Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les grandes lois de décentralisation des années quatre-vingt ont jeté les bases de notre démocratie locale, en conférant à la fois l’autonomie et une dimension politique et administrative à nos collectivités territoriales.
Les deux textes dont nous débattons aujourd’hui s’inscrivent dans cette lignée de réformes novatrices. Je m’attarderai particulièrement, dans mon propos, sur le cas du département, que la mise en œuvre de ces projets de loi modernisera incontestablement, en donnant à son assemblée une configuration entièrement nouvelle.
En opposition totale avec la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, qui contribuait à affaiblir les départements, en particulier par la création du conseiller territorial, la proposition qui nous est soumise inscrit les départements dans la modernité, en confortant leur dimension de collectivités de proximité.
Le département est, par nature et par les compétences qui lui sont dévolues, l’échelon des politiques de proximité, des politiques de solidarité sociale et territoriale. Cette dimension est réaffirmée par les textes que M. le ministre de l’intérieur nous a présentés : il nous est proposé de supprimer le conseiller territorial, d’instaurer un mode de scrutin novateur, permettant de conjuguer la proximité du scrutin majoritaire avec la nécessaire féminisation de l’assemblée départementale.
Le scrutin majoritaire permet de satisfaire à l’exigence de proximité entre citoyens et élus départementaux. Ce lien fort entre élu et territoire, spécifique au département, nous devons le maintenir.
Toutefois, cette exigence de proximité doit être conciliée avec le respect du principe de parité inscrit dans la Constitution, ardemment demandé par l’immense majorité de nos concitoyens.
Cela a déjà été dit, les assemblées départementales comptent au total seulement 13 % de femmes. Sur cent un départements, seuls cinq sont présidés par une femme. Les progrès, dans ce domaine, sont dérisoires d’une élection à l’autre. Ainsi, lors des élections cantonales de 2011, la proportion de femmes élues a augmenté de 0, 7 % par rapport à 2008, alors que le nombre de candidates était plus important que cette année-là.
Lors du débat sur l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux, il y a treize ans de cela, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur, déclarait dans cette même enceinte : « La sous-représentation des femmes est un défi lancé à l’universalisme républicain. » Ce défi, nous tentons de le relever aujourd’hui en proposant ce mode de scrutin pour les élections départementales. Oui, bien sûr, comme vous tous, mes chers collègues, je souhaiterais que les évolutions interviennent d’elles-mêmes et que les femmes soient naturellement représentées à hauteur de leur importance dans le corps électoral. Cependant, pour amener ce rééquilibrage, le recours à la loi me paraît nécessaire.
L’instauration des candidatures en binômes, tant décriée par l’opposition, est une chance pour développer de nouvelles formes de coopération entre élus. Il n’est pas interdit d’innover, au contraire ! D’ailleurs, les conseillers régionaux défendent un même territoire et travaillent très bien ensemble. Avec ce nouveau système, nous gagnerons en efficacité et en audience auprès de nos concitoyens.
Mesure symbolique, le changement de dénomination des conseillers généraux permettra au citoyen d’établir un lien direct entre le conseiller départemental et les politiques départementales. La substitution d’un renouvellement intégral au renouvellement triennal contribuera aussi à cette meilleure lisibilité et permettra une plus grande efficacité des politiques publiques.
Le nouveau mode d’élection nécessitera un redécoupage des cantons. Nous sommes tous d’accord pour constater que, à l’heure actuelle, il existe d’énormes écarts de population entre cantons d’un même département. Je prendrai l’exemple d’un département que je connais bien, le Lot-et-Garonne : l’écart est aujourd’hui de un à dix entre le canton le plus peuplé et le canton le moins peuplé. La carte cantonale actuelle n’est pas satisfaisante au regard du principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage. Il est temps de mettre un terme à cette inégalité de représentation héritée de l’histoire.
En proposant de diviser par deux le nombre des cantons, le Gouvernement n’accorde pas une prime sans précédent à la représentation des agglomérations, au détriment des territoires ruraux, comme l’affirme l’opposition avec une mauvaise foi teintée d’amnésie. §