En tant que socialistes, nous pouvons être fiers de vous, madame la ministre, et du gouvernement que vous représentez. Je tiens à saluer le courage, la détermination et l’esprit d’ouverture avec lesquels vous avez préparé cette réforme structurante indispensable. Vous avez réussi un exercice difficile, d’autant plus périlleux qu’il fallait faire face au poids du passé et des avantages considérés comme acquis.
Il fallait aussi tenir compte de la diversité qui caractérise notre système de retraites. À cet égard, mes chers collègues, je vous rappelle qu’il existe trente-cinq régimes de base et complémentaires, dont le plus important compte plus de 8, 5 millions d’actifs affiliés et le plus petit seulement une centaine. La plupart reposent sur le principe de la répartition, mais d’autres sont fondés sur un système de points ou, parfois, de capitalisation. Sans compter que les taux de cotisation et les méthodes de liquidation diffèrent d’un régime à l’autre.
Reconnaissons-le : nos concitoyens se perdent souvent dans ce labyrinthe !
Je tiens à remercier également nos collègues Christiane Demontès, rapporteur, Laurence Rossignol, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ils ont mené à bien l’analyse du projet de loi avec force intelligence et objectivité, préparant des rapports étayés dans des délais relativement courts.
Mes chers collègues, le présent projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites porte un titre parfaitement approprié à son objet.
Il faut se souvenir que, en 2010, un projet de loi censé résoudre le problème du financement des retraites, dont les auteurs promettaient même un redressement total, avait provoqué une colère généralisée et le déferlement de 3 millions de personnes dans la rue. N’oublions pas non plus que, si nous ne réagissons pas, le déficit structurel devrait atteindre 20 milliards d’euros en 2020 : il y a donc urgence à agir !
C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’engager une réforme de fond, avec une triple ambition : proposer une réforme responsable, qui tienne compte de la réalité incontournable que constitue l’allongement de l’espérance de vie, une réforme équilibrée, qui partage équitablement les efforts, et une réforme juste, qui accorde enfin à certaines catégories de travailleurs les droits qui leur ont été refusés lors des précédentes réformes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le Gouvernement a respecté l’engagement de François Hollande en apportant, dès le début de la législature, un premier correctif au système de retraites ; je veux parler du rétablissement de la retraite à 60 ans pour les salariés ayant cotisé toutes leurs annuités.
Ce projet de loi consacre trois objectifs : garantir dans la durée notre système de retraite par des mesures justement réparties, donner un souffle de justice au système créé voilà soixante-dix ans et rendre celui-ci plus simple et accessible à tous.
Indiscutablement, ces trois objectifs font de cette réforme une réforme de gauche : nous pouvons l’affirmer et je vais m’employer à vous le démontrer.
L’article 1er du projet de loi réaffirme le choix de la retraite par répartition, qui constitue un pacte de solidarité entre les générations et suppose une confiance partagée. Il est tout à l’honneur du Président de la République, du Premier ministre et de la ministre des affaires sociales et de la santé, tous trois socialistes, d’assurer la pérennité de ce système en relevant le défi de l’allongement de la durée de la vie.
De fait, l’espérance de vie devrait continuer de progresser d’une année tous les dix ans jusqu’en 2060 : aujourd’hui de 22 ans pour les hommes et de 27 ans pour les femmes, l’espérance de vie à 60 ans devrait atteindre un peu plus de 25 ans pour les hommes et 30 ans pour les femmes en 2040.
Par ailleurs, le phénomène bien connu des retraités du baby-boom est un facteur supplémentaire de déséquilibre du système.
L’heureuse augmentation de l’espérance de vie nous autorise, pour ne pas dire nous invite, à allonger la durée de cotisation pour rétablir l’équilibre financier dans la délicate période 2020-2040.
Dans un esprit de responsabilité et de transparence, le Gouvernement propose de remodeler le dispositif de pilotage du système de retraites, qui s’articule selon des étapes précises.
Le comité de suivi des retraites s’assurera, sur le fondement des travaux du Conseil d’orientation des retraites, du respect des objectifs financiers et sociaux du système de retraites ; il proposera des mesures correctrices si des écarts par rapport aux objectifs sont constatés, ce qui est un gage de sécurité.
Si le titre Ier du projet de loi a pour fil rouge l’équilibre financier, dont je reparlerai dans quelques instants, son titre II a pour fil rouge la justice. La pénibilité des métiers, les inégalités entre les hommes et les femmes, les carrières fractionnées, la situation des jeunes et le handicap sont autant de facteurs d’injustice : le projet de loi vise à corriger ces injustices, qui ont affaibli la solidarité du système par répartition.
Je n’entrerai pas dans le détail des différents dispositifs ; ils seront présentés lors de l’examen des articles.
J’insisterai seulement sur l’article 6, qui prévoit la création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité. Il s’agit d’une avancée sociale majeure, intégralement financée par les employeurs, ce qui du reste est logique, car la pénibilité est avant tout une conséquence de l’emploi. Ce système harmonise la prévention et la réparation, sur le fondement des dix critères de pénibilité définis par les partenaires sociaux en 2008.
Grâce à cette mesure, plus de 3 millions de salariés pourront cumuler jusqu’à 100 points de pénibilité ouvrant droit à des trimestres cotisés permettant d’avancer un départ à la retraite jusqu’à deux ans, à une formation professionnelle en vue d’une évolution vers des métiers moins pénibles ou à une conservation de la rémunération en cas de passage à temps partiel. Ceux qui cumulent un métier parmi les plus durs et une espérance de vie parmi les plus faibles sont enfin soutenus ! De plus, un service en ligne permettra aux assurés de consulter l’état actualisé de leur compte pénibilité.
L’article 6 nous place au cœur de la lutte sociale pour défendre les conditions de travail de nombreux ouvriers, faire valoir la prévention et dialoguer avec les syndicats. Assurément de gauche, cette réforme ! Qui pourrait soutenir le contraire ?
Mieux encore : le Gouvernement enfonce le clou de la justice en proposant de meilleures retraites pour les femmes. De fait, leurs parcours professionnels rythmés par la place prise par la famille dans leur quotidien ou par les temps partiels subis en font les grandes perdantes du système actuel. C’est notamment à leur intention que le projet de loi prévoit une meilleure prise en compte des temps partiels. Remarquez, mes chers collègues, que 82 % des femmes pourront valider plus facilement leurs quatre trimestres annuels. N’est-ce pas là une mesure de gauche ?
Pour ce qui concerne la protection des publics fragiles, il faut aussi souligner que, à compter du 1er janvier 2014, seront réputés cotisés tous les trimestres acquis au titre de la maternité, quatre trimestres acquis au titre du chômage, au lieu de deux actuellement, et deux trimestres acquis au titre du versement d’une pension d’invalidité. Ne sont-ce pas des mesures de gauche ?
Par ailleurs, le projet de loi encourage le rachat par les jeunes actifs d’années d’étude, faculté aujourd’hui très peu utilisée en raison de son coût élevé ; le tarif de rachat de trimestres sera plus avantageux pour les plus jeunes et les salariés percevant les plus faibles revenus.
Le texte prévoit également la validation de tous les trimestres pour les apprentis et les jeunes en alternance. Quant aux stages rémunérés en entreprise, ils pourront donner lieu au versement de cotisations d’assurance vieillesse.
Le monde agricole n’est pas non plus oublié : le projet de loi concrétise les engagements pris par le candidat François Hollande en améliorant le niveau des petites retraites des non-salariés agricoles.
Enfin, nous aborderons lors de la discussion des articles la situation des personnes défavorisées et l’élargissement de l’accès à la retraite pour les travailleurs handicapés, mais aussi la meilleure reconnaissance des aidants familiaux.
Mes chers collègues, toutes ces mesures sont bien à mettre à l’actif d’un gouvernement de gauche !
Trois innovations majeures doivent encore être signalées : un compte retraite en ligne, un pilotage des chantiers de mutualisation et une réforme visant à tendre vers un interlocuteur unique pour les polypensionnés. Un service en ligne permettra à l’assuré, pour tout service et à tout moment, d’accéder à son relevé actualisé de carrière, de réaliser certaines démarches administratives et d’échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés.
Dans ces conditions, le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites est-il un petit projet de loi, comme certains voudraient le faire croire ?
Madame la ministre, vous avez judicieusement choisi non pas de déconstruire les bases législatives déjà en place, mais d’en limiter les effets pervers, d’en combler les manques et d’en améliorer la structure.
Cette réforme est concrète et pragmatique ; elle est en adéquation avec la réalité et avec l’avenir prévisible. Menée avec un souci de concertation, elle s’inscrit dans une évolution progressive de long terme et dépasse les seuls raisonnements comptables de court et moyen terme.
Ce projet de loi vise à rétablir une justice sociale en ciblant des catégories de travailleurs aujourd’hui en difficulté, comme les femmes, les jeunes, les handicapés ou les aidants familiaux.
J’ai gardé pour la fin la question peut-être la plus difficile : celle des équilibres financiers.