Intervention de Alain Richard

Réunion du 17 octobre 2013 à 21h30
Simplification des relations entre l'administration et les citoyens — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si l’on prend en compte les débats en commission, la première lecture du texte et les propos qui viennent d’être tenus, beaucoup a déjà été dit. Je me bornerai donc à formuler quelques observations pour marquer mon approbation au projet de loi.

Tout d’abord, comme en première lecture, je tiens à souligner l’importance de la codification. Nous légiférons avec l’abondance que chacun connaît, et nous consacrons finalement peu d’énergie et de temps à vérifier l’harmonie entre les textes que nous ajoutons et ceux qui existent déjà. De ce point de vue, la codification est un outil essentiel pour le législateur : elle lui permet de savoir ce qu’il est en train de changer et de connaître les normes se trouvant au voisinage des dispositions sur lesquelles il travaille.

En raison du caractère extrêmement florissant de notre activité normative, nous devons maintenant résoudre des problèmes intéressants, situés aux confins des codes.

Comme le savent ceux qui se penchent sur la question de l’architecture du droit, celle-ci ne trouve jamais de réponse complètement satisfaisante. La coordination et l’harmonisation entre les codes portant sur des matières voisines n’ont donc pas fini de nous occuper !

En tout cas, il manquait un code sur les relations entre l’administration et le public. À la réflexion, la commission de codification a jugé qu’il ne serait pas opportun de s’arrêter aux seuls « citoyens », terme qui ne permettait pas d’englober les entreprises et les associations. Je pense qu’il s’agira d’un progrès important.

La déclaration unifiée – je pense au programme Dites-le nous une seule fois – est une très bonne innovation, qui se développera par phases. Nous serons, les uns et les autres, dans nos départements respectifs, attentifs à la manière dont les entreprises, surtout les PME, en percevront le bénéfice. Nous devrons être les porteurs de cette démarche.

Je voudrais à présent évoquer l’accord tacite. Je voterai cette disposition, avec tout le sens de la discipline qui me caractérise. Mais, mes chers collègues, ce n’est pas une mince affaire !

Sans doute l’attitude sympathique ou complaisante qui consiste par principe à dire oui doit-elle être humainement et sentimentalement saluée. Mais, en l’occurrence, il est question de l’État et de l’intérêt général. Or les demandes adressées à la collectivité n’ont pas forcément cette seule inspiration…

Il ne faut pas le méconnaître, ce que nous sommes en train de faire, et qui s’inscrit au demeurant parfaitement dans l’esprit du temps, consiste à accorder une priorité de principe à l’intérêt particulier sur l’intérêt général.

Il est vrai qu’une telle mesure ne produira sans doute pas de conséquences déplorables. Dans leur sagesse, le Gouvernement et le législateur ont prévu d’encadrer le basculement de principe. Le pouvoir réglementaire, sur la base d’une nouvelle habilitation énoncée par le texte, gardera la possibilité d’extraire de ce domaine de l’accord tacite de principe toute une série de domaines de décisions.

Permettez-moi d’expliquer pourquoi cette exclusion me paraît nécessaire.

Premièrement, parmi les multiples décisions qui seront ainsi prises dans le silence, sans aucune observation ni motivation, certaines seront nécessairement illégales. Nous le savons tous, dans tel ou tel recoin de notre territoire, lorsqu’un maire ou un titulaire de la compétence d’autorisation d’urbanisme est embêté avec un dossier, il a toujours la solution de laisser tourner la pendule et d’attendre l’expiration du délai deux mois. Si personne ne bouge dans l’intervalle, ni vu ni connu… Nul doute que cette pratique aura tendance à s’étendre.

Ne croyons donc pas que l’innovation n’aura aucun effet sur l’État de droit.

Deuxièmement, nous serons confrontés à une pendule qui cliquette : tel jour à minuit, la décision sera prise, quoi qu’il arrive. Or, dans beaucoup de domaines, les services administratifs ou techniques de l’État, des collectivités territoriales ou des organismes de protection sociale sont loin d’être désœuvrés. Des décisions tacites que personne ne souhaite interviendront donc inévitablement.

Nous avons ainsi pu constater des effets déplorables dans l’application du droit au logement opposable, fondé sur le même mécanisme, avec de surcroît une sanction financière opposée à la République. En l’occurrence, la volonté d’éviter l’échéance conduit nécessairement à des décisions précipitées et inconsidérées.

Je ne saurai trop encourager le Gouvernement à bien opérer la distinction entre les domaines dans lesquels il peut laisser s’épanouir ce principe sympathique et ceux dans lesquels il est préférable, au nom de l’intérêt général, de prendre quelques précautions.

De surcroît, nous ne tombons pas forcément juste du premier coup. Grâce, précisément, à l’articulation entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire – c’est une belle invention, dans un l’État de droit ! –, il est tout à fait possible de rectifier des frontières trop hâtivement tracées.

Ce projet de loi est pour nous tous un succès. Comme l’a affirmé Mme la ministre, ce texte va nous offrir de nouveaux supports à l’œuvre de simplification et d’allégement du droit, à laquelle nous sommes tous attachés.

Ainsi, malgré quelques sujets de réflexion pouvant éventuellement border à la réticence, nous avons, ensemble, fait du bon travail. §

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