Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 10 septembre 2013 à 14h30
Consommation — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

« C’est d’une augmentation des salaires plutôt que d’un développement du crédit que notre société a besoin » : telle était la conclusion à laquelle vous arriviez, madame la rapporteur pour avis, et nous y souscrivons entièrement.

Nous reviendrons sur le fichier positif, l’une des mesures phares du texte, mais une mesure que nous désapprouvons totalement. En une semaine, vous allez à la fois supprimer le fichier de 144 000 créateurs d’entreprises ayant fait faillite et créer un nouveau fichier pour 25 millions de consommateurs ! C’est aussi choquant qu’incohérent !

Nous pensons que ce fichage, au-delà des atteintes aux libertés publiques, ne sera pas de nature à prévenir les situations de surendettement. Pour cela, il faut être au plus près des gens. C’est ce que nous faisons, avec des moyens en diminution, dans nos départements, dans nos communes, par le biais des centres communaux d’action sociale.

Si vous voulez lutter contre le surendettement, mettez un terme à la fermeture des bureaux d’accueil et d’information du service surendettement de la Banque de France ! Renforcez l’accès aux services publics sur l’ensemble du territoire ! On doit soustraire l’énergie, l’eau et la santé des logiques marchandes ! Cela implique de conduire d’autres politiques que celles qui sont menées depuis des années, des politiques dirigées non pas seulement vers le consommateur, mais avant tout vers le citoyen usager.

Enfin, depuis le début de l’examen du projet de loi, on ne cesse de nous rappeler qu’il doit se limiter aux relations entre consommateurs et professionnels. Pourtant, certaines dispositions introduisent des mesures interprofessionnelles, dans la continuité de la loi de modernisation de l’économie. Vous semblez ignorer le bilan plus que mitigé de cette loi quant à ses effets prétendus, sauf en matière de délais de paiement – mais, là encore, on peut aller plus loin pour les produits agricoles frais. D’autres mesures s’inscrivent dans le cadre de la loi de modernisation agricole. Toutefois, sur fond de crise récurrente des revenus agricoles, elles se situent à la marge.

Nous devons nous donner les moyens d’une réindustrialisation et d’une relocalisation de l’agroalimentaire afin d’agir en faveur d’une alimentation de qualité, saine et accessible à tous, assise sur des filières de production relocalisées, de construire des coopérations agricoles refondées sur l’intérêt des consommateurs.

La situation des abattoirs montre à quel point nous prenons le chemin inverse. Avec la disparition de nombreux abattoirs, ce sont désormais plusieurs centaines de camions qui quittent chaque jour notre pays pour emmener les porcs bretons se faire découper outre-Rhin. La grande distribution développe la compétitivité de ses propres abattoirs et met la pression sur les prix des produits qu’elle achète.

Le 22 août dernier, une vente solidaire de fruits et légumes a été organisée par le Mouvement de défense des exploitants familiaux, le MODEF, et le parti communiste. Des milliers de Franciliens étaient présents : une cinquantaine de tonnes de fruits et légumes ont été écoulées en quelques heures. Les producteurs nous alertaient, une fois encore, sur leur situation, qui devient intenable. N’est-il pas de notre responsabilité de maintenir un secteur agricole français et d’offrir aux consommateurs des produits de qualité à travers une agriculture de proximité ?

Cette année, les prix moyens des fruits et légumes ont flambé. La grande distribution gonfle ses marges malgré les importations massives. Les producteurs peinent à rémunérer leur travail. La recommandation de consommer cinq fruits et légumes par jour reste vaine pour près d’un Français sur deux.

Si les réformes successives n’arrivent pas à équilibrer les rapports de force dans les relations commerciales, alors, il faut en tenir compte et prendre des mesures plus ambitieuses ! Nous vous proposerons des amendements et nous espérons une présentation rapide du projet de loi d’avenir agricole.

Mes chers collègues, je n’ai pas pu aborder l’ensemble des articles du projet de loi, mais vous aurez compris que les sénateurs du groupe CRC restent très réservés sur certains articles que nous considérons comme essentiels, qu’il s’agisse du fichier positif ou de la suppression des tarifs réglementés du gaz pour certains clients non résidentiels. Cette concession faite à la Commission européenne ne met pas, contrairement à ce qui nous est dit, les consommateurs domestiques à l’abri. Au contraire, elle poursuit la destruction des tarifs réglementés, déjà bien altérés par les modalités de leur fixation.

Nous comptons sur les débats pour améliorer ce texte, notamment en ce qui concerne les mesures financières et nous espérons que l’argument tiré de la « transposition maximale ou de la contrariété au droit européen » n’entravera pas trop souvent les propositions légitimes d’un Parlement souverain. Un texte qui reste donc, pour l’instant, « à consommer avec modération » ! §

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