Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 9 juillet 2013 à 14h30
Transparence de la vie publique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest :

La moralisation, c’est l’égocentrisme dans toute sa splendeur ! Comme l’homme ne peut être qu’homme, c’est – passez-moi l’expression – l’hôpital qui se moque de la charité !

Malheureusement, c’est exactement ce que vous êtes en train de faire ! Le Gouvernement, qui a confié à Jérôme Cahuzac la tâche de lutter contre la fraude fiscale, va nous apprendre comment on peut gagner en transparence et le Président de la République, ancien élève de la promotion Voltaire de l’École nationale d’administration – Voltaire, attaché aux libertés comme peu le sont encore aujourd’hui ! –, va nous expliquer comment lutter contre les conflits d’intérêts ! Faisons preuve d’un peu d’humilité, l’objectif de moralisation de la vie publique, tel qu’il nous est présenté, n’est qu’un rideau de fumée !

Pourquoi ne pas avoir fait le choix de mettre en place une organisation interne aux assemblées, déjà dotées d’un règlement intérieur qui, jusque-là, a fait ses preuves ? Nous avons, j’imagine, les moyens d’encadrer par nous-mêmes les conflits d’intérêts et les principes déontologiques, comme nous l’avons toujours fait, et comme le font beaucoup d’autres institutions et organisations collectives.

Il faudrait faire tout cela parce que la majorité d’entre nous – la quasi-totalité même, je l’espère ! – est déterminée à lutter efficacement contre la corruption, parce que nous avons perdu, injustement, un peu de la confiance des électeurs et parce que certains d’entre nous n’échapperont peut-être pas à quelques sanctions électorales qui ne profiteront qu’aux extrêmes.

Croyez-vous vraiment que nous pourrions être assez fous pour ne pas nous rendre compte que, lorsque l’un des nôtres est mis en cause, nous sommes tous soumis à la défiance de nos concitoyens ? Pour autant, faut-il vraiment céder à une inclination trop souvent observée, consistant en une repentance perpétuelle qui nous conduit à douter d’une probité que personne d’autre que nous n’oserait remettre en question ? On se repent pour les autres, et il faudrait encore se repentir pour des actes que l’on n’a pas commis, comme un enfant inventerait des bêtises pour se punir d’avoir été trop sage !

La question de la confiance des citoyens envers les élus est éminemment importante. Elle se posait avant, et elle se posera malheureusement encore après l’adoption de ces textes qui ne prennent pas toute la mesure de la situation.

J’entends dire, il est vrai, que le Président de la République tente de sauvegarder les apparences, mais ne nous y trompons pas ! Il faut cesser de prendre les citoyens pour des benêts, il faut cesser de croire que l’on remontera dans les sondages par quelques petits calculs politiques qui sont décryptés le lendemain dans tous les journaux et sur tous les plateaux de télévision : je le sais, beaucoup d’entre vous le savent et je ne doute pas un seul instant que François Hollande ne le sache également !

Ainsi, j’affirme que ce texte ne doit pas être voté. Malheureusement, c’est avec beaucoup de lucidité que j’aborde ce débat. Je connais bien l’opinion de la majorité des élus sur ce texte, mais je ne minimise pas la rigueur trop rigide de la discipline partisane ! Je n’aurai pas la candeur d’imaginer que le Gouvernement n’arrivera pas, par une manœuvre ou par une autre, à faire adopter ces projets de loi !

Au cours des débats, nous serons une force de proposition pour faire en sorte que ce texte respecte les droits et les libertés de chacun, ne fragilise pas l’indépendance et l’autonomie financière des parlementaires et inverse la tendance d’opinion des citoyens envers leurs élus.

Quoi qu’il arrive, j’espère que les membres du Gouvernement qui défendent ces projets de loi auront la sagesse de prévoir qu’ils ne s’appliqueront pas aux mandats en cours. Je sais, en effet, pour en avoir parlé avec mes collègues, que beaucoup d’entre eux se font un point d’honneur de protéger leur vie privée – je ne parle pas des parlementaires, mais des élus locaux ! – et qu’ils n’auraient donc pas, pour cette raison, accepté de faire étalage d’informations aussi personnelles lorsqu’ils se sont portés candidats.

Monsieur le ministre, votre majorité nous reprochait, ou plutôt reprochait au président Sarkozy son « agitation ». Je constate néanmoins qu’il y a plus d’action dans le mouvement que dans la parole. Vous parlez plus que vous n’agissez, sur la transparence de la vie publique comme sur beaucoup d’autres sujets !

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