Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, si la commission des lois s’est saisie pour avis du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, c’est non pas pour apporter une contribution dans un domaine qui ne ressort pas de sa compétence – les enjeux de la séparation des activités bancaires utiles au financement de l’économie et des activités spéculatives, ainsi que l’organisation de la supervision et du contrôle des activités bancaires –, mais pour examiner quelques articles relevant de son champ d’intervention et concernant le droit des assurances, le droit de la consommation et le droit funéraire, ainsi que les commissions d’enquête parlementaires. En effet, dans son projet de loi initial, le Gouvernement a introduit plusieurs dispositions relevant de ces domaines.
Monsieur le ministre, la plupart des dispositions qui ont attiré l’attention de la commission des lois figuraient déjà dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, examiné par notre assemblée au mois de décembre 2011 et dont notre commission s’était déjà saisie pour avis, étudiant par délégation au fond de la commission des affaires économiques certaines de ses mesures. Je pense, en particulier, au régime de l’assurance-emprunteur et aux questions relatives à la législation funéraire. Toutefois, la navette de ce projet de loi s’est interrompue en raison de la fin de la précédente législature à l’Assemblée nationale.
Je tiens néanmoins à saluer en cet instant le travail de notre collègue Nicole Bonnefoy, qui avait été rapporteur de ce texte au nom de la commission des lois : le travail réalisé en 2011 m’a évidemment guidé aujourd’hui.
Revenons au projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, dont la commission des lois a examiné l’article 18, destiné à rendre plus effectif l’exercice par l’emprunteur de sa liberté de choix en matière d’assurance-crédit, l’article 23, permettant aux héritiers d’accéder dans certaines conditions au compte bancaire d’un défunt, et l’article 25, tendant à mettre notre droit en conformité avec un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui rappelle que le principe de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes s’applique en matière d’assurance.
L’article 18 vise à renforcer l’information de l’emprunteur sur le coût de l’assurance destinée à garantir le remboursement du crédit. En outre, concernant les crédits immobiliers, il encadre davantage les conditions dans lesquelles peut s’organiser la souscription d’un contrat d’assurance-crédit autre que le contrat de groupe proposé par le prêteur, de façon à permettre à l’emprunteur d’exercer véritablement la liberté de choix de l’assurance-crédit qui lui a été accordée par la loi Lagarde du mois de juillet 2010. Instaurée au nom de la concurrence, cette liberté de choix a pour objet de diminuer le coût de l’assurance-crédit pour l’emprunteur d’un montant pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros sur la totalité de la durée du crédit.
Je vous propose une série d’amendements destinés à clarifier ces dispositions dont la rédaction peut, en l’état, prêter à des interprétations ambiguës.
Demeure notamment la question de la liberté de choix pour les contrats de crédit souscrits antérieurement à la loi Lagarde, c’est-à-dire la possibilité pour les emprunteurs de renégocier des contrats d’assurance de groupe. Cette question est évidemment importante pour les associations de consommateurs. La réflexion doit se prolonger sur ce sujet : à ce jour, il n’y a pas de réponse évidente.
L’article 23 concerne les facilités d’accès au compte bancaire du défunt. Il s’agit d’autoriser les héritiers à accéder à ce compte afin de régler les frais des funérailles. En principe, les banques devraient le permettre – d’ailleurs, elles le font parfois –, puisque le paiement des obsèques est considéré comme un acte conservatoire de la succession, mais elles peuvent le refuser, craignant de voir leur responsabilité engagée. Le présent dispositif devrait apporter une réponse adaptée en termes de sécurité juridique. La commission des finances a clarifié un point, en cohérence avec le droit civil, dans le sens souhaité par la commission des lois.
À l’article 23, il est proposé d’ajouter deux nouvelles facilités d’accès au compte bancaire du défunt. Il s’agirait d’autoriser un successible en ligne directe, c’est-à-dire un enfant ou un parent, mais pas le conjoint survivant, à payer certaines dettes de la succession, voire à clôturer le compte et à prélever la totalité des fonds. Pour cela, il suffirait qu’il fasse valoir sa qualité en produisant un acte de naissance, qu’il déclare, sans qu’aucune vérification ne soit effectuée, que, à sa connaissance, il n’y a pas d’autres héritiers, pas de testament ni de contrat de mariage. Pour la clôture du compte, il devrait en outre produire une attestation des autres héritiers l’autorisant à percevoir les fonds. Ces procédures ne seraient possibles que pour des comptes bancaires d’un montant inférieur à quelques milliers d’euros.
Les auditions auxquelles j’ai procédé m’amènent à faire preuve de la plus grande réserve à l’égard de ces deux nouveaux dispositifs.
Tout d’abord, ils ne sont pas demandés par les associations de consommateurs. La Fédération bancaire française m’a indiqué ne pas avoir connaissance de difficultés particulières qui justifieraient des dispositifs aussi dérogatoires au droit commun. Quant au Conseil supérieur du notariat, il juge que la sécurité juridique de ces mesures est loin d’être assurée ; en outre, elles risqueraient d’exacerber certains conflits successoraux.
Ainsi, tout repose sur les déclarations d’un héritier qui n’a pas à apporter de véritable preuve de ce qu’il avance et n’est soumis à aucune procédure de vérification par l’établissement bancaire. Que se passera-t-il lorsque les enfants souhaiteront clôturer le compte et que la compagne du défunt détiendra un testament olographe non enregistré ? Verra-t-on les successibles en conflit engager une course contre la montre pour vider les comptes bancaires du défunt à leur profit, en procédant, le cas échéant à de fausses déclarations ? Comment l’intérêt des créanciers du défunt sera-t-il garanti, une fois les fonds dispersés, sans trace, entre les héritiers ?
La commission des lois vous proposera donc de supprimer ces deux dispositifs pour ne conserver que celui qui permettrait le paiement des funérailles.
Enfin, l’article 25 vise à tirer les conséquences, dans le code des assurances, de l’arrêt Test-Achats rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 1er mars 2011, lequel a invalidé l’article 5 de la directive de 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, qui prévoyait une dérogation au principe d’égalité de traitement en matière de primes et contrats d’assurance. La Cour ayant considéré cette dérogation discriminatoire, elle l’a invalidée pour l’avenir et a fixé une date d’effet de sa décision au 21 décembre 2012. Désormais, le montant des primes d’assurance, notamment automobile, doit être le même pour les hommes et les femmes.
J’y insiste, nous sommes au mois de mars 2013, or depuis cette décision de mars 2011, rien n’a été fait pour mettre en conformité la législation française. La commission des lois l’a vivement déploré.
Même si cela suscite une controverse avec les assureurs, qui se fondent sur le texte d’un arrêté ministériel pris dans l’attente de la modification du code des assurances, la commission des finances a utilement clarifié la rédaction de l’article 25 sur un point d’interprétation difficile, de sorte que la commission des lois a approuvé cet article ainsi modifié.
Par ailleurs, mes chers collègues, la commission des lois vous proposera d’introduire des dispositions additionnelles concernant les contrats d’assurance-vie non réclamés et la législation funéraire qui trouvent pleinement leur place dans le présent projet de loi. Ces mesures ont déjà été adoptées par le Sénat, et certaines d’entre elles à plusieurs reprises, notamment en 2011 à l’occasion de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, sans jamais aboutir à ce jour.
Un premier amendement concernera la revalorisation des « contrats obsèques », car, sur ce point, la loi n’est toujours pas appliquée, en raison d’une incompatibilité supposée avec les règles prudentielles européennes en matière d’assurance-vie. Il s’agit d’effectuer quelques ajustements pour rendre enfin effective la revalorisation prévue par le législateur.
Un deuxième amendement portera sur la dénomination et le contenu des contrats obsèques pour prévenir les mauvaises pratiques de certains professionnels ; il visera à garantir l’affectation des sommes au financement des obsèques et la personnalisation des prestations d’obsèques.
Un dernier amendement tendra à préciser les obligations des assureurs en matière de recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie non réclamés, en vue d’améliorer la résorption du stock de ces contrats, de limiter leur multiplication, de systématiser les bonnes pratiques de certains établissements et de renforcer la transparence des démarches effectuées par les assureurs.
Avant de conclure, j’ajoute que la commission des lois, au titre de sa compétence particulière à l’égard du règlement du Sénat et du fonctionnement des assemblées parlementaires, a également examiné les articles 11 et 11 bis, dans la mesure où, dans certains cas, ils modifient les règles de levée du secret professionnel devant les commissions d’enquête parlementaires.
Actuellement, l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit qu’une personne entendue par une commission d’enquête peut lui opposer le secret professionnel. La loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a apporté une dérogation à ce principe dans le domaine de la régulation financière : les personnes participant ou ayant participé aux travaux de l’Autorité de contrôle prudentiel ou de l’Autorité des marchés financiers sont déliées du secret professionnel lorsque la commission d’enquête applique le secret à leur audition. Le projet de loi étend cette dérogation non seulement aux personnes participant ou ayant participé aux missions du Haut Conseil de stabilité financière, appelé à se substituer à l’actuel Conseil de la régulation financière et du risque systémique, mais aussi aux dirigeants et salariés des établissements de crédit.
Sans doute avons-nous matière à nous interroger sur la cohérence des dérogations à la règle du secret professionnel devant les commissions d’enquête, qui s’ajoutent les unes aux autres, même si le présent projet de loi ne se prête évidemment pas à une réflexion d’ensemble. Toujours est-il, mes chers collègues, que je vous proposerai deux amendements destinés, à tout le moins, à regrouper les dispositions concernées du projet de loi là où elles doivent figurer, c’est-à-dire au sein de l’article 6 de l’ordonnance de 1958, sans en modifier le fond.
Pour conclure, je vous indique que, sous réserve de l’adoption des amendements que je présenterai lors de la discussion des articles, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie.