Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte dans lequel nous abordons l’examen de cet article 2 me paraît totalement surréaliste.
Nous sommes en train de parler du mode d’élection des conseillers départementaux. J’avais pourtant le sentiment que ce n’était pas la préoccupation principale des exécutifs départementaux.
Comme notre collègue Éric Doligé vient de le rappeler, lorsque les représentants des départements ont été reçus par le Président de la République, la préoccupation majeure dont ils lui ont fait part a été, m’a-t-il semblé, celle de l’avenir de l’institution départementale ; je parle de son avenir non seulement institutionnel, mais également financier.
Contexte surréaliste, disais-je, parce que, voilà quelques semaines, nous nous sommes tous mobilisés, au Sénat et dans nos départements, pour les État généraux de la démocratie territoriale. Or, pas plus ici que dans mon département, je n’ai entendu quiconque évoquer « l’urgente nécessité de réformer le mode d’élection dans les départements ». En revanche, j’ai entendu des élus souligner la nécessité de clarifier les compétences et de répondre aux interrogations qui se posent à propos du financement.
Mes chers collègues, en ce mois de janvier, chacun d’entre nous parcourt son département et assiste à des cérémonies de vœux. Lorsque nous discutons avec les élus locaux, ils expriment leurs inquiétudes, par exemple, quant au financement de la réforme des rythmes scolaires et aux conséquences de cette dernière pour les communes ou les conseils généraux en termes de transports scolaires. Je n’ai entendu personne m’interpeller sur l’urgence qu’il y aurait à modifier le mode de scrutin.
Contexte surréaliste encore, parce qu’on nous annonce de semaine en semaine le report de la grande loi de décentralisation censée apporter des réponses à ces questions, sous prétexte que le dispositif n’est pas prêt. Et chaque fois qu’un texte est rendu public, le ministre s’empresse de préciser qu’il s’agit seulement d’une piste de travail, et non d’un document de référence.
Par ailleurs, l’époque où vous faisiez campagne la main sur le cœur pour défendre la ruralité semble bien révolue. On se souvient du mauvais coup porté à la répartition des droits de mutation à titre onéreux dans le budget 2013.
Chacun le voit, au travers de ce projet de loi, c’est bien la ruralité qui est mise à mal. Aujourd'hui, il y a cinquante-trois conseillers généraux dans mon département ; avec le nouveau dispositif, il en restera vingt-sept. Le poids moyen d’un canton sera de 29 000 habitants alors que pratiquement 70 % des cantons en ont moitié moins aujourd'hui. Cela signifie que la ruralité ne sera plus représentée.
Mes chers collègues, si un élu représente une population, il représente également un territoire. Or, dans ce projet de loi, vous avez pris le parti de vous fonder uniquement sur la contrainte démographique, au mépris de la contrainte territoriale, en vous affranchissant totalement des circonscriptions, des agglomérations et des bassins de vie.
Comme cela a été rappelé, le conseiller territorial avait, sur le plan pratique, le mérite de la simplification. Un référent territorial unique était institué, ce qui constituait une mesure de clarification, donc de transparence et de démocratie.
Non seulement le conseiller territorial sera supprimé, mais en plus il y aura deux conseillers départementaux pour le prix d’un, avec en prime, bien entendu, une concurrence entre les deux !
Nous voyons bien quels en seront les effets concrets. Dans les cérémonies de vœux ou les inaugurations, il y aura deux discours au lieu d’un. §Je n’ai vraiment pas le sentiment qu’on y gagne en lisibilité et en simplification.
Vous vous flattez de faire preuve d’imagination et d’innovation ? En général, lorsque les socialistes français font preuve d’imagination et d’innovation, leurs trouvailles ne sont guère reprises dans les autres pays ; je vous renvoie aux 35 heures.