Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 10 avril 2013 à 22h30
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Article 2

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

En 2005, nous avons connu une évolution, peut-être même une révolution, puisque c’est cette année-là que les pères ont perdu le « privilège » de transmettre automatiquement leur nom à leurs enfants.

Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? C’est un vaste débat, dans lequel je me garderai bien de porter un jugement de valeur en chaussant les lunettes de la modernité. Nous sommes bien souvent trop durs avec nos ancêtres !

Je veux dire cependant que cette réforme n’enlève rien à la possibilité pour chacun de faire perdurer son nom patronymique, mais, avec un choix de seize noms dès la deuxième génération et un choix exponentiel pour les suivantes, les arbres généalogiques pourront rapidement ressembler à des usines à gaz !

Sans être un spécialiste de la question, il m’apparaît que l’objectif pourrait être de placer sur un pied d’égalité les couples mariés et les concubins. Comme on ne parle plus que d’égalité, je ne dois pas être loin du compte !

Pourtant, il faut constater le peu de succès de la réforme de 1985 qui a permis de donner comme nom d’usage non transmissible celui des deux parents accolés.

Près de vingt ans après, l’INSEE nous révélait que seulement 7 % des couples avaient choisi cette possibilité. Et aujourd’hui encore la très grande majorité des femmes, soit près de 90 %, abandonnent leur nom de jeune fille pour celui de leur époux. Elles ne semblent pourtant pas sur le point de protester dans la rue, ou alors sur des sujets qui déplairaient sans doute à notre rapporteur !

Chacun trouvera ses raisons pour justifier la protection du nom patronymique.

Pour les psychanalystes, dans la lignée du très célèbre Totem et Tabou, le nom du père est présumé être un garant contre l’inceste. Les filles portent le nom de celui qui n’a pas le droit de les toucher : leur père ou leur frère.

Pour Lacan, le nom du père est le symbole de l’altérité. La mère donne la vie, le père donne le nom et, ce faisant, il reconnaît cet enfant comme le sien. Voilà d’ailleurs encore un exemple de la complémentarité entre l’homme et la femme !

La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval dira quant à elle ceci : « Lors du vote de la loi, en 2002, j’étais plutôt pour que la mère puisse donner son nom à l’enfant. Je pensais qu’il y avait un intérêt à sortir de cette éternelle dichotomie : le symbolique pour le père et le charnel pour la mère. Aujourd’hui, je serais plus nuancée. Non, les sexes ne sont pas égaux en matière de procréation. La tradition patrilinéaire est peut-être ringarde mais, quoi que l’on y fasse, les femmes portent les enfants et pas les hommes. En attendant le jour où l’on mettra au monde des enfants sans l’utérus de leur mère, il est important que l’enfant garde le nom de son père, justement à cause de cette inégalité fondamentale. Alors que tous les repères familiaux explosent, le nom reste l’un des éléments forts de paternité. Celle-ci étant de plus en plus fragile, il faut conserver ce repère-là parce que nous vivons dans une société qui en a énormément besoin. »

L’importance du symbole est si grande qu’aujourd’hui encore moins de 5 % des femmes non mariées n’attribuent pas à leur enfant le nom du père ; dans le cas contraire, neuf fois sur dix elles ne le font pas parce que le père ne reconnaît pas l’enfant.

Nous ne sommes pas psychanalystes – en tout cas pas moi ! –, mais nous pouvons adhérer à cette analyse.

Plus largement, la généralisation des noms doubles telle qu’elle est organisée par le présent dispositif va affaiblir la présomption de paternité.

Plus encore, elle va complexifier l’établissement de la généalogie de chacun et faire de la recherche de nos origines une véritable course d’obstacles.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, j’aurais préféré que le dispositif en vigueur reste applicable. En disant cela, je ne crois pas me ranger du côté d’une société patriarcale ! Nous savons tous que plus personne ne raisonne ainsi, sauf quelques fanatiques.

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