Vous avez été nombreux à souligner la nécessité de la proximité entre élus départementaux et électeurs. C’est parce que cette proximité est indispensable que le Gouvernement a proposé un mode de scrutin qui préserve un lien fort entre les électeurs et leurs élus : un scrutin majoritaire par canton, le nombre des cantons devant rester légèrement supérieur à la moitié de ce qu’il est actuellement.
Monsieur Mézard, vous avez soulevé la question de la constitutionnalité du scrutin binominal majoritaire sur deux points. Je souhaite vous apporter les éléments de réflexion suivants.
D’abord, la représentativité peut bien entendu être partagée de manière binominale, au titre de la représentation d’un même territoire. Dans le cas contraire, les listes prévues dans le cadre de l’élection des conseils régionaux ne seraient pas constitutionnelles. Quant au principe de l’individualisation de l’égalité de représentation que vous évoquez, il n’y a pas été fait référence au Conseil d’État, où le rapporteur s’est penché de manière exhaustive sur les principes constitutionnels au respect desquels devrait veiller le Gouvernement lors de la rédaction de son projet de loi.
J’entends bien, également, les inquiétudes exprimées par plusieurs orateurs sur le redécoupage cantonal, et leur souhait qu’il soit réalisé par la voie législative. Mais l’article 34 de la Constitution, cité à plusieurs reprises, prévoit que la loi fixe les règles concernant le régime électoral des assemblées locales. C’est bien le sens de l’article 23 du présent projet de loi, que de fixer les règles, c’est-à-dire les dispositions de portée générale, concernant le redécoupage cantonal. Sur la base de ces règles, l’article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales prévoit, dans sa version actuellement en vigueur, que « les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d’État après consultation du conseil général ». Ces dispositions sont en conformité avec la volonté du pouvoir constituant, qui ne prévoit pas que les limites des cantons soient définies par la loi.
Toujours dans un souci de dialogue, je souhaiterais évoquer avec vous notre volonté commune que le redécoupage des cantons soit fait de façon équilibrée, en tenant compte de la démographie, mais aussi des territoires. C’est un vrai débat, qui n’est pas facile à aborder. La prise en compte de la démographie est indispensable, parce que c’est la règle qui découle de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans sa décision du 8 janvier 2009, ce dernier a validé la conformité à la Constitution de la règle de l’écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne qu’avait prévue le législateur pour le redécoupage des circonscriptions législatives.
Dans l’avis spécialement demandé par le Gouvernement au Conseil d’État, la haute juridiction administrative a confirmé la prise en compte de cette règle de l’écart de plus ou moins 20 % par rapport à la moyenne des cantons dans un département.
Dans la mesure où le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État apprécieront les critères du redécoupage, puis leur mise en œuvre par le Gouvernement, il n’est pas possible, pour celui-ci, de ne pas se conformer à ces exigences dans le présent projet de loi. Des exceptions, selon des critères géographiques ou pour des motifs d’intérêt général – j’ai entendu des interventions très pertinentes, par exemple sur les cantons ruraux ou de montagne, et je sais que le rapporteur est particulièrement sensible à ce sujet –, pourront cependant être prévues, au cas par cas : nous avons tenu à le préciser à l’article 23 du projet de loi, et ce sera bien l’approche retenue dans le cadre du redécoupage cantonal, pour tenir compte des territoires et de leurs spécificités lorsque cela sera pertinent.
M. Adnot a indiqué que le redécoupage cantonal est nécessaire ; nous devrons le réaliser selon les critères les plus clairs. Si nous avions gardé le mode de scrutin actuel, qui ne permet pas d’assurer la parité et qui est ancien, il aurait fallu procéder à un redécoupage exactement selon les mêmes principes.