Madame la ministre, je fais grief au Gouvernement de cette indulgence à l’égard d’un ministre qui pratique si spontanément, si promptement la complaisance fiscale et qui devient le complice de Google pour transférer 4, 5 milliards d’euros aux Bermudes.
Ce « double sandwich » nous semble bien indigeste quand on sait qu’une grande part de la renommée et du succès de Google est due à sa position dominante, voire quasi-monopolistique sur le marché des moteurs de recherche en Europe.
Madame la ministre, mes chers collègues, osons le dire, l’absence de régulation européenne nous condamne à la gesticulation. Ce défi doit donc être assumé avec force et détermination par l’Union européenne. Peut-être parviendrons-nous à convaincre certains États membres de cesser de faire cavalier seul, notamment l’Autriche, qui s’apprête à signer avec les États-Unis une convention d’échange d’informations bancaires qu’elle refuse à ses partenaires européens.
L’économie du numérique n’en est qu’à ses balbutiements, et son marché est déjà vicié de monopoles en tout genre, de fraudes insupportables et de distorsions de concurrence tellement impitoyables que nos entreprises et nos PME du numérique sont évincées alors même que les entreprises plus classiques du secteur culturel souffrent : éditeurs, libraires, disquaires au premier chef.
Le mouvement que je viens d’esquisser ne constitue que les prémices d’une lame de fond, qui mettra à rude épreuve nos systèmes fiscaux. L’économie dématérialisée remet purement et simplement en cause le principe de la territorialité de l’impôt, et nous ne pouvons pas nous contenter de jeter un voile pudique sur cet enjeu majeur des décennies à venir.
De nombreux travaux sont en cours et bien d’autres questions restent en suspens. L’OCDE a créé en son sein un groupe de travail depuis 1999, mais celui-ci est assez peu fertile, tant nous sommes impatients de connaître ses propositions.
La mission demandée par le Gouvernement à Pierre Collin et Nicolas Colin a rendu des conclusions intéressantes, notamment en matière d’exploitation des données personnelles, mais elle peine encore, je le crois, à prendre la réelle mesure de la porosité de nos assiettes aux vagues de la mondialisation.