Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 8 novembre 2012 à 15h00
Vérification du droit au séjour et délit d'aide au séjour irrégulier — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, seul le bouleversement de notre ordre du jour me vaut l’honneur et la charge de remplacer, au banc de la commission, et son président, Jean-Pierre Sueur, et son rapporteur, Gaëtan Gorce, qui avaient fait savoir qu’ils ne pourraient pas être présents en séance à cette heure, mais qui nous rejoindront bien sûr dès la reprise de nos travaux après la suspension.

Le texte dont nous sommes saisis, mes chers collègues, n’a pas pour vocation de bouleverser le droit des étrangers ni même de procéder à une simple révision générale de la législation en vigueur. Il a seulement pour objet, comme l’a très bien expliqué M. le ministre, de mieux définir le cadre juridique dans lequel l’administration est amenée à contrôler la régularité de la situation d’un étranger, cadre déstabilisé par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation.

Il permet en particulier de supprimer de notre droit une disposition particulièrement choquante, qualifiée de « délit de solidarité », qui conduisait à poursuivre pénalement des personnes, physiques ou morales, qui avaient porté assistance à des étrangers en situation irrégulière.

C’est dire que ce texte n’introduit pas une rupture, mais il apporte néanmoins un changement et, à tout le moins, un changement d’atmosphère !

En effet, le précédent gouvernement n’avait pas toujours su résister, c’est un euphémisme, à la tentation de stigmatiser les étrangers, les présentant comme des délinquants potentiels relevant de traitements d’exception.

Le projet de loi qui nous est présenté s’inscrit dans une autre logique en associant une fermeté indispensable dans l’application de la loi à une volonté constante de respecter les personnes. En témoigne la manière dont il répond aux trois questions qui le justifient et que votre commission s’est, pour l’essentiel, efforcée de conforter, sinon à l’unanimité, du moins à une très large majorité.

Premièrement, fallait-il instituer une procédure de retenue spécifique aux étrangers le temps nécessaire à la vérification de leur situation au regard des règles de séjour sur notre territoire ?

L’impossibilité faite désormais aux forces de police d’utiliser le mécanisme de la garde à vue, conséquence de l’enchaînement des jurisprudences de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation, soulevait nécessairement ce problème. Une première option aurait pu consister à utiliser la procédure de vérification d’identité prévue à l’article 78–3 du code de procédure pénale. Mais les modalités spécifiques à cette procédure, qui a un caractère judiciaire alors que le contrôle de la situation au regard du séjour est administratif, devaient conduire à écarter cette option, d’autant plus que le délai maximum de quatre heures, comme vous l’avez justement relevé, monsieur le ministre, dans lequel elle est enserrée risquait de la rendre non opérationnelle.

Le Gouvernement a préféré instituer en toute transparence un mécanisme de retenue ad hoc « limitée au temps strictement nécessaire à la vérification » et ne pouvant dépasser seize heures.

Ce mécanisme constitue un progrès à plusieurs titres : d’abord, sa durée est inférieure à celle de la garde à vue ; ensuite, les protections qui l’entourent sont plus importantes que celles de la vérification d’identité ; enfin, son déroulement s’effectue sous le contrôle de l’autorité judiciaire.

La commission, sans réduire le délai de seize heures, a néanmoins souhaité introduire une obligation d’informer le procureur, après les dix premières heures de retenue, que la prolongation de celle-ci de six heures supplémentaires était nécessaire.

Par un amendement, vous avez cru devoir revenir sur ce texte adopté par la commission et celle-ci, contre l’avis de son rapporteur, vous a suivi, monsieur le ministre.

Vous qui citez si souvent Jean Jaurès, vous savez pertinemment qu’entre l’idéal et le réel, il existe tout de même une sacrée différence. Votre procédure est idéale pour tous les étrangers qui, retenus, feront immédiatement appel à un avocat, lequel saisira le procureur ou l’autorité judiciaire. Pour ces étrangers, tout ira pour le mieux. Malheureusement, pour ceux qui n’auront pas cette possibilité, vraisemblablement les plus nombreux, votre procédure sera beaucoup plus stricte et privative de liberté.

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