Intervention de Rémy Pointereau

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 9 octobre 2012 : 1ère réunion
Simplification des normes applicables aux collectivités locales — Examen du rapport pour avis

Photo de Rémy PointereauRémy Pointereau, rapporteur pour avis :

Notre commission est saisie pour avis de quatre articles de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, présentée par notre collègue Éric Doligé. Je vous rappelle qu'au début de cette année, la commission de l'économie et du développement durable, antérieurement à sa partition, s'était saisie pour avis des dispositions de ce texte relatives à l'urbanisme et à l'environnement, et en avait confié l'examen à notre collègue Martial Bourquin. Toutefois, la commission des lois, à qui le texte a été envoyé au fond, avait alors estimé que la brièveté du délai d'examen fixé par l'ordre du jour ne lui permettait pas d'approfondir un certain nombre de mesures proposées par le texte qui méritaient une réflexion plus aboutie. Elle avait, en conséquence, présenté au Sénat une motion de renvoi en commission, qui a été votée lors de la séance publique du 15 février 2012.

La proposition de loi étant à nouveau inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat, notre commission s'est saisie pour avis uniquement des dispositions relatives à l'environnement, qui sont seules de sa compétence. Les dispositions relatives à l'urbanisme seront parallèlement examinées par la commission des affaires économiques. Ce sont donc les quatre articles constituant le Titre IV « Environnement » que nous avons à examiner aujourd'hui. La commission des lois nous les a délégués au fond, ce qui signifie que nous devront également donner notre avis sur les amendements à ces articles qui ont été déposés auprès de la commission des lois par d'autres sénateurs.

Je serai bref en ce qui concerne le constat de l'inflation normative dont sont victimes les collectivités territoriales. La nécessité d'une simplification est aujourd'hui unanimement reconnue. L'Association des maires de France évalue à 400 000 le nombre des normes techniques que les élus locaux sont censés faire appliquer. Nous sommes tous alertés de ce phénomène, en tant que sénateurs chargés de la mission constitutionnelle de représenter les collectivités territoriales. Notre collègue Claude Belot a présenté, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, un rapport intitulé « La maladie de la norme ». Il y soulignait combien cette inflation normative est lourde de conséquences.

Afin d'illustrer cette inflation normative, je peux prendre comme exemple les règles applicables en matière de service public de l'assainissement non collectif (SPANC), qui sont un cas d'école d'imposition de contraintes nouvelles aux collectivités territoriales sans que toutes les conséquences en soient bien mesurées. Institué par la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, le SPANC devait être mis en place avant la fin 2005. Or, en 2004, il est apparu que la grande majorité des communes n'avaient encore réussi ni à informer les propriétaires, qui continuaient pour la plupart à ignorer la législation, ni à trouver pour ce service des modalités pratiques d'organisation, de fonctionnement et de financement. Prenant acte de ce retard, la loi sur l'eau du 30 décembre 2006 a repoussé l'entrée en vigueur du premier contrôle des installations existantes au 31 décembre 2012 et revu le régime du SPANC. La loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle II a modifié à nouveau cette législation non aboutie, en prévoyant que la commune devra examiner, au stade de la demande du permis de construire, la conception des installations à réaliser ou à réhabiliter, et qu'elle pourra effectuer des travaux d'office aux frais du propriétaire afin de mettre en conformité une installation défaillante.

Alors que l'échéance du 31 décembre 2012 approche, la mise en oeuvre du SPANC apparaît toujours aussi problématique sur le terrain, comme le souligne une sévère analyse faite par le Conseil d'État, dans son rapport de 2010 sur le droit de l'eau. Celui-ci observe que 70 % à 80 % des quelques 5 millions de fosses septiques existantes seraient non conformes aux normes en vigueur. Ce qui, au rythme actuel des réhabilitations, estimé à 30 000 par an, implique un délai de cent trente ans pour revenir à une situation normale.

Afin d'endiguer cette marée normative, une Commission consultative d'évaluation des normes a été mise en place en 2008, sur une idée de notre ancien collègue Alain Lambert. Cette formation restreinte du Comité des finances locales est obligatoirement consultée sur les projets de textes réglementaires concernant les collectivités territoriales et sur les propositions de textes communautaires ayant un impact technique et financier sur les collectivités. Toutefois, ses avis ne sont pas conformes, et ne s'imposent pas au Gouvernement.

Plus récemment, en janvier 2011, le Président de la République a confié à notre collègue Eric Doligé une mission destinée à proposer des mesures concrètes de simplification pour desserrer les contraintes et alléger les coûts excessifs qui pèsent sur nos collectivités territoriales. Dans son rapport remis le 16 juin 2011, Eric Doligé n'en formule pas moins de 268 propositions concrètes, visant à réduire les coûts pour les collectivités territoriales et à faciliter la réalisation de leurs projets, dans quinze domaines de l'action locale. Sa proposition de loi, déposée sur le bureau du Sénat le 4 août 2011, s'inspire très directement de son travail de parlementaire en mission. Les 33 articles de ce texte ne reprennent certes qu'une petite partie des 268 propositions avancées, mais celles-ci n'étaient pas toutes de nature législative.

Sur les quatre articles dont nous sommes saisis, l'article 28 tend, d'une part, à reporter de six à neuf mois le délai, à compter de la clôture de l'exercice, dans lequel le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale doit présenter le rapport annuel sur le prix et la qualité du service pour ce qui concerne notamment les services de distribution d'eau potable et d'assainissement. D'autre part, il rend obligatoire la transmission des données du rapport au système d'information de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA). Je vous proposerai un amendement destiné à rendre facultative cette transmission, pour les communes de moins de 3 500 habitants.

L'article 29 propose de faire du service de gestion des eaux pluviales, actuellement service public administratif, un service public industriel et commercial, comme le sont déjà les services de distribution d'eau potable et d'assainissement. Cette réforme semble, a priori, de nature à homogénéiser les conditions de fonctionnement de tous les services locaux en charge de l'eau et de l'assainissement.

Toutefois, comme le souligne le Conseil d'État dans l'avis qu'il a rendu sur la proposition de loi à la demande du président du Sénat, ce changement de nature devrait impliquer un financement par redevance. Or, le texte de l'article 29 ne prévoit pas d'autres ressources que l'affectation de la taxe annuelle sur les eaux pluviales, facultative et d'un rendement très insuffisant, et que l'imputation des dépenses sur le budget général de la collectivité, par dérogation aux principes généraux des services publics industriels et commerciaux. Le dispositif soulève d'autres difficultés, toujours selon le Conseil d'État, notamment une absence d'encadrement du pouvoir d'accès aux propriétés privées conféré aux agents du service des eaux pluviales. Je vous propose donc la suppression de cette disposition, manifestement inaboutie. Éric Doligé est d'ailleurs du même avis, puisqu'il a lui-même présenté un amendement de suppression de l'article.

L'article 30 prévoit d'unifier au niveau régional, en un plan unique de prévention et de gestion des déchets, les trois catégories de plans existant actuellement : le plan régional de gestion des déchets dangereux, le plan départemental de gestion des déchets non dangereux et le plan départemental de gestion des déchets issus des chantiers du bâtiment et travaux publics. À cet article, je vous propose trois amendements. Le premier, pour faire figurer dans la commission consultative qui contribue à l'élaboration et au suivi du plan régional unifié, des représentants des groupements de communes. Le deuxième, pour y faire siéger des représentants des associations agréées de consommateurs, comme c'est actuellement le cas au niveau des plans départementaux. Le troisième, pour supprimer une disposition qui autoriserait la Corse à déroger à la limite de 60 % de la quantité des déchets produits, fixée pour le dimensionnement des installations d'incinération et d'enfouissement des déchets ultimes. En effet, l'Assemblée de Corse n'a pas été préalablement consultée sur l'opportunité de cette dérogation, comme elle aurait dû l'être en vertu de l'article L. 2424-37 du code général des collectivités territoriales.

L'article 31 permet aux communes de plus de 50 000 habitants, qui sont tenues d'élaborer un plan climat-énergie territorial, de confier cette mission à une intercommunalité dont elles sont membres. À cet article, je vous propose, d'une part, de préciser qu'il s'agit d'une délégation et non pas d'un transfert de compétence, d'autre part, de reporter du 31 décembre 2012 au 31 décembre 2013 la date-butoir pour adopter les plans climat-énergie territoriaux. En effet, il m'a paru que cette faculté de déléguer à une intercommunalité la mission de réaliser leur plan climat-énergie territorial ne pouvait, par définition, intéresser que les communes qui n'en avaient pas encore adopté.

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