Dans ce domaine, l’essentiel est de ne pas sombrer dans l’émotionnel. C’est pourquoi nous devons nous garder d’adopter des mesures hâtives qui n’écarteraient pas, malheureusement, le risque zéro, et dont les effets pourraient être contraires à l’objectif recherché.
Des condamnations, heureusement très rares, mais très médiatisées, d’agents des forces de sécurité ont accrédité l’idée que la justice penchait plutôt du côté de la victime. Or, en réalité, la jurisprudence est plutôt protectrice à l’égard des policiers et des gendarmes. J’ajouterai que le juge ne fait pas de différence entre ces deux catégories.
Au-delà des arguments juridiques, un rapprochement des conditions d’emploi des armes à feu par les policiers et les gendarmes ne semble pas pertinent au regard de leurs spécificités respectives.
Bien que les gendarmes et les policiers aient en commun certaines missions d’ordre civil, leurs modes et leur aire de déploiement diffèrent. Les premiers interviennent majoritairement en milieu rural tandis que les seconds exercent plutôt dans les zones urbaines, ce qui suppose des approches différentes, notamment eu égard à la densité de population.
En outre, qu’apporterait aux policiers le régime de la sommation propre aux gendarmes ? Certains syndicats de policiers y voient un risque supplémentaire sur le plan pratique, alors que la légitime défense est possible sans sommation en cas de menace.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres qui ont été développées plus longuement par certains de mes collègues, il apparaît que le dispositif proposé conduirait à laisser penser que les policiers seraient pénalement plus à l’abri en cas de riposte, alors qu’ils seraient in fine en situation de plus grande fragilité juridique.
Pour autant, la proposition de loi a le mérite d’ouvrir un débat sur les conditions générales d’exercice des fonctions de policiers et de gendarmes.
En tant qu’élu de terrain, nous connaissons tous bien nos commissariats et nos casernes. Nous devons malheureusement constater qu’ils pâtissent, au-delà du manque de moyens humains, d’équipements souvent anciens et inadaptés. Face à une criminalité « riche » de ses trafics, donc souvent très bien armée et puissamment motorisée, les agents de sécurité se retrouvent très affaiblis dans certaines situations. Ce fut le cas de deux policiers de la BAC tragiquement assassinés en février dernier par un malfaiteur qui s’est servi d’un véhicule 4x4 pour tuer intentionnellement.
Le problème de la proportionnalité des équipements entre malfaiteurs et forces de sécurité est également illustré par l’utilisation banalisée d’armes de guerre. Sur ce point, la loi du 6 mars 2012 relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif a jeté les bases d’un meilleur contrôle des armes à feu sur le territoire. Il n’en demeure pas moins que ce contrôle reste d’un exercice délicat. J’espère que ce texte, qui avait été unanimement approuvé, portera rapidement ses fruits.
Je sais que les temps sont à l’économie s’agissant du budget de l’État, mais un renforcement des moyens de la police et de la gendarmerie serait de nature à renforcer la protection dont nos agents ont besoin pour exercer sereinement leurs missions. Au-delà, il est fondamental de garantir une des premières fonctions régaliennes de notre République : la sécurité de nos concitoyens.
Enfin, je souhaite évoquer la question de la protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes, qui a fait l’objet d’un rapport qui vous a été remis au mois de juillet 2012, monsieur le ministre. Vous l’avez dit, vingt-sept propositions ont été formulées.
Nous ne pouvons qu’être satisfaits de constater que vous avez appréhendé le rapport Guyomar avec pertinence.