La mission « Politique des territoires » vise à soutenir le développement durable des territoires nationaux, dans une perspective de développement solidaire et équilibré.
En dépit d'une baisse marquée de ses crédits par rapport à 2012, de 7,63 % en autorisations d'engagement et de 4,33 % en crédits de paiement, avant le vote de l'Assemblée nationale, la continuité prévaut en 2013. Par ailleurs, ces montants sont conformes aux plafonds prévus par le projet de loi de programmation des finances publiques.
Si cette mission se situe bien au coeur de la politique transversale d'aménagement du territoire, les actions de l'Etat en faveur de cette politique excèdent largement son périmètre, puisque 5 milliards d'euros sont, à ce titre, engagés chaque année. Les deux programmes de la mission ne représentent, en 2013, que 6,5 % de la totalité de ces crédits.
La contraction des crédits ne devrait pas, selon le Gouvernement, poser de difficultés : la réduction du niveau de certains engagements n'affaiblirait pas les politiques mises en oeuvre. Quant aux crédits de paiement, dont la diminution est à mesurer à l'aune des taux de consommation constatés lors des précédents exercices, ils restent à un niveau qui permettra de répondre aux besoins de couverture en paiement des engagements, confirmant le maintien de l'effort de désendettement du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Il faudra veiller, à l'avenir, à préserver ce même équilibre, afin de ne pas reproduire les tensions observées entre 2003 et 2009.
J'en viens aux deux programmes de la mission, dont le périmètre reste stable en 2013.
Le programme, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » ou PICPAT, correspond aux moyens mis à la disposition de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Le programme « Interventions territoriales de l'Etat » ou PITE, relève du Premier ministre mais sa gestion a été confiée au ministère chargé de l'intérieur. Il correspond à quatre actions interministérielles de portée régionale. Dans les deux cas, les actions prévues pour 2013 poursuivent ce qui a été engagé les années précédentes.
Ainsi, les crédits du PICPAT - 263 millions en autorisations d'engagement et 281 millions en crédits de paiement, soit une diminution respective de 6,9 % et 6,56 % par rapport à 2012 - seront principalement employés au financement des dispositifs suivants :
- les contrats Etat-régions, dont la «génération» 2007-2013 entrera en 2013 dans sa dernière année d'exécution ;
- la prime d'aménagement du territoire, outil d'aide à la localisation d'activités et d'emplois dans certaines zones prioritaires du territoire ;
- les pôles d'excellence rurale ;
- le plan d'accompagnement du redéploiement des armées ;
- les pôles de compétitivité, qui devraient être redéfinis en 2013 ;
- les « grappes d'entreprises », variantes des pôles de compétitivité pour des réseaux d'entreprises de petite taille, qui ne disposeront cependant plus que de crédits de paiement en 2013, ce qui marque la fin du soutien public à ces structures.
La majorité des crédits du programme « PITE » - 41 millions en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une diminution de 12 % et 14 % respectivement par rapport à 2012 - est affectée à l'action relative à la Corse, laquelle sera en outre abondée par des fonds de concours, à hauteur de 25 millions d'euros en crédits de paiement, en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ce qui constitue une forme de « débudgétisation» regrettable.
Le PITE retrace quatre actions. Le financement de la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne, via le plan d'urgence nitrates, qui arrive à son terme, et surtout, le plan de lutte contre les algues vertes ; le plan d'investissements en Corse, ci-avant mentionné ; les dépenses consacrées à l'écologie du marais poitevin ; le programme mis en oeuvre à la Guadeloupe et à la Martinique pour faire face aux dangers du chlordécone, pesticide hautement toxique qui a été utilisé contre le charançon du bananier.
Il serait bon, à mon sens, d'améliorer l'évaluation des actions de la mission, dont on mesure mal l'efficacité, en particulier au regard des critères d'égalité entre les territoires. Je me félicite de la création, en septembre 2012, d'une commission sur les missions et l'organisation du ministère de l'égalité des territoires, chargée d'examiner l'hypothèse de la création d'un commissariat général à l'Égalité des territoires, en remplacement de la DATAR, et dont le rapport final sera présenté en février 2013 pour le cinquantième anniversaire de cette dernière.
Près de trente dépenses fiscales sont rattachées au PICPAT pour un montant total minimal estimé de 440 millions d'euros en 2013, soit un total supérieur aux crédits de la mission. Je m'inquiète des résultats issus du rapport Guillaume d'août 2011, consacré aux niches fiscales et sociales, qui s'était montré très critique sur ces dispositifs, jugés pour la plupart inefficaces : sur les 21 dépenses fiscales de la mission évaluées, 18 ont le score le plus faible, soit zéro. Déjà, en octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires avait évoqué des dispositifs « à l'efficacité incertaine ». Une remise à plat de ces mesures me semble, à terme, inévitable.
Bref, une plus grande efficacité des politiques d'aménagement du territoire doit être, à mon sens, recherchée, au-delà même de la présente mission, pour plus de cohérence et de solidarité entre nos régions.
J'en viens au compte spécial « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ), bel exemple de cette solidarité, sur lequel j'ai réalisé un contrôle budgétaire en 2012. Il est devenu, depuis cette année, un compte d'affectation spéciale, en changeant de nom mais pas d'acronyme. Son ancien nom était en effet le « Fonds d'amortissement des charges d'électrification ».
La réforme du dispositif était justifiée : le système devenait de plus en plus risqué pour les élus qui participaient à sa gouvernance, menacés d'être accusés de gestion de fait. De plus, ses recettes, des impositions de toutes natures, n'étaient pourtant pas fixées par la loi. Quant à ses dépenses, elles s'apparentaient à des dépenses publiques, sans que soient cependant respectées les règles de la comptabilité publique.
La gestion de l'ancien Fonds étant assurée par « Electricité de France » (EDF), cela revenait à faire d'une société anonyme, puisque tel est désormais le statut de l'entreprise, le collecteur d'une imposition de toutes natures d'un montant proche de 400 millions, hors du contrôle du Parlement.
La création d'un compte spécial constitue donc un progrès en matière de sécurité juridique, de transparence budgétaire et de contrôle du Parlement.
Reste cependant un aspect très négatif. L'année 2012 a vu s'accumuler les factures bloquées par des circuits de paiements trop longs. La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), qui assure désormais la gestion du fonds, a fait de son mieux, mais ces graves problèmes de paiement, qui ne doivent plus se reproduire à l'avenir, n'ont été résolus qu'au cours de l'été 2012.
Ces retards étaient dus à la fois à l'impossibilité technique de percevoir les recettes, en raison d'une inadaptation de Chorus - le système de gestion de la comptabilité de l'État -, à l'absence de crédits pour couvrir les engagements antérieurs à 2012 et à l'exigence de nouvelles pièces justificatives dans les dossiers de demande de paiement. Je déplore ces graves dysfonctionnements, lourds de conséquences pour certains territoires ruraux et pour de nombreuses entreprises. Il en résulte aussi une sous-consommation des crédits en 2012, surtout en crédits de paiement : la trésorerie disponible en fin d'exercice pourrait être de l'ordre de 150 millions d'euros. Ces crédits seront automatiquement reportés sur 2013, mais j'inviterai le Gouvernement à veiller au bon déroulement des opérations l'an prochain, d'autant que des collègues me confirment que des difficultés persistent sur le terrain.
Les recettes du FACÉ sont assises sur une contribution due par les gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité, au premier rang desquels « Électricité Réseau Distribution France » (ERDF). Le produit de ce prélèvement devrait rester stable en 2013, à 376,4 millions. Le taux appliqué s'établit à 0,0352 centime d'euros par kilowatt-heure en zone rurale et 0,184 centime d'euros en zone urbaine.
Les dépenses du compte spécial consistent dans les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AOD), lesquelles peuvent être des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d'électrification, dès lors qu'elles sont les maîtres d'ouvrage de travaux d'électrification rurale. Les travaux peuvent être pris en charge à hauteur de 80 % hors taxes et les dotations sont notamment réparties en fonction de statistiques sur les départs mal alimentés (DMA), calculées par EDF.
Les investissements sur les réseaux de distribution publique d'électricité peuvent poursuivre diverses fins :
- renforcement des réseaux en vue d'améliorer la qualité de l'électricité distribuée, laquelle peut se dégrader, notamment en zone rurale, en raison de l'augmentation du nombre d'abonnés raccordés sur un départ basse tension ;
- sécurisation des réseaux en prévision des évènements exceptionnels notamment atmosphériques (intempéries, tempêtes), qui peuvent provoquer l'interruption de la fourniture ;
- extension des réseaux afin d'assurer leur développement ;
- enfouissement pour des raisons essentiellement d'ordre esthétique.
Je voudrais conclure en formulant sept recommandations :
- il faudra veiller à ce que le FACÉ conserve un niveau de recettes équivalent à celui de 2012, c'est une condition pour que le niveau global des aides soit stable ;
- les problèmes de paiement rencontrés en 2012 ne doivent plus se reproduire. Il faut optimiser les délais sans conditionner le versement des aides à la communication par les collectivités d'une programmation pluriannuelle détaillée des travaux ;
- les actions de renforcement et de sécurisation doivent demeurer l'axe prioritaire des missions du FACÉ. Il faut en terminer avec la dégradation du service de distribution d'électricité dans les zones rurales, qui se traduit par la multiplication des microcoupures ;
- la transparence dans les critères d'attribution des aides pour l'électrification rurale doit être renforcée, afin d'écarter toute logique d'abonnement de la part des bénéficiaires ;
- l'utilisation de la méthode de calcul des aides, selon les départs mal alimentés (DMA), n'est pas d'une fiabilité totale et pourrait induire des effets pervers, ce qui invite à ouvrir une réflexion à ce sujet ;
- le mécanisme de répartition des charges et des produits entre les communes rurales et les communes urbaines doit rester identique. Les analyses de la DATAR sur l'évolution de la ruralité pourraient contribuer à affiner les critères de classement des communes, en prenant notamment en compte les conditions d'isolement. Il serait bon, également, d'engager une réflexion sur la variation des taux d'aides, aujourd'hui uniformes, selon les collectivités et la nature des travaux ;
- la mutualisation des infrastructures, enfin, pour le déploiement de la fibre optique en zone rurale ou l'éclairage public, est souhaitable mais ne doit pas conduire à réduire indirectement les aides destinées aux travaux d'électrification rurale.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Politique des territoires » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».