Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 9 octobre 2012 à 21h30
Logement — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis dix ans, le logement est devenu progressivement un simple objet de spéculation, voire un capital garanti pour la retraite. Mythe du « tous propriétaires », baisse des crédits de la mission dans le cadre des lois de finances successives, mise en faillite de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, soumission à une logique marchande des offices d’HLM, vente du patrimoine locatif social et atteintes maintes fois renouvelées à l’article 55 de la loi SRU, tels sont les termes des débats qui nous occupent depuis trop longtemps.

Nous saluons donc d’emblée ce projet de loi, qui symbolise le réengagement public en faveur de la réalisation du droit au logement, constitutionnellement reconnu. Nous saluons également l’esprit qui a prévalu durant les débats. Ceux-ci ont permis d’enrichir le texte qui nous avait été initialement présenté. Il s’agit d’un premier signe encourageant, et à ce titre nous approuvons ce projet de loi, mais la route est encore longue pour réhabiliter une politique publique digne de ce nom.

Madame la ministre, vous nous avez d’ores et déjà annoncé la discussion d’un prochain texte de loi sur le thème du logement dans le courant de l’année 2013. Ce texte devrait permettre d’appréhender cette problématique de manière plus complète. Nous l’attendons donc avec impatience.

Le présent projet de loi ne vise que la mobilisation du foncier public et le renforcement de la loi SRU. Nous considérons que la démarche est bonne. En effet, trop de tentatives ont été menées ces dernières années pour vider de leur substance les obligations de mixité sociale. Trop de maires ont impunément violé leurs obligations légales, certains faisant même de cet acte délictueux un argument de campagne électorale.

En renforçant tout à la fois les obligations et les sanctions, le projet de loi fait œuvre utile, même si nous pouvons porter une appréciation différente sur le niveau nécessaire de rehaussement des obligations et des sanctions. Vous avez fixé un objectif de 25 % de logements locatifs sociaux en zone tendue, alors que nous prônions un objectif de 30 %, à l’image de ce que prévoit le schéma directeur de la région Île-de-France.

Nous considérons que le corollaire du renforcement des obligations de construction et des sanctions pour les collectivités récalcitrantes doit être le renforcement du soutien de l’État aux collectivités bâtisseuses. À notre sens, cela passe principalement par un effort budgétaire important. Or les premiers éléments dont nous disposons ne nous rassurent pas. L’enveloppe budgétaire qui nous sera présentée recourt une nouvelle fois à l’externalisation du financement de la politique du logement : le 1 % logement est encore appelé à la rescousse ; les aides à la pierre n’augmentent pas de manière suffisamment significative et n’atteignent donc pas le niveau qui serait nécessaire pour répondre aux engagements présidentiels de financement de 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux.

Nous regrettons aussi qu’aucune aide financière ne soit envisagée en matière de prêt pour les offices d’HLM dans le cadre du futur projet de loi de finances, alors même que nous avions fait adopter l’an dernier un amendement en ce sens. Par ailleurs, l’augmentation du taux du livret A n’atteint pas le doublement souhaité par l’ensemble des acteurs, mais il se limite à 25 %. Nous estimons qu’il faudra également revenir sur ce point.

Sur le fond, nous voyons dans ce manque d’ambition une nouvelle illustration de l’impasse que constitue le vote du traité de stabilité européen et de la règle d’or, qui condamnent la puissance publique à mettre en œuvre une politique de rigueur budgétaire incompatible avec la garantie effective du droit au logement. Nous considérons en effet que la puissance publique est garante du respect d’un certain nombre de droits fondamentaux, ce qui justifie qu’elle exerce certaines compétences régaliennes ; la question du logement en fait partie.

Pour cette raison, et en accord avec l’objectif de mobilisation du foncier pour la construction affiché par le Gouvernement, nous avons proposé la création d’une agence nationale foncière pour le logement. Cette idée a été repoussée une première fois au nom de l’article 40 de la Constitution, véritable guillotine pour l’initiative parlementaire, puis une seconde fois lorsque nous avons demandé un rapport sur cette question, le refus étant alors justifié par la multiplication des rapports – celle-ci est certes réelle, mais il n’en demeure pas moins que certains rapports sont nécessaires.

La question reste posée, et les débats tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale ont, d’une certaine manière, légitimé notre démarche, notamment en reconnaissant l’utilité du recours aux baux emphytéotiques. Les débats ont également montré que le rôle des établissements publics fonciers était central et qu’il fallait renforcer leur mission au service de l’intérêt général. Notre proposition de loi le permettait, et nous réengagerons donc le débat.

Force est de reconnaître que le dispositif de cession avec décote des terrains de l’État et de ses établissements publics prévu par le présent projet de loi demeure limité. Nous déplorons que les garanties offertes sur la destination réelle des terrains cédés ne soient toujours pas mises en œuvre. Fondamentalement, nous regrettons que le Gouvernement ne s’attaque pas aux maux qui entravent la réalisation du droit au logement.

Nous ne citerons que deux de ces maux. Le premier est la perte par nos concitoyens d’une partie de leur pouvoir d’achat. De plus en plus de Français ne peuvent plus faire face à leurs charges locatives ou même aux échéances de remboursement de leur prêt. Ainsi, selon le dernier sondage IPSOS, 83 % d’entre eux jugent l’accès au logement difficile, soit une hausse de cinq points par rapport à un sondage identique réalisé l’an dernier.

L’un des leviers d’action en matière d’accès au logement est donc très clairement l’augmentation des salaires. En outre, nous proposons de fixer un objectif afin que la proportion du loyer et des charges ne pèse pas excessivement sur le budget des familles et n’excède pas 20 % de leurs revenus.

Le second mal dont souffre le logement tient à la structuration même du marché immobilier, hautement spéculatif, qui est en passe d’aggraver toutes les inégalités sociales et territoriales. Un trop grand nombre de nos concitoyens ne peuvent plus se loger en centre urbain faute de revenus suffisants. La puissance publique doit par conséquent reprendre la main. C’est ce que nous proposions au travers de l’agence nationale foncière, permettant la création d’un domaine public consacré au logement locatif social, sortie des logiques financières, et soulageant les acteurs du logement du coût d’acquisition des terrains.

Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : en traitant le problème du logement, du foncier du point de vue de l’exigence de mixité sociale, nous abordons très concrètement la question de la ville et des principes qui doivent guider sa construction ainsi que celle des bourgs ruraux.

À l’issue de la présente discussion et parce que nous voulons participer à la mise en œuvre d’une politique progressiste, je souhaite vous décliner les mesures qui nous semblent particulièrement urgentes. Il en est ainsi, par exemple, de l’interdiction des expulsions locatives prononcées à l’encontre des personnes ne pouvant accéder au logement par leurs propres moyens, notamment de celles qui ont été désignées comme prioritaires au titre du droit opposable au logement. Nous estimons également nécessaire de réquisitionner les biens immobiliers vacants, qu’il s’agisse des logements – nous soulignons à ce propos tout l’intérêt de l’adoption des amendements présentés par notre collègue André Chassaigne à l’Assemblée nationale – ou des bureaux, que nous suggérons de taxer dans notre proposition de loi.

La feuille de route du Gouvernement et de la gauche doit bien être motivée par la sortie du logement des logiques de marchandisation auxquelles il a été soumis. Aujourd’hui, nous sommes à un point d’étape. Nous nous engageons avec vous à aller encore plus loin afin que le fait d’avoir un toit soit considéré non plus comme un luxe, mais comme un droit.

Le présent projet de loi va dans le bon sens. Vous l’aurez compris, les sénateurs communistes sont des partenaires loyaux à gauche, et ils le soutiendront.

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