Un autre aspect de votre texte, sous une intention apparemment louable, soulève des difficultés au regard de notre tradition républicaine ; je veux parler de l’obligation de présenter ensemble, dans chaque nouveau canton, une candidate et un candidat.
Passons sur le fait que la coexistence de deux élus sur un même territoire suscitera d’inévitables tensions, et c’est contesté jusque dans vos rangs. Toutefois, se pose un problème de principe : la discrimination positive est contraire à nos principes d’égalité républicaine.
Pour faciliter la participation des femmes à la vie publique sans porter atteinte à la liberté du suffrage et à l’égal accès aux fonctions électives, il avait fallu réviser la Constitution. Ce fut fait sur l’initiative du président Chirac, sur proposition du Premier ministre Jospin.
Toutefois, si le texte ajouté en 1999 à l’article 1er de la Constitution permet de déroger à nos principes constitutionnels pour « favoriser » – c’est le verbe utilisé – l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs, il ne va pas jusqu’à rendre la parité obligatoire. « Favoriser » la mixité n’est pas « imposer » la parité !
L’invitation faite au législateur, s’agissant d’une dérogation à un principe fondamental, doit être interprétée strictement. Il est loyal de vous mettre en garde sur ce point, monsieur le ministre.
L’obligation faite aux suppléants d’être du même sexe que les titulaires aggrave cette incertitude constitutionnelle. Il y a là une démarche rigide et autoritaire que l’on est en droit de trouver excessive.
Enfin, la réforme territoriale de 2010 mettait un terme à une anomalie démocratique, les conseillers régionaux étant les seuls parmi les élus de nos territoires à être désignés à la représentation proportionnelle intégrale. Or vous rétablissez le système ancien.
Le mode de scrutin proportionnel intégral présente pourtant trois inconvénients majeurs : les électeurs n’ont plus aucun lien personnel avec leurs élus ; ceux-ci représentent non plus des territoires, mais des partis ; les assemblées sont le théâtre d’arrangements successifs au détriment d’une politique cohérente. Ce n’est décidément pas le bon modèle pour l’expression de la volonté populaire.
Monsieur le ministre, plus les difficultés s’accumulent, plus le principe de réalité s’impose à votre politique économique, au préjudice parfois de l’unité de votre coalition, et plus l’immense besoin de sécurisation de vos positions électorales semble s’imposer à vous comme une urgence. On parle aujourd'hui de grand chambardement dans les modes de scrutin !