Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous allons débattre cet après-midi fait en réalité suite non seulement à la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur et à celle de M. Jacques Pélissard, dont les textes ont été réunis, mais aussi aux chapitres relatifs à l’achèvement de l’intercommunalité dans la loi de réforme territoriale de 2010.
Nous avions déjà pu constater qu’il y avait dans cet hémicycle un très large accord pour favoriser l’achèvement de la carte intercommunale avant l’échéance municipale de 2014. Cela avait conduit à l’adoption de dispositions destinées à assouplir le dispositif nouveau et à faciliter le processus de cet achèvement. Celui-ci est d’ailleurs en bonne voie, ainsi que vous l’avez indiqué encore récemment, madame la ministre, devant la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Après l’adoption des propositions de loi Sueur et Pélissard, l’un des sujets qui restaient en suspens était l’adaptation des effectifs des conseils communautaires et du nombre de vice-présidents au sein de leurs bureaux.
En effet, le dispositif issu de la loi de 2010 instaure des plafonds très stricts quant au nombre des représentants des communes dans les conseils des communautés de communes et d’agglomération, plafonds qui ont pour effet d’augmenter très massivement le nombre de communes qui n’ont qu’un représentant, ce qui change substantiellement les habitudes de représentation et de fonctionnement des communautés.
Le nombre de vice-présidents a été également plafonné de façon très rigoureuse puisque le plafond traditionnel, qui était de 30 % de l’effectif de l’assemblée communautaire, a été réduit d’un tiers, à 20 %, avec, en plus, un plafond en nombre absolu, fixé à quinze.
Or le processus d’achèvement de la carte des intercommunalités se traduit par un accroissement du nombre de communes membres en cas d’extension du périmètre de la communauté considérée et, a fortiori, en cas de fusion. Il en résulte, dans le cadre législatif actuel, une réduction « verticale » du nombre de représentants.
Lors du débat sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur, il nous avait donc semblé qu’il était judicieux, en tout cas pour les échéances qui viennent, donc avant 2014, de donner une marge d’adaptation pour la constitution des nouvelles instances communautaires. À la réflexion, cette marge a été fixée à 25 % de conseillers communautaires supplémentaires, sous réserve d’un accord à la majorité qualifiée – condition assez exigeante, puisque cela suppose un quasi-accord entre les communes membres – sur un barème de représentation partagé.
À cet objet strictement limité de la présente proposition de loi, bien des collègues auraient été tentés d’ajouter une multitude de dispositions touchant à l’intercommunalité. Je sais gré à ces nombreux auteurs potentiels d’amendements d’avoir tenu compte des contraintes de la procédure législative qui nous oblige à adopter une proposition de loi dans le délai de quatre heures, si nous ne voulons pas qu’elle disparaisse ou que son examen soit reporté à une date plus lointaine. Aussi allons-nous discuter essentiellement de ce point-là, sur un rapport très bien préparé par Virginie Klès, que nous allons écouter dans un instant.
Bien sûr, il y aura forcément sujets d’adaptation ou d’amélioration de la législation portant sur le fonctionnement des communautés. Nous accumulons en effet une expérience sur la vie des communautés et les relations entre les communautés et les communes, et nous devons prendre en compte le fait que les conditions vont changer pour deux raisons.
D’abord, les opérations de regroupement ou d’extension en voie d’achèvement ne seront pas toutes consensuelles. Nous verrons donc probablement se durcir un certain nombre de divergences ou au moins surgir des difficultés de fonctionnement dans les communautés telles que les aura voulues le législateur.
Ensuite, cela ne vous a pas échappé, le climat financier dans lequel vivent les intercommunalités est en train de se modifier assez significativement. Il est vrai que la composante de réduction des dépenses globales, qui aurait pu être présente dès l’amorce du mouvement de constitution des communautés n’a pas été – la Cour des Comptes s’en est fait l’écho – la performance principale de la génération des gestionnaires communautaires des vingt dernières années, parmi lesquels se comptent un certain nombre de ceux qui sont ici. Mais il est clair que la logique de fonctionnement des communautés au cours des mandats qui viennent – en tout cas du prochain – sera sans doute nettement plus rigoureuse, ce qui, là encore, peut faire surgir certains problèmes.
Pour ma part, si, dans les mois qui viennent, s’ouvrait un nouveau débat sur l’intercommunalité à l’occasion de l’examen d’une autre proposition de loi, j’aurais deux sujets à mettre sur la table.
Premièrement, depuis que le mouvement est engagé, c’est-à-dire depuis le début des années quatre-vingt-dix, il n’a jamais été prévu qu’une compétence élevée au niveau communautaire puisse « redescendre » au niveau des communes. Aucun texte ne le prévoit, sous aucune condition. Or, après vingt ans d’expérience, il me semble qu’un ajustement du partage des compétences entre communes et communautés devrait, autant que possible dans la bonne entente entre les communes, être possible dans les deux sens, et pas seulement vers le haut !
Deuxièmement, j’observe que, si les générations actuelles de préfets connaissent encore bien la vie communale, elles sont beaucoup moins familiarisées avec la vie des communautés. J’ajoute que nous ne disposons pas encore d’outils de conciliation dans le cas où des communautés sont en situation durable de conflit. Il faudra, me semble-t-il, réfléchir sur ce sujet-là à partir de la ressource humaine à peu près gratuite que représentent notamment les membres des commissions départementales de la coopération intercommunale.
Je remercie donc les collègues qui ont accepté, pour cette fois, de faire preuve de sobriété, car je souhaitais beaucoup qu’on se limite à un objectif simple et concret : donner, en cas d’accord large, une petite marge d’augmentation pour le nombre de conseillers communautaires et de vice-présidents, en respectant – cela me paraît en effet cohérent au regard à la fois de la situation actuelle et des motivations des élus concernés – le plafond des enveloppes indemnitaires prévues avec l’effectif fixé aujourd’hui par la loi. Par conséquent, s’il y avait accord pour élargir un peu le nombre de conseillers communautaires ou le nombre de vice-présidents, cela se ferait sans modification du montant global de dépenses.
Cette proposition a fait l’objet d’un accord assez large en commission de la part de représentants des différents groupes, ce dont je ne peux que les remercier.
Pour terminer, j’insisterai un peu pour que, dans notre vocabulaire, nous ne parlions pas d’augmentation du nombre d’élus. En effet, il s’agit en réalité de ralentir la baisse de leur nombre.
En tout cas, par rapport à la pratique actuelle, issue d’une législation beaucoup plus permissive, l’application du barème de représentation de la loi de 2010 a deux effets : d’une part, baisser très significativement le nombre de représentants des petites et même des moyennes communes et, d’autre part, élargir beaucoup l’écart de représentation entre les petites et les grandes communes.
En effet, en respectant d’ailleurs un impératif énoncé par le Conseil constitutionnel dans une décision de janvier 1995, on va vers une application de pure proportionnalité démographique de la représentation des communes, ce qui ne se trouvait pratiquement dans aucune communauté existante.
L’objet de la proposition et de l’accord que, je l’espère, nous allons confirmer en séance publique est, non pas d’empêcher cette relative concentration du nombre d’élus et le respect d’une proportionnalité démographique, mais d’en atténuer quelque peu les effets, notamment au moment de la transition qui va être difficile, voire conflictuelle.
À certains collègues qui souhaiteraient que l’on en revienne à une liberté absolue de fixation des effectifs communautaires, je veux dire qu’aujourd’hui la loi ne le prévoit absolument pas : elle prévoit un barème très exigeant et très restrictif.
La proposition se borne donc à alléger quelque peu la contrainte de ce nouveau barème, dont nous n’avons pas encore l’expérience et dont l’application risque d’avoir des effets conflictuels dans certains contextes.
C’est une disposition qui vise à alléger la contrainte et à modifier l’état d’esprit communautaire, de manière que l’achèvement de la carte intercommunale se passe, politiquement et humainement, dans les conditions les meilleures. Ce souhait me paraît largement partagé sur l’ensemble des travées de notre assemblée. Par conséquent, j’espère que cette proposition de loi, dont l’objet est limité, permettra d’atteindre cet objectif. §