Je n'ai jamais été opposée à la contractualisation, bien au contraire : j'ai indiqué à l'Assemblée nationale que l'Etat souhaitait transformer les déclarations d'intention des opérateurs en véritables contrats tripartites, destinés à garantir le déploiement des investissements dans le respect du calendrier convenu. La mission très haut débit travaille à la rédaction d'un contrat-type, qui fera l'objet d'adaptations aux caractéristiques locales et comportera des clauses relatives au constat de carence : leur activation sera possible, comme le propose M. Teston, avant cinq ans.
Nous ignorons quand la Cour de justice européenne rendra sa décision sur la taxe Copé : elle devait le faire au premier trimestre 2013, puis l'on a parlé du premier semestre... Il est toutefois probable, compte tenu des dispositions de la directive télécom, que cette taxe sera déclarée contraire au droit communautaire : celui-ci n'autorise en effet de telles taxes que si elles servent à financer la régulation du secteur. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a provisionné 1,3 milliard d'euros dans le budget 2013 pour rembourser les opérateurs. Son rendement, de 200 à 300 millions d'euros, correspond à ce dont l'Etat aurait besoin pour abonder un fonds de péréquation, et si l'idée de l'affecter au déploiement de la fibre semble davantage euro-compatible, nous restons dans la politique-fiction.
Les guichets A et B de la Caisse des dépôts et consignations restent ouverts : ils représentent respectivement 1 milliard de prêts et 900 millions d'euros de subventions, dont tout n'a pas été dépensé. Le guichet A n'a pas du tout été sollicité par les opérateurs, bien que l'un d'entre eux semble vouloir y faire appel. Nous réfléchissons à la répartition des enveloppes : 300 millions d'euros devraient être consacrés à des prêts à taux bonifiés pour des durées et à des taux adaptés à ce type d'investissements ; une autre partie ira au développement des usages numériques.
Les GAFA, et plus généralement les acteurs internationaux qui ne payent pas d'impôt sur les sociétés et ne contribuent ni au financement de la création ni à celui des infrastructures de communication électronique, font l'objet d'une mission confiée conjointement à un conseiller d'Etat et un inspecteur des finances. Ce sujet n'est pas franco-français : le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l'Allemagne travaillent également sur ces questions. Nous avons réactivé notre participation aux groupes de travail de l'OCDE, aux côtés de nos partenaires allemand et britannique, notamment sur le chantier relatif à l'érosion des bases fiscales et au déplacement des profits (Base Erosion and Profit Shifting, ou BEPS). Nous voulons y jouer un rôle moteur et espérons ainsi faire évoluer les conventions fiscales multilatérales afin de mieux encadrer les stratégies d'optimisation fiscale des entreprises multinationales. Taxer de tels opérateurs rapporterait des milliards d'euros, dont une partie pourrait être dirigée vers le financement de la création et le soutien aux infrastructures.
Les coopérations public-privé en zone 3 sont un sujet majeur de discussion avec l'opérateur historique France Télécom-Orange, principalement concerné par ces investissements. Celui-ci semble prêt à investir dans de telles zones si les conditions de l'équilibre commercial sont réunies. La lisibilité de l'environnement juridique, la stabilité fiscale, l'accompagnement financier offert par l'Etat, constituent autant d'éléments indispensables pour préserver l'envie de ces opérateurs d'investir aux côtés des collectivités territoriales.
Le nouvel acte de décentralisation n'en est qu'au stade de l'avant-projet. Il n'est pas question de donner autorité à une collectivité sur une autre en matière de déploiement du très haut débit. Les situations sont très hétérogènes ; les projets menés en Bretagne et en Auvergne, par exemple, avancent simultanément mais sont bâtis de manière très différente. Si l'Etat détient un rôle pilote, les régions, elles, devront coordonner l'élaboration des schémas directeurs de l'aménagement numérique (SDAN) en veillant à l'interopérabilité des réseaux à leurs frontières. Il ne s'agit nullement de maîtrise d'ouvrage, mais de collecte et de remontée d'information. Les contacts qu'elles auront avec les opérateurs éviteront des demandes redondantes auprès de cabinets de conseil ou de fournisseurs de fibre.