Intervention de Jean-Pierre Michel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 mars 2013 : 1ère réunion
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur :

Nous sommes saisis en première lecture du projet de loi qui ouvre le mariage aux personnes de même sexe, voté par l'Assemblée nationale le 12 février 2013. En offrant aux couples homosexuels la faculté d'accéder au mariage, ce projet de loi consacre l'exigence d'égalité entre les couples, sans distinction de sexe ni d'orientation sexuelle. Nous avons procédé à une quarantaine d'heures d'auditions, auxquelles une centaine de sénateurs ont participé, et qui ont été diffusées sur Public Sénat. J'en ai effectué moi-même une dizaine. Toutes se sont déroulées dans un climat serein et attentif, comme il convenait à la dignité et à l'importance du sujet abordé. Toutes les personnes qui le souhaitaient ont été entendues, pourvu qu'elles présentent des garanties de sérieux et de représentativité suffisantes.

Ce texte introduit dans le code civil un changement symbolique important, qui répond à une triple exigence : la reconnaissance sociale des couples homosexuels et des familles homoparentales, l'égalisation des droits et des devoirs avec les autres familles et celle de la protection que l'État doit leur assurer. L'égalité, des droits comme des devoirs, est le maître-mot de la réforme : Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice a déclaré que « le projet de loi est marqué du sceau de l'égalité ». Les auditions que nous avons conduites ont confirmé cette volonté de reconnaissance des couples homosexuels et d'égalité des droits avec les couples hétérosexuels, y compris parmi les associations ou les courants religieux minoritaires au sein des grandes Églises.

Ce voeu d'égalité est conforme aux principes qui fondent notre République. Il a cependant été dénoncé à plusieurs reprises lors des auditions : certaines des personnes entendues, et certains sénateurs, ont fait valoir que l'égalité n'est pas l'identité, et qu'elle n'impose de traiter également que des personnes placées strictement dans la même situation. L'argument mérite d'être entendu, mais s'applique-t-il vraiment à la situation visée par le présent projet de loi ? Le texte écarte toute assimilation des couples homosexuels aux couples hétérosexuels pour ce qui regarde la filiation biologique. Mais lorsqu'il s'agit de protection mutuelle, fondée sur l'amour que l'on se porte, quelle différence entre un couple homosexuel et un couple hétérosexuel ? Lorsqu'il s'agit de la protection d'un enfant par la reconnaissance juridique des liens qui l'unissent à ceux qui l'éduquent et l'élèvent, quelle différence entre l'enfant de parents de même sexe et celui de parents de sexe différent ? Faut-il que les enfants fassent les frais des orientations sexuelles de leurs parents ? Pourquoi réserver aux uns le mariage et ses effets, et tenir les autres à l'écart de ce statut protecteur ? L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'indique-t-il pas que « la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ?

L'idée est souvent avancée, par ceux qui s'opposent au mariage des couples de personnes de même sexe, que l'égalité des droits pourrait être assurée par un statut spécifique, distinct du mariage, et propre aux couples homosexuels. Cette union civile s'ajouterait au pacte civil de solidarité (Pacs), ou s'y substituerait, les droits et les obligations ouverts par ce dernier étant alors renforcés. Une telle proposition ne peut être retenue, car elle contredit l'esprit qui anime la présente réforme, en perpétuant l'inégalité ou la différence de traitement appliquée à des situations pourtant identiques. Bien sûr, si l'union civile s'ajoutait au mariage et s'appliquait à tous les couples, comme le propose un des trois amendements déposés, ce serait acceptable - quoique cela ne rentre pas dans l'objet de ce texte. Sinon, soit l'union civile offre aux couples homosexuels exactement les mêmes droits et les mêmes garanties que le mariage, ce qui reviendrait à créer un doublon du mariage, qui n'aurait d'autre intérêt que de priver les couples de personnes de même sexe d'une reconnaissance sociale symbolique, en réservant la dénomination « mariage » à l'union d'un homme et d'une femme, soit l'union civile est en retrait par rapport au mariage, et les couples homosexuels seraient alors privés de droits - en dehors de ceux relatifs à la filiation biologique - reconnus aux couples hétérosexuels. De plus, un statut à part cantonnerait les homosexuels à une place à part dans notre société, ce qui ne correspond pas aux fondements de l'universalisme républicain. Maître Jacques Combret, s'exprimant devant votre commission au nom du conseil supérieur du notariat, a d'ailleurs écarté l'intérêt de régimes juridiques spécifiques supplémentaires. Les notaires se sont ainsi prononcés très clairement contre un nouveau statut de type union civile.

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