Intervention de Benoît Huré

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 16 octobre 2013 : 1ère réunion
Affectation des fréquences de la bande 700 mhz très haut débit mobile — Audition de Mme Fleur Pellerin ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises de l'innovation et de l'économie numérique

Photo de Benoît HuréBenoît Huré :

Il ne faut pas s'embarquer dans la polémique. L'aménagement du territoire est délaissé depuis 35 ans, par tous les gouvernements qui se sont succédé, et les écarts de richesse entre les territoires se sont considérablement accrus. D'ailleurs, dans les débats sur l'aménagement du territoire, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, le clivage apparaît davantage entre territoires riches et territoires pauvres qu'entre gauche et droite.

Le vrai problème est que l'argent public est de plus en plus rare pour mettre en place les mesures, nécessairement inégales et inégalitaires, qui permettent de corriger ces écarts. J'aimerais que l'on avance dans la définition de ces mesures, à l'échelle de territoires pertinents, et que l'on ne s'en tienne pas à l'énonciation de grands principes au niveau national.

L'autre réalité dont il faut prendre acte, est que la péréquation verticale, par le biais de l'État, est plus facile à mettre en oeuvre que la péréquation horizontale, qui repose sur la solidarité entre les régions. Or nous avons commis une grave erreur en laissant s'installer un État fantôme en région, tout en organisant la disparition d'un État opérationnel au niveau du département. Je fais partie de ceux qui ont prôné ce schéma à l'époque, et je considère aujourd'hui qu'il s'agit d'une mauvaise solution. Il n'est même pas sûr que l'on y ait franchement gagné en termes d'économies d'agents de l'État.

Je trouve sain en revanche, monsieur le Préfet, que vous soyez directement placé sous l'autorité du Premier Ministre. Les grands concepts de politique d'aménagement du territoire ont été inventés, au début de la Vème République, par des personnages emblématiques comme Olivier Guichard, que l'on avait coutume d'appeler « le Premier Ministre bis ». Il est positif que l'on remette l'opérationnalité au niveau du Premier Ministre, car cela fait autorité sur chacun des ministères.

Il faut également revenir sur la notion de contrat. L'égalité territoriale part toujours du principe « aide-toi, le ciel t'aidera ». Je viens d'un territoire pauvre, les Ardennes, et nous avons compris depuis longtemps que pour avoir une autoroute, il fallait en payer une bonne partie. Le département a donc apporté près du tiers du financement du désenclavement autoroutier au cours des 25 dernières années. Les contrats avec l'État doivent se construire à partir des déficits et des potentiels des territoires.

Vous avez souligné une chose très importante, monsieur le Préfet, c'est notre incapacité à profiter de la dynamique des fonds européens. Depuis sa création, l'Union européenne est fortement engagée dans la politique d'aménagement du territoire. Mais nos régions se « cantonalisent » de plus en plus et sont totalement absentes au niveau européen, pour le plus grand bonheur des régions allemandes, italiennes ou espagnoles.

En ce qui concerne les rythmes scolaires, je ne veux pas entrer dans la polémique. C'est un débat de spécialistes, et je n'ai pas à me prononcer sur l'avantage ou l'inconvénient de tel ou tel système. Je constate simplement qu'en termes d'équipements culturels et sportifs, les territoires pauvres n'ont pas la capacité de rendre opérationnels ces nouveaux rythmes scolaires pour permettre aux élèves d'en tirer les bienfaits pédagogiques. Il faut clairement poser le débat de l'inégalité de l'offre culturelle entre les territoires.

En conclusion, la rareté de l'argent public nous conduit à être plus sélectifs en matière d'aménagement du territoire. Pour autant, il est urgent de mettre en oeuvre cette politique, car les inégalités se creusent, dans les territoires ruraux qui meurent à petit feu comme dans les banlieues du désespoir, en troisième couronne des grandes métropoles.

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