Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 11 avril 2013 à 15h00
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe — Article 21, amendement 51

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

En suivant les débats de l'Assemblée nationale, j'ai été extrêmement dérangé par le fait que les prises de parole sur cet article visaient en fait non pas à parler du département de Mayotte, faute sans doute de connaissance de celui-ci, mais uniquement à réaffirmer un rejet épidermique du projet de loi.

Laissez-moi vous parler de cette île qui m'est très chère. Il y a encore quelques années, à Mayotte, la laïcité ne s'appliquait pas tout à fait comme sur le reste du territoire français. Le statut personnel coutumier spécifique de cette île, où l'islam est fortement majoritaire, autorisait la polygamie en droit ou, pour être plus exact, la loi attachait des effets juridiques à l'union polygame.

Néanmoins, comme vous le savez tous, lors du référendum de mars 2009, plus de 95 % des électeurs mahorais ont souhaité que leur île devienne le cent-unième département français. Ce choix nécessitait donc de renoncer à certaines pratiques contraires aux principes républicains que nous voulions désormais faire nôtres, ou de les adapter. L'accession à la départementalisation a eu pour conséquence que désormais les nouvelles unions polygames n’emportent plus d’effets juridiques.

En effet, si la polygamie a été abolie, pour l'avenir, à compter du 1er janvier 2005, il subsiste de fait des ménages polygames, même s'il ne peut plus s’en créer de nouveaux depuis cette date. L'article 21 du projet de loi tient compte de cet état de fait et permet de préserver le dispositif spécifique d'allocation des prestations familiales s’appliquant à Mayotte, au bénéfice des femmes vivant toujours au sein de foyers polygames. Il permet également de prévenir tout conflit au sein des couples de même sexe, en édictant une règle identique à celle en vigueur en métropole. La désignation de l'allocataire se fera d'un commun accord par les deux membres du couple.

Ainsi, le Gouvernement démontre une nouvelle fois sa volonté de consolider le processus de départementalisation.

En cas de désaccord, l’article 21 prévoit que l'allocataire sera celui qui aura le premier demandé à l’être. Il ne s'agira pas, comme j'ai pu le lire ici ou là, d'une course de vitesse : les allocations profitent en définitive à l'ensemble du foyer, et non pas à celui des membres du couple qui aura couru le plus vite ! Si le désaccord entre les époux est tel qu'il n'y a plus de conciliation possible et qu'il emporte le divorce, alors un juge interviendra pour arbitrer la situation.

L'amendement n° 51 rectifié bis, qui tend à prévoir que la désignation sera faite par une décision de justice, n'est pas sérieux. Son adoption alourdirait inutilement le dispositif de délivrance des allocations familiales.

Enfin, certains lient mariage homosexuel et polygamie : soyons sérieux, ne mélangeons pas tout ! Je rappellerai simplement que la polygamie n’a rien à voir avec ce dont nous sommes en train de débattre, sauf à considérer que les couples de personnes de même sexe pourront également constituer des foyers polygames. Le droit français considère que le couple s'entend de l'union de deux personnes de sexes opposés ou, bientôt, de même sexe. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion