Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, consommer, c’est pouvoir consommer et savoir consommer.
Le projet de loi que nous examinons, en ce jour de mobilisation contre la réforme des retraites, ne prend pas la mesure de ces deux composantes essentielles de la politique de consommation.
Or le pouvoir d’achat ne cesse de reculer, obligeant les titulaires des revenus les plus modestes à renoncer à des droits essentiels tels que le droit à l’énergie, le droit à la santé, le droit à la culture. L’augmentation de la précarité, de la pauvreté, dans lesquelles on abandonne les individus au nom de l’austérité, ébranle les fondements de notre pacte social.
Limiter la consommation à la mise en œuvre d’une réglementation en éludant la question du « pouvoir consommer », c’est oublier une grande part des problèmes que rencontrent nos concitoyens dans leur vie courante.
Consommer, c’est aussi savoir. Affronter la vie quotidienne n’est pas au programme de nos écoles. Introduite en commission des affaires économiques, la séance annuelle d’information sur les droits des consommateurs dans les collèges et lycées est utile, mais insuffisante. Il serait nécessaire de mettre en place une véritable formation transdisciplinaire, dès le plus jeune âge, pour apprendre aux futurs adultes à consommer mieux et différemment, à acheter sans tomber dans les pièges de la consommation de masse.
Il convient de leur montrer comment ils sont conditionnés à travers la publicité, de leur indiquer quel produit acheter en fonction de la place dans les rayonnages.
Enfin, il faudrait leur expliquer tout simplement comment gérer un budget. À ce sujet, le rapport du Sénat du 22 janvier 2013 relatif au répertoire national des crédits faisait le constat récurrent de « la méconnaissance des plus simples règles de tenue et de gestion du budget familial, en particulier chez les personnes connaissant de grandes difficultés financières ». Il préconisait, à juste titre, l’introduction d’un module d’éducation budgétaire. Sans cette éducation, un consommateur sera-t-il en mesure de se prévaloir de ses nouveaux droits face aux professionnels ?
Je rappelle que nous avions voté à l’unanimité dans cette assemblée, lors de l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture, un titre Ier définissant et mettant en œuvre une politique publique de l’alimentation. Il était prévu, par exemple, que le programme national pour l’alimentation définirait les actions à mettre en œuvre pour «l’éducation et l’information notamment en matière d’équilibre et de diversité alimentaires, de règles d’hygiène, de connaissance des produits, de leur saisonnalité et de l’origine des matières premières agricoles, ainsi que des modes de production, de l’impact des activités agricoles sur l’environnement ».
Il devient urgent de concrétiser ces propositions qui sont présentées depuis longtemps. Il est tout aussi urgent que le ministre de l’éducation fasse, lui aussi, des propositions.
Dans ce projet de loi relatif à la consommation, le choix a été fait de limiter la politique de consommation à sa dimension technique et réglementaire par la transposition ou la recodification de mesures protectrices pour un consommateur que l’on présume formé et aisé.
Nous approuvons et saluons ces dispositions protectrices renforçant l’information précontractuelle, encadrant le démarchage et la vente à distance, le paiement, la livraison, ou portant sur la durée de la garantie commerciale, de même que les articles transposant les dispositions communautaires sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs.
Nous vous présenterons néanmoins des amendements afin de renforcer ces nouveaux droits accordés aux masses consuméristes.
L’action de groupe constitue également une mesure positive du texte. Nous regrettons toutefois que cette procédure soit limitée aux préjudices subis à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles. Elle devrait, selon nous, être étendue au-delà de la réparation des préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs.
Le texte du projet est même en retrait par rapport à la recommandation de la Commission européenne de juin dernier, qui préconise l’instauration de telles procédures dans les domaines « tels que la protection des consommateurs, la concurrence, la protection de l’environnement et les services financiers ».
Nous présenterons des amendements pour élargir l’action de groupe, comme nous le faisons depuis plusieurs années sous forme de proposition de loi.
Il est important de ne pas faire jouer à l’action de groupe le rôle de police économique. Elle ne saurait pallier le retrait des contrôles étatiques. C’est pourquoi nous militons pour un renforcement parallèle des moyens de police économique, celle-ci étant seule capable d’éviter, en amont, que le consommateur ne soit lésé.
En effet, au-delà du défaut majeur de ce projet de loi, qui laisse de côté la question des revenus et celle de la régulation des prix, il pose des règles, certes positives, mais dont on sait qu’elles seront difficilement appliquées et contrôlées.
Ma collègue Evelyne Didier avait dénoncé, dans un avis sur la mission budgétaire « Économie », le manque flagrant de moyens humains et financiers qui entrave gravement les missions de la DGCCRF. La même observation vaut pour les moyens alloués aux contrôles sanitaires ou à la justice.
Toutes ces réserves hypothèquent largement la traduction de ces nouveaux droits dans la vie des gens.
Ensuite, se pose le problème redoutable de la consommation absurde et de la dette à vie, devenue un véritable boulet pour les travailleurs. Le philosophe André Tosel le dit fort bien : « Aujourd’hui la véritable carte d’identité est la carte de crédit. Tu n’existes que parce que tu t’endettes et pour autant que l’on te permet de t’endetter ! ».
La consommation de masse détruit le bien commun, dégrade la vie quotidienne de chacun et produit des sentiments d’exclusion.
Si nous approuvons les mesures proposées pour encadrer le crédit à la consommation et la plupart de celles visant à lutter contre le surendettement, nous pensons qu’il faut aller beaucoup plus loin.
Dans le cadre du rapport de 2013 sur le « fichier positif », notre collègue Nicole Bonnefoy avait relayé les arguments des associations de consommateurs, soulignant que « le problème de fond du surendettement réside dans le développement de la société d’hyperconsommation, qui incite à consommer toujours plus et qui, pour cela, a besoin de développer et de faciliter le crédit ».
Faciliter le crédit, c’est d’ailleurs la voie que vous défendez, monsieur le ministre !