Intervention de Nicole Bonnefoy

Réunion du 10 septembre 2013 à 14h30
Consommation — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

Monsieur le ministre, avant de présenter la position que la commission des lois m’a chargée de défendre devant le Sénat, je souhaite vous féliciter, et à travers vous, le Gouvernement tout entier, d’avoir eu le courage d’intégrer dans ce projet de loi relatif à la consommation cet instrument juridique indispensable, tant attendu par les associations de consommateurs, qu’est l’action de groupe : il s’agit bien là d’une innovation majeure.

Sur proposition de la commission des lois, le Sénat avait adopté, en décembre 2011, un dispositif analogue d’action de groupe dans le domaine de la consommation. Celui que le Gouvernement propose de mettre en place aujourd’hui s’apparente au schéma sur lequel nous avions travaillé. Je veux ici rappeler les travaux de nos collègues Richard Yung et Laurent Béteille, à l’origine de l’amendement que j’avais présenté en 2011 pour introduire dans notre droit une action de groupe dite « à la française », respectueuse des principes de notre droit civil, assortie de garanties procédurales empêchant l’apparition de dérives à l’américaine, attentive aux droits légitimes des entreprises comme des consommateurs et limitée, dans un premier temps, aux litiges de consommation.

Complémentaire de la médiation, qui doit être développée, l’action de groupe permettra de proposer aux consommateurs lésés, par le biais de leurs associations représentatives, une solution pour tous les petits préjudices en série dont ils peuvent être victimes, qui pèsent sur le pouvoir d’achat, mais pour lesquels le montant des frais de procédure est dissuasif.

Le moment venu, au regard de l’expérience acquise dans le domaine de la consommation, l’action de groupe pourra être étendue aux champs de la santé ou de l’environnement, dans lesquels les questions sont plus complexes : je sais que les attentes sont fortes – mon collègue Jean-Luc Fichet l’a lui-même rappelé – et que le Gouvernement a pris des engagements, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre.

Après cette mention particulière de l’action de groupe, disposition phare de ce texte du point de vue de la commission des lois, et que celle-ci approuve pleinement, je veux présenter un peu plus en détail l’état d’esprit dans lequel notre commission a abordé ce projet de loi et a adopté un certain nombre d’amendements, pour une large partie d’ores et déjà intégrés au texte de la commission des affaires économiques.

Notre commission intervient de manière traditionnelle dans le domaine du droit de la consommation, au titre de sa compétence en matière de droit civil et de justice civile, avec, bien entendu, un souci d’efficacité et de rigueur juridique, ainsi qu’une attention naturelle aux interrogations constitutionnelles, mais aussi une exigence de cohérence avec ses positions antérieures. À ce titre, nous nous étions saisis, à la fin de 2011, du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs ; je me félicite, monsieur le ministre, que le Gouvernement, attentif au travail du Sénat, ait repris des dispositions du texte de 2011 telles qu’elles avaient été introduites ou modifiées sur notre initiative, et dont mon rapport écrit fait état de manière plus précise.

Ainsi, sans dénaturer ni, bien sûr, remettre en cause les dispositions du projet de loi que nous avons examinées dans le cadre de notre avis, nous avons eu le souci d’améliorer le texte et de lui apporter toutes les garanties juridiques et de cohérence qui nous paraissaient utiles pour lui permettre d’atteindre ses objectifs dans l’intérêt du consommateur. Tel est le sens des amendements que je présenterai lors de la discussion des articles.

Concernant l’action de groupe, au regard de ses travaux antérieurs de 2006, 2010 et 2011, en particulier, la commission des lois a évidemment été attentive aux modalités de cette nouvelle forme d’action civile introduite dans notre droit. Je dois reconnaître que la procédure simplifiée, telle qu’elle résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, a suscité de notre part, pour des motifs d’ordre constitutionnel, de réelles interrogations. Néanmoins, je prends acte des améliorations apportées par la commission des affaires économiques et je veux bien, aujourd’hui, faire confiance au Gouvernement, qui nous dit avoir procédé à toutes les vérifications juridiques nécessaires. Il faudra toutefois mettre à profit la navette pour poursuivre la réflexion. À cet égard, il est heureux que le Gouvernement ait décidé de ne pas engager la procédure accélérée sur ce texte.

Concernant les dispositions relatives au droit des assurances, nous avons veillé à la clarté de leur périmètre d’application et à la sécurité juridique, tout en saluant la liberté nouvelle de résiliation du contrat que le texte offre aux assurés.

S’agissant du registre national des crédits aux particuliers, autre innovation majeure du projet de loi soumis à notre examen, nous savons bien que son efficacité fait débat au regard de l’objectif de lutte contre le surendettement, car nous n’arrivons pas à la mesurer. Je n’entre pas dans la discussion sur les causes du surendettement et sur le rôle qui est prêté de manière sans doute un peu simpliste à ce qu’on appelle les « accidents de la vie » : sur cette question, nous manquons d’une analyse statistique et sociologique réellement fouillée.

Dans le cadre du groupe de travail inter-commissions mis en place au Sénat en 2012 sur la question du « fichier positif », dont Alain Fauconnier faisait notamment partie, nous avons vu qu’il n’était pas facile de forger une réponse définitive ni de dégager un consensus. Je pense en particulier à notre déplacement en Belgique, pour mieux connaître le fonctionnement de la centrale belge des crédits aux particuliers : nous n’avons pas pu revenir avec des certitudes suffisantes, permettant de dépasser nos seules convictions.

Pour autant, le Gouvernement a fait le choix de trancher ce débat, lui aussi très ancien, comme celui sur l’action de groupe, tout en veillant à la préoccupation juridique principale, à savoir la proportionnalité de ce dispositif, le juste équilibre à respecter entre les questions qu’il faut poser en termes de libertés publiques et les objectifs qui lui sont assignés : cette attitude courageuse doit être saluée.

Aujourd’hui, il est certain que le registre des crédits, tel qu’il figure dans le texte, sera un outil précieux pour mieux apprécier la solvabilité des emprunteurs – obligation incombant aux prêteurs –, pour éviter le « crédit de trop » que l’on accorde trop facilement et pour responsabiliser davantage les établissements prêteurs. Je me souviens, en particulier, des déclarations de magistrats qui nous expliquaient qu’ils n’arrivaient pas, en l’état du droit, à mettre en jeu la responsabilité de certains prêteurs, pourtant de mauvaise foi, dans l’octroi excessif de crédit à des personnes en situation de fragilité financière. Le registre des crédits devrait changer les choses devant les tribunaux.

Concernant le renforcement des pouvoirs d’enquête de la DGCCRF, comme les modifications apportées aux sanctions pénales dans le domaine de la consommation, nous avons proposé un meilleur encadrement de ce qui figure dans le texte, au regard de ce qui est prévu, notamment, pour d’autres agents publics dotés de pouvoirs coercitifs, sans nuire évidemment à l’efficacité de l’action publique.

Nous n’avons pas repris, en séance publique, certains des amendements que nous avions présentés en juillet, afin de nous limiter aujourd’hui aux seuls amendements visant à garantir la cohérence juridique globale des dispositifs que nous avons examinés : je cite, pour mémoire, le dispositif Pacitel, bien connu, la définition du consommateur, à l’article 3, ou encore certains aspects de la transposition de la directive du 25 octobre 2011 concernant la vente à distance.

Avant de conclure, tout en me félicitant à nouveau de l’avancée tant attendue que constitue l’introduction de l’action de groupe, mais aussi de la reprise de certains acquis du vote émis par Sénat en décembre 2011, j’insiste sur le fait que la protection des consommateurs relève au premier chef de la responsabilité des pouvoirs publics. Le dévouement des agents de la DGCCRF doit être salué alors que, ces dernières années, leurs conditions de travail ont eu tendance à se dégrader, en raison des importantes réductions d’effectifs et des restructurations administratives qu’ils ont eu à subir en raison de la révision générale des politiques publiques et de la réforme des services déconcentrés. Aujourd’hui, nous devons redonner confiance aux agents de la DGCCRF et leur redonner les moyens d’accomplir leur mission au service des consommateurs. Mais je sais, monsieur le ministre, que vous y œuvrez avec détermination, et ce projet de loi y contribue indéniablement. C’est la raison pour laquelle il faut le voter.

Monsieur le président, monsieur le ministre, la commission des lois s’est déclarée favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie pour avis, tout en proposant au Sénat un certain nombre d’amendements, lesquels ont fait l’objet de discussions approfondies avec mes collègues rapporteurs de la commission des affaires économiques, ce dont je les remercie tout particulièrement.

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