Intervention de Fleur Pellerin

Commission des affaires économiques — Réunion du 15 octobre 2013 : 1ère réunion
Affectation des fréquences de la bande 700 mhz très haut débit mobile — Audition de Mme Fleur Pellerin ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises de l'innovation et de l'économie numérique

Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique :

Je suis heureuse de pouvoir évoquer devant vous les réflexions du Gouvernement sur la bande des 700MHz ainsi que l'avancée du plan France très haut débit. Je souhaiterais profiter de cette audition pour faire le point sur les infrastructures numériques. Le numérique permettra de tirer l'emploi vers le haut car il est un vecteur de croissance pour notre économie.

Le plan France très haut débit, doté de 20 milliards d'euros d'argent privé et public pour les dix prochaines années, avance très vite. Je rencontre beaucoup de responsables de collectivités territoriales et j'ai constaté l'impatience de nos concitoyens. Mais ce chantier, très lourd en termes d'infrastructures, prendra du temps. Après cinq mois d'existence, la mission très haut débit, dont les effectifs ont vocation à s'accroître, est en place et parcourt les territoires à la rencontre des élus qui ont besoin d'informations techniques et financières sur le déploiement des réseaux. Je devrais vous présenter un projet de loi en juin 2014 transformant cette mission en une agence qui sera responsable du plan infrastructure et qui mènera une réflexion plus générale sur le développement des usages sur nos territoires afin de lutter contre la fracture numérique.

À ce jour, la mission a reçu près de 40 projets couvrant environ 50 départements. Le Premier ministre a validé l'engagement final sur l'Auvergne, pour un montant de 58 millions d'euros, soit une hausse de 65 % par rapport au plan national très haut débit (PNTHD, et six nouveaux dossiers viennent d'obtenir l'engagement financier de l'État, pour un volume de 150 millions, dont l'Oise, la Mayenne, l'Eure-et-Loir, le Doubs et la Somme.

Les élus locaux souhaitent disposer d'une convention type pour les déploiements dans les zones denses, où les opérateurs se sont engagés à couvrir les territoires, mais beaucoup de collectivités s'inquiètent du degré d'engagement réel alors qu'ils ne disposent que de peu de moyens juridiques pour contraindre les opérateurs à respecter leur parole. Désormais, des conventions type seront signées par l'État, les collectivités et les opérateurs : l'objectif sera de tout mettre en oeuvre pour la couverture rapide et efficace d'un territoire en très haut débit. Ces conventions présenteront des engagements significatifs de la part des opérateurs, tant sur les calendriers et les déploiements concrets que sur les modalités et les délais de raccordement des clients. Cet outil comprend des concertations locales sur la priorisation éventuelle de certaines zones - zones d'activité économique, établissements publics, territoires ruraux - dans lesquelles les opérateurs déploieront leurs réseaux. Concrètement, les élus auront leur mot à dire sur l'ordre dans lequel les zones seront couvertes par les opérateurs. La convention prévoira de manière claire et transparente la manière dont seront constatés les éventuels manquements des opérateurs. S'ils sont avérés, l'État soutiendra financièrement les projets de collectivités qui reprendraient les déploiements dans les zones concernées. Toutes les parties prenantes - Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), Association des régions de France (ARF), Association des départements de France (ADF), Association des communautés urbaines de France (Acuf) et Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) -peuvent être satisfaites du résultat de cette concertation. Des avancées ont d'ailleurs été obtenues grâce à votre mobilisation.

Fin octobre, j'aurai le plaisir de signer avec Martine Aubry la première convention de ce type pour la communauté urbaine de Lille métropole. D'autres grandes agglomérations vont signer des conventions comme Nantes, Toulouse ou Dijon, mais également des villes moyennes comme Châlon-sur-Saône.

J'ai demandé à la mission France très haut débit de travailler avec Orange et SFR et toutes les collectivités concernées pour que dans les zones denses, les déploiements soient encadrés par ces conventions type. Cette avancée donnera plus de sécurité juridique aux collectivités, qui auront une bien meilleure visibilité sur le rythme des déploiements.

La mobilisation dans les territoires doit se poursuivre. Dans le cadre des contrats de plan État-Région, le numérique sera l'un des cinq volets prioritaires. Ainsi seront traités les infrastructures, les écosystèmes - là où existent des universités, des entreprises dans le numérique, des laboratoires de recherche - et les nouveaux usages que nous devrons accompagner.

J'ai demandé aux préfets de se mobiliser pour que tous les départements fassent l'objet d'un projet très haut débit d'ici la fin 2014 et pour qu'ils recensent les initiatives prises en matière d'usages afin de diffuser les bonnes pratiques. Mes services, dont bien sûr la mission très haut débit, sont à la disposition de tous les élus pour avancer sur ce chantier afin d'apporter des réponses pertinentes et rapides aux difficultés rencontrées. Faites-nous remonter les problèmes que vous pourriez éventuellement connaître dans l'élaboration des schémas ou lors de vos discussions avec les opérateurs.

J'en arrive au déploiement du très haut débit mobile. Il y a un an, ce secteur traversait des turbulences, du fait de l'arrivée du nouvel opérateur mais aussi de la déréglementation européenne qui a fragilisé la capacité d'investissement de nos opérateurs. Près de douze mois après les mesures que nous avons annoncées avec Arnaud Montebourg pour ramener le secteur des télécoms dans un cycle vertueux de croissance, le bilan est encourageant. L'accélération de la 4G est une réalité sur tout notre territoire : dans la bande des 800 MHz, l'expérimentation lancée en septembre à Saint-Etienne, et qui s'est conclue la semaine dernière, a permis de valider les procédures permettant aux opérateurs de s'y déployer tout en garantissant une prise en charge rapide et efficace pour les personnes qui ne pourraient plus recevoir la TNT à cause des brouillages. Concrètement, Orange et SFR déploient la majorité de leurs antennes dans cette bande de fréquences « en or », issue du premier dividende numérique, qui permet une meilleure couverture, notamment pour les territoires les plus ruraux, et une meilleure qualité de service en ville, à l'intérieur des bâtiments.

La décision de l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) d'accorder à Bouygues Télécom la diffusion de services 4G dans la bande des 1 800 MHz, dans des conditions financières fixées par le Gouvernement et garantissant un traitement équitable au regard des enchères de 2011, a relancé l'investissement. À la fin de l'année, Orange et SFR couvriront plus de 40 % du territoire en 4G et Bouygues Télécom plus de 60 %. Cette dynamique, fondée sur les investissements de tous, doit se poursuivre. Je me félicite que les discussions sur des accords de mutualisation se soient engagées dans le cadre prévu par l'Autorité de la concurrence à la demande du Gouvernement. Ces accords garantiront un marché à quatre opérateurs et la participation de tous à l'effort d'investissement.

L'accélération du déploiement de la 4G permet d'envisager la couverture des zones de montagne. J'ai demandé aux opérateurs mobiles de trouver des solutions concrètes pour répondre à cette demande, car les fréquences 800 MHz ont été attribuées pour répondre aux enjeux d'aménagement numérique du territoire. Le congrès de l'Association nationale des élus de montagne (Anem) qui se tient jeudi et vendredi à Cauterets sera l'occasion d'annonces très importantes de la part des opérateurs mobiles. Les choses bougent pour les territoires, ce qui démontre qu'un pilotage de la politique numérique est indispensable. Les fréquences 700 MHz disposent des mêmes caractéristiques pour la couverture du territoire. Le Gouvernement travaille sur les modalités et le calendrier de libération de cette bande, dans le cadre fixé par le Président de la République. Le Premier ministre décidera ensuite de l'affectation de cette bande aux opérateurs télécoms, ainsi que des modalités et du calendrier retenus.

Une réunion avec les parlementaires s'est tenue il y a une dizaine de jours pour vous présenter l'évolution du dossier. Des précisions complémentaires seront apportées dans les prochains jours, puis le Premier ministre définira la date de libération de ces fréquences.

Il faut maintenant organiser progressivement la montée de nouvelles technologies de compression ou de diffusion hertzienne, plus économes en capacités hertziennes. Cela passe, dans certains cas, par un renouvellement du parc de télévisions des Français afin que toutes les chaînes puissent passer à la haute définition, voire à la très haute définition. Dans le même temps, ces évolutions technologiques permettent d'envisager, grâce à la densification des services de télévision, la libération progressive d'une partie du spectre au profit du secteur des télécoms. Cette évolution s'inscrit dans un paysage européen et même international : aux États-Unis, en Afrique et au Moyen-Orient, la bande des 700 MHz a déjà été affectée aux télécoms et il est vraisemblable que les nouveaux usages rendront nécessaires l'allocation de nouvelles bandes de fréquences au secteur des télécoms. On aurait tort, toutefois, d'opposer les contenus aux télécoms. Cette attitude serait stérile, alors que chacun se nourrit de l'autre : il est indéniable qu'aujourd'hui la télévision, et plus largement les contenus audiovisuels, sont un atout pour les opérateurs qui peuvent ainsi proposer des offres attractives, comme des chaînes exclusives en haute définition. Avec leurs réseaux mobiles à très haut débit, les opérateurs offriront une plateforme en forte croissance pour la diffusion des contenus, linéaires et non linéaires.

Le Président de la République souhaite que la bascule de la bande de fréquences aux opérateurs de télécommunications intervienne rapidement. Cette décision est positive car la France se place ainsi dans une situation offensive sur la scène internationale en matière de gestion du spectre. L'absence de décision aurait pénalisé nos concitoyens qui utiliseront ces fréquences pour regarder la TNT ou se servir de l'internet mobile à très haut débit. En termes d'attractivité, cette décision signifie que nos infrastructures numériques seront pleinement compétitives sur le long terme. Enfin, c'est un signal important aux opérateurs : la prochaine libération de cette bande de fréquences leur offre plus de visibilité pour gérer leurs futurs investissements. Pour autant la décision du Président de la République ne tranche pas toutes les modalités, qui feront l'objet d'une consultation du Parlement, indépendamment des dispositions de la loi relative à l'audiovisuel public.

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