Intervention de Frédérique Espagnac

Réunion du 28 mars 2013 à 9h00
Journée nationale de la résistance — Article 1er

Photo de Frédérique EspagnacFrédérique Espagnac :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, cher Jean-Jacques Mirassou, mes chers collègues, il y a de cela bientôt soixante-dix ans, se sont réunis à quelques encablures de notre hémicycle des hommes qui, par leur courage et leur obstination, assurèrent à notre pays un destin extraordinaire et, surtout, un avenir.

À travers eux, la France, républicaine, humaniste et laïque, reprenait pied sur le territoire national, après en avoir été chassée dans la tourmente du printemps 1940. Mais la France combattante, loin de se résumer à cette poignée d’hommes, s’incarna dans le quotidien de milliers de familles, qui, des plaines des Flandres aux cimes pyrénéennes, du mur de l’Atlantique aux glaciers des Alpes, participaient secrètement à la Libération.

Dès lors, le 27 mai 1943, dans cette petite rue parisienne, la première réunion du Conseil national de la Résistance marqua non pas la naissance d’actes de résistance, mais bien l’avènement d’une armée de l’ombre. Ce jour-là, ils cessèrent d’être des Français résistants pour devenir la Résistance française, comme le dira si bien André Malraux.

La suite, nous la connaissons. Une armée nazie qui, harcelée par la Résistance française, est mise en déroute par les troupes alliées. Mais sommes-nous si sûrs que les plus jeunes perçoivent encore ce que fut et put incarner la Résistance française dans ces heures sombres de notre histoire ? Combien peuvent encore citer le nom de ces héros qui, parfois par le sacrifice de leur vie, permirent à la France de garder la tête haute ? Combien peuvent aujourd’hui encore entonner Le Chant des partisans, qu’ils furent pourtant si nombreux à l’époque à murmurer comme un chant de complicité ?

Naturellement, il y a des raisons à tout cela. Tout d’abord le temps, qui, implacablement, poursuit son œuvre et efface mémoires et témoignages. Ensuite, les lacunes de l’histoire : outre le fait que certains ont voulu restreindre son enseignement, ne lui trouvant plus d’utilité, elle n’a permis, ne pouvant qu’être parcellaire, de ne retenir que quelques noms.

Pour autant, conscients que ces individus que rien ne prédestinait à une telle charge n’auraient jamais pu réussir sans un réseau extraordinaire, riche de plusieurs milliers de Français et d’étrangers, derniers gardiens d’une France qui se devait immortelle, nous ne pouvons tolérer que leur bravoure et le service qu’ils ont rendu à la nation tombent dans l’oubli. Que la République répare enfin l’injustice faite à ces hommes et ces femmes, qui font l’honneur de nombreuses familles de France mais n’ont jamais reçu les hommages de la nation !

En vertu de cette proposition de loi due à l’initiative de mon collègue Jean-Jacques Mirassou, chaque 27 mai, les Français pourront, via des commémorations nationales et locales, des manifestations d’associations du souvenir et d’anciens combattants, et grâce au rôle majeur joué par l’éducation nationale, rendre hommage aux milliers d’oubliés qui ont fait la France d’aujourd’hui.

Enfin, j’aimerais que, par la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, on accède enfin à ce qu’André Malraux appela de ces vœux par ces mots, à l’occasion du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon le 19 décembre 1964, et qu’entre enfin pleinement au Panthéon de la patrie reconnaissante le terrible cortège, « avec ceux qui sont morts dans les caves, sans avoir parlé […] ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres. Entre avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle – nos frères dans l’ordre de la nuit... »

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