Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Edmond Hervé, rapporteur spécial, sur la mission « Justice » (et article 66 bis).
Le budget de la justice, érigé, avec l'Éducation nationale et la sécurité, en priorité, fait figure d'exception dans ce projet de loi de finances. Les dépenses progressent de 3 % hors pensions ; 480 postes sont créés dont 142 pour la justice judiciaire, 133 pour l'administration pénitentiaire et 205 pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Cette inflexion nouvelle se retrouve dans la politique immobilière, tant pour ce qui concerne le TGI de Paris que les partenariats public-privé (PPP) ou les centres éducatifs fermés (CEF).
Le programme « Justice judiciaire » progresse de 3,6 % en crédits de paiement. Il n'en va pas de même des autorisations d'engagement, étant entendu que la garde des Sceaux a, à bon droit, choisi de prendre le temps de la réflexion sur les PPP. Les 142 postes créés iront aux magistrats, aux greffiers ainsi qu'à la transformation d'emplois de catégorie C. Les greffiers ne sont pas pleinement satisfaits, cependant, et j'espère que l'effort en leur faveur se poursuivra en 2014, car le ratio de un greffier pour un magistrat n'est toujours pas atteint. Si la création d'un secrétariat administratif des services judiciaires est positive, elle n'a cependant pas suffi à recentrer les greffiers sur leur corps de métier. Sans compter qu'ils ne bénéficient pas d'une revalorisation indiciaire. L'enveloppe d'un million d'euros prévue à cet effet l'an dernier n'a pas été engagée. Quelques nominations symboliques me paraîtraient, dans ces conditions, de nature à apaiser les esprits.
Je ne m'étends pas sur les frais de justice, dont on dénonce depuis longtemps, depuis le premier rapport de M. du Luart jusqu'à l'enquête conduite par la Cour des comptes en octobre, la sous-évaluation chronique. Celle-ci nuit à l'image de la justice et pose de vrais problèmes à certains experts, parmi lesquels les psychiatres. L'augmentation des frais de justice est mécaniquement liée à l'augmentation du contentieux, dont nous sommes en partie responsables, pour avoir multiplié les lois prévoyant des investigations sophistiquées, jusqu'à la recherche ADN. On peut se féliciter, cette année, de choix judicieux - révision des tarifs forfaitaires, procédures d'appels d'offres -, sources d'une économie substantielle, de 13 millions d'euros. Toutefois l'enveloppe des frais de justice continue de progresser : 532,5 millions d'euros contre 477 en 2012. Sachant que nombre de frais dépendent de commandes de la police et de la gendarmerie qui peuvent échapper aux procureurs, il faut saluer les efforts de concertation engagés, sous forme de réunions trimestrielles destinées à anticiper. La liberté de prescription du magistrat pose le problème de l'égalité des justiciables : si l'un d'eux réclame une expertise et que le magistrat lui refuse, il peut, s'il en a les moyens, la faire réaliser lui-même.
J'en viens à ce serpent de mer qu'est le dossier du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, dont le déménagement de l'île de la cité aux Batignolles est prévu pour 2015. A un coût de 623 millions en 2009 passé à 671 millions en 2012, s'ajoute l'augmentation du loyer, sur un contrat de 27 ans, de 84 millions à 114 millions. Au point que la garde des Sceaux a diligenté un audit de l'inspection générale des services juridiques (IGSJ) sur les conditions de financement de l'opération. Ce dossier est symptomatique d'un réel problème sur l'immobilier à Paris et dans sa région. Il manque sans nul doute un patron pour traiter cette question.
Les crédits du programme « Administration pénitentiaire » augmentent de 6 %, ceux dédiés spécifiquement au personnel progressant de 4,8 % : 133 créations nettes d'emplois sont prévues, auxquels s'ajouteront 160 redéploiements. L'effort portera sur l'équipement des nouveaux établissements, le renforcement des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et la lutte contre la récidive. La création, enfin, de 15 emplois équivalent temps plein (ETP) au bénéfice des aumôneries musulmanes traduit une nouvelle conception de la laïcité dans l'univers pénitentiaire. Je m'en réjouis, car j'avais attiré, dès 2009, l'attention du garde des Sceaux de l'époque sur le grand déséquilibre entre les aumôneries, sachant combien la présence d'un représentant qualifié est un élément d'équilibre propre à éviter les dérives. Reste à trouver des candidats qui se soumettent à l'éthique républicaine et à les former.
Les SPIP bénéficieront de 33 postes supplémentaires. Vous trouverez, dans mon rapport, un tableau retraçant l'épineux problème de la surpopulation carcérale, par établissement. Le taux moyen, de 117 %, atteint 134 % dans les maisons d'arrêt et jusqu'à 200 % dans six établissements.
La programmation des investissements pour la période 2013-2015 se centrera sur les opérations engagées en mai 2012 et sur les mises en conformité les plus urgentes. La garde des Sceaux a décidé de revoir les financements à la baisse, pour tenir compte des nouvelles orientations de la politique pénale.
La question du transfert des détenus mérite que l'on s'y arrête. Jusqu'en 2011, ces transferts étaient de la responsabilité de la gendarmerie et de la police. Par souci de simplification, c'est le personnel pénitentiaire qui en a été depuis chargé, et le reversement de 800 ETP, dont 65 % issus de la gendarmerie et 35 % de la police, était prévu à cette fin. Mais c'était sans compter avec les différences de fonctionnement et de formation, qui ont conduit à suspendre le processus à la demande de l'administration pénitentiaire. Une mission d'étude a été diligentée, qui rendra son rapport fin 2012.
La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) constitue l'une des grandes priorités de ce budget. Elle bénéficie de 250 emplois supplémentaires, dont 178 d'éducateurs, après avoir perdu, entre 2009 et 2012, du fait de la révision générale des politiques publiques (RGPP), 140 postes. L'objectif est que toute mesure judiciaire soit traitée dans les cinq jours, sachant qu'il existe de grandes disparités selon les régions. En Bretagne, le délai moyen est de trois heures, ce qui est loin d'être le cas partout.
La proposition du candidat François Hollande de doubler le nombre des CEF, de 43 aujourd'hui à 80 en 2017, ayant suscité la polémique, la garde des Sceaux a décidé de faire dresser un état des lieux par l'IGSJ et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui rendront leur rapport début 2013. Pour moi, tout ne doit pas reposer sur les centres fermés. Je rends hommage au dévouement des familles d'accueil, dont la rémunération, limitée à 31 euros par jours, passera, grâce à un redéploiement de crédits, à 36 euros. Le prix de journée dans les CEF sera quant à lui ramené de 578 euros en 2012 à 558 euros en 2013, le taux d'encadrement passant de 27 à 24 ETP dans les CEF publics.
Le secteur associatif habilité est également un partenaire important, puisqu'il gère 1 168 établissements. Or, nous cumulons, d'année en année, les retards. Il est ici proposé d'abonder les crédits de 10 millions d'euros pour limiter les arriérés de paiement, sachant que le report de charge était de 34,4 millions d'euros fin 2010, de 40,2 millions d'euros fin 2011 et devrait atteindre 38 millions d'euros fin 2012. Il est bon de rappeler que 75 % des jeunes pris en charge n'ont pas récidivé.
Le programme « Accès au droit et à la justice » regroupe 4,4 % des moyens de la mission. Ses crédits sont en baisse en raison d'une diminution des coûts liés à la réforme de la garde à vue. A ceux qui s'inquiètent, dans les départements, du devenir des maisons de la consommation et de l'environnement, dont la mission principale est juridique, j'indique que ces dépenses ne sont pas prises en compte dans ce programme.
J'en arrive au programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice ». En ce qui concerne l'immobilier parisien, l'éclatement des compétences, entre l'administration centrale et l'agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) ne favorise pas l'unité. L'administration centrale est aujourd'hui dispersée sur sept sites, l'objectif étant, depuis 2008, de réunir cinq de ces implantations. Le loyer pour ces cinq sites s'élevant encore à 23,9 millions en 2013, il est prévu un regroupement dans le XIXème arrondissement, rue de la Gare, après livraison au premier trimestre 2015, pour un coût de 180 millions dont le mode de financement n'est pas encore arrêté.
La place du privé dans le parc pénitentiaire mérite réflexion. Les crédits destinés aux marchés de gestion déléguée et au paiement des loyers liés aux PPP qui s'élevaient respectivement à 295 millions et 114 millions, passeront à 304 et 124 millions en 2013, soit 13,5 % du budget de l'administration pénitentiaire. Les PPP concernent 51 établissements qui regroupent 49 % de la population pénale. Coûts croissants, difficultés du contrôle, durée de l'engagement, affaiblissement des politiques et du Parlement, autant de motifs qui ont déterminé la garde des Sceaux à écarter tous les projets de PPP non encore engagés, ainsi qu'elle s'en est expliqué, le 25 septembre, en réponse à M. Mirassou. Seuls les projets déjà bien avancés ou les rénovations urgentes de bâtiments vétustes ne sont pas annulés.
Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), installé avenue de Ségur, ne paie pas de loyer mais seulement 60 000 euros de participation aux charges. Contraint cependant de déménager, il est prévu qu'il soit réinstallé, à terme, dans les locaux rendus vacants par le déménagement du TGI de Paris, en 2018. Il faudra donc trouver, dans l'intervalle, un autre lieu, d'où l'augmentation des crédits pour 2013.
Mes compliments au rapporteur spécial pour la clarté de son exposé. Je note avec satisfaction une amélioration sur certains postes, mais ce n'est hélas pas le cas pour tous.
Auriez-vous quelque éclairage à nous donner sur la récente affaire d'enlèvement ? Le ravisseur, qui était sous un régime de probation, a échappé à tout contrôle judiciaire. Est-ce une faute ou une erreur ? Y a-t-il eu des dysfonctionnements, et lesquels ?
Je m'associe aux compliments de M. Trucy. En cette période de crise, l'institution judiciaire est appelée à prendre en charge des situations humaines difficiles, qui tendent à se multiplier. Il nous faut y porter un regard compréhensif, et trouver la voie de la cohérence.
Pour la protection judiciaire de la jeunesse, des flottements demeurent : comment trancher entre ce qui relève de l'État et ce qui relève de l'aide sociale à l'enfance, donc des départements ? Comme président de conseil général, j'ai pu observer que le juge a tendance à nous confier des jeunes qui ont déjà commis des actes de délinquance, et devraient donc être placés sous la responsabilité de la PJJ. Raréfaction des moyens ? En tout état de cause, la justice se dessaisit de sa charge. J'en veux pour preuve la circulaire ministérielle, qui prévoit que les personnes mises en liberté sous bracelet électronique bénéficient du revenu de solidarité active (RSA). Et elles sont dispensées, qui plus est, de la journée de sensibilisation organisée pour tous les allocataires. Or, aucune concertation n'a eu lieu avec les conseils généraux.
Vous avez évoqué la place importante des associations. Mais alors que l'implication des agents est essentielle au fonctionnement de la justice, on est en droit, par conséquent, de s'interroger sur les conséquences des conventions collectives et de la durée du temps de travail, qui pèsent lourd dans le budget. Si l'on ne fait pas bouger les lignes, on ne pourra pas s'en sortir.
Merci à notre rapporteur spécial. L'augmentation de ce budget répond aux priorités annoncées, dont acte. Je ne m'en interroge pas moins sur l'insuffisance du rattrapage au profit des greffiers. La politique de gestion des ressources humaines n'est pas moins préoccupante, M. Hervé, que les données immobilières. Pourquoi ne pas inciter le personnel d'autres ministères à se former au métier de greffier, qui manque de 1 500 professionnels ?
Quel montant global représente l'augmentation des indemnités journalières des familles d'accueil ? Sur quelles économies en fonctionnement est-elle gagée ?
Que les dépenses de personnel du CSM augmentent de 10 % me surprend. A quelle nécessité cela répond-il, en ces temps de rigueur ?
Je salue l'effort sur ce budget pour 2013, qui respecte la priorité accordée à la justice, à l'image des autres priorités de ce projet de loi de finances.
Le nombre des greffiers, nous en sommes tous conscients, est insuffisant, au point que le travail des juges s'en trouve compliqué. Je salue l'effort engagé cette année ; il va dans le bon sens. Il faudra poursuivre. Permettez-moi de plaider pour ma paroisse en évoquant le greffe du tribunal du Ier arrondissement, en charge des Français de l'étranger. Il y manque tant de greffiers que le délai de délivrance des certificats de nationalité peut aller jusqu'à deux, voire trois ans !
Un mot sur l'évolution du secteur médical en prison. J'ai été frappé, lors de mes visites, de l'importance qu'a prise la psychiatrie : 15 % à 25 % des détenus relèvent de soins psychiatriques plus ou moins lourds. La prison n'y est pas adaptée ; les surveillants le disent eux-mêmes, ils ne sont pas des infirmiers psychiatriques ! Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?
Quant au travail en prison, les possibilités en restent très limitées, et sont même en recul. Sans parler de l'insuffisance des rémunérations.
Mes félicitations à notre rapporteur spécial.
Pour le transfert des détenus, j'avais suggéré une mesure de bon sens à M. Perben, à Mme Dati, à M. Mercier, qui y ont tous vu une excellente idée, sans pourtant jamais la mettre en oeuvre. Hors le transfert d'une prison à une autre, qui exige des précautions, il est de nombreux allers-retours entre la prison et le Palais de justice, parfois pour une simple signature, qui pourraient être épargnés pour peu que les magistrats se déplacent dans les établissements, où leur serait réservée une salle ad hoc. Voilà qui serait tout à la fois moins onéreux, et plus sûr.
Nos concitoyens reprochent à leur justice sa lenteur, mais aussi son ésotérisme. La langue de nos magistrats est un tel galimatias que bien des prévenus ne comprennent pas pourquoi ils sont condamnés ou relaxés. Notre rôle de parlementaires n'est-il pas de la dépoussiérer ? La langue française est assez riche pour rester claire, que diable !
Merci à notre rapporteur spécial. Vous indiquez, page 62 de votre note de présentation, que certaines performances sont difficiles à appréhender, comme la part des jeunes de moins de 17 ans n'ayant ni récidivé, ni réitéré, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année. L'objectif pour 2013 serait de 76 %, pour atteindre 78 % en 2015. Dispose-t-on, à l'inverse, de statistiques sur la récidive des primo-délinquants, sachant que le passage en prison transforme bien souvent le simple voleur de mobylette en trafiquant de drogue ? L'action publique pour y remédier vous paraît-elle suffisante, notamment pour ce qui concerne les peines appliquées ?
Le ratio de un greffier pour un magistrat n'est toujours pas atteint. Pour susciter des vocations, un rattrapage indiciaire ne serait pas mal venu. Comment expliquer que le million budgété l'an dernier à cette fin n'ait pas été engagé ?
Je me félicite comme vous de l'affectation de 55 millions supplémentaires aux frais de justice, qui mettra fin à l'insincérité budgétaire que nous déplorions depuis plusieurs années.
Je ne vous suis pas, en revanche, sur le pénitentiaire. Voilà des années que nous dénonçons la surcharge des prisons. Or, la seule façon de combler le retard passait par le PPP. Dans mon département, il a permis, en 2011, d'engager la reconstruction de la maison d'arrêt que l'on nous promettait depuis 1952 !
Vous évoquez des taux de surpopulation dépassant les 200 %. Mais il faut distinguer entre la métropole et l'outre-mer. Les 228 % de Mayotte tiennent pour beaucoup à la présence de Comoriens, où leur pécule représente le double de leur revenu à l'extérieur.
Les centres de détention deviennent des ateliers dérégulés. C'est une forme de délocalisation que d'y faire réaliser des travaux de sous-traitance. Visitez-les donc ! Y mettre bon ordre serait une autre façon d'illustrer le rapport Gallois.
Je n'en sais pas plus que vous, M. Trucy, sur l'affaire que vous évoquez. Il semble que la personne, détenue dans un département, ait ensuite été domiciliée dans un autre.
M. Arthuis a posé l'éternelle question de la relation entre le judiciaire et le social. Je le renvoie à l'excellent ouvrage de M. Magendie, ancien président de la cour d'appel de Paris, qui insiste sur la nécessité d'une approche collective du travail des magistrats. Il reste beaucoup à faire en la matière, et c'est pourquoi je suis très favorable aux pôles. Comptent aussi les relations avec les conseils généraux. Les magistrats arguent qu'ils doivent se recentrer sur leur coeur de métier, dont ne fait pas partie la recherche d'un accueil pour un jeune. Il est d'autant plus nécessaire de savoir dialoguer. Et ce n'est pas parce que l'on dialogue que l'on perd son pouvoir ; l'obligation de réserve n'interdit pas le dialogue.
L'évolution de la rémunération des familles d'accueil, M. Delahaye, représentera un surplus de 700 000 euros. La difficulté d'accueillir des malades psychiatriques en prison, M. Yung ? Le fait est qu'il se trouve en prison des gens qui ne devraient pas y être. Il y a, à la racine, un problème financier : qui doit payer, la sécurité sociale ou l'État ? Les psychiatres, aujourd'hui, sont pénalisés par les arriérés de frais de justice. Et la rémunération à l'acte n'est guère adaptée à l'exercice en milieu pénitentiaire, qui demande du temps.
Le travail en prison ? 5 % seulement des prisonniers ont un travail qui découle de commandes extérieures. Et il suscite, de surcroît, bien des litiges, puisque des entreprises privées y voient une concurrence déloyale. Quant aux difficultés de l'industrie, elles se répercutent en prison, c'est le cas pour le secteur automobile.
Le transfert de détenus est un sujet délicat. C'est pourquoi la garde des Sceaux a diligenté une étude. Déplacer les magistrats ? Il faut savoir qu'ils ont une conception très particulière de leurs fonctions. Si le transfèrement est difficile à organiser, c'est bien parce que l'organisation de leur travail ne répond pas entièrement à des principes cartésiens. Une entrevue avec un magistrat peut durer de 10 minutes à deux heures. Pris individuellement, chaque cas est facile à résoudre, mais il y en a des multitudes. A quoi s'ajoute le problème de l'éloignement croissant des prisons. D'où l'importance de la maîtrise foncière.
L'ésotérisme de la langue judiciaire, M. Fortassin ? Il est vrai que la clarté de la langue est une condition première, mais charité bien ordonnée commence par soi-même : je ne suis pas sûr que chaque citoyen soit en mesure d'appréhender la langue de nos textes de loi. Ce fut pour moi une erreur du législateur que d'avoir abandonné l'écriture de la loi, et j'estime que nous devrions reprendre la plume. Compte aussi le dialogue, le président du comité local de prévention de la délinquance que je suis peut en témoigner. Les rentrées solennelles du barreau ont également, à cet égard, leur importance, car elles sont les seuls moments où les décideurs entendent parler de la justice.
Les statistiques de la récidive, M. Collin ? Nous sommes là hors champs financier, mais je vous fournirai des chiffres.
Avec les greffiers, M. du Luart, la négociation est en cours. Le corps, qui a beaucoup renforcé ses compétences, n'a pas voulu s'engager au débotté dans une réforme de sa situation statutaire, si bien que le dialogue n'a pas encore abouti. Reste que ce budget fait ressortir leur situation comme une priorité, et je souhaite qu'elle se confirme l'an prochain.
Je ne suis pas hostile au principe du PPP, mais il y faut une maîtrise d'ouvrage très forte si l'on veut éviter des dérives coûteuses. Les parlementaires devraient s'interroger sur la pertinence des lois de programmation. J'ai toujours été hostile à leur multiplication, qui a cet effet que la loi de finances n'est plus que l'addition annuelle d'obligations. Nous en sommes un peu là avec les PPP. L'attitude de la garde des Sceaux, qui veut approfondir la réflexion, me paraît positive. Elle est d'ailleurs suivie en cela par la ministre de la recherche.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Justice »
L'article 66 bis, rattaché pour son examen à la mission « Justice », a été voté par l'Assemblée nationale à la demande du Gouvernement, à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité. L'article 800-2 du code de procédure pénale dispose pour l'heure que les frais de transport et d'avocat peuvent être remboursés à toute personne visée par une décision juridictionnelle de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. Le Conseil constitutionnel ayant estimé que le périmètre des personnes concernées par ces remboursements était trop limité, l'article 66 bis en étend le champ d'application à toutes celles faisant l'objet d'une décision autre qu'une condamnation ou qu'une déclaration d'irresponsabilité pénale (citation à comparaître, reconnaissance de responsabilité civile, par exemple). C'est là une question d'égalité, de liberté et de justice.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 66 bis (nouveau) du projet de loi de finances pour 2013.
- Présidence de M. Philippe Marini, président -
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Michel Berson et Philippe Adnot, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Philippe Adnot s'occupe du programme 150 « Recherche et enseignement supérieur », dont l'enveloppe s'élève à 12,8 milliards d'euros, et du programme 231 « Vie étudiante » relatif aux bourses, à hauteur de 2,3 milliards d'euros.
La mission représente 26 milliards d'euros, dont 23 milliards financés par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche qui en est le chef de file. En plus des deux grands volets que sont les programmes 150 et 231, elle comprend trois programmes de recherche, pour 5,2 milliards d'euros, finançant notamment le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le Centre national d'études spatiales (CNES). Le reste des programmes, soit seulement 3 milliards d'euros, relève de cinq autres ministères.
C'est une mission privilégiée par rapport aux autres, qui témoigne des priorités du Gouvernement. Les crédits prévus sont en effet supérieurs de 338 millions d'euros à ceux qui résulteraient de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) adoptée par la précédente majorité, ce qui est conforme à la logique du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi. En outre, alors que l'ensemble des crédits de paiement du budget général, hors contribution directe de l'Etat au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », seront gelés en valeur en moyenne de 2013 à 2015, ceux de cette mission augmentent de 2,1 % en 2013. Si l'on tient également compte de la contribution des opérateurs au CAS « Pensions », l'augmentation n'est toutefois plus que de 1 %. Si l'on veut maintenir constant en points de PIB l'effort engagé en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche dans les années à venir, ce n'est pas de 0,4 % que les crédits de paiement doivent augmenter, comme le prévoit le projet de LPFP dans le cas des années 2014 et 2015, mais d'environ 3 %.
Les moyens relatifs à la recherche et à l'enseignement supérieur sont bien plus importants que les crédits de la présente mission. Si l'on prend en compte les investissements d'avenir et le crédit d'impôt recherche (CIR), on parvient à un effort total qui augmente de 7 % en 2013, et autant en 2014, avant de se stabiliser en 2015.
Le redéploiement des crédits de l'Agence nationale de la recherche (ANR) est une autre caractéristique du budget de cette mission. Celle-ci perd en effet 73,2 millions d'euros, qui contribuent à financer l'augmentation de la dotation des différents opérateurs : le CNRS d'abord, pour 72,8 millions d'euros ; le CEA à hauteur de 29,3 millions ; l'Inserm également, pour 21,6 millions. Cette décision répond aux plaintes de certains chercheurs, qui estiment leurs laboratoires insuffisamment dotés. Néanmoins, c'est apporter une mauvaise solution à un vrai problème : l'insuffisance de moyens de certaines unités de recherche. De surcroît, seulement 15 % de la subvention de l'ANR permet de financer les coûts indirects des projets qu'elle soutient (4 % de frais de gestion et 11 % de préciput) : c'est insuffisant, car il faudrait arriver à 20 %, et cela conduit les organismes concernés à dépouiller certains laboratoires au profit des projets financés par l'ANR.
L'agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), autorité administrative indépendante, est aujourd'hui sur la sellette : le rapport de l'Académie des sciences de septembre 2012 demande sa suppression et propose la mise en place de structures d'évaluation dépendant directement des universités et des organismes de recherche. Il s'agirait là d'un véritable recul : comment garantir l'objectivité et l'homogénéité de l'évaluation dans cette hypothèse ?
Le problème posé par la dette de la France à l'égard de l'Agence spatiale européenne se pose à nouveau cette année. L'an dernier, je jugeais déjà peu vraisemblable son apurement à l'horizon 2015. Aujourd'hui, les responsables du CNES le reconnaissent enfin. L'échéance de 2020 serait plus raisonnable, d'autant que, dans le cadre du conseil de l'Agence spatiale européenne qui se tient en ce moment, la France défend le lancement d'un programme Ariane 6 qui sera probablement source de coûts supplémentaires.
L'article 55 du projet de loi de finances pour 2013 est un article de seconde partie non rattaché. Il permet, pour les PME, l'extension du CIR à certaines dépenses d'innovation, source de compétitivité, donc de croissance et d'emplois. Mais son financement partiel par la suppression des taux majorés de CIR dont bénéficient les PME entrant dans le dispositif est inopportun : il est en effet paradoxal de demander aux PME de financer des mesures dont elles bénéficient ! Le rapport Gallois a repris l'idée que je préconisais, avant que le Gouvernement ne la fasse sienne : garantir la stabilité du CIR, ce qui n'empêche pas d'y apporter de nécessaires modifications à la marge.
Enfin, soulignons que ce projet de loi de finances préserve l'emploi dans la recherche publique. En 2013 en effet, 68 449 emplois dans les organismes de recherche seront reconduits. Les moyens des laboratoires seront augmentés de 54 millions d'euros, ce qui permettra de financer les départs en retraite et évitera de futures difficultés.
Je rends hommage à l'implication et à la liberté d'esprit du rapporteur spécial. Sa présentation, plus qu'un simple commentaire des crédits, était porteuse d'une véritable valeur ajoutée. Nous sommes de surcroît sensibles à l'accent mis sur l'évaluation de la recherche.
Je salue Dominique Gillot, de la commission des affaires culturelles, avec laquelle je mène une mission de contrôle. Je remercie le rapporteur Berson pour la qualité de sa présentation globale.
Les programmes 150 et 231 pèsent respectivement 12,8 et 2,3 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable. Les crédits de paiement du premier progressent d'un peu moins de 2 %. Mais cette évolution est à relativiser, compte tenu de l'augmentation parallèle des contributions du CAS « Pensions ».
Avec l'accession aux responsabilités et compétences élargies des universités de la Réunion, d'Antilles-Guyane et de Polynésie française, l'autonomie deviendra en 2013 le droit commun des universités. Les dépenses de masse salariale, et plus particulièrement celles relatives au glissement vieillesse-technicité (GVT), sont, de nouveau, au coeur du débat. Quelques précisions préalables : le GVT présente un enjeu financier relativement faible au regard de la masse salariale totale (entre 30 et 40 millions d'euros). Le GVT se subdivise ensuite en un GVT « subi » (relevant d'éléments extérieurs aux établissements qui le subissent) et un GVT « consenti » (par les mesures que prend l'établissement autonome). On parle également de GVT positif et négatif, ce dernier étant toutefois bénéfique pour l'établissement puisqu'il traduit le remplacement de fonctionnaires âgés par de plus jeunes, moins bien payés. En 2011, les universités ont conclu un accord visant à éviter de faire contribuer les bénéficiaires d'un GVT négatif au budget de celles qui ont un GVT positif. Une solution doit être trouvée pour que chaque acteur assume ses responsabilités de gestionnaire autonome, ce qui exclut notamment l'hypothèse d'une prise en charge totale par l'Etat à long terme.
Selon les données du ministère, la situation financière des universités est globalement satisfaisante. Mais certaines d'entre elles connaissent des difficultés qui ne sont parfois qu'apparentes car d'ordre comptable, mais vont tout de même de 100 000 euros à 15 millions d'euros. Le ministère a mis en place un dispositif de suivi, d'alerte et d'accompagnement. J'approuve la démarche suivie : il s'agit d'accompagner des établissements devenus autonomes tout en évitant une tutelle rectorale. Chaque acteur doit pouvoir progresser dans sa gestion propre.
Enfin, le ministère envisage de revoir en 2013-2014 le modèle SYMPA, créé en 2009 pour répartir les moyens des établissements en fonction de l'activité réelle d'une part (à hauteur de 80 %), et d'autre part de la performance des établissements (à hauteur de 20 %). La mise en oeuvre de ce dispositif est en effet loin d'être satisfaisante : le modèle SYMPA n'a porté que sur 2 milliards d'euros par an environ, puisque la masse salariale n'y est pas incluse ; en outre, il n'a pas permis la réallocation espérée des moyens budgétaires entre universités sur-dotées et universités sous-dotées.
L'amélioration de la réussite en premier cycle constitue de nouveau une des priorités, légitime, du ministère. Les précédentes initiatives dans ce domaine n'ont pas donné de résultats probants. La création de 1 000 postes par an, mesure phare du budget pour 2013, doit s'accompagner d'engagements contractuels ciblés prioritairement sur les universités sous-dotées.
Enfin, je voudrais apporter un éclairage sur l'immobilier universitaire, et notamment sur l'opération Campus, dont le financement repose en majeure partie sur des crédits extra-budgétaires. La phase opérationnelle de ce plan étant très lente, une revue générale de l'opération a été demandée par la ministre au mois de juillet dernier.
La labellisation s'est faite progressivement : les dix premiers campus retenus dans le projet ont été regroupés sous l'appellation de « campus d'excellence », puis au fur et à mesure des demandes des autres établissements sont apparus les campus « prometteurs » et « innovants ». A mon sens, nous aurions intérêt à ce que l'ensemble de notre enseignement supérieur progresse, donc à limiter la multiplication de ce type de catégories qui profitent à certains établissements à l'exclusion de tous les autres.
La mission d'évaluation sur les partenariats public-privé universitaires achevée en octobre dernier s'est interrogée sur le recours systématique à ce montage juridique. Cela me fait penser au débat que nous avons eu en commission sur l'article 15 du projet de loi de finances. Il est bon que le ministère se soit engagé à regarder cette question : à mon avis, les PPP sont un risque de « rigidification » des budgets à terme.
Quelques universités ont déjà pu passer à l'autonomie immobilière. 21 millions d'euros sont dévolus à celles qui ont accédé à l'autonomie en 2011. Les autres projets sont en revanche suspendus dans l'attente des orientations qui seront définies à l'issue des Assises. Dans le cadre du rapport de la mission de contrôle que j'ai menée avec Jean-Léonce Dupont, j'avais attiré l'attention sur la question de la soutenabilité financière de la dévolution dans l'hypothèse où elle était demandée par toutes les universités : nous n'aurions alors plus les moyens de couvrir toutes les dotations aux amortissements.
Le programme « Vie étudiante » est en augmentation de 7 %. Un effort de budgétisation plus sincère a été mené. Mais ce poste de dépenses, qui répond à une logique de « guichet », reste délicat à prévoir.
S'agissant des aides au mérite, il m'a été rapporté que certaines sont attribuées pour deux ans. Cela n'est pas satisfaisant : il faut attribuer les bourses à des étudiants motivés et non à ceux qui ne cherchent qu'un « statut social ».
La priorité donnée au logement étudiant a été réaffirmée par l'annonce d'un programme de construction de 40 000 logements étudiants sur cinq ans. Une dotation supplémentaire de 20 millions d'euros est prévue à ce titre pour 2013. Je l'ai dit à tous les ministres successifs et le répète ici : intégrer le logement étudiant dans le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche est une mauvaise idée. Chacun devrait se concentrer sur son coeur de métier. Le logement étudiant relève de la ville pour les choix urbanistiques, des opérateurs qui savent construire de manière efficace et rationnelle, ainsi que des collectivités locales. Dans le département de l'Aube, le conseil général, maître d'ouvrage dans la construction universitaire comme dans celle de logements étudiants, donne ces derniers en gestion au CROUS pour 90 euros par mois, celui-ci les louant à son tour pour 300 euros. Nous ferions mieux d'utiliser ces crédits de l'enseignement supérieur pour les missions qui sont les siennes. C'est l'objet d'un amendement que je présenterai.
Les établissements d'enseignement supérieur à gestion associative, qui représentent plus de 70 000 étudiants, sont assez mal servis par ce budget. Un effort important leur est demandé en 2013. Cet effort représente presque 8 millions d'euros si l'on tient compte de la non-reconduction des crédits en provenance de la mission « Travail et emploi » dont bénéficiaient ces établissements en 2012. Je vous proposerai un amendement permettant d'en rediriger la moitié - 4,9 millions d'euros exactement - vers ces établissements, compensé par un prélèvement sur les crédits du logement étudiant. Les collectivités locales peuvent parfaitement financer l'effort nécessaire.
Nous saluons la pertinence de votre analyse et les propositions concrètes que vous formulez.
- Présidence de M. Roland du Luart, vice-président -
Je remercie votre commission pour son accueil et le travail qu'elle a accompli en coopération avec la commission des affaires culturelles. Je partage nombre des constats des deux rapporteurs.
Les modalités de gestion des établissements doivent impérativement être clarifiées. Il a été décidé de ne pas remettre en cause le passage à l'autonomie de tous les établissements en 2013, mais ceux-ci n'en doivent pas moins améliorer leur performance et l'efficience de leur gestion. A cette fin, il faut rendre plus lisibles les financements apportés par l'Etat, mais aussi rendre plus fiable l'analyse, la notification et le suivi des besoins de chacun en matière de masse salariale. L'enjeu en matière de GVT, de 35 à 40 millions d'euros, est infime, et ne doit pas masquer d'autres enjeux plus importants. Beaucoup de collectivités locales ont assumé cette charge au moment de la décentralisation : les universités et organismes de recherche peuvent le faire. Le développement de leurs compétences gestionnaires est en outre indispensable dans un contexte de raréfaction des ressources financières.
Je partage votre critique du modèle SYMPA. Un accord doit être trouvé avec les représentants des universités sur les critères de calcul des moyens alloués, en respectant des principes de transparence et d'équité.
Les dispositifs d'appui à la réussite des étudiants ne doivent pas concerner que les bacheliers professionnels. La critique sévère qui est faite du Plan « Réussite en licence » est justifiée, puisque le taux d'obtention de la licence en trois ans diminue. La création de mille postes doit faire l'objet d'une contractualisation, destinée à évaluer efficacement l'utilisation de ces moyens supplémentaires et à les conditionner à la réussite effective des étudiants tout au long de leur parcours universitaire.
La continuité des programmes d'investissements lancés dans le cadre du plan Campus suscite des interrogations, qu'il s'agisse d'équipements neufs ou d'opérations de rénovation. Je partage la prudence du rapporteur s'agissant des grands travaux : ceux-ci sont souvent source de rigidité dans les budgets ultérieurs.
J'approuve la transparence accrue dont le programme « Vie étudiante » fait preuve. Celui-ci ne concerne pas que les bourses et le logement. La conférence des présidents d'universités (CPU) intègre désormais la « vie étudiante » dans ses indicateurs de performance.
La prise en charge réelle et complète du CAS « Pensions » me préoccupe. Il ne faudrait pas que, faute de crédits suffisants cette année, les critiques habituelles soient réitérées l'année prochaine sur la fiabilité de l'évaluation de la masse salariale.
Enfin, bien que ce soit extérieur au budget, j'attire votre attention sur le rayonnement international des établissements français et l'accueil réservé aux étudiants étrangers. Les difficultés de Campus France s'expliquent par l'assimilation de l'accueil d'étudiants étrangers à un risque d'immigration non contrôlée d'une part, et par la modification des modalités d'accueil d'autre part. En effet, l'EPCI créé par la loi peine à reprendre la totalité des missions précédemment assurées par les opérateurs, et a modifié profondément le modèle économique de prise en charge des bourses par les gouvernements étrangers. La charge est devenue insupportable pour certains d'entre eux.
Je remercie MM. les rapporteurs pour la qualité de leurs rapports.
Lors de sa récente conférence de presse, le président de la République s'est montré hostile à la technique de la fracturation hydraulique pour l'extraction des gaz de schiste, mais a souhaité que les recherches se poursuivent. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les crédits alloués à ces recherches, dans lesquelles le rapport Gallois voit une source essentielle de compétitivité énergétique pour la France ?
Je félicite à mon tour les rapporteurs spéciaux pour les éclairages qu'ils nous apportent.
Les écoles d'ingénieurs dépendant du ministère de l'agriculture estiment subir un mauvais traitement dans ce projet de budget. Est-il possible de compléter leur dotation ?
Avez-vous eu accès au rapport de la Cour des comptes relatif à la gestion douteuse de l'Institut d'études politiques de Paris, censé former les acteurs de la bonne gouvernance ? N'y a-t-il pas un message à faire passer, par exemple en diminuant sa dotation ?
Prenons garde aux effets d'annonce. Les pages de la note de présentation consacrées aux investissements d'avenir sont extrêmement sévères. Le ministère connaît-il précisément le montant des dépenses effectivement décaissées ? Sur les 5 milliards d'euros du plan Campus, peu a été dépensé... Le financement de ces 5 milliards devait être assuré par les collectivités territoriales à hauteur d'un milliard, ainsi que par la vente de 3 % du capital d'EDF. La vente a-t-elle été réalisée ? Au 25 octobre 2012, sur 13 sites, un seul - celui de Grenoble - avait conclu un partenariat public-privé. Un rapport sur ce sujet a été remis à la ministre en octobre par le conseiller d'Etat Roland Peylet.
Je n'ai pas compris, monsieur Adnot, la différence entre les loyers que votre département consent et ceux qui sont pratiqués par le CROUS.
Le conseil général construit puis loue des logements au CROUS pour 90 euros, qui les loue à nouveau à 300 euros par mois.
C'est une mise à disposition des locaux. Pour leur gestion, le CROUS utilise la marge que cela représente. En d'autres termes, les collectivités peuvent parfaitement construire des logements étudiants.
Je reste persuadé que les loyers résultent aussi d'engagements contractuels souscrits par les conseils généraux, qui ne sauraient se faire exploiter.
Notre collègue François Patriat faisait valoir que les grands groupes bénéficiaient d'un taux marginal de CIR de 5 % au lieu de 30 %. Or, le CIR leur est indispensable, car ce sont eux qui soutiennent notre compétitivité. Quel est le taux moyen de CIR qui leur est applicable ?
L'article 55 du projet de loi de finances reprend la suggestion du rapporteur Berson d'ouvrir davantage le CIR aux PME. Je partage son interrogation sur la suppression des taux majorés pour les PME qui entrent dans le dispositif : c'est une disposition contraire à l'esprit du CIR, auquel les PME ont beaucoup de difficultés à accéder. Présentera-t-il un amendement à ce sujet ?
Je complète la question de Jean Arthuis : pouvez-vous nous indiquer le montant de la dotation que l'Etat accorde à l'IEP de Paris ? Le rapport de la Cour des comptes devrait avoir pour conséquence logique de la faire diminuer de 10 %, 15 % ou 20 %.
Le rapport Gallois souligne à juste titre la dichotomie qui existe entre la recherche fondamentale, qui se porte bien, et la recherche appliquée, insuffisamment liée à la première. Quelles mesures peut-on envisager pour y remédier ?
S'abstenir de revenir sur l'autonomie des universités est une sage décision : les classements mondiaux attestent de la progression de nos établissements, ce qui est une bonne nouvelle pour tous les territoires qui n'ont pas la chance d'avoir des grandes écoles.
J'indique au rapporteur Berson que la constitution de grands pôles en région parisienne - celui de Saclay par exemple - ne doit pas se faire au détriment d'autres projet territoriaux. Il est dommage que les gouvernements successifs ne concentrent leurs efforts que sur ces seuls grands pôles. D'après un grand journal du soir, la concentration géographique des grands établissements de formation crée une fracture et fragilise notre système d'enseignement supérieur. Certains départements sont complètement dépourvus de classes préparatoires aux grandes écoles. Que peut-on imaginer pour répartir plus équitablement ces fameuses « prépas » sur le territoire ?
La position du Gouvernement sur les gaz de schiste est sage : la technologie disponible aujourd'hui est nocive, ce qui justifie l'interdiction de leur exploitation. Cependant, celle-ci représente un potentiel de compétitivité important. L'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) estime que nous avons les moyens de lancer des programmes de recherche sur les technologies alternatives dès que la décision en sera prise. J'y suis favorable. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques se saisira prochainement de la question.
Sur les 1 000 postes créés dans les écoles d'ingénieurs, 20 sont réservés à l'enseignement agricole. Ceux-ci n'ont donc pas été oubliés.
Le plan Campus est un exemple emblématique des effets d'annonce qu'Edmond Hervé dénonçait, puisque les investissements ont été lancés à un rythme particulièrement lent, tout comme les groupements d'universités et d'organismes de recherche. Des mesures pourront être prises à la suite des conclusions du rapport sur la mise en oeuvre du plan.
Le taux moyen du CIR pour les grands groupes est de l'ordre de 20 % : il est donc inférieur aux 30 % du taux de droit commun. En effet, le CIR est égal à 30 % des dépenses de recherche tant que celles-ci ne dépassent pas 100 millions d'euros ; au-delà, le taux est de 5 %. Le CIR des bénéficiaires concernés représente environ 800 millions d'euros de créances, sur un total de plus de 5 milliards.
Le financement de l'extension du CIR à certaines dépenses, prévue à l'article 55 du projet de loi de finances, n'est pas approprié. Des amendements ne sont pas à exclure dans le cadre du prochain débat budgétaire.
Je n'ai pas le chiffre de la dotation que l'Etat accorde à l'IEP de Paris. En revanche, 78 millions d'euros sont consacrés à l'ensemble des instituts d'études politiques. Je souligne que le rapport provisoire de la Cour des comptes n'avait pas à être connu avant que l'établissement n'ait pu répondre...
Le rapport public sera peut-être connu avant la discussion des crédits en séance, auquel cas un amendement pourrait être déposé...
J'ajoute à l'attention de notre collègue Edmond Hervé que les informations qu'il réclame sont disponibles aux pages 78 à 80 de la note de présentation.
Avant la mise aux voix de l'amendement proposé par Philippe Adnot, quel est l'avis du rapporteur Berson ?
Cet amendement suscite quelques interrogations. Il a déjà fait l'objet d'un examen à l'Assemblée nationale le 9 novembre dernier, qui l'a finalement rejeté avec un avis défavorable du rapporteur spécial et du Gouvernement. Le gage pose problème car le Gouvernement, à la demande du président de la République, s'est engagé à construire 40 000 logements étudiants dans les cinq prochaines années, financés par une l'inscription au programme 231 d'une ligne de 20 millions d'euros. Or, c'est sur ce même programme que seraient prélevés les 4,9 millions d'euros destinés à financer la mesure. Cela va à l'encontre des priorités affichées. Quant au sort réservé aux établissements d'enseignement supérieur de type associatif, une concertation est en cours entre ses responsables et la ministre. Je suis donc réservé sur l'opportunité de cet amendement.
A l'Assemblée nationale, il s'agissait de 12,5 millions d'euros. Ma demande porte sur 4,9 millions. Le rapport Gallois nous enjoint de faire le pari de l'innovation et de la formation : c'est ce que je propose. Demander à ce secteur un tel effort n'est pas raisonnable. Je veux bien proposer un amendement de repli concernant le gage : je puiserai dans les moyens du ministère. Mais je souhaite que notre commission témoigne sa solidarité avec ces ingénieurs, et ne remette pas en cause un accord qui a consisté à recruter davantage de chercheurs.
Sur l'action 01 « Pilotage et animation » du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ».
Le programme que vous visez concerne aussi le soutien à la recherche dans le cadre des contrats de plan État-régions, l'aide aux jeunes scientifiques. Il me semble gênant d'hypothéquer de tels projets.
Les écoles d'ingénieurs doivent engager un effort de recherche conséquent. Ce coup d'arrêt ne serait guère cohérent. J'apprécierais que la commission trouve un accord sur le gage afin que le débat puisse aller à son terme.
J'en reste donc à ma proposition de départ.
A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement de M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.
Puis elle décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ainsi modifiés.
- Présidence de Mme Michèle André, vice-présidente -
Enfin, la commission procède à l'examen du rapport de Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale, sur la mission « Politique des territoires » et le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
La mission « Politique des territoires » vise à soutenir le développement durable des territoires nationaux, dans une perspective de développement solidaire et équilibré.
En dépit d'une baisse marquée de ses crédits par rapport à 2012, de 7,63 % en autorisations d'engagement et de 4,33 % en crédits de paiement, avant le vote de l'Assemblée nationale, la continuité prévaut en 2013. Par ailleurs, ces montants sont conformes aux plafonds prévus par le projet de loi de programmation des finances publiques.
Si cette mission se situe bien au coeur de la politique transversale d'aménagement du territoire, les actions de l'Etat en faveur de cette politique excèdent largement son périmètre, puisque 5 milliards d'euros sont, à ce titre, engagés chaque année. Les deux programmes de la mission ne représentent, en 2013, que 6,5 % de la totalité de ces crédits.
La contraction des crédits ne devrait pas, selon le Gouvernement, poser de difficultés : la réduction du niveau de certains engagements n'affaiblirait pas les politiques mises en oeuvre. Quant aux crédits de paiement, dont la diminution est à mesurer à l'aune des taux de consommation constatés lors des précédents exercices, ils restent à un niveau qui permettra de répondre aux besoins de couverture en paiement des engagements, confirmant le maintien de l'effort de désendettement du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Il faudra veiller, à l'avenir, à préserver ce même équilibre, afin de ne pas reproduire les tensions observées entre 2003 et 2009.
J'en viens aux deux programmes de la mission, dont le périmètre reste stable en 2013.
Le programme, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » ou PICPAT, correspond aux moyens mis à la disposition de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Le programme « Interventions territoriales de l'Etat » ou PITE, relève du Premier ministre mais sa gestion a été confiée au ministère chargé de l'intérieur. Il correspond à quatre actions interministérielles de portée régionale. Dans les deux cas, les actions prévues pour 2013 poursuivent ce qui a été engagé les années précédentes.
Ainsi, les crédits du PICPAT - 263 millions en autorisations d'engagement et 281 millions en crédits de paiement, soit une diminution respective de 6,9 % et 6,56 % par rapport à 2012 - seront principalement employés au financement des dispositifs suivants :
- les contrats Etat-régions, dont la «génération» 2007-2013 entrera en 2013 dans sa dernière année d'exécution ;
- la prime d'aménagement du territoire, outil d'aide à la localisation d'activités et d'emplois dans certaines zones prioritaires du territoire ;
- les pôles d'excellence rurale ;
- le plan d'accompagnement du redéploiement des armées ;
- les pôles de compétitivité, qui devraient être redéfinis en 2013 ;
- les « grappes d'entreprises », variantes des pôles de compétitivité pour des réseaux d'entreprises de petite taille, qui ne disposeront cependant plus que de crédits de paiement en 2013, ce qui marque la fin du soutien public à ces structures.
La majorité des crédits du programme « PITE » - 41 millions en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une diminution de 12 % et 14 % respectivement par rapport à 2012 - est affectée à l'action relative à la Corse, laquelle sera en outre abondée par des fonds de concours, à hauteur de 25 millions d'euros en crédits de paiement, en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ce qui constitue une forme de « débudgétisation» regrettable.
Le PITE retrace quatre actions. Le financement de la reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne, via le plan d'urgence nitrates, qui arrive à son terme, et surtout, le plan de lutte contre les algues vertes ; le plan d'investissements en Corse, ci-avant mentionné ; les dépenses consacrées à l'écologie du marais poitevin ; le programme mis en oeuvre à la Guadeloupe et à la Martinique pour faire face aux dangers du chlordécone, pesticide hautement toxique qui a été utilisé contre le charançon du bananier.
Il serait bon, à mon sens, d'améliorer l'évaluation des actions de la mission, dont on mesure mal l'efficacité, en particulier au regard des critères d'égalité entre les territoires. Je me félicite de la création, en septembre 2012, d'une commission sur les missions et l'organisation du ministère de l'égalité des territoires, chargée d'examiner l'hypothèse de la création d'un commissariat général à l'Égalité des territoires, en remplacement de la DATAR, et dont le rapport final sera présenté en février 2013 pour le cinquantième anniversaire de cette dernière.
Près de trente dépenses fiscales sont rattachées au PICPAT pour un montant total minimal estimé de 440 millions d'euros en 2013, soit un total supérieur aux crédits de la mission. Je m'inquiète des résultats issus du rapport Guillaume d'août 2011, consacré aux niches fiscales et sociales, qui s'était montré très critique sur ces dispositifs, jugés pour la plupart inefficaces : sur les 21 dépenses fiscales de la mission évaluées, 18 ont le score le plus faible, soit zéro. Déjà, en octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires avait évoqué des dispositifs « à l'efficacité incertaine ». Une remise à plat de ces mesures me semble, à terme, inévitable.
Bref, une plus grande efficacité des politiques d'aménagement du territoire doit être, à mon sens, recherchée, au-delà même de la présente mission, pour plus de cohérence et de solidarité entre nos régions.
J'en viens au compte spécial « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ), bel exemple de cette solidarité, sur lequel j'ai réalisé un contrôle budgétaire en 2012. Il est devenu, depuis cette année, un compte d'affectation spéciale, en changeant de nom mais pas d'acronyme. Son ancien nom était en effet le « Fonds d'amortissement des charges d'électrification ».
La réforme du dispositif était justifiée : le système devenait de plus en plus risqué pour les élus qui participaient à sa gouvernance, menacés d'être accusés de gestion de fait. De plus, ses recettes, des impositions de toutes natures, n'étaient pourtant pas fixées par la loi. Quant à ses dépenses, elles s'apparentaient à des dépenses publiques, sans que soient cependant respectées les règles de la comptabilité publique.
La gestion de l'ancien Fonds étant assurée par « Electricité de France » (EDF), cela revenait à faire d'une société anonyme, puisque tel est désormais le statut de l'entreprise, le collecteur d'une imposition de toutes natures d'un montant proche de 400 millions, hors du contrôle du Parlement.
La création d'un compte spécial constitue donc un progrès en matière de sécurité juridique, de transparence budgétaire et de contrôle du Parlement.
Reste cependant un aspect très négatif. L'année 2012 a vu s'accumuler les factures bloquées par des circuits de paiements trop longs. La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), qui assure désormais la gestion du fonds, a fait de son mieux, mais ces graves problèmes de paiement, qui ne doivent plus se reproduire à l'avenir, n'ont été résolus qu'au cours de l'été 2012.
Ces retards étaient dus à la fois à l'impossibilité technique de percevoir les recettes, en raison d'une inadaptation de Chorus - le système de gestion de la comptabilité de l'État -, à l'absence de crédits pour couvrir les engagements antérieurs à 2012 et à l'exigence de nouvelles pièces justificatives dans les dossiers de demande de paiement. Je déplore ces graves dysfonctionnements, lourds de conséquences pour certains territoires ruraux et pour de nombreuses entreprises. Il en résulte aussi une sous-consommation des crédits en 2012, surtout en crédits de paiement : la trésorerie disponible en fin d'exercice pourrait être de l'ordre de 150 millions d'euros. Ces crédits seront automatiquement reportés sur 2013, mais j'inviterai le Gouvernement à veiller au bon déroulement des opérations l'an prochain, d'autant que des collègues me confirment que des difficultés persistent sur le terrain.
Les recettes du FACÉ sont assises sur une contribution due par les gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité, au premier rang desquels « Électricité Réseau Distribution France » (ERDF). Le produit de ce prélèvement devrait rester stable en 2013, à 376,4 millions. Le taux appliqué s'établit à 0,0352 centime d'euros par kilowatt-heure en zone rurale et 0,184 centime d'euros en zone urbaine.
Les dépenses du compte spécial consistent dans les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AOD), lesquelles peuvent être des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d'électrification, dès lors qu'elles sont les maîtres d'ouvrage de travaux d'électrification rurale. Les travaux peuvent être pris en charge à hauteur de 80 % hors taxes et les dotations sont notamment réparties en fonction de statistiques sur les départs mal alimentés (DMA), calculées par EDF.
Les investissements sur les réseaux de distribution publique d'électricité peuvent poursuivre diverses fins :
- renforcement des réseaux en vue d'améliorer la qualité de l'électricité distribuée, laquelle peut se dégrader, notamment en zone rurale, en raison de l'augmentation du nombre d'abonnés raccordés sur un départ basse tension ;
- sécurisation des réseaux en prévision des évènements exceptionnels notamment atmosphériques (intempéries, tempêtes), qui peuvent provoquer l'interruption de la fourniture ;
- extension des réseaux afin d'assurer leur développement ;
- enfouissement pour des raisons essentiellement d'ordre esthétique.
Je voudrais conclure en formulant sept recommandations :
- il faudra veiller à ce que le FACÉ conserve un niveau de recettes équivalent à celui de 2012, c'est une condition pour que le niveau global des aides soit stable ;
- les problèmes de paiement rencontrés en 2012 ne doivent plus se reproduire. Il faut optimiser les délais sans conditionner le versement des aides à la communication par les collectivités d'une programmation pluriannuelle détaillée des travaux ;
- les actions de renforcement et de sécurisation doivent demeurer l'axe prioritaire des missions du FACÉ. Il faut en terminer avec la dégradation du service de distribution d'électricité dans les zones rurales, qui se traduit par la multiplication des microcoupures ;
- la transparence dans les critères d'attribution des aides pour l'électrification rurale doit être renforcée, afin d'écarter toute logique d'abonnement de la part des bénéficiaires ;
- l'utilisation de la méthode de calcul des aides, selon les départs mal alimentés (DMA), n'est pas d'une fiabilité totale et pourrait induire des effets pervers, ce qui invite à ouvrir une réflexion à ce sujet ;
- le mécanisme de répartition des charges et des produits entre les communes rurales et les communes urbaines doit rester identique. Les analyses de la DATAR sur l'évolution de la ruralité pourraient contribuer à affiner les critères de classement des communes, en prenant notamment en compte les conditions d'isolement. Il serait bon, également, d'engager une réflexion sur la variation des taux d'aides, aujourd'hui uniformes, selon les collectivités et la nature des travaux ;
- la mutualisation des infrastructures, enfin, pour le déploiement de la fibre optique en zone rurale ou l'éclairage public, est souhaitable mais ne doit pas conduire à réduire indirectement les aides destinées aux travaux d'électrification rurale.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Politique des territoires » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
Merci de cet utile travail sur le FACÉ, dont le fonctionnement suscite l'inquiétude dans de nombreux territoires, en butte à des problèmes bureaucratiques.
Je m'inquiète de difficultés éventuelles dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). Dans le programme 112, la fin du fait générateur est attendue pour 2013. Il faudra reconduire le dispositif des ZRR, dont le coût est loin d'être considérable et qui demeure indispensable au maintien de l'activité dans ces zones.
Je partage vos préoccupations. Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, m'a donné des garanties en ce sens.
Je remercie notre collègue rapporteure spéciale de son excellent travail. La reconquête de la qualité des eaux de Bretagne m'est chère. Votre note de présentation, page 52, indique une tendance favorable, avec une baisse constante des nitrates depuis une dizaine d'années sur de nombreux cours d'eau. Voilà qui témoigne des efforts fournis par les agriculteurs. De nombreux bassins versants ont signé des contrats. Un seul, celui de l'Aber Wrac'h, continue de poser des difficultés, certains agriculteurs se refusant à signer. La plupart des agriculteurs ont un comportement vertueux, mais pas tous. Or, les budgets engagés sont importants. Comment sont appliquées les réglementations sur le terrain ? Que font exactement les services de l'État ? Imposent-ils des sanctions financières ? Tous les moyens sont-ils mis en oeuvre ?
Le dialogue et les contrats sont préférés à la sanction. Je reviendrai vers vous avec des informations plus précises à ce sujet.
Le FACÉ nous a permis d'avoir un réseau électrique performant sur tout le territoire. Paul Ramadier, qui l'a mis en place, fut, à cet égard, un visionnaire. Il faudra veiller à préserver ce système. Si l'adduction d'eau avait bénéficié d'un mécanisme analogue, nous ne trouverions pas aujourd'hui face à un réseau vieillissant, difficile à renouveler dans de bonnes conditions. Soyons vigilants !
Je suis d'accord avec vous. L'audition des responsables d'ERDF a montré qu'ils souhaitaient requalifier certaines zones rurales et réorienter davantage de crédits vers des zones urbaines. C'est bien pourquoi je m'inquiète. Beaucoup des crédits d'investissement en zone rurale n'ont pas été utilisés cette année : 150 millions d'euros sont à reporter sur 2013. Je resterai d'autant plus vigilante que les difficultés de paiement continuent, mettant en péril les entreprises locales.
Oui, c'est un des aspects. Il y a aussi la question des pièces justificatives désormais demandées en amont des paiements. Mais le fait est que les intempéries ne sont pas prévisibles à un an : il faut un peu de flexibilité, d'où mes différentes recommandations. Je finis même par me demander si les services de Bercy n'ont pas voulu garder un peu de trésorerie.
Si l'annualité budgétaire n'est pas toujours respectée, c'est qu'il existe des délais incompressibles entre programmation et réalisation des travaux. Il faut se méfier des accusations de sous-consommations dans les territoires. Je compte sur votre vigilance.
Est-il une disposition légale ou réglementaire qui exige, pour percevoir des aides du FACÉ, que les syndicats se regroupent en un syndicat départemental ? Il semble que de fortes pressions s'exercent en ce sens : quand existent plusieurs syndicats, les aides sont moins importantes.
Il n'y a pas d'obligation en tant que telle, mais des incitations financières, en effet. Nous avons été alertés sur cette question par de petits syndicats d'électrification.
Sur la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie et sur une décision du Gouvernement après avis du conseil du FACÉ.
Le FACÉ est d'abord un formidable exemple de solidarité. Ensuite, nous avons, grâce à lui, le meilleur réseau au monde, loin devant d'autres pays développés comme les Etats-Unis ou le Japon. Toutefois, EDF, ERDF ou Bercy semblent considérer qu'il s'agit d'un luxe : d'aucuns - très haut placés - voient dans les travaux financés, notamment l'enfouissement des lignes, une exigence purement « esthétique ».
On serait d'ailleurs bien inspirés de susciter la même solidarité en matière de très haut débit : si on faisait payer un euro supplémentaire par mois à tous les titulaires de lignes téléphoniques ou à tous les abonnés à Internet, nous récolterions plusieurs millions d'euros par an : le problème serait réglé rapidement.
Il ne s'agit pas d'esthétique, nous le savons, mais de la sécurité de réseaux qui sont bien trop souvent endommagés.
Il y a une vraie réflexion à mener sur la fibre optique. La mutualisation des infrastructures d'électrification et de fibre optique permettrait de réaliser des économies d'échelle. Je retiens votre idée de faire contribuer les abonnés au haut débit à hauteur d'un euro. Nous devons en tout cas garantir l'avenir du FACÉ, pour que ses crédits ne servent pas à d'autres fins.
Cécile Duflot présentera, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la DATAR, la nouvelle allocation des crédits relatifs à la politique des territoires. Nous serons particulièrement vigilants.
La mission « Politique des territoires » et le CAS « FACÉ » sont, certes, de taille modeste, mais ils comportent des dispositifs essentiels, qu'il s'agisse des ZRR, des pôles de compétitivité ou de l'électrification rurale.
A l'issue de ce débat, la commission décide, à l'unanimité, de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Politique des territoires », ainsi que de ceux du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».