Intervention de Christophe Béchu

Réunion du 16 octobre 2012 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Articles additionnels après l'article 2

Photo de Christophe BéchuChristophe Béchu :

Quand on crée une taxe, elle s’applique de manière immédiate à tout le monde alors que, quand on crée un délit, on donne la possibilité au juge de l’utiliser le cas échéant, si nécessaire.

J’avoue que je ne comprends pas la position de mes collègues. J’ai suivi avec intérêt le débat constructif, serein et apaisé que nous venons d’avoir à propos de la loi de 1881 sur la liberté de la presse et j’ai bien entendu qu’en touchant à des aspects particuliers de notre édifice juridique on est susceptible de remettre en cause certains équilibres. En revanche, s’agissant de la création d’un délit de consultation de sites Internet, alors que nous savons qu’Internet est aujourd’hui un espace où se déroule une part de l’apprentissage au terrorisme, je peine à comprendre les avis qui viennent d’être exprimés.

J’ai apprécié, madame la garde des sceaux, les propos que vous avez tenus tout à l’heure sur la nécessité de renforcer certains moyens à l’intérieur des prisons afin de prévenir d’éventuelles dérives : en évitant que des gens ne soient livrés à eux-mêmes et que, par des informations tronquées, ils ne deviennent les cibles d’une propagande religieuse d’où toute réflexion soutenue est absente, on peut empêcher le passage à l’acte d’un certain nombre d’entre eux.

Or Internet est aujourd’hui un espace sur lequel, malheureusement, une propagande sans filtre, répandue grâce à des moyens visuels permettant l’imitation de gestes, peut précisément favoriser une instrumentalisation, un embrigadement susceptible d’entraîner un passage à l’acte. Et l’argument selon lequel la création de ce délit ne paraît pas nécessaire aujourd'hui, mais pourrait éventuellement être réexaminée un jour si le besoin s’en faisait sentir, ne me convainc pas.

Je préférerais que l’on décide maintenant de créer le délit, quitte à ce que les magistrats ne l’utilisent pas, de manière à ne pas laisser subsister une zone de non-droit sur Internet, alors qu’il est d’ores et déjà acquis que c’est un espace sur lequel la propagande se développe.

Je peux comprendre, je le répète, certaines des positions qui ont été défendues ce soir afin de préserver un équilibre et qui font l’objet – peut-être – d’un assez large consensus dans cet hémicycle, même s’il n’atteint pas les 75 % dont est créditée la cote de popularité de notre ministre de l’intérieur !

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