes. Il s’agit pourtant de communes « vertueuses » ! Du reste, cette notion de vertu associée strictement au fait d’avoir atteint le pourcentage – la commune qui ne l’atteint pas étant nécessairement, a contrario, réputée « non vertueuse » – mériterait d’être examinée d’un peu plus près. En effet, on peut très bien mettre en place de toutes les mesures nécessaires pour parvenir aux objectifs fixés par la loi sans obtenir pour autant le résultat escompté.

Premièrement, dès l’origine, l’article 55 de la loi SRU fixant le pourcentage de logements sociaux ne tenait pas compte de l’héritage de chaque commune à la date d’application de la loi. Il est bien sûr plus facile d’atteindre les fameux 20 % lorsque l’on part d’un pourcentage de logements sociaux déjà élevé. Il existe donc un biais de départ. Or le présent projet de loi ne le corrige pas : on reste sur la même règle en fin de compte totalement injuste.

Deuxièmement, la nature des logements sociaux pris en compte demeure problématique. Certes, intégrer dans le cadre du logement social les logements étudiants et les logements-foyers est une bonne chose. Cependant, il semble que les places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale ne soient pas prises en compte. Et qu’en est-il des hébergements en maison de retraite et des places en logement d’urgence ? J’espère qu’il n’y a pas là matière à pénaliser les communes, pourtant bel et bien vertueuses, qui ont fait un effort en la matière !

Pourquoi, aussi, limiter à 50 % la prise en compte des PLS ? Ces logements participent à la mixité sociale et permettent à des familles de trouver une solution de logement que le parc privé ne peut leur offrir. En l’occurrence, j’estime qu’on ferait mieux de s’intéresser à ceux qui occupent des logements sociaux dont ils ne devraient pas disposer, compte tenu de leurs revenus, plutôt que de revenir sur le critère du PLS.

Pourquoi, par ailleurs, ne pas élargir le champ de la définition des logements sociaux à l’ensemble des logements en accession sociale à la propriété, et non pas seulement aux logements en location-accession ? L’Union centriste et républicaine proposera un amendement allant en ce sens.

Troisièmement, nous ne maîtrisons pas les délais de recours et de construction. Or, dans la loi SRU, on raisonne toujours en termes de stock et non pas de flux. Cela paraît particulièrement injuste : pourquoi ne pas récompenser les communes qui dépassent l’objectif triennal du PLH, en reportant sur la période suivante les logements surnuméraires réalisés ? La réponse à cette question est simple : la logique de ce texte, comme le disait très justement notre collègue Daniel Dubois au cours de la discussion générale, est non pas l’accompagnement, mais la sanction. Dans ces conditions, la sanction devient terriblement injuste, et donc inacceptable.

Oui, madame la ministre, elle est injuste parce que, quand une collectivité définit dans son PLU un objectif bien supérieur à celui de 20 % de logements sociaux – c’est le cas de ma commune –, elle se donne, me semble-t-il, tous les moyens de respecter la loi.

Cependant, comme vous le savez, ce sont les promoteurs sociaux qui agissent et non pas les maires. Outre que la programmation dans le temps des constructions échappe en grande partie aux communes et aux EPCI, de quels moyens juridiques les élus disposent-ils pour limiter, voire interdire les constructions privées ne relevant pas du logement social, notamment les maisons individuelles ?

Malgré sa bonne volonté, malgré les règles qu’il fixe, ce n’est pas le maire qui tient la truelle ! Mais ce sera à lui de payer !

Enfin, ce projet de loi ne prend absolument pas en compte l’histoire de nos communes. Dans les années cinquante et soixante, beaucoup de communes ont vu se développer des lotissements d’autoconstructeurs à revenus très modestes. C’est ce qu’on appelle les « Castors », particulièrement présents dans l’ouest de la France. Aujourd’hui, une part importante du territoire de certaines communes est urbanisée avec de tels logements, occupés par leurs propriétaires. Mais cela ne signifie nullement que ces villes sont riches. Aussi, il est regrettable que nulle part cette réalité n’ait été prise en compte dans les comptages.

Condamner nos villes à payer une amende alors même que la municipalité en place respecte la loi, c’est comme si l’on demandait à un maire de payer les amendes pour excès de vitesse de ses concitoyens alors que lui-même se déplace à vélo !

Les pénalités encourues appauvriront encore le budget de nos communes et la contrainte de 25 % que vous proposez nécessitera, pour les communes, de reconstruire largement sur ce qui est déjà construit, tout en monopolisant des moyens financiers exorbitants.

Cette sanction financière, aggravée pour certaines communes par la perte de la dotation de solidarité urbaine, pourrait avoir une première conséquence effarante : le renoncement à des projets créateurs d’emplois ou une augmentation des impôts locaux et, parfois, le non-remplacement d’agents municipaux partant à la retraite. Cela engendrera une dégradation du service à la population, alors qu’il faudrait au contraire renforcer ce service puisque nous sommes censés accueillir plus de monde sur nos territoires.

La construction de nouveaux logements implique aussi que nous soyons en capacité de financer des équipements publics. Cela suppose des moyens financiers accrus, et non pas la confiscation par l’État d’une part de nos budgets d’investissement.

Le présent texte fait de cette amende une ponction jacobine, totalement contraire aux principes de libre administration et d’autonomie des collectivités locales puisqu’il prévoit que l’État en sera le principal bénéficiaire.

Alors que la DSU se réduit, le prélèvement SRU devient une recette d’État !

Si, vraiment, le Sénat représente et défend les collectivités, il ne peut l’accepter, quelle que soit la couleur de sa majorité.

Remarquez-le mes chers collègues : le prélèvement SRU sera pour l’État une recette solide et pérenne chaque fois que les communes seront dans l’impossibilité d’appliquer les nouveaux taux SRU. Le présent texte aurait-il pour vocation de contribuer au rééquilibrage des finances de l’État ?

Je vous le répète, madame la ministre, nous ne nous en sortirons qu’en appliquant les obligations de la loi SRU à l’échelle des EPCI.

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