Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon collègue Yvon Collin, qui ne peut, pour des raisons de santé, vous présenter cette motion de renvoi à la commission. La tâche qu’il m’a demandé d’assumer en le remplaçant aujourd’hui sera d’autant plus aisée que la motion en question a été, je le rappelle, adoptée à l’unanimité par les membres non seulement de la commission des finances, mais aussi des trois commissions saisies pour avis : la commission de la culture, la commission des affaires économiques et la commission du développement durable.
La discussion de ce texte ayant été suspendue le 31 janvier dernier, permettez-moi de revenir très brièvement sur le contexte de cette motion de procédure.
La discussion générale a très clairement montré que la proposition de loi présentée par notre collègue Philippe Marini posait les bonnes questions, qu’il s’agisse de l’« évaporation » des assiettes fiscales liées à l’économie numérique ou des distorsions de concurrence engendrées par les acteurs de l’internet installés dans des États à fiscalité basse ou nulle.
Ces constats ont été confortés par les conclusions de la mission d’expertise Colin et Collin sur la fiscalité de l’économie numérique. Certes, celle-ci ne s’est pas prononcée en faveur de la taxation de la publicité en ligne ou du commerce électronique. En revanche, elle a posé très sérieusement les fondements théoriques de la nécessité d’appréhender fiscalement ce qu’elle appelle le « travail gratuit » des internautes et l’utilisation commerciale qui en est faite par les acteurs de l’économie numérique.
Les débats ont montré que nous sommes tous convaincus de la nécessité d’agir rapidement : le Parlement, et tout particulièrement le Sénat, le Gouvernement, mais aussi les États du G20 et l’OCDE. À cet égard, la commission des finances a auditionné le 20 février dernier M. Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, afin qu’il nous présente le projet BEPS, à savoir la lutte contre l’érosion des bases d’imposition et les transferts de bénéfices. Nous avons compris qu’un plan d’action serait présenté au G20 au mois de juin prochain pour lancer la négociation d’une convention fiscale multilatérale dont l’élaboration devrait être plus rapide que la renégociation de l’ensemble des conventions bilatérales existantes.
De son côté, le Gouvernement n’a pas été inactif depuis la suspension de nos travaux. Mme la ministre vient de le rappeler : la feuille de route adoptée le 28 février dernier lors du séminaire gouvernemental sur le numérique prévoit de rétablir notre souveraineté fiscale. Pour cela, le Gouvernement souhaite « pousser à la reconnaissance de l’établissement stable virtuel dans les conventions OCDE ; promouvoir, à l’échelle européenne, la mise en place d’une assiette consolidée d’impôts sur les sociétés [...]. Un guichet unique d’IS pourrait être proposé à nos partenaires […] ; étudier, sur la base de la concertation qui a été demandée au Conseil national du numérique et qui s’achèvera avant l’été, l’opportunité d’introduire des dispositions relatives à la fiscalité du numérique dans le projet de loi de finances pour 2014 ».
Madame la ministre, permettez-moi à ce stade de mon intervention de présenter un point de vue plus personnel sur ce sujet, en particulier sur le problème du financement des infrastructures à très haut débit dans les territoires. Nous le savons bien, les opérateurs n’investissent que là où c’est rentable. Ainsi, dans la région toulousaine, les collectivités locales ne sont pas sollicitées, puisque ce sont les opérateurs qui interviennent ; en revanche, pour obtenir des équipements corrects dans le Larzac, les collectivités locales doivent agir. C'est tout le contraire de la péréquation que nous sommes un certain nombre à défendre ! Aussi, pour remplir l’objectif de la feuille de route gouvernementale, 20 milliards d’euros d’investissements sur dix ans ne suffiront pas : le compte n’y est pas !
Je rappelle que, dans l’après-guerre, pour construire le réseau de distribution électrique, une taxe avait été mise en place, le Fonds d'amortissement des charges d’électrification, ou FACE, qui a permis d'électrifier l'ensemble de notre pays. Pourquoi serions-nous moins ambitieux et moins imaginatifs que nos prédécesseurs et pourquoi ne créerions-nous pas, pour financer le déploiement du réseau sur tout le territoire, un prélèvement sur les abonnements internet, visant en particulier les opérateurs ?