Madame la Présidente, mes chers collègues. Périodiquement, quel que soit le ministre en charge, les mêmes soucis reviennent sans que se dessine et se stabilise une trajectoire lisible et favorable au développement de l'enseignement agricole. Je tiens aussi à préciser que je souhaite que toutes les composantes de l'enseignement agricole - le public comme le temps plein et le rythme approprié - puissent en bénéficier parce que chacune sait répondre différemment aux besoins des jeunes, des parents et des territoires.
Le PLF pour 2013 consacre à l'enseignement agricole 1,325 milliard d'euros, soit une hausse de 1,66 % en crédits de paiement. L'enseignement agricole est donc plutôt moins bien traité que l'éducation nationale cette année, puisque son budget doit, quant à lui, augmenter de 2,92 %. Certes les réseaux ne sont pas organisés de la même façon, mais il faut rappeler que les années passées, l'enseignement agricole a payé un lourd écot à la révision générale des politiques publiques. Il a considérablement modernisé son organisation et sa gestion des crédits, sans rien de comparable à l'éducation nationale. Cette année encore, il participe à l'effort de maîtrise des finances publiques avec notamment une réduction de 4,1 % des crédits de l'inspection et de 4,7 % des fonds destinés à l'organisation des examens.
En termes d'emplois, le PLF 2013 prévoit 250 créations de postes, 50 déjà adoptées dans le cadre du collectif budgétaire de juillet et 200 nouvelles à la rentrée 2013. Ces créations sont bienvenues alors que le non-renouvellement des départs à la retraite avait pu atteindre par le passé un ratio de deux tiers.
Cependant, la répartition des créations de postes pose des difficultés. En premier lieu, il n'est inscrit que des créations de postes d'enseignants. Mais, dans l'enseignement public, il serait nécessaire de prévoir des postes non-enseignants, car les établissements ont du mal à fonctionner avec des personnels administratifs en nombre insuffisant. En second lieu, la répartition des créations entre le public et le privé du temps plein est contestable. En effet, il est appliqué un ratio de 70 % pour le public et de 30 % pour le Conseil national de l'enseignement agricole privé (CNEAP). Or, les suppressions de postes d'enseignants intervenues ces dernières années respectent plutôt un ratio de 55 % pour le public et 45 % pour le temps plein environ. Par parallélisme, il serait juste de retenir la même proportion lors des nouvelles créations de postes d'enseignants.
Beaucoup plus préoccupante me paraît, toutefois, l'évolution des crédits hors titre 2, qui correspond au calcul des subventions à l'enseignement privé et du rythme approprié. Cette année, dans les deux cas, il ne semble pas que soient respectées les dispositions du code rural et les protocoles d'accord signés pour mettre fin au contentieux administratifs pendants.
Pour le CNEAP, le problème vient de l'enquête quinquennale qui sert à réévaluer le coût d'un élève dans le public pour calculer sur cette base la subvention aux établissements du temps plein. Le ministère a achevé l'enquête mais se refuse à en communiquer les résultats. En réalité, en raison de décision unilatéralement appliquée dans l'enseignement public comme le plafonnement des effectifs par classe, l'État n'est pas en mesure de respecter les dispositions législatives et réglementaires. C'est pourquoi les documents budgétaires sont muets sur le mode de construction de la subvention au temps plein, puisqu'elle est dépourvue de base juridique.
Pour les maisons familiales rurales (MFR), le problème vient de l'application du protocole d'accord Barnier de 2009 sur la revalorisation du taux d'encadrement, à partir de laquelle est calculée la subvention servant à payer les formateurs. L'interprétation restrictive par l'État de l'enveloppe de 17 millions d'euros allouée à l'époque ne semble pas conforme au protocole, qui avait déjà réduit la créance des MFR sur l'État. De même, le plafonnement des effectifs est très discutable à la fois dans son mode de calcul et dans sa légitimité. Il me paraît personnellement inconcevable d'accepter que 2 000 élèves ne soient pas financés et que d'autres restent tout bonnement sur le bord du chemin !
Je crains que nous ne soyons entrés dans une nouvelle phase difficile comme tous les cinq ans environ. L'État n'est pas en mesure de respecter l'intégralité de ses engagements, même revus à la baisse après négociation. On en vient à douter de la capacité de l'État à respecter la législation et la réglementation, qu'il tend à interpréter de manière unilatérale. Le CNEAP comme les MFR saisissent la commission de conciliation et s'engagent dans une phase précontentieuse, avant un nouveau tour de négociation et la signature prévisible de nouveaux protocoles.
Ce mode de fonctionnement n'est bien entendu pas satisfaisant car ce sont les élèves qui en pâtissent directement. Chaque année, chaque mois perdu dans des négociations difficiles, mettent en péril des établissements et des filières.
On ne peut en tenir rigueur au nouveau ministre de l'agriculture, qui découvre une situation déjà sédimentée et que l'on a connue sous plusieurs gouvernements, depuis le vote de la loi Rocard en 1984. En revanche, je souhaite qu'il intervienne fortement pour que soit trouvée dans la négociation une solution pérenne et lisible au financement de l'enseignement agricole privé. Charge ensuite à l'État de tenir ses engagements : le fait du Prince est devenu inacceptable !
Un mot sur la réforme du baccalauréat professionnel dont la mise en oeuvre dans l'enseignement agricole s'achève avec la rénovation des filières des services en milieu rural et hippiques. Je dois avouer une certaine inquiétude sur les résultats au baccalauréat : par rapport à l'année précédente, les résultats de la session de juin 2012 enregistre une baisse de 6,7 points. Il conviendra d'examiner précisément les raisons de ce reflux, qui néanmoins laisse à la filière agricole un taux de réussite de 83,1 % contre seulement 77,5 % dans l'éducation nationale.
Enfin, je ne peux que redire cette année encore que les synergies avec le ministère de l'éducation nationale doivent être plus systématiquement recherchées. C'est vrai au niveau central pour la définition des politiques éducatives, la mise en oeuvre des réformes, les référentiels des formations et la conception des épreuves. Trop souvent, l'éducation nationale décide seule de tous les dispositifs et impose ses choix à l'enseignement agricole. Mais au niveau régional, il faut aussi aller plus loin dans la mise en commun de locaux et l'optimisation de la carte des formations. Les échanges de services d'enseignants entre établissements de l'éducation nationale et de l'agriculture devraient également se développer. Pour l'instant, on reste trop dépendant des bonnes volontés personnelles de tel ou tel recteur ou de tel ou tel directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF). La nouvelle directrice générale que j'ai rencontrée dès sa prise de fonctions m'a paru tout à fait disposée à travailler en ce sens.
En conclusion, en reconnaissant à la fois l'engagement du ministre de l'agriculture et les difficultés structurelles rencontrées pour respecter les engagements de l'État à l'égard des établissements privés, je recommande la sagesse sur l'adoption des crédits de la mission « enseignement scolaire ».