L’article 77 introduit une refonte complète du cadre juridique et financier qui relie la Polynésie française à l’État.
Il consacre la suppression de la dotation globale de développement économique, la DGDE, instrument contractuel institué par l’État voilà une quinzaine d’années, pour assumer la « dette nucléaire » à l'égard de la Polynésie française, et il crée trois instruments financiers distincts, dont l’un est destiné à financer le fonctionnement de la Polynésie française.
D’une disposition conventionnelle, qui remonte à 2002, nous passons donc à un dispositif législatif.
Cet article marque un tournant historique dans les relations financières entre l’État et la Polynésie française. Il marque surtout la fin d’une ère politique : il sonne le glas de la DGDE, une dotation annuelle dont le montant constant – 150 millions d’euros – avait été figé dans une convention pour le renforcement de l’autonomie économique de la Polynésie française signée le 4 octobre 2002, sous l’empire d’un accord politique entre le chef de l’État et le président de l’effectif polynésien de l’époque.
La reconversion économique de la Polynésie française à la suite de la fermeture du Centre d’expérimentation du Pacifique, la reconversion post-CEP, a été un échec douloureux, qui laissera des séquelles financières économiques durables en métropole et en Polynésie française, comme vous avez pu le constater vous-même, madame la ministre. C’est incontestable !
Cette reconversion économique et sociale devait être assurée notamment par la DGDE, que nous nous apprêtons, mes chers collègues, à supprimer.
L’histoire aurait pu se passer différemment. C’est pour cela que l’État a sa part de responsabilité politique dans ce processus devenu déviant et pour lui-même et pour la Polynésie française. Ce processus, l’État a reconnu qu’il devait le faire cesser. C’est également incontestable.
En supprimant cette dotation – suppression prévue implicitement à l’article 77 –, nous acterons ni plus ni moins cet échec et cette responsabilité politique partagée de l’État ; mais nous ouvrons aussi la porte législative à une ère politique et financière nouvelle, que nous espérons placée sous l’égide des observations franches et mesurées que j’ai faites au début de mon intervention sur ce partenariat rénové avec la Polynésie française.
Le présent amendement vise à sanctuariser le principe même de la création, par le projet de loi de finances pour 2011, des trois instruments financiers prévus aux deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article 77 qui vont régir à titre principal, pour les dix ou vingt prochaines années, les relations financières entre l’État et la collectivité d’outre-mer de Polynésie française.
Ladite collectivité étant régie par un statut d'autonomie au sein de la République française, il convient de garantir au gouvernement polynésien le triple dispositif financier, au travers d’une loi organique.
À ce stade, et d’après la rédaction actuelle du projet de loi de finances pour 2011, rien ne garantit à la collectivité de Polynésie française qu’une nouvelle loi de finances modificatrice ne viendra pas déstabiliser le dispositif prévu par le présent projet de loi.
En définitive, seule une modification de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française permettra de consacrer définitivement, et de manière pérenne, les concours financiers de l’État en faveur de cette collectivité.
Je note, à cet égard, que MM. les rapporteurs spéciaux ont déposé un amendement visant à modifier la rédaction de l’article 77. Ils proposent l’insertion d’un nouveau livre au sein du code général des collectivités territoriales. Cette solution ne me satisfait pas, car il n’est pas normal de suppléer la carence budgétaire de l’État par la création d’un nouveau texte et de porter ainsi atteinte, symboliquement, au statut d’autonomie renforcée de la Polynésie française.
Par anticipation, et s’ils me permettent cette liberté, je leur demande donc de bien vouloir retirer leur amendement.