La réunion

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La commission procède à l'audition de Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME, à l'innovation et à l'économie numérique, sur l'aménagement numérique du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Nous sommes heureux de vous accueillir, madame la ministre, six mois après votre première audition ici même. Notre commission, chargée des questions d'aménagement du territoire, suit avec attention la politique du gouvernement dans votre domaine de compétence. Les élus locaux, que nous représentons, placent beaucoup d'espoir dans le déploiement numérique. Pour certains territoires ruraux, il s'agit même d'un enjeu vital. La commission de contrôle de l'application des lois, dont je salue les membres ici présents, a, en lien avec notre commission, confié à Yves Rome et Pierre Hérisson un rapport destiné à faire le point sur le rôle des collectivités locales en matière d'aménagement numérique. Leurs conclusions devraient être disponibles fin janvier ou début février. Nous savons que vous êtes en phase de consultation avant l'annonce, à la mi-février, du programme du gouvernement sur la couverture numérique du territoire. A quelques semaines de cette échéance, quelles sont les premières orientations que vous retenez ? Comment envisagez-vous de respecter l'engagement du président de la République - auquel nous souscrivons tous - d'une couverture par le très haut débit de l'ensemble du territoire d'ici dix ans ?

Les choses ne semblent pas avoir beaucoup avancé. Le Sénat a même été déçu et frustré, à plusieurs reprises, de ne pas avoir obtenu de réponses sur le financement et les délais de réalisation du programme national très haut débit (PNTHD).

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique

J'insisterai particulièrement, dans ce progrès liminaire, sur le déploiement du très haut débit et sur l'aménagement numérique du territoire, thématiques auxquelles votre commission est tout particulièrement attachée.

L'aménagement du territoire doit tenir compte de la fracture numérique entre territoires ruraux et territoires urbains, mais aussi parfois au sein même de ces derniers. J'ai eu l'occasion de détailler les orientations du gouvernement en matière de très haut débit notamment lors de l'examen à l'Assemblée nationale, le 22 novembre dernier, de la proposition de loi du sénateur Maurey. Celle-ci a eu l'immense vertu de catalyser les décisions du gouvernement. Toutefois, l'inscription de cette proposition dans un calendrier impossible à respecter nous a contraint à la repousser. Elle présentait de surcroît des carences juridiques et des dangers économiques. Je salue néanmoins le travail remarquable des auteurs du rapport et du texte de la proposition de loi.

Le gouvernement a désormais les idées plus claires sur ce chantier structurant, et souhaite manifester son volontarisme en la matière. La couverture de l'ensemble de notre territoire par le très haut débit à l'horizon 2022 figure au quatrième rang des engagements de campagne du président de la République François Hollande. C'est une priorité de l'action gouvernementale, qui suit le cap de la compétitivité de notre économie. Une première version de la feuille de route est en cours de finalisation par la mission très haut débit, et sera soumise à la concertation dès la fin de cette semaine, à défaut au début de la semaine prochaine. La feuille de route définitive sera finalisée courant janvier et adoptée par le gouvernement lors du séminaire gouvernemental sur le numérique de la fin du mois de février. Dès le lendemain, différents comités seront convoqués pour étudier les nouveaux dossiers présentés par les collectivités. Dès janvier, la mission se tiendra à leur disposition pour accompagner toutes celles qui en manifesteront le besoin.

Dans le cadre des projets privés, le gouvernement veillera à ce que soient clarifiés les engagements pris par les opérateurs, au-delà de leurs déclarations d'intention ; quant aux projets publics, il conviendra de les accompagner et de les rendre viables sur le plan industriel. Plus que de contraintes qui décourageraient les investisseurs, le très haut débit a besoin d'une structure de pilotage claire par l'Etat. Celle-ci est aujourd'hui une réalité, qui pourra s'appuyer sur les compétences des administrations d'état-major, des collectivités locales et des services déconcentrés de l'Etat, afin de répondre à toutes les interrogations que les collectivités se posent légitimement. Le déploiement du très haut débit suppose en outre un modèle économique performant, donnant à chacun les moyens de jouer pleinement sa partition, garantissant que les investissements ne se font pas à fonds perdus, utilisant au mieux chaque euro de dépense publique, favorisant la complémentarité entre opérateurs privés et réseaux d'initiative publique. Son objectif sera de réduire la fracture numérique, par la mise en place d'une péréquation entre les territoires denses et ceux qui le sont moins. Aucune des questions clés de ce chantier ne sera négligée.

Le financement s'appuiera sur deux volets : les subventions et les prêts. L'instruction technique des subventions progresse, en dépit des complications résultant du contexte budgétaire dans lequel nous nous trouvons. Le gouvernement apportera des réponses d'ici février, en abondant le Fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT) ou un système équivalent. Simultanément, nous tiendrons des prêts à la disposition des collectivités qui se lancent dans l'objectif du très haut débit : il ne s'agit plus des 300 millions d'euros du guichet A mais des 20 milliards d'euros des fonds d'épargne collectés en octobre et mis à disposition des collectivités pour des projets de transports en commun, de réseaux de distribution, de traitement de l'eau, et d'infrastructure numérique à très haut débit. La mission très haut débit travaille actuellement à l'ingénierie financière de ces prêts.

La coopération public privé passera par une contractualisation systématique entre l'Etat, les opérateurs privés et les collectivités territoriales, y compris sur les zones très denses. Après dix ans d'absence de politique nationale d'aménagement numérique, l'Etat se donne enfin les moyens d'accompagner véritablement nos collectivités, de suivre l'action des opérateurs, de soutenir l'harmonisation technique des projets, grâce au groupe Interop'Fibre, regroupant l'ensemble des opérateurs qui déploient des réseaux de fibre en France, et de jouer un rôle de conseil aux collectivités.

Pour remplir son objectif de couverture du territoire, le gouvernement a fait le choix de la fibre optique. Basculer du cuivre vers la fibre nécessite une grande préparation : un test grandeur nature, première mondiale du genre, est conduit en ce moment à Palaiseau. Ce chantier industriel titanesque aura des répercussions majeures en termes d'emplois et de formation. Le remplacement du cuivre sera progressif jusqu'à son extinction, dans un calendrier et selon des modalités qui seront précisés à l'issue des dix-mois de test.

L'objectif du très haut débit partout et pour tous ne nous empêchera nullement de répondre, avant 2022, aux attentes de nos concitoyens. D'ici la fin du quinquennat, des cibles prioritaires seront définies - zones résidentielles moins bien loties, zones rurales, zones d'activité économique ou sites publics comme les hôpitaux ou les établissements scolaires - qui bénéficieront d'un accès progressif plus rapide au très haut débit : dans un premier temps, pour une part avec la technologie Fiber to the neighbourhood (FTTN), avant de profiter pleinement de la technologie Fiber to the home (FTTH).

Je suis également disposée à répondre à vos questions relatives aux télécoms et au réseau de téléphonie mobile.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Avec le groupe socialiste, nous avons toujours dénoncé le manque de volontarisme du plan national pour le très haut débit. Celui-ci fait en effet la part trop belle aux opérateurs, dont les investissements bloquent les initiatives des collectivités territoriales. De surcroît, manquer à leurs engagements ne les expose à aucune sanction. Le plan a également l'inconvénient de cantonner les collectivités territoriales aux zones très peu denses. Enfin, le FANT créé par la proposition de loi Pintat, n'a jamais été alimenté. Je propose donc de modifier ce plan, en tenant compte toutefois de la notification dont il a fait l'objet à la Commission européenne, ainsi que des investissements déjà engagés par certains opérateurs, notamment en zone 1.

L'Etat doit impérativement reprendre la main sur ce dossier. En zone 2, le délai de cinq ans est beaucoup trop long, il faut créer un vrai constat de carence, de manière à ce que les collectivités puissent agir quand les opérateurs ne tiennent pas leurs engagements.

S'agissant du financement, je propose de remettre en discussion l'idée d'une taxation. Peut-être ne sera-t-il pas nécessaire d'en créer une nouvelle. Un recours a été introduit devant la Cour de justice de l'Union européenne contre la taxe Copé portant sur les opérateurs de télécommunications, et destinée à financer l'audiovisuel depuis la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Cette taxe rapporte 200 millions d'euros : si la Cour sanctionnait ce dispositif, il n'y aurait aucune difficulté à l'affecter au très haut débit, puisque l'assiette de la taxe entretiendrait un rapport étroit avec son objet.

Troisième proposition : trouver des solutions visant à améliorer la coopération entre le secteur public et le secteur privé. Cela semble possible en zone 3, où les règles de concurrence ne sont pas prépondérantes. Sous réserve d'un accord de l'Autorité de la concurrence, on pourrait organiser entre opérateurs privés - qui gagnent de l'argent dans le secteur 1 - et les collectivités, des partenariats qui ne portent pas une atteinte démesurée aux sacro-saintes règles de la concurrence - il s'agit d'ailleurs ici d'aménagement du territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Je suis ravi de voir que le dossier progresse. J'insiste toutefois sur la nécessité d'arrêter une feuille de route précise, claire et objective, afin que les collectivités territoriales puissent contribuer à l'objectif que le président de la République avait placé au quatrième rang de ses engagements. Les collectivités sont aujourd'hui dans l'expectative : le plan national pour le très haut débit du précédent gouvernement avait, malgré ses défauts, admis au moins onze départements et régions à soumissionner aux 900 millions d'euros du Grand emprunt, dont seulement 266 millions d'euros ont été débloqués à ce jour. Quant aux collectivités qui avaient adopté leur schéma d'aménagement numérique du territoire, il faudra veiller à ce que le nouvel acte de décentralisation ne place pas les départements sous la coupe des régions chargées d'assurer l'interopérabilité des réseaux.

Nous avons besoin du retour d'un Etat stratège qui définisse précisément les modalités du déploiement numérique. Je suis sûr qu'Hervé Maurey pense comme moi.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

L'Etat s'assurerait que les opérateurs participent pleinement : en fixant précisément les normes du déploiement, leurs arguties ne seraient plus de mise. En zone 1, deux opérateurs se sont engagés à investir, mais seul France Télécom l'a réellement fait. Il faudra confronter systématiquement les annonces aux actes. En outre, une contractualisation tripartite est nécessaire, entre les collectivités territoriales dont on utilise le sol, l'Etat qui aura redéfini son rôle de stratège ou d'aiguillon, et les opérateurs eux-mêmes, qui, sous peine de retomber dans le champ de la zone 2, répondront des investissements réalisés et des délais.

Le précédent plan a créé un fonds sans fond, puisque le FANT n'a jamais été alimenté autrement que par le biais des investissements d'avenir. Tant que les collectivités territoriales n'auront pas la certitude d'un financement pérenne et sécurisé dans le temps, on aura du mal à consolider les investissements nécessaires. Le véhicule utilisé pour abonder le fonds importe peu. Prélever cinquante centimes d'euro sur les abonnements fixes et mobiles dégagerait 700 à 800 millions d'euros par an. Cette somme accompagnerait les collectivités sur une base inégalitaire, contrairement au Fonds national pour la société numérique (FSN) dont le taux moyen ne s'adaptait guère à la situation des collectivités qui pouvaient en bénéficier.

Grâce au choix de la fibre, qui constitue à mes yeux une solution pérenne, la France rattrapera le retard accumulé par sa filière industrielle. Il nous faut dépasser l'opposition fictive entre les usages et les réseaux, car les deux s'alimentent mutuellement. La valeur créée par cette filière est difficile à localiser : en témoignent les difficultés que rencontrent les Etats-nations à faire contribuer à l'impôt les grands opérateurs internationaux que sont Google, Apple, Facebook ou Amazon - les fameux GAFA, comme les dénomme notre collègue Philippe Marini. Développer tout l'écosystème du numérique stimulera les usages - je sais que vous y êtes attentive. Le rôle des collectivités territoriales est déterminant : celles-ci doivent maintenant accompagner la réalisation de l'objectif fixé par le président de la République dans les dix ans à venir. Une demi-année s'est déjà écoulée, ne perdons pas de temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je ne suis pas en désaccord avec ce que nous venons d'entendre - c'est pourquoi nous avions voté la proposition de loi que j'avais cosignée avec Philippe Leroy. Je suis toutefois moins optimiste qu'Yves Rome, qui voit du changement là où je n'en aperçois aucun. Madame la ministre, lorsque vous avez pris vos fonctions il y a sept mois, le mot d'ordre était « le changement c'est maintenant ». Or, en sept mois, rien n'a changé sur le haut débit, ni sur la téléphonie mobile, pas plus que sur le très haut débit. Cette déception s'est transformée en amertume le 22 novembre, date à laquelle vous avez fait enterrer, à l'Assemblée nationale, une autre proposition de loi qui avait été votée à la quasi-unanimité du Sénat - y compris par Yves Rome. Je ne prétends nullement que celle-ci était la panacée. Elle pouvait certainement être amendée, complétée, corrigée, voire différée dans son examen pour vous laisser le temps d'approfondir votre connaissance du sujet. Mais j'ai été choqué par la violence de votre critique : texte « idéologique et court-termiste », « sous-dimensionné et décalé », propositions « inutiles et inefficaces »... Vous nous avez même reproché de n'avoir pas traité la question du financement, alors que la période pré-électorale, tout le monde le sait, avait convaincu tous les groupes d'en différer l'examen. Vous avez repris la parole sur chaque article pour défendre des amendements de suppression en des termes tout aussi violents : la téléphonie mobile ne pose aucun problème, disiez-vous ; la solution satellitaire à 2 mégaoctets réglait la question du très haut débit, autrement dit « circulez, il n'y a rien à voir » ; quant à la contractualisation, vous refusiez, comme votre prédécesseur, une contractualisation avec les opérateurs, que vous craigniez de décourager, ainsi que de les sanctionner en cas de manquement à leurs engagements. Vous méprisiez ainsi le travail réalisé par le Sénat autour d'un rapport adopté à l'unanimité puis une proposition de loi votée à la quasi-unanimité.

Vous tentez maintenant de nous mettre du baume au coeur en saluant poliment notre travail. Je viens même d'entendre des mots que vous condamniez à l'Assemblée nationale, comme celui de contractualisation. En revanche, j'ignore toujours ce que vous comptez faire en matière de haut débit, dont une partie de nos concitoyens continuent d'être privés, et dont le soutien n'est pas incompatible avec la politique du très haut débit. Maintenez-vous les propos que vous avez tenus à l'Assemblée nationale concernant la solution satellitaire ?

A notre demande, votre prédécesseur avait installé un groupe de travail pour améliorer la mesure de la couverture en téléphonie mobile. Je vous avais demandé, lors de votre précédente audition puis par un courrier auquel vous n'avez jamais répondu, de remettre au travail cette instance dont rien n'était encore sorti.

Enfin, je suis soucieux de voir, dans certains départements, les conseils généraux se défausser sur les communautés de communes. Celles-ci ont rarement les compétences techniques et l'assise financière pour porter le déploiement numérique, à plus forte raison dans les zones rurales. L'Etat stratège devrait commencer par mettre un terme à ces pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Un accord est possible sur ce chantier, qui ne doit pas faire l'objet de politique politicienne. Dire que rien n'a été fait en dix ans est une figure imposée mais une inutile facilité rhétorique.

Je partage les propositions d'Yves Rome et de Michel Teston sur le financement du plan national sur le très haut débit. Dans le cas où la taxe Copé n'aurait pas l'aval de Bruxelles, il y aurait une vraie logique à ce qu'elle finance le FANT. La création d'une taxe de cinquante centimes est une autre piste exploitable. Privilégions la première, et donnons-nous le temps d'étudier la seconde. Vous le voyez, sur la question du financement, peu de choses nous séparent.

Pour présider un exécutif local, je peux témoigner des difficultés d'accès au crédit des collectivités territoriales. Vous avez annoncé une transformation en prêts des fonds du guichet A et de la collecte d'épargne : cela nous arrangerait. Les collectivités qui ont déjà obtenu un accord sur le très haut débit pourraient-elles en bénéficier, et dans l'affirmative, à quel taux ?

La loi Pintat faisait du département une maille essentielle du réseau d'infrastructures numériques, sans pour autant exclure l'échelon régional. L'identité de la région surplombe parfois les identités départementales : c'est le cas en Bretagne, en Auvergne, ou encore en Alsace ; inversement, l'identité est plutôt du côté de la Vendée que des Pays de la Loire...

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pas seulement... J'ai eu connaissance de l'avant-projet de loi sur la décentralisation : la répartition des compétences prévue marquerait une régression, et je défie quiconque de l'utiliser pour mener le déploiement numérique. Là encore, le principe de réalité justifiera nos convergences.

Je suis engagé depuis de nombreuses années sur la question du dividende numérique. Les opérateurs sont confrontés à une concurrence effrénée : c'est une excellente chose qui les poussera à innover. Le programme de déploiement de la 4G dépasse enfin l'expérimentation. Dans le processus d'attribution des fréquences, nous avons, pour la première fois, soumis les opérateurs à des contraintes : d'une part, un déploiement dans les grandes villes et, parallèlement, à hauteur de 18 %, dans les zones prioritaires ; d'autre part, 40% de ces dernières doivent être couvertes dans les cinq premières années. Or, pour l'instant, le déploiement de la 4G ne concerne que des grandes villes. Instruit par les expériences précédentes - 2G, 3G, 3G+ -, je vous mets en garde contre la difficulté de respecter les engagements relatifs à la couverture des zones prioritaires si ce problème n'est pas réglé en 2013.

Enfin, où en est la fusion des régulateurs audiovisuel, numérique et des télécoms ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée

Je n'ai jamais été opposée à la contractualisation, bien au contraire : j'ai indiqué à l'Assemblée nationale que l'Etat souhaitait transformer les déclarations d'intention des opérateurs en véritables contrats tripartites, destinés à garantir le déploiement des investissements dans le respect du calendrier convenu. La mission très haut débit travaille à la rédaction d'un contrat-type, qui fera l'objet d'adaptations aux caractéristiques locales et comportera des clauses relatives au constat de carence : leur activation sera possible, comme le propose M. Teston, avant cinq ans.

Nous ignorons quand la Cour de justice européenne rendra sa décision sur la taxe Copé : elle devait le faire au premier trimestre 2013, puis l'on a parlé du premier semestre... Il est toutefois probable, compte tenu des dispositions de la directive télécom, que cette taxe sera déclarée contraire au droit communautaire : celui-ci n'autorise en effet de telles taxes que si elles servent à financer la régulation du secteur. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a provisionné 1,3 milliard d'euros dans le budget 2013 pour rembourser les opérateurs. Son rendement, de 200 à 300 millions d'euros, correspond à ce dont l'Etat aurait besoin pour abonder un fonds de péréquation, et si l'idée de l'affecter au déploiement de la fibre semble davantage euro-compatible, nous restons dans la politique-fiction.

Les guichets A et B de la Caisse des dépôts et consignations restent ouverts : ils représentent respectivement 1 milliard de prêts et 900 millions d'euros de subventions, dont tout n'a pas été dépensé. Le guichet A n'a pas du tout été sollicité par les opérateurs, bien que l'un d'entre eux semble vouloir y faire appel. Nous réfléchissons à la répartition des enveloppes : 300 millions d'euros devraient être consacrés à des prêts à taux bonifiés pour des durées et à des taux adaptés à ce type d'investissements ; une autre partie ira au développement des usages numériques.

Les GAFA, et plus généralement les acteurs internationaux qui ne payent pas d'impôt sur les sociétés et ne contribuent ni au financement de la création ni à celui des infrastructures de communication électronique, font l'objet d'une mission confiée conjointement à un conseiller d'Etat et un inspecteur des finances. Ce sujet n'est pas franco-français : le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l'Allemagne travaillent également sur ces questions. Nous avons réactivé notre participation aux groupes de travail de l'OCDE, aux côtés de nos partenaires allemand et britannique, notamment sur le chantier relatif à l'érosion des bases fiscales et au déplacement des profits (Base Erosion and Profit Shifting, ou BEPS). Nous voulons y jouer un rôle moteur et espérons ainsi faire évoluer les conventions fiscales multilatérales afin de mieux encadrer les stratégies d'optimisation fiscale des entreprises multinationales. Taxer de tels opérateurs rapporterait des milliards d'euros, dont une partie pourrait être dirigée vers le financement de la création et le soutien aux infrastructures.

Les coopérations public-privé en zone 3 sont un sujet majeur de discussion avec l'opérateur historique France Télécom-Orange, principalement concerné par ces investissements. Celui-ci semble prêt à investir dans de telles zones si les conditions de l'équilibre commercial sont réunies. La lisibilité de l'environnement juridique, la stabilité fiscale, l'accompagnement financier offert par l'Etat, constituent autant d'éléments indispensables pour préserver l'envie de ces opérateurs d'investir aux côtés des collectivités territoriales.

Le nouvel acte de décentralisation n'en est qu'au stade de l'avant-projet. Il n'est pas question de donner autorité à une collectivité sur une autre en matière de déploiement du très haut débit. Les situations sont très hétérogènes ; les projets menés en Bretagne et en Auvergne, par exemple, avancent simultanément mais sont bâtis de manière très différente. Si l'Etat détient un rôle pilote, les régions, elles, devront coordonner l'élaboration des schémas directeurs de l'aménagement numérique (SDAN) en veillant à l'interopérabilité des réseaux à leurs frontières. Il ne s'agit nullement de maîtrise d'ouvrage, mais de collecte et de remontée d'information. Les contacts qu'elles auront avec les opérateurs éviteront des demandes redondantes auprès de cabinets de conseil ou de fournisseurs de fibre.

La mission très haut débit aura aussi un rôle d'observatoire du déploiement auquel procèdent les opérateurs. Elle vérifiera l'ensemble des engagements pris par ces derniers, et répertoriera en vue de les cartographier les retards accumulés.

Le sénateur Maurey a été le ou l'un des premiers parlementaires que j'ai reçus pour évoquer ces questions. Rien n'a-t-il changé ? Nous avons monté une structure de pilotage, bâtissons un mode de financement pérenne, gérons les conséquences de l'introduction sans étude d'impact de la quatrième licence mobile, accélérons le développement de la 4G, travaillons sur le refarming de la bande des 1 800 MHz, pressons les choses pour la bande des 800 MHz... C'est une rupture par rapport au laisser-faire qui prévalait par le passé. Dépassons les polémiques : au fond, nous avons tous pour objectif d'améliorer la couverture du territoire en très haut débit, et de fournir à tous nos concitoyens le meilleur service possible. Voilà pourquoi, dans le déploiement numérique en cours, les zones dans lesquelles le haut débit n'est pas satisfaisant seront prioritaires. C'est également pourquoi nous avons un objectif de moyen terme : d'ici à cinq ans, tout le monde devra pouvoir profiter d'un triple play de bonne qualité, soit entre 5 et 8 mega. D'après l'Arcep, 50% des Français ont aujourd'hui accès à un débit de 8 mega. C'est une situation dont on ne peut se satisfaire.

Nous ne sommes nullement défavorables à la contractualisation. Dans la proposition de loi, c'est la perspective des sanctions qui me posait problème, parce qu'elle pouvait dissuader les opérateurs privés d'investir, surtout dans les zones où la rentabilité ne semblait pas garantie.

Pour éviter que les régions se défaussent sur les communautés de communes, nous avons voulu clarifier les rôles de chacun. Certaines grandes agglomérations souhaitent prendre en charge le déploiement de leur réseau, mais pour atteindre les objectifs de péréquation, mieux vaut s'en tenir aux objectifs des schémas départementaux et régionaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je pensais plutôt à la situation dans laquelle les départements, pour se dispenser d'agir, se défaussent sur les communautés de commues, alors contraintes de se substituer à eux. Dans mon département, si les communautés de communes n'exercent pas la compétence relative au très haut débit, il ne se passe rien. A mon avis, il ne s'agit pas du bon niveau d'action.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée

Absolument. Dans les discussions que nous avons avec le ministère en charge de la décentralisation, nous sommes plutôt favorables à un schéma dans lequel les responsabilités sont confiées aux départements et aux régions. Par la suite, les collectivités pourront s'adresser à la mission très haut débit pour obtenir une assistance à maîtrise d'ouvrage. Les communautés de communes pourront lui demander conseil, sans que les départements se défaussent pour autant de leurs responsabilités. Notre cadre juridique n'est pas clair, car la compétence est partagée par toutes les collectivités. Le contexte n'est pas favorable à la mise en place de nouvelles taxes...

Debut de section - Permalien
Mm. Gérard Cornu et

Rémy Pointereau. - On ne l'avait pas remarqué !

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée

Nous avons d'autres moyens de financement. Nous ne souhaitons pas remettre en cause le modèle dans lequel les opérateurs proposent des innovations à des prix relativement modiques. Il convient plutôt de s'appuyer sur les fonds d'épargne avec des prêts à très long terme et à des taux bas.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce taux sera-t-il proche de celui du marché monétaire ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée

Le taux correspondra à la nature et à la durée de l'investissement, et il sera attractif, compte tenu des finances publiques et locales.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée

Non, il assure néanmoins un modèle économique à des investissements rentables à un horizon difficile à déterminer.

Pour garantir le respect des engagements pris par les opérateurs lors de la délivrance des licences 4G, nous accélérons le déploiement du réseau. Des expérimentations sont lancées dans les grandes villes parce qu'il est nécessaire de régler les problèmes d'interférence avec les fréquences de la TNT, de l'aviation civile ou de l'armée. J'ai constaté hier à l'Agence nationale des fréquences (ANFR) que des décodeurs évitaient les brouillages causés par la TNT. Bonne nouvelle, nous disposons des solutions techniques.

Nous avons demandé à la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) et à la direction générale du Trésor une étude sur les conséquences pour la concurrence d'une ouverture anticipée de la 4G sur la fréquence 1 800 mégahertz, actuellement détenue par Bouygues. Les résultats sont attendus pour la fin de la semaine, c'est à sa lecture que nous statuerons.

Dans les conclusions qu'il remettra au Premier ministre d'ici la fin du mois de décembre, le ministère du redressement productif indiquera qu'il n'est pas favorable à la fusion de l'Arcep et du CSA. La régulation des télécoms s'apparente davantage à celle de l'énergie ou du transport ferroviaire, alors que celle des contenus prend en compte la diversité culturelle. Des instances communes peuvent en revanche traiter de la gestion des fréquences audiovisuelles ou du deuxième dividende numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Les objectifs de ce gouvernement ne sont pas exactement ceux de son prédécesseur et rejoignent plutôt ceux des départements ruraux.

La Haute-Marne a obtenu une petite participation de l'emprunt pour les investissements d'avenir. Le bruit court que ces financements pourraient disparaître. Pouvez-vous me rassurer ?

Nous siégeons, avec Hervé Maurey, au sein d'une commission de la DGCIS qui avait commencé un travail de recensement des zones non couvertes par la téléphonie mobile. Or, depuis l'arrivée du nouveau gouvernement, plus rien. Je vous ai écrit, en vain. Quand cette commission se réunira-t-elle de nouveau ? Il est important d'identifier les communes concernées. J'aimerais bien pourvoir répondre autrement à des questions sur la 2G qu'en renvoyant mes interlocuteurs à la 4G ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

La région Bretagne a mis en place une instance de gouvernance avec des objectifs très précis : pour toute prise installée en zone dense, une prise le sera en zone déficitaire. Ceux-ci sont mis en oeuvre au niveau départemental par les schémas directeurs d'aménagement numérique. Nous incitons les communautés de communes et les communautés d'agglomération à se doter de la compétence numérique afin de devenir maîtres d'ouvrage, de conduire les études d'ingénierie et de se situer dans la gouvernance. Nous espérons que le déploiement commencera après le séminaire gouvernemental de février 2013. Ce n'est qu'en mettant en mouvement l'ensemble des collectivités que l'on avancera.

Nous avons évalué le coût moyen d'une prise à 2 000 euros, certaines revenant à 700 euros, d'autres à 7 000 euros. L'Etat, la région et le département apportant leur part, 400 euros restent à la charge des communautés de communes ou d'agglomération. Si cela représente des sommes importantes, les investissements seront lissés dans le temps. Le très haut débit est très attendu dans le monde économique, comme dans les secteurs de la santé, de l'université et de la recherche.

Je préside un groupe de travail sur les déserts médicaux. La télémédecine, la e-santé enthousiasment les professionnels, mais se heurtent à cette difficulté : les zones les plus isolées sont aussi celles où le très haut débit est le moins présent. Qu'en pensez-vous ? Avez-vous prévu des financements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Après avoir discuté avec des opérateurs, je me demande s'ils ne préfèrent pas aller au bout du cuivre plutôt que d'investir dans la fibre. Ce manque d'enthousiasme se manifeste aussi lorsqu'ils jugent assez peu utile la dorsale en fibre réalisée par le département de Meurthe-et-Moselle. Pensez-vous que nous pourrons tout de même avancer ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée

Monsieur Sido, nous allons voir pourquoi le projet qui vous concerne traîne un peu. Toutefois, je puis vous rassurer, les engagements pris par le FSN ne seront pas remis en cause.

Le groupe que vous évoquez avait été mis en place par la DGCIS, parallèlement à l'énorme travail accompli par l'Arcep. Ce groupe constituait une bizarrerie. Avec la mission haut débit, vous disposerez d'un interlocuteur naturel qui répondra efficacement aux interrogations tout en recensant les bonnes pratiques. Je reste à votre disposition pour en reparler.

La couverture en 2G s'est nettement améliorée et les zones blanches se sont nettement réduites entre 2009 et 2012. Au 30 novembre, il restait à couvrir 171 communes, dont 26 au titre du programme initial et 145 au titre du programme complémentaire. Le programme a été réalisé à 95 % et nous allons accélérer son achèvement, sans doute avec l'opérateur historique au vu des difficultés actuellement rencontrées par SFR.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Il ne s'agit pas du programme des zones blanches phase 3, mais des communes prétendument couvertes, qui ne le sont pas.

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée

Nous avons créé un observatoire de la couverture mobile au sein duquel l'ANFR mesure, outre le déploiement, la qualité de service ressentie, qui n'est pas prise en compte par l'Arcep. Je rendrai publics les résultats de cette enquête cette semaine ou en tout début de semaine prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Des maires de mon département ont reçu un courrier du préfet de région leur indiquant, qu'ils avaient la possibilité de sortir de zone blanche .... en mettant 100 000 euros sur la table. Dans des communes de 100 ou de 200 habitants, cela a suscité un certain émoi ! Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Fleur Pellerin, ministre déléguée

Je trouve cela très étonnant.

Dans le cadre de la mission, nous sommes en train de déterminer de façon précise comment l'Etat va subventionner le coût des prises, car le taux de subvention réel diffère du taux théorique.

Avec la dépendance, le maintien à domicile et les réseaux intelligents, la question des déserts médicaux est l'une de celles qui me tiennent le plus à coeur. Les perspectives de la médecine à distance sont considérables. Les zones rurales géographiquement les plus éloignées des hôpitaux ou des spécialistes doivent bénéficier en priorité du très haut débit : il y va de cet accès au service public que le président de la République s'est engagé à maintenir et à développer. Malgré les blocages de la part de certaines institutions ou du corps médical, je suis favorable à l'expérimentation locale et je donnerai des instructions à la Caisse des dépôts pour que priorité soit donnée aux projets de e-santé et de m-santé dans les zones rurales ou de montagne.

Les opérateurs ont naturellement intérêt à rentabiliser au maximum les réseaux en cuivre sur lesquels ils ont beaucoup investi. Donnons-leur des raisons de le faire aussi dans le très haut débit. Le nombre d'abonnés au très haut débit fixe a progressé de 20% au cours des derniers mois, signe d'une appétence nouvelle des consommateurs. Reste à trouver le bon modèle économique, avec une tarification stimulante pour les clients privés et professionnels ainsi que pour les opérateurs. Il faudra, comme on l'a fait pour la télévision analogique, définir un calendrier de l'extinction du cuivre afin qu'ils puissent anticiper.

L'un des intérêts de la mission est de faire en sorte que toutes les initiatives locales soient compatibles avec les normes des opérateurs. Voilà bien pourquoi l'Etat définira un cahier des charges techniques indicatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Madame la ministre, nous aurons sans doute le plaisir de nous retrouver à la fin du premier trimestre, quand votre feuille de route aura été précisée, de même que les financements.