Intervention de Roland du Luart

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 13 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « action extérieure de l'etat » - examen du rapport spécial

Photo de Roland du LuartRoland du Luart, rapporteur spécial :

Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » regroupe 1 856,6 millions d'AE et 1 865,7 millions d'euros de CP, soit 62,8 % de l'ensemble des crédits de paiement de la mission. Ces sommes servent à rémunérer l'état-major et les principaux services centraux du ministère. Y figurent aussi le personnel et les moyens de fonctionnement du réseau diplomatique.

A périmètre constant, les crédits du programme augmentent de 4,3 % en AE et de 4,7 % en CP par rapport à 2012. Cette nette augmentation des crédits du programme résulte de l'évolution de deux types de dépenses :

- d'une part, les dépenses de personnel (+ 32,6 millions d'euros), malgré une légère baisse des effectifs prévue en 2013 et pour les raisons qu'a exposées Richard Yung sur les facteurs de hausse spécifiques des rémunérations à l'étranger et sur les charges de pension ;

- d'autre part, les contributions financières de la France aux organisations internationales (+ 42,6 millions d'euros). A cet égard, je vous rappelle que ce programme porte les contributions obligatoires de la France aux principales organisations dont elle est membre. Par définition, ces dépenses sont peu modulables et sont, de surcroît, très sensibles aux variations de change, plus des trois quarts des contributions en valeur étant libellés en devises étrangères. La hausse budgétée pour 2013 tient d'ailleurs très largement au choix de retenir, pour 2013, un cours moyen de 1,32 dollar pour un euro (contre 1,40 dollar en 2012). Du point de vue du MAE, il s'agit donc de charges subies, dont il convient de rappeler l'importance budgétaire (plus de 70 % des crédits du programme hors dépenses de personnel). Je n'ai guère de commentaire à formuler sur ce plan, sauf pour me féliciter qu'après plusieurs exercices de sous-budgétisation manifeste au cours de la décennie précédente, d'ailleurs régulièrement dénoncées par notre ancien collègue Adrien Gouteyron, les crédits demandés apparaissent sincères depuis quelques années.

Pour le reste, un effort particulier a été fait sur une seule catégorie de charges : celles relatives à la sécurisation des postes à l'étranger, qui passent, en CP, de 10 millions à 16 millions d'euros. Selon le MAE, cela permettra de poursuivre et d'accélérer le plan de sécurisation dans un contexte sécuritaire dégradé, en particulier au Maghreb et au Sahel - même si, à mes yeux, il faudrait faire davantage encore...

Les autres lignes s'inscrivent logiquement dans le cadre de la maîtrise des dépenses publiques, mais cela ne suffit pas à compenser le dynamisme des charges de personnel et des contributions aux organisations internationales.

J'en arrive aux dépenses immobilières du ministère, auxquelles j'ai consacré mes travaux de contrôle de cette année. Les principaux problèmes qui se posent sont de deux ordres : l'achèvement du regroupement des services centraux autour de trois sites (le Quai d'Orsay stricto sensu, la rue de la Convention et La Courneuve), qui pâtit d'un problème de financement, et les modalités de règlement des dépenses de rénovation et d'entretien lourd des immeubles situés à l'étranger.

S'agissant du projet de regroupement des services du ministère conduits depuis 2006, la vente d'un bâtiment situé boulevard Saint Germain devait dégager un produit de cession de 69 millions d'euros pour le MAE, que devait lui verser le nouvel occupant de l'immeuble, en l'occurrence le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Ce dernier devait lui-même récupérer cette somme de la cession de l'ensemble immobilier Ségur-Fontenoy, dont il était l'utilisateur principal au sens domanial. Or, la décision prise par le Cabinet du Premier ministre en février 2011 d'implanter un centre de gouvernement sur le site de Ségur a privé le ministère de l'écologie de la ressource de cession espérée, et aucun dédommagement n'a été envisagé. Le ministère de l'écologie n'a donc pu régler les 69 millions d'euros escomptés au ministère des affaires étrangères, qui a fait office de « variable d'ajustement » ultime de ces opérations.

La situation n'ayant pas évolué à ce jour, le MAE n'a pu utiliser cette somme pour le financement de son projet de regroupement, ce qui demeure encore aujourd'hui très pénalisant. Il faudrait vraiment que ce dossier puisse se débloquer rapidement car il est choquant que l'ancien local des archives du ministère, c'est-à-dire 2 000 m2 en plein VIIème arrondissement de Paris, reste vacant faute de moyens pour achever l'aménagement. J'ai entendu dire que l'Assemblée nationale serait intéressée par une reprise au moins partielle de ces locaux. Il s'agira de savoir dans quelles conditions et à quel prix une telle affaire pourrait se conclure, le MAE ne devant pas toujours être « le dindon de la farce ».

S'agissant des dépenses d'entretien lourd des immeubles situés à l'étranger, le problème ne tient pas à l'absence de fonds, mais plutôt au circuit de financement. Celui-ci est atypique puisque, aujourd'hui encore, le ministère utilise à cet effet, de manière dérogatoire, le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », alimenté par les produits de ses propres cessions.

Cette situation vient de l'histoire budgétaire récente : en avril 2006, le contrat triennal de modernisation du ministère a comporté une clause par laquelle le MAE devait renoncer à terme aux crédits budgétaires finançant les dépenses liées à son parc à l'étranger en échange du maintien d'un retour intégral au « Quai d'Orsay » du produit des cessions de ses immeubles situés à l'étranger (effectif depuis 2003). L'objet était bien d'inciter le ministère à une gestion optimisée et dynamique de son parc, dont il pourrait ensuite profiter pleinement en termes de crédits. De plus, du point de vue du ministère chargé du budget, ces modalités permettaient la mise en place d'une procédure dans laquelle les dépenses immobilières du MAE étaient bien contrôlées.

La situation a perduré après la création, par la loi de finances pour 2009, du programme 309 « Entretien des bâtiments de l'Etat ». En effet, cette création est intervenue à un moment où le MAE ne disposait déjà presque plus, sur le programme 105, d'aucun crédit dévolu à l'entretien lourd de son parc à l'étranger du fait de l'accord de 2006. Ce ministère n'a donc pas été en mesure d'abonder le programme 309 à hauteur de 20 % des loyers budgétaires, comme il aurait dû le faire. Il est d'ailleurs à noter que cette dépense représenterait actuellement un prélèvement de près de 14 millions d'euros sur le programme 105, le montant réel des dépenses d'entretien lourd du ministère étant compris, quant à lui, entre 10 et 12 millions d'euros.

C'est cet état de fait qui a conduit le MAE à négocier avec France Domaine la possibilité (dérogatoire) d'utiliser une fraction modique des recettes de cession pour l'entretien lourd de ses immeubles sis hors de France, faculté qu'il a obtenue.

Ce mode de financement a plusieurs conséquences. D'une part, une assez grande lourdeur d'utilisation, que vous trouverez décrites en annexe de la note de présentation (même si le fonctionnement a été assoupli, en 2011, pour les dépenses d'un montant inférieur à 5 millions d'euros). D'autre part et surtout, une incertitude pour le MAE quant aux sommes dont il va réellement disposer pour des travaux qui gagneraient à être réguliers et planifiés afin d'être optimisés.

Tout va bien quand, après une année de cession exceptionnelle telle que 2011, le CAS est bien alimenté. Mais, en la matière, les années se suivent et ne se ressemblent pas. Un circuit qui marche bien quand il s'agit de financer des acquisitions par des cessions devient handicapant quand il s'agit de régler les « charges du propriétaire ».

Surtout, ce système ne saurait durer très longtemps. En effet, d'ici quelques années, les grandes opérations auront été réalisées. Le nombre d'immeubles importants que la France possède à l'étranger et qu'il serait opportun de vendre n'est pas infini. De plus, à la fin de 2014, l'exception des immeubles domaniaux sis à l'étranger doit prendre fin. A compter de 2015, si la loi ne change pas, au moins 30 % du produit des cessions devra contribuer au désendettement. Cela risque de rendre le financement des dépenses de rénovation relativement aléatoire.

C'est pourquoi il est heureux que, depuis 2012, le programme 105 comporte une ligne de rebudgétisation (très partielle) de ces dépenses. Le montant de ces crédits était alors de 2,5 millions d'euros. Cette ligne budgétaire a été reconduite dans le présent projet de loi de finances, pour un montant encore inférieur (2,3 millions d'euros). En revanche, il est inquiétant de constater qu'à ce jour, aucun rebasage n'a été effectué au titre de ces charges pour 2015 dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, en cours d'examen par le Parlement.

Or les économies en la matière ne sauraient être qu'illusoires, le caractère fonctionnel et la valeur de biens non entretenus correctement ne pouvant que décroître. Je tiens donc, en conclusion, à réaffirmer l'importance d'un financement adéquat et prévisible de ce type de travaux.

Un dernier mot avant de conclure pour évoquer brièvement l'opération immobilière en cours à Madrid, où je me suis rendu le mois dernier : il s'agit de céder l'actuelle chancellerie et d'en construire une autre dans le parc de la résidence - projet déjà envisagé du temps où Jean-François Deniau était ambassadeur en Espagne ! Ce dossier est l'un des deux pour lesquels une mission a été confiée, à titre expérimental, à la SOVAFIM en matière d'assistance relatif à deux dossiers de cessions à l'étranger.

Le principe de construction d'une nouvelle ambassade sur la pointe du terrain de la résidence a été validé en octobre 2011. Cependant, alors que l'opération suivait son cours, le dossier a été retardé après que le service de sécurité diplomatique et de défense du MAE eut tardivement mis en exergue, au printemps 2012, les risques inhérents à la localisation choisie.

Ce veto a conduit à reprendre les plans et à modifier très substantiellement le projet, la nouvelle chancellerie devant désormais absorber l'actuelle résidence du numéro deux de l'ambassade (elle aussi située dans le parc de la résidence). Selon les informations que m'a transmises la SOVAFIM, une fois le nouveau projet validé dans son principe par l'ensemble des parties prenantes, l'établissement des plans devrait prendre deux mois et l'obtention des autorisations d'urbanisme environ neuf mois (avec certaines marges d'incertitude).

J'insiste sur la nécessité de ne pas laisser s'enliser une telle opération et espère que le récent changement d'ambassadeur ne causera pas de nouveau retard. En effet, malgré la mauvaise conjoncture économique en Espagne, la cession de l'actuelle chancellerie devrait dégager un produit très supérieur aux coût de construction d'une nouvelle ambassade, laquelle devrait, être, par ailleurs, beaucoup plus fonctionnelle.

En conclusion, à l'issue de cet examen, je ne m'opposerai pas à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

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