Intervention de Philippe Bas

Réunion du 2 octobre 2012 à 9h30
Débat sur l'application de la loi pour l'égalité des droits et des chances la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Il importe aussi que le nombre des places en ITEP – institut thérapeutique, éducatif et pédagogique – soit augmenté. Nous mesurons dans nos départements leur insuffisance, d'autant plus criante qu'elle affecte des enfants particulièrement handicapés, notamment ceux qui souffrent d'autisme. Il faut également continuer à augmenter le nombre des places en CLIS – classe pour l'inclusion scolaire – et en ULIS – unité localisée pour l'inclusion scolaire.

La prestation de compensation du handicap est un autre sujet à propos duquel nous pouvons être globalement satisfaits.

Cette allocation est un outil extraordinaire en ce que son champ déborde le seul financement de l'aide humaine à la personne pour s'étendre aux aides techniques, aux aides à l'adaptation du logement et aux aides à l'adaptation des véhicules. Il y a là quelque chose de tout à fait novateur puisque c'est la première fois qu'est mise en œuvre une aide aussi finement individualisée.

Elle est d'autant plus individualisée que les associations de personnes handicapées qui siègent au sein des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, les CDAPH, portent sur la situation des personnes et sur leurs besoins pour réaliser leur projet de vie un regard personnel qui diffère de celui des professionnels et vient le compléter.

Seulement voilà : nous sommes aujourd'hui au pied du mur. La prestation de compensation du handicap a besoin d'être financée et les finances départementales sont dégradées, de même que les finances de l'État, celles de la sécurité sociale et celles de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Je crois qu'il est temps, au lieu de nous renvoyer la balle les uns aux autres, de tenir une sorte de lit de justice avec tous les acteurs concernés, pour examiner de quelle façon nous financerons à l'avenir cette prestation, dont le nombre des bénéficiaires est passé de 37 000 en 2007 à 160 000 en 2010.

Il s'agit d'un enjeu majeur, car la progression se poursuit au même rythme. Sans compter que les départements, précisément parce qu'ils ne gèrent pas cette prestation comme un guichet administratif mais que les CDAPH existent, n'ont pas la possibilité de resserrer les conditions d'attribution. Nous devons donc trouver un moyen de faire face à nos engagements.

Et puisqu'on reparle enfin de la réforme de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, il est plus que temps d'y associer celle de la prise en charge de la dépendance des personnes handicapées. Madame le ministre, je vous en supplie, ne restez pas à l'écart de ce débat, dont votre collègue en charge des personnes âgées n'a pas le monopole ! Le problème de la dépendance, dont les enjeux financiers sont extrêmement lourds, doit aussi être l'une de vos préoccupations majeures.

La création des maisons départementales des personnes handicapées est une avancée précieuse, pourvu que ces structures aient les moyens d'assurer leur avenir. Or il n'est pas toujours facile de faire fonctionner ces institutions encore jeunes, qui sont des lieux d'accueil conçus pour mettre fin au « parcours du combattant », comme il est dit dans le rapport, que les personnes handicapées devaient affronter auparavant pour faire reconnaître leurs droits.

L'avenir des MDPH sera menacé si des mesures urgentes ne sont pas prises pour en assurer le fonctionnement.

Au chapitre des progrès très sensibles qui ont été réalisés, il faut citer enfin les ressources des personnes handicapées.

Je reconnais bien volontiers que nous ne sommes pas allés au bout du chemin, mais tout de même ! Que dirait-on aujourd'hui si l'allocation aux adultes handicapés n'avait pas été augmentée de 25 % en cinq ans ?

Toutefois, prenons garde : quels que soient les progrès accomplis, nous devons en être conscients, l'enjeu de demain n'est pas seulement d'augmenter le niveau de ressources des personnes handicapées qui ne travaillent pas : il est de conduire un nombre croissant de personnes handicapées vers l'emploi.

Pour cela, il faut les accompagner sur le plan social, mais aussi au regard de la formation aux métiers et de l'insertion dans les entreprises et les services publics qui les emploient. De cette façon, les personnes handicapées ne seront pas enfermées dans l'inactivité. Il faut le savoir, un minimum de subsistance, à quelque rythme qu'il progresse, restera toujours un minimum de subsistance. C'est donc sur l'emploi qu'il faut, selon moi, mettre aujourd'hui l'accent.

Le fait est que, dans ce domaine, les résultats sont tout à faits décevants. Bien que le secteur public soit désormais plus ouvert à l'emploi des personnes handicapées, la loi du 11 février 2005 l'ayant soumis à la même obligation que le secteur privé, les améliorations se font attendre.

En réalité, on observe une sorte de stagnation de l'emploi des personnes handicapées, comme Mmes les rapporteurs l'ont parfaitement mis en évidence. Les majorités changent, les problèmes demeurent.

C'est pourquoi nous devons nous persuader que l'enjeu principal, l'horizon le plus important, la frontière qu'il nous faut franchir, c'est maintenant l'emploi des personnes handicapées. Songez, mes chers collègues, que leur taux de chômage est deux fois plus élevé que celui des autres Français !

Cette situation est totalement inacceptable. Elle montre les limites des mesures de coercition que nous avons voulu mettre en œuvre : elles ont beau être appliquées, elles n'empêchent pas qu'un certain nombre d'employeurs, privés ou publics, préfèrent payer pour ne pas employer plutôt que d'employer pour ne pas payer.

Il y a enfin le problème majeur de l'accessibilité. Il est temps que le décret sur l'accessibilité des lieux de travail paraisse ; c'est à juste titre, mesdames les rapporteurs, que vous le demandez.

Il faut aussi reconnaître, s'agissant des établissements recevant du public, que le délai de dix ans n'aura pas été bien mis à profit. Il n'était pas fait pour qu'on s'endorme en attendant l'échéance !

Les données manquant, il importe de mettre en place des systèmes de collecte de l'information. Mais il faut en outre qu'un nouvel élan soit donné, aussi bien pour la voirie que pour les transports collectifs ou l'aménagement des établissements recevant du public, afin que l'objectif fixé pour 2015 puisse être atteint.

J'observe que, sur ces travées, nous sommes partagés : certains ont déjà fait leur deuil de cet objectif quand d'autres veulent qu'on mette les bouchées doubles. Nous verrons ce qui se passera en 2015, mais, quoi qu'il en soit, il importe aujourd'hui de faire savoir à nos compatriotes qui ont des obligations dans ce domaine que nous voulons, autant qu'il est possible, atteindre notre objectif. Et il faut aussi leur montrer que, dès maintenant, nous commençons à prévoir ce que nous déciderons pour ceux d'entre eux qui n'auront pas atteint l'objectif en 2015.

Autrement dit, il va falloir encadrer dans un calendrier précis, avec des engagements de financement et un programme d'action, tous les établissements recevant du public qui ne se seront pas mis aux normes d'accessibilité.

Nous devons donc être fermes sur les objectifs mais, en même temps, trouver de nouvelles procédures pour accélérer les résultats.

Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les observations que je souhaitais vous présenter. Je tiens, pour finir, à insister sur un certain nombre de vœux.

Que la réforme de la dépendance prenne en compte les personnes handicapées et que nous relancions le plan pluriannuel de création de places et de services en faveur des personnes handicapées et des enfants handicapés.

Que nous offrions un statut digne de ce nom aux auxiliaires de vie scolaire.

Que nous renforcions l'accompagnement dans l'emploi et la formation des travailleurs handicapés.

Que nous fassions face à l'impératif de la prise en charge du vieillissement des personnes handicapées.

Et, surtout, que nous prenions des mesures pour que l'accessibilité pour tous devienne une réalité, si possible en 2015.

C'est ainsi, madame la ministre, mes chers collègues, que nous réussirons à changer réellement la vie des personnes handicapées, pour que la différence des uns cesse de se heurter à l'indifférence des autres !

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