Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 5 octobre 2010 à 14h30
Démocratie sociale — Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis une nouvelle fois autour de ce texte qui prévoit de mesurer l’audience des syndicats dans les TPE, texte important puisqu’il concerne 4 millions de salariés.

La première lecture de ce projet de loi par le Sénat, en juin dernier, avait abouti, à notre grand regret, à un texte a minima. En effet, le texte avait déjà été raboté : l’échelon local pour les commissions paritaires, ainsi que le caractère obligatoire de l’instauration de celles-ci, avait été supprimé. En outre, l’accès aux TPE avait été interdit aux élus de ces commissions, sauf accord du patron.

Or, en juin dernier, lors de l’examen du projet de loi par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, de nombreux députés de la majorité ont donné raison au MEDEF en supprimant tout simplement l’article 6, et ce contre l’avis du Gouvernement. Mais supprimer les commissions paritaires régionales, c’est vider la loi d’une grande partie de sa portée, bref de son sens même.

Aujourd'hui, on a envie de dire : « Tout ça pour ça ! »

On ne peut que reprocher au MEDEF et à la CGPME de manquer, une fois de plus, à leur parole. Ce texte n’honore pas l’accord passé entre les partenaires sociaux en avril 2008. Sans ces commissions paritaires, on ne voit pas comment on pourrait assister au développement d’un véritable dialogue social dans les TPE.

Ce texte était le fruit de discussions approfondies et traduisait l’équilibre auquel étaient parvenus les partenaires sociaux. Rompre cet équilibre reviendrait à envoyer un signal très négatif aux salariés des TPE.

La tournure qu’a prise l’examen de ce texte renvoie à une vision archaïque de la démocratie sociale ! Mais cela n’a pas de quoi nous surprendre de la part du MEDEF ! D’ailleurs, n’a-t-il pas été considéré, au cours de ces dernières années, comme une organisation très archaïque ?

La suppression de l’article 6 traduit donc le retard de la France en matière de dialogue social. C’est un véritable échec, et le MEDEF n’a pas de quoi s’en réjouir.

Au fil de l’évolution de ce texte, on a pu voir combien les organisations patronales étaient divisées, avec un MEDEF incapable de mener à bien une négociation. Il constitue un véritable facteur de blocage.

Les difficultés de l’action collective patronale observées aujourd'hui ne sont que le reflet d’une pluralité de la représentation patronale. Cela montre qu’il n’y a pas un intérêt commun des entreprises. Bien souvent, les TPE sont étranglées par les grandes entreprises ; les salariés sont, autant que les dirigeants des TPE, victimes de cette situation.

Cette pluralité d’organisations a pour conséquence différentes positions des chefs d’entreprise : ceux qui recherchent un compromis avec les syndicats et ceux qui ne souhaitent pas maintenir un dialogue social.

Cette dispersion du patronat explique l’adoption de positions ambiguës, voire des retours en arrière dans les négociations, comme c’est le cas avec ce texte. Ces positions, qui sont souvent changeantes dans les négociations – si négociation il y a ! – freinent la mise en œuvre des textes négociés. La division et la concurrence entre ces organisations patronales polluent le dialogue social ; je tiens à le préciser, c’est une particularité de la France au sein de l’Europe.

Contrairement à certains pays européens, le patronat français n’a pas saisi l’occasion d’engager une réforme de la régulation sociale. Le fait que le nombre d’affaires portées devant les prud’hommes ne diminue pas depuis dix ans illustre la part d’incivilité et d’inculture qui persiste dans les pratiques patronales.

Malheureusement, le MEDEF – plutôt un lobby qu’une organisation ! – n’arrive pas à changer cette situation. Or le rôle d’une organisation consiste non seulement à partager des valeurs avec ses adhérents, à créer des règles communes, mais également à conseiller, analyser, former, communiquer, à engager des débats et, pour finir, à s’ouvrir. Or le MEDEF est aujourd’hui très introverti, centré sur lui-même. Par différentes stratégies, il ne cesse de faire pression, d’imposer ses propres intérêts sans se soucier de ce qui se passe sur le terrain. D’ailleurs, certaines fédérations ne se retrouvent plus dans le fonctionnement archaïque et dépassé du MEDEF. C’est le cas, par exemple, de la Fédération nationale de l’agroalimentaire, qui l’a quitté.

Avant de conclure, je souhaite dire ici que je ne suis absolument pas contre les PME et les TPE. Bien au contraire ! Celles-ci représentent 93 % des entreprises françaises, et j’ai conscience du rôle crucial qu’elles jouent dans notre économie.

Ce texte révèle un véritable malaise, qu’il convient de dénoncer. En effet, la France compte parmi les plus mauvais élèves de l’Europe en matière de dialogue social. De ce point de vue, ce texte est malheureusement un échec : un échec pour les salariés, qui ne pourront pas être représentés ; un échec pour les dirigeants de TPE, qui, sans véritable dialogue social, seront confrontés aux conflits et, bien souvent, assignés devant les prud’hommes – comme vous le savez, 80 % des jugements sont favorables aux salariés.

Mais c’est aussi un échec pour le MEDEF, qui donne une image d’archaïsme, en montrant son incapacité à négocier, à se moderniser, et accuse ainsi un retard par rapport aux autres organisations patronales européennes.

On est décidément bien loin d’une démocratie sociale moderne !

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