Intervention de Richard Tuheiava

Réunion du 1er décembre 2010 à 10h30
Loi de finances pour 2011 — Outre-mer

Photo de Richard TuheiavaRichard Tuheiava :

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les précédents orateurs ayant déjà largement commenté les crédits de la mission « Outre-mer », je ne m’appesantirai guère davantage, notamment compte tenu du temps qui m’est imparti.

Concernant d’autres dispositions du projet de loi de finances pour 2011 qui touchent à l’outre-mer, je salue particulièrement l’effort de maintien de la défiscalisation en faveur du logement social outre-mer.

Cependant, je ne peux que déplorer, encore une fois, le frein politique mis à l’investissement photovoltaïque en outre-mer, sujet qui a déjà été débattu la semaine dernière.

L’arrêt de la défiscalisation dans ce secteur – il est certes modéré par les récents débats parlementaires qui ont permis d’épargner temporairement les petites installations – se situe tout de même à l’opposé des objectifs du Grenelle de l’environnement et de la volonté gouvernementale affirmée au travers de la LODEOM, la loi pour le développement économique des outre-mer, d’aller vers une plus grande autonomie énergétique de l’outre-mer dans le cadre d’un développement économique endogène.

Sur le plan énergétique, nous le savons, les territoires ultramarins sont encore très fortement dépendants des importations pétrolières, avec toutes les conséquences qui en résultent. La commission d’évaluation créée récemment se penchera sur l’impact réel des défiscalisations en matière photovoltaïque, ce qui offrira à la Polynésie française une chance de démontrer l’extrême brutalité de cette mesure dans ce secteur dont la durée de vie n’a été que d’une seule année dans notre, c'est-à-dire notre pays.

Madame la ministre, vous le savez mieux que nous, dans le secteur des énergies renouvelables, la nation a tout à gagner que nos outre-mer puissent être des pôles avancés, à la condition essentielle et préalable que la priorité aux intérêts des départements et collectivités d’outre-mer soit assurée conformément à la Charte des Nations unies ou, tout au moins, que l’exigence onusienne émergente du « partage des bénéfices de la croissance » soit appliquée en faveur des populations ultramarines concernées.

En Polynésie française, la phase de faisabilité d’une centrale-pilote d’énergie thermique des mers offshore d’une puissance de 5 mégawatts est sur le point d’être lancée. Nous la soutenons, tout comme vous, madame la ministre.

Le système d’air conditionné par refroidissement à l’eau de mer, le système SWAC, ou, qui y a été testé pour la toute première fois avec succès voilà déjà plusieurs années, alimente désormais plusieurs établissements hôteliers de renom.

Le développement de l’exploitation des énergies marines, en particulier de l’énergie hydrolienne, fait partie des atouts concurrentiels dont nous pouvons tirer parti.

En d’autres termes, la puissance d’un État viendra de la mer !

On ne le répète pas assez, les outre-mer représentent 97 % de la surface maritime française et la Polynésie représente 49 % de cette surface maritime ultramarine. Je sais donc au nom de quel potentiel je m’exprime devant la nation.

De plus en plus, les outre-mer français prennent conscience de leurs énormes potentiels propres, endogènes et de ce que représenterait, pour la nation, l’union de telles capacités !

Cependant, nous ne sommes ni à la fin du XIXe siècle, période sombre pour une partie de nos outre-mer, ni en 1958, dans un contexte politique de reconstruction nationale, ni encore en 1973, au lendemain du choc pétrolier à la suite duquel la dette publique de la France a pris naissance et où l’on gérait l’outre-mer français – passez-moi l’expression – « à la hussarde » !

En 2010, les lignes ont bougé.

La nation doit avoir et se donner les moyens de ses grandes ambitions. L’outre-mer français en fait-il partie ?

On ne peut pas satisfaire tout le monde, c’est vrai. Serait-ce alors à dire qu’il y aurait « trop de monde » et plus assez de moyens ?

Nos outre-mer réclament un accompagnement institutionnel et financier qui soit cohérent et loyal, suivant leur histoire propre, leurs aspirations ou leur statut institutionnel.

Ils réclament un partenariat renouvelé avec un État qui leur conférerait les outils institutionnels et les moyens financiers de leur développement économique endogène ou de leur décollage propre.

La Nouvelle-Calédonie s’est brillamment, mais non sans douleur, placée dans cette dernière perspective, et nous la saluons fièrement à ce titre. Madame la ministre, le jour viendra, j’en suis convaincu, où la Polynésie française saura prendre cet envol en toute maturité.

Néanmoins, à présent, nous ne pouvons plus supporter, à l’orée des nouveaux défis énergétiques, climatiques, financiers, diplomatiques qui nous attendent en ce début du XXIe siècle, de pâtir en silence d’une politique nationale anachronique envers les outre-mer français, politique qui, en réalité, est pilotée en filigrane tant par les ambitions technologiques d’un puissant lobby militaro-industriel français que par la rigueur budgétaire de Bercy.

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