Ce budget est considérable, tant par le nombre de femmes et d'hommes qui composent nos armées que par les montants affectés à leurs missions. En 2013, ses crédits sont inférieurs de 1,6 milliard d'euros courants à la programmation, soit l'écart le plus grand depuis 2009. Cependant, Yves Krattinger a eu raison de le dire, aucune LPM n'a jamais été respectée. Quoi qu'il en soit, le budget de la défense représente, hors pensions, 1,6 % du PIB. L'amiral Lanxade, le chef d'état-major particulier de François Mitterrand, affirmait pourtant naguère que l'on ne descendrait pas sans risque en deçà de 2 %...
Plus important encore, les missions de nos armées : la protection extérieure du territoire, bien sûr, et de plus en plus, la protection civile intérieure avec la lutte contre le terrorisme et les violences, le secours aux populations, lors de catastrophes naturelles, voire dans la vie de tous les jours. S'y ajoutent la protection des territoires et des départements d'outre-mer et les OPEX, dont je prétends qu'elles sont essentielles à notre position au sein de l'Organisation des Nations Unies (ONU), de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et dans les coalitions temporaires de maintien de la paix.
Ce budget, comme les précédents, s'inscrit dans le cadre d'une loi de programmation militaire que l'opposition actuelle, contrairement à certains ici, a votée. Il précède la LPM du printemps prochain qui sera issue du nouveau Livre blanc. Autrement dit, il s'agit d'un budget de transition, d'un budget d'attente. Je partage l'essentiel des analyses formulées par Yves Krattinger sur les différentes lignes budgétaires.
Je veux dire ma satisfaction de voir la réforme, décidée par le précédent gouvernement et sa majorité, réussir. Aucune administration française, je dis bien aucune, n'avait jamais entrepris une telle réforme. Incluant la création des bases de défense, elle a entraîné une puissante mutualisation des forces et des moyens, ainsi que des économies significatives. Si elle n'est pas achevée, elle se révèle efficace et réaliste partout où elle est mise en oeuvre. Le budget de 2013 en porte la marque. Avec 3,3 milliards d'euros de 2009 à 2013, les ressources exceptionnelles sont globalement conformes à la LPM : le produit des cessions de fréquences hertziennes a dépassé les prévisions, les ventes immobilières sont en-deçà - ce dont on ne saurait tirer grief, compte tenu de la situation économique. Les crédits de la dissuasion nucléaire sont globalement maintenus, malgré un repli de 0,6 milliard d'euros par rapport à la LPM. Enfin les 630 millions de crédits dévolus aux Opex en 2013 pourraient suffire du fait du retrait d'Afghanistan.
En revanche, je ne suis vraiment pas satisfait des crédits affectés à la condition militaire, aux familles des militaires et à l'aide à la reconversion. Cette dernière, indispensable par principe, participe grandement à l'attrait des métiers militaires. Comme Yves Krattinger, je doute que les crédits de 2013 affectés aux mesures catégorielles permettent de rattraper les retards de 2012. Des primes votées n'ont pas été appliquées, les bévues du logiciel Louvois ont provoqué une belle pagaille et un fort mécontentement, bien légitime.
Autre motif d'insatisfaction, l'insuffisance criante des crédits d'entretien des matériels. Cet entretien, exigeant et toujours plus coûteux, est la condition sine qua non du maintien en condition opérationnelle de nos équipements. L'expérience afghane confirme l'importance de leur maintenance lors des périlleuses OPEX. Mais à privilégier l'entretien du matériel destiné aux OPEX, on fragilise nos capacités en métropole et outre-mer. Le raisonnement vaut pour l'entraînement des forces : 105 journées prévues pour l'armée de terre, contre 150 dans la LPM et respectivement 119 et 117 journées réalisées en 2010 et 2011 ; 88 journées pour la marine et 97 pour les grands bâtiments, contre 100 et 110 respectivement prévues ; idem pour l'armée de l'air. Enfin, M. Krattinger l'a dit, la variation constante des prévisions d'économies issues de la réduction des effectifs est irritante.
Un budget doit être sincère, clair et fiable ; il est en somme un contrat de confiance entre le Gouvernement qui propose et le Parlement qui dispose. Le budget de la défense pour 2013 répond-il à ces critères ? A mon avis non. S'il est clair, il n'est pas fiable, ni adapté aux nécessités nationales et internationales. A peine voté, j'en fais le pari, il connaîtra aussitôt ces gels et ces annulations de crédits que nous avons si souvent déplorés. Cela entraînera mécaniquement des reports dans les programmes d'armement qui s'ajouteront à ceux déjà prévus en 2013 à hauteur de 2,2 milliards d'euros. En d'autres termes, ce budget servira de variable d'ajustement. J'en suis d'autant plus certain que les acteurs du Livre blanc ont insisté pour que les reports de programmes de la prochaine LPM ne soient pas anticipés dans ce budget. Cette opération de sursis ne trompe personne. Certains me feront le reproche de porter un jugement négatif par anticipation, je l'accepte. Pour moi, les discours sur la continuité de l'action de l'Etat valent peu de choses si leurs auteurs acceptent une espèce de tronçonnage des budgets les plus importants.
Parce que ces crédits conditionnent la vie et les activités de la défense, il serait irresponsable de préconiser leur rejet. Je propose donc, ce qui me coûte beaucoup, l'abstention. A la majorité, je dirai ceci : votre Gouvernement a su sanctuariser des missions régaliennes comme l'éducation nationale, la justice et la sécurité ; pourquoi ne pas en avoir fait de même pour la défense ? C'était plus que justifié.